Chapitre 36: Poudre de perlimpinpin
Lupa posa une main ferme mais rassurante sur l'épaule d'Elektra et se pencha légèrement, laissant échapper un soupir à la fois las et déterminé :
- On devrait les déposer chez elles et les laisser ensemble. Je ne veux pas te vexer, mais... t'es un peu la troisième roue du carrosse.
Elektra tourna lentement la tête vers Lupa, ses yeux plissés dans une expression qui oscillait entre l'agacement et la résignation. Elle se pinça les lèvres, l'air de vouloir protester, mais son regard finit par glisser vers le sol. Après un bref silence, elle hocha la tête, relâchant la tension dans ses épaules.
Puis, d'un geste soudain, elle enroula un bras autour des épaules de Lupa et esquissa un grand sourire, presque exagéré, comme pour masquer un mélange de frustration et d'amusement :
- Désolée de m'être énervée tout à l'heure contre toi. J'étais... peut-être un peu jalouse d'elle.
Lupa haussa un sourcil, surprise par la confession.
- Tu me tutoies, maintenant ? demanda-t-elle, un éclat amusé dans la voix.
- Laisse tomber, patronne. Franchement... Elektra marqua une pause, son sourire devenant plus sincère. Je suis contente de te connaître.
Lupa, touchée malgré elle, laissa un sourire discret adoucir ses traits.
- Moi aussi, Elektra.
Non loin de là, Perséphone soutenait Félice avec une attention presque maternelle. La magicienne, vacillante et épuisée, semblait lutter pour ne pas s'écrouler. Sa peau pâle et ses traits tirés contrastaient avec l'énergie rayonnante de la grande vampire, qui paraissait étrangement revigorée.
Perséphone, toujours avec son téléphone dans une main, murmurait des mots apaisants à l'oreille de Félice. Son ton était doux, presque caressant, et bien que Lupa ne puisse entendre ce qu'elle disait, elle pouvait deviner à la tendresse dans son regard que c'était quelque chose pour rassurer la magicienne.
Cependant, lorsque le regard fluorescent de Perséphone croisa celui de Lupa, un changement subtil se produisit. La vampire relâcha délicatement Félice, lui permettant de marcher seule, bien que chancelante, puis s'avança vers Lupa avec la grâce féline qui la caractérisait. Sans un mot, elle lança une clé en direction de la louve-garou, qui l'attrapa au vol, surprise.
- C'est pour quoi ? demanda Lupa en inspectant la clé avec curiosité.
Perséphone glissa les mains dans les poches de son manteau, son expression calme mais ses yeux évitant ceux de la louve.
- On dort à l'hôtel ce soir. Cela fait quelques temps qu'on squatte la chambre d'Elektra, et j'aimerais qu'elle puisse dormir dans son lit tranquillement ce soir. On lui doit bien ça.
Elle marqua une pause, son regard se détournant brièvement avant de revenir sur Lupa.
- Et il est hors de question que je mette un pied dans ton appartement.
Lupa fronça les sourcils, l'air à la fois vexé et intrigué.
- Il est super, mon appartement, murmura-t-elle en croisant les bras, son ton légèrement boudeur. Pourquoi tu...
Perséphone l'interrompit avec une précision froide mais teintée d'une légère nervosité :
- Ton appartement est en face du bar. Je n'ai pas envie d'être aussi proche d'Isaac et de Ray.
Elle baissa les yeux, comme si cette confession, pourtant simple, pesait plus lourd qu'elle ne l'aurait cru.
- Je suis désolée de... commença-t-elle, mais Lupa l'interrompit cette fois, levant une main dans un geste apaisant.
- Pas de soucis, Perce, répondit-elle avec douceur, un sourire indulgent éclairant ses traits.
La louve capta le regard fuyant de Perséphone et, doucement mais fermement, accrocha ses prunelles fluorescentes avec les siennes.
- Je comprends, ajouta-t-elle simplement, et dans ce mot résonnait une sincérité désarmante. Et puis, c'est trop cool d'aller à un hôtel ! J'espère qu'il y aura un jacuzzi. J'adore les p'tites bulles.
Un silence bref mais chargé s'installa entre elles, comme une trêve tacite. Puis Perséphone détourna les yeux, un sourire léger flottant sur ses lèvres, avant de retourner vers Félice, qui l'attendait en vacillant légèrement.
Lupa observa la scène un instant, ses pensées mêlant amusement et une légère pointe de mélancolie, avant de tourner son attention vers Elektra, qui attendait toujours à ses côtés.
- Prête à retourner bosser ? demanda-t-elle en hochant la tête vers la vampire et la magicienne.
Elektra haussa un sourcil et esquissa un sourire en coin.
- C'est toi qui va avoir quelque chose à faire cette nuit.
=^.o.^=
Mia ouvrit la porte de l'appartement, ses gestes lents et mécaniques, comme si elle exécutait une tâche qu'elle avait oubliée mais que son corps se souvenait encore comment faire. La clé tomba sur le meuble de l'entrée avec un bruit sourd. Ses yeux verts brillants, légèrement écarquillés, parcouraient l'espace, cherchant à identifier les lieux comme si c'était un territoire inconnu. Elle semblait désorientée, presque fragile dans cette posture inhabituelle pour elle.
Félice referma la porte derrière elles, posant son poids sur le battant comme si elle tentait d'y laisser derrière elle toute la fatigue et la douleur accumulées. Elle enleva ses chaussures d'un geste maladroit, mais lorsqu'il s'agissait de son manteau, son bras en écharpe refusa de coopérer. Tentant malgré tout, elle grimaça de douleur en sentant son dos craquer.
Mia, qui l'observait depuis l'entrée, ne bougea pas pour l'aider. Elle se contenta de demander avec une politesse mécanique :
- Où est-ce que je peux m'asseoir ?
Félice leva des yeux fatigués vers elle, presque déconcertée par la distance qu'imposait cette question.
- Dans la cuisine, répondit-elle en déglutissant, regardant Mia se diriger tranquillement vers une chaise, comme une invitée.
La louve-garou s'assit en croisant ses bras sur la table, son regard se perdant dans le vide quelques secondes avant qu'elle ne brise à nouveau le silence.
- Excusez-moi du dérangement... J'habite en Wellstrèt, mais je ne retrouve plus mes clés.
Félice serra les dents, retenant un soupir.
- Tu n'habites plus là-bas depuis deux ans, Mia.
La louve releva les yeux vers elle, visiblement surprise.
- Ah bon ? fit-elle, passant une main dans ses cheveux violets en bataille. Ça explique pourquoi nous ne sommes pas au Ranagan, et que je n'ai pas de clés sur moi. Vous m'avez appelée comment ?
- En effet, confirma Félice, sa voix trahissant une pointe d'amertume. Tu... tu te rappelles de ton nom ?
- Mia, répondit-elle avec assurance, avant de froncer les sourcils. Et vous ? Comment vous appelez-vous ?
Félice sentit ses yeux se remplir de larmes, mais elle les refoula, déglutissant difficilement. Elle contempla Mia un long moment, silencieuse. Cette dernière, avec sa bouille curieuse et son air presque enfantin, n'avait pas changé. Mais son regard, ce regard dans lequel Félice avait toujours trouvé refuge, était maintenant vidé de toute reconnaissance.
- Je m'appelle Félice, dit-elle enfin, sa voix douce mais tremblante.
Mia pencha la tête de côté, un sourire éclatant illuminant son visage.
- Votre tête me dit quelque chose. Et j'adore vos cheveux !
- Merci, répondit Félice en esquissant un sourire triste. Tu te rappelles de Lupa ?
Mia haussa les épaules, réfléchissant un instant.
- Oui, je sortais avec elle. Mais maintenant, elle est avec...
- Une vampire. Qui s'appelle Perséphone.
Félice hocha la tête, tentant de garder son calme malgré la douleur qui serrait son cœur.
-Et les vacances qu'on a passées ensemble, dans un manoir en Brières ?
Elle serra les poings, ses mains tremblantes sous la table. Mia fronça les sourcils, visiblement troublée.
- Vous et moi ? Je suis partie en vacances avec vous ? demanda-t-elle, écarquillant ses grands yeux verts. J'ai vraiment de la chance d'être partie avec quelqu'un d'aussi beau.
Les mots innocents de Mia frappèrent Félice en plein cœur. Elle détourna les yeux, laissant échapper un soupir qui contenait bien de la peine.
- Tu te rappelles de ton surnom ? Celui que je te donne ? murmura-t-elle avec hésitation.
Mia fronça les sourcils, plissant légèrement le nez comme si elle essayait de saisir un souvenir flou.
- Euh, absolument pas. Vous êtes de ma famille ? J'ai l'impression de vous connaitre.
- Oui, on se connaît, confirma Félice, les mots coincés dans sa gorge. Et non, je ne suis pas ta sœur. Par pitié... tutoie-moi.
- D'accord. Oh... Tout va bien ? Ca ne va pas ?
Mia se leva précipitamment, la panique se lisant sur son visage. Elle s'agenouilla devant Félice, prenant ses mains dans les siennes avec une douceur infinie.
- J'ai fait quelque chose de mal ? Je suis désolée ! Tu es blessée parce que je t'ai oubliée ? Vraiment, je fais pas exprès. Tout est confus dans ma tête...
Félice sentit les larmes couler librement sur ses joues. Elle posa une main tremblante sur la joue de Mia, la chaleur familière de ce contact ravivant des souvenirs heureux et douloureux à la fois. Mia sursauta légèrement, ses joues rougissant.
- Mon frère a peut-être effacé ou enfoui des souvenirs dans ta mémoire, murmura Félice, sa voix emplie d'amertume. Mais ce n'est pas important... Tu as faim ?
Le visage de Mia s'éclaira instantanément, son sourire éclatant dissipant momentanément la tristesse pesante de l'atmosphère.
- Ouais, trop ! T'as entendu mon estomac gargouiller ?
Félice eut un petit rire, une note de tendresse dans sa voix.
- Tu as toujours faim quand on rentre à la maison.
- J'ai habité ici, hein ? Je sais où sont les œufs ! déclara Mia avec enthousiasme.
- Laisse-moi allumer le gaz... Je vais le faire pour toi.
Dans la manche de Félice, une petite fiole sévissait. La rousse la tripotait nerveusement depuis le début de la conversation. Donnée par Perséphone au moment de se quitter, elle était sensée rendre à Mia la mémoire. Mais elle devait l'ingérer, et cela semblait difficile à faire.
- Mais non, t'inquiète ! Je vais y arriver, Félice, répondit-elle avec un clin d'œil, sa maladresse à venir déjà évidente.
Félice l'observa un instant, un sourire triste aux lèvres, se demandant si elle réussirait à recoller les morceaux de leur histoire un jour. Mais pour l'instant, Mia était là. Et c'était tout ce qui comptait.
Mia sentait le regard de la rousse sur elle en faisant un oeuf au plat. Son esprit était confus, elle se sentait à la fois sur le point de rire et de pleurer. Les odeurs de la pièce lui rappelaient des souvenirs, qu'elle égrenait du doigt. Elle se rappela le visage de Félice, doux. De celui de Elektra, qui lui inspira de la jalousie. Mais jamais du contexte dans lequel elle aurait pu la connaitre.
Félice prit sa main pour l'éloigner de la poêle et Mia rougit, sentant sa main sur la sienne. Je ne sais pas qui est cette jolie fille, mais elle est super tactile avec moi.
- Met des assiettes, je sers.
- Mais... tu as un bras cassé ! s'étonna la loup-garou, se demandant sincèrement pourquoi elle tenait tant que cela à prendre la poêle.
- Laisse moi faire.
Félice débouchonna la bouteille, ses doigts tremblants. Sentir le regard de Mia sur elle, nouveau, dénué de tout les souvenirs qu'elles avaient vécu ensemble, déchirait son coeur d'une façon étrange.
Elle n'avait jamais craint une rupture avec Mia. Toujours, elle s'était imaginée la laisser prendre une pause. Perdre un être cher n'avait jamais été douloureux, elle voyait plutôt cela comme une étape difficile dans une relation. Cependant, elle était absolument certaine que Mia n'aurait jamais voulu effacer la femme qu'elle aimait comme c'était le cas.
Et perdre aussi cruellement Mia ainsi donnait à Félice l'envie de pleurer. Elle laissa la poudre blanche et presque incolore se mélanger aux oeufs. Son ventre se noua. Et si cela ne marchait pas, qu'allait-elle faire ? Elle ne pouvait s'adresser à Mia comme avant: cette Mia-là n'était pas sa petite amie. C'était une étrangère, sûrement encore amoureuse de Lupa. Pitié, que ça marche.
Elle servit Mia, et continua de parler avec elle. La loup-garou était très polie, se tenait droite. Sa malice ne se révélait pas, signe qu'elle n'était pas très à l'aie avec la magicienne. Félice la connaissait bien et remarqua cela, renforçant son envie de pleurer.
Après quelques minutes où Mia dévora son assiette, rien ne vint.
- Tu te rappelles de l'endroit où tu poses ta serviette après la douche ? demanda-t-elle doucement, l'espoir se lisant dans son regard. Ou là où tu met le double de nos clés ?
- J'avais un double des clés de cet appart' ?
- Laisse tomber. Je... Tu peux me dire le nom de mon frère ?
- Euh, absolument pas, bafouilla Mia, gênée. C'est un ancien ami à moi ?
Félice se leva, faisant racler sa chaise. Elle se détourna un moment, chassant à grands battements de cils les larmes qui envahissaient ses yeux. La poudre magique que Perséphone lui avait donné ne marchait pas, c'était trop beau pour être vrai. Mia avait mangé une omelette entière qui en contenait, et ne savait rien des derniers mois qu'elles avaient passé ensemble.
Elle se décourageait. Peut-être qu'au final, Mia serait plus heureuse sans elle. Félice n'avait pas la force de recommencer cette relation, la force de faire semblant de découvrir ses lèvres pour la première fois à nouveau. Elle ouvrit la petite fiole et ingurgita son contenu.
Mia la vit rester de dos un moment, et, inquiète, posa une main sur son épaule. Elle se leva aussi, faisant un pas vers elle:
- Mademoiselle, tout va b...
Félice se retourna aussi brusquement que son corps abimé le pouvait, et l'attrapa par la taille, pour la prendre contre elle, et l'embrasser à pleine bouche. Mia écarquilla les yeux, sentant son coeur s'emballer et ses joues devenir rouge. Une petite cloche sonnait dans son cerveau. Qu'est-ce que cette magicienne trop sexy venait de faire ?!
Le baiser dura quelques instants, elle entendait Félice respirer plus fort, son corps secoué de secousses... Mia se demanda si elle pleurait. Pourtant, elle sentait la langue téméraire de la rousse rejoindre la sienne, sa bave envahir sa bouche.
Félice s'écarta d'elle, un liquide étrange aux coins de sa bouche. Ses yeux débordèrent de larmes, et elle recula en sanglotant:
- Je suis désolée, Mia de Ranagan. Ca ne... Ca ne marche pas.
Et elle s'échappa de la cuisine en courant pour s'enfermer dans la salle de bain. Des sanglots l'étreignirent, elle s'effondra contre la fenêtre qu'elle peina à ouvrir à une main. Elle huma l'air nocturne en pleurant, incapable de retenir la boule qui étreignait son coeur. Sa tentative despérée de lui faire ingérer la substance, en lui donnant directement avec sa bouche, lui avait rappelé l'horrible épisode qu'elles avaient vécu ensemble.
Félice, amoureuse de Mia, s'était faite embrasser devant tout le manoir par cette dernière pour rendre jalouse Lupa. Elle s'était sentie atrocement mal de partager un premier baiser avec celle-ci de cette façon, mais Perséphone l'avait protégée et Mia s'était excusée.
Pourquoi reproduisait-elle l'exacte chose qui lui avait fait du mal ? Elle n'avait pas demandé à Mia si elle était d'accord pour être embrassée. Elle s'était mal comportée, et détestait cela.
- Bordel... renifla-t-elle, la vue brouillée de larmes.
Une main enlaça sa taille avec douceur, et une voix murmura à son oreille:
- Pleure pas, petit coeur.
=^.x.^=
La suite de ce chapitre ne sera publiée qu'en bonus car uniquement Lemon-esque (si je puis m'exprimer en de tels termes). De ce fait, elle n'est pas utile à l'intrigue et peut ne faire office que de passage mignon.
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