- Haha ! s'esclaffa Perséphone, se tournant vers le médecin avec un sourire forcé. Excusez-la. Elle est un peu chamboulée par la nouvelle et elle ne sait pas ce qu'elle dit. Mais ne vous inquiétez pas, je vais m'entretenir avec elle quelques secondes, et on va clarifier certaines choses.
- Qui est Isaac de Trémondois ? demanda la barman, ses yeux intelligents se posant sur Mia.

- Aucune idée, répondit cette dernière avec un haussement d'épaules, visiblement surprise par la question.

Lupa n'eut pas le temps de répliquer : elle sentit une main ferme la saisir par la taille. En une fraction de seconde, Perséphone l'avait entraînée dans le couloir immaculé. La porte se referma derrière elles, étouffant les murmures dans la pièce principale.

La vampire posa une main autoritaire sur l'épaule de la louve et, son visage tiré par une colère froide, demanda d'un ton brusque :

- On peut savoir ce qui te prend ?

Lupa recula légèrement, prise au dépourvu par l'intensité du regard de Perséphone.

- Perce, je suis sûre d'avoir raison, murmura-t-elle, mais sa voix manquait de l'assurance qu'elle espérait transmettre.

- Comment ça ? D'où ça sort ? Isaac est un chevalier, il ne ferait jamais ça ! s'exclama Perséphone, sa voix montant d'un cran.

- Tu dis ça parce que ton cœur et tes yeux sont troublés, grogna Lupa, évitant le regard de la vampire.

- Et toi, ton cœur n'est-il pas troublé aussi ? répliqua Perséphone avec un ton acéré. Tu l'accuses, alors que tu ne le connais même pas ? Ça n'a pas de sens.

- Si, ça a un sens, rétorqua Lupa, les sourcils froncés, mais elle détourna le regard.

- Je n'en vois pas ! Explique-moi !

Lupa ouvrit la bouche, mais aucun mot ne sortit. Elle recula davantage, jusqu'à ce que son dos touche le mur immaculé.

- Lupa de Ranagan, siffla Perséphone en plantant ses yeux bleus glacés dans ceux de la louve. Si tu n'as aucune explication, je ne vois qu'une seule chose : tu es simplement jalouse de lui. Tu ne peux pas accuser quelqu'un d'une chose aussi grave juste parce que tu ne l'aimes pas !

- C'est pas ça ! rugit Lupa, sa voix brisant le silence du couloir.

- Oh, ne te sens pas agressée, alors que tu as littéralement accusé l'un de mes êtres chers devant tout le monde, répliqua Perséphone, son ton devenant cinglant.

- Un de tes êtres chers, hein ? lâcha la brune, une pointe de colère dans la voix. 

- Oui. Il y a un problème avec ça ?! gronda la vampire, se rapprochant pour coller son visage au sien. 

Son menton relevé et son regard défiant narguaient la louve, qui se tordait les doigts avec nervosité.

- O-oui, en fait ! balbutia Lupa, sa voix tremblant sous la pression.

- Tu n'as vraiment rien appris de tes erreurs passées, déclara Perséphone d'un ton glacé. Ses yeux reflétaient une déception cinglante alors qu'elle s'éloignait dans le couloir, laissant Lupa pétrifiée.

- Attends ! Je voulais te le dire plus tôt, mais...

Perséphone s'arrêta net et pivota légèrement, sans toutefois la regarder directement.

- Isaac était mon petit ami, d'accord ? lâcha-t-elle, sa voix tremblante d'émotion contenue. Ça ne veut pas dire que tu as le droit de mal te comporter avec lui. Je croyais que c'était un jeu, le soir où tu as décidé de le faire fuir. Je ne pensais pas que tu étais sérieuse. Dire que j'ai cru être en sécurité en ta présence... Mais non. Tu essaies simplement de m'étouffer...

Ces derniers mots résonnèrent dans le couloir, laissant Lupa désemparée. Perséphone parlait à un haut débit, l'empêchant de la couper. Elle semblait énervée, amère de s'être laissée ainsi "berner" par la brune, alors que cette dernière semblait sur le point de craquer.

- Tu es comme les autres, n'est-ce pas ? Essayant de contrôler ma vie, mes fréquentations. Mais il faut faire face aux conséquences, Lupa. Tu vas voir ailleurs ? Très bien. Je m'en fiche. Par contre, ne me reproche pas d'avoir des...

- Mais bordel, c'est pas ça le problème avec lui !

Perséphone se figea, entendant dans la voix de Lupa un accent brisé, presque sanglotant. Ses yeux brillèrent un moment, elle se retourna pour la confronter du regard. Les beaux yeux dorés de la brune reflétaient l'urgence d'une chose non-dite, la vampire comprit que c'était important. Elle se tut, ses sourcils se haussant, pendue aux lèvres de la femme à la peau foncée.

- C'est... C'est autre chose.

- Je t'en prie, dis moi ! Je ne comprend rien quand tu fais des énigmes. 

- Je... Pitié, ne va plus le voir. Fais ce que tu veux avec n'importe qui, pars loin de moi, baise avec ma mère si t'as envie... Mais pas lui, bégaya Lupa alors que ses yeux se remplissaient de larmes de supplication.

Choquée, et surprise par le ton adopté, doux et implorant, de celle qui paraissait toujours cruelle et sans gentillesse, Perséphone s'approcha du bout de ses talons noirs. L'inquiétude se lisait dans ses yeux:

- Pourquoi ?

- Il... Il voulait...

- Calme toi.

Perséphone sentait que le corps de la brune commençait à trembler, et se rapprocha d'elle jusqu'à ne laisser qu'une distance minime entre leurs deux êtres. Elle posa ses deux mains sur les joues de la grande Lupa qui s'était recroquevillée, extrêmement angoissée. La vampire ne l'avait jamais vu ainsi, dans un état de faiblesse, et cela la faisait paniquer aussi intérieurement.

- Il veut te posséder, Perséphone. Pas comme moi je te veux, non. Lui, il veut te dominer. Il te voit comme un objet, un trophée, une poupée.

Lupa marqua une pause, sa respiration saccadée. Sa voix s'étrangla un instant avant de reprendre, un mélange de rage et de peur dans le timbre.

- Quand tu t'es réveillée chez Hélios, tu pensais juste que tu avais trop bu la veille... Mais c'était lui. Il t'a fait boire. Trop boire. Et il a profité de ta faiblesse.

Elle déglutit difficilement, ses poings serrés au point que ses ongles s'enfoncèrent dans ses paumes.

- Il était en train de baisser son pantalon quand je suis arrivée. Je l'ai surpris, Perce. Je l'ai attaqué. C'est pour ça qu'il avait un plâtre. C'est moi qui l'ai cassé en deux ce soir-là, et je ne regrette pas. Mais je n'ai pas pu rester pour te récupérer. Les gens m'avaient vu, ils croyaient que c'était moi qui t'agressais. Alors je t'ai laissée là, parce que je savais qu'au moins avec le frère de Félice, tu serais en sécurité.

Elle détourna les yeux, son visage marqué par la culpabilité.

- J-je suis désolée, tellement désolée de ne pas te l'avoir dit avant.

Lupa passa une main tremblante dans ses cheveux, sa voix brisée par l'émotion.

- Je voulais te raconter ce qu'il avait fait, vraiment, mais... tu voulais le revoir. Tu étais encore accrochée à l'image de ce qu'il avait été pour toi, à votre ancienne relation, et je ne voulais pas briser ça. Tu méritais d'avoir quelque chose de beau dans ta vie, même si ça n'était qu'un souvenir. Mais aujourd'hui... Aujourd'hui, tout ce que je veux, c'est lui sauter à la gorge, Perce.

Elle se tourna vers la vampire, le regard suppliant.

- Mais si je faisais ça, tu m'en aurais voulu. Tu m'aurais haïe, comme là... comme là tu es en train de me détester, n'est-ce pas ? Parce que j'ai encore tout gâché. Parce que j'arrive pas à faire les choses comme il faut. J'arrive pas à te protéger.

Ses épaules s'affaissèrent, et son ton devint plus doux, presque inaudible.

- Comment veux-tu que je sois avec toi alors que je ne suis même pas capable de te dire la vérité ? Comment pourrais-je être digne de toi, alors que je n'ai même pas su te protéger de lui ? Isaac...

Sa voix se brisa, et elle posa ses mains tremblantes sur son visage, mordillant sa lèvre nerveusement.

- Il voulait te baiser Perséphone, et il s'en foutait de ton consentement. Je ne peux même pas t'empêcher de me détester pour te l'avoir caché. J'suis pas jalouse, je veux juste pas... Qu'il te touche comme il l'a fait.

Lupa retenait ses larmes en parlant d'une voix basse. Elle dit tout cela sans respirer, en apnée, incapable de respirer le même air que celui de celle qu'elle aimait. Ses mains tiraient sur son grand tee-shirt Nirvana, signe de sa nervosité, dévoilant son cou marqué de suçons. Elle baissait la tête, ne regardant pas la blonde.

Cette dernière, au contraire, poussa un halètement, respirant bien plus vite qu'avant. Ses yeux s'écarquillèrent, elle resta droite, digne. Pourtant, sur son visage, on pouvait lire la trahison, la déception, la douleur qu'elle ressentait en comprenant l'aveu de la brune. La blonde n'eut pas de réaction apparente, mais une partie d'elle hurlait ce soir-là. Elle avait tant confiance en Isaac. Elle se laissa tomber et recroquevilla ses genoux contre elle.

Lupa prit un temps pour essayer de respirer calmement, même si cela n'était pas gagné. Elle tomba à genoux lourdement, faisant sursauter la vampire, et s'approcha d'elle avec lenteur. Ouvrant ses grands bras réconfortants, elle resta légèrement à distance, attendant que la blonde choisisse ou non de venir s'y lover.

Perséphone releva le regard, passa ses yeux bleus sur ses bras musclés. Elle ne réfléchit pas une seule seconde et s'élança dans ses bras de celle qu'elle aimait, sanglotant dans ses bras. Elle ne vit pas le visage de Lupa, marqué par la tristesse:

- Je suis désolée de pas avoir su mieux te protéger. 

- Tu as fais ce qu'il fallait faire, renifla la blonde en la serrant dans ses bras, enfouissant sa tête dans son cou. Ne sois pas désolée, mon amour. 

Lupa serra ses omoplates dans ses grandes mains douces et rassurantes, laissant le temps à la blonde de sécher ses larmes et de prendre conscience de la nouvelle choquante et alarmante qu'elle lui apportait. Elle avait besoin de ce moment, elle aussi, et sentit qu'elle avait l'esprit plus clair. Toujours collée à elle, Perséphone murmura:

- On ne peut pas rester à rien faire. Isaac est dangereux. 

- Je sais. J'y ai beaucoup pensé. Il ne va pas te plaire... Mais j'ai un plan.