Elektra poussa la porte de l'appartement, et l'odeur réconfortante des épices lui parvint immédiatement depuis la cuisine. Elle retira son manteau d'un geste las et jeta un regard rapide vers Mia. La louve, les yeux rougis et un regard flottant, n'avait pas prononcé plus de trois phrases sur le trajet. Pourtant, quelque chose dans son attitude était inattendu : elle ne semblait ni fâchée ni rancunière. Elektra supposa que ses explications avaient suffi à apaiser les tensions, et un silence presque paisible s'était installé entre elles.

- Et donc... Toi et Félice, ça fait longtemps ? demanda Elektra, brisant le silence d'une voix douce, cherchant à meubler la conversation.

Mia sembla réfléchir une seconde, ses pupilles félines se plissant légèrement.

- Non, vraiment pas. J'étais en couple avec Lupa avant... mais elle, elle a toujours été amoureuse de moi.

Un sourire amusé étira les lèvres de la barman, qui déposait son manteau sur le porte-manteau.

- La chance, plaisanta-t-elle avec une pointe de tendresse, en retirant aussi ses chaussures.

- Oui, répondit Mia, un léger sourire au coin des lèvres, mais sa voix trahissait un fond de mélancolie. Félice a toujours été là pour moi. Même quand ça n'allait pas. Ma relation avec Lupa, c'était... compliqué, mais elle savait toujours comment faire en sorte que ça aille.

Elektra posa son sac dans un coin, se tournant vers Mia avec une expression intriguée.

- Une relation avec Lupa... Ça doit être particulier.

Mia haussa légèrement les épaules, hésitant à répondre.

- C'était horrible, finit-elle par murmurer, baissant les yeux. J'étais complètement dépendante affectivement.

- Je comprends. Je vois tout à fait le genre d'effet qu'elle peut avoir sur les gens, répondit Elektra, d'un ton neutre.

Mia, les bras croisés, se redressa légèrement, ses yeux félins observant la barman sans animosité.

- Toi aussi.

Elektra sentit une pointe de rougeur monter à ses joues avant même de comprendre le sous-entendu.

- Moi aussi ? balbutia-t-elle, tentant de cacher son embarras derrière un faux détachement.

- Tu es tombée dans ce piège, reprit Mia calmement, un sourire presque compatissant sur les lèvres.

- N-non... Elektra détourna les yeux, cherchant ses mots. Je ne suis pas amoureuse d'elle, je savais qu'elle était déjà prise.

Mia inclina légèrement la tête, fixant Elektra de son regard perçant, presque désarmant.

- Redis-moi ça dans les yeux ? demanda-t-elle avec douceur, sans aucune trace de méchanceté dans la voix.

Elektra ouvrit la bouche pour répondre, mais aucun mot ne sortit. Son regard se perdit sur le sol, et elle soupira profondément, son visage trahissant une sincérité désarmante. Mia laissa un petit rire lui échapper, brisant la tension.

- Tu veux manger quelque chose ? demanda-t-elle en se dirigeant vers la cuisine, attrapant une poêle. Je suis la professionnelle des oeufs. 

Elektra releva la tête, un sourire gêné s'étirant sur ses lèvres.

- Ouais... Je veux bien.

Elle la regarda s'activer, une chaleur étrange naissant dans sa poitrine. Peut-être que cette conversation maladroite marquait le début de quelque chose entre elles.

=^.x.^=

Isaac de Trémondois arriva en boitant légèrement, la démarche raide. Lorsqu'il s'assit en face de Perséphone, celle-ci lui adressa un sourire poli. Cependant, le chevalier ne répondit pas. Une large égratignure traversait sa joue, et son bras gauche était plâtré. Ses yeux clairs étaient teintés d'une pointe de mépris, ce qui surprit la vampire.

- Isaac de Trémondois. Ça faisait longtemps, dit-elle, son ton léger mais curieux.

Il grogna en guise de réponse.

- Pas tant que ça, rétorqua-t-il sèchement.

Perséphone pencha légèrement la tête, observant son visage marqué.

- Qu'est-ce qui t'est arrivé ? demanda-t-elle, un soupçon d'inquiétude perçant sa voix.

Ses yeux se posèrent sur le plâtre que portait l'homme au bras.

- Je suis... tombé, répondit Isaac, son regard fixé sur elle, dur et distant.

- Mince. J'espère que ça ira mieux, dit-elle sincèrement.

- C'est ça, répondit-il avec un ton bourru, avant de détourner le regard.

Un silence inconfortable s'installa, brisé par Perséphone.

- Tu as l'air de mauvaise humeur. Pourquoi m'avoir proposé de sortir si tu n'en avais pas envie ?

- Désolé. Ce n'est pas ça, répondit-il en soupirant. Je suis juste fatigué.

Le serveur approcha pour déposer les menus, et la vampire leva la tête, dévoilant involontairement son cou gracile. Isaac fronça les sourcils en apercevant une marque rouge.

- Tu as quelque chose sur la gorge, dit-il brusquement.

Perséphone répondit immédiatement, presque trop vite :

- Bouton de moustique.

Elle redressa le menton, le fixant avec un air légèrement provocateur, passant les doigts sur le suçon.

- Pourquoi tu regardes ma gorge ? Mes yeux sont plus haut.

Isaac détourna les yeux, gêné.

- Mes excuses, madame.

Perséphone plissa les yeux, observant son expression fuyante. Elle s'apprêtait à lui dire, avec un soupçon d'agacement, qu'il pouvait partir s'il le souhaitait. Mais, contre toute attente, elle se sentait étrangement détendue en sa présence. 

C'était peut-être grâce à la douche qu'elle avait passé avec Lupa. Son corps en vibrait encore, les mains de Lupa avaient été si douces, savonnant leurs corps, lui prodiguant des sensations si agréables... L'esprit de Perséphone divaguait. Elle rougit et se tapota le crâne en essayant de se concentrer sur ce qu'il disait.

- Perce, tu m'écoutes ? demanda Isaac, son ton trahissant une pointe d'agacement.

- Appelle-moi Perséphone, je te prie, coupa-t-elle, plus sèchement qu'elle ne l'aurait voulu.

Isaac sourit faiblement, mais ses mots suivants glacèrent l'atmosphère.

- Quand nous étions en couple, je t'appelais comme je voulais.

La vampire croisa les bras et le fixa, son regard devenant aussi tranchant qu'une lame.

- Je ne suis pas un objet, Isaac. Et il n'y a qu'une personne qui peut m'appeler Perce actuellement.

Une voix grave et rauque s'éleva derrière Isaac, le faisant sursauter.

- C'est moi.

Isaac pivota rapidement, découvrant une femme qu'il avait d'abord prise pour une serveuse. Elle portait un smoking noir parfaitement taillé qui accentuait sa carrure imposante. Ses cheveux bouclés étaient relevés en un chignon désordonné, et ses yeux dorés brillaient d'une lueur dangereuse.

Le chevalier blêmit en la reconnaissant.

- V-vous êtes une amie ? bredouilla-t-il, la panique montant en lui.

- On peut dire ça, répondit Lupa avec un sourire froid, ses yeux ne le quittant pas, comme un prédateur sur sa proie.

Perséphone, qui observait la scène avec un mélange d'amusement et de curiosité, ajouta :

- J'oubliais de te présenter ma Patronne, précisa-t-elle en jouant avec son verre de vin.

Lupa détourna un instant son regard glacial vers la blonde.

- Perce m'a beaucoup parlé de vous, grogna-t-elle avec une intensité qui fit tressaillir Isaac.

Le chevalier, sentant une sueur froide perler sur sa nuque, murmura :

- Je... Je vais aux toilettes.

Il se leva précipitamment, ses mouvements maladroits trahissant sa nervosité. Isaac savait qu'il n'était pas en sécurité face à ces deux femmes. Perséphone, avec son sourire mystérieux, et Lupa, avec son regard fauve chargé de menace, incarnaient à ses yeux deux prédateurs redoutables.

Il recula d'un pas hésitant avant de tourner les talons. Mais au lieu de se diriger vers les toilettes, il sortit du bar en courant presque, préférant fuir plutôt que d'affronter un danger qu'il ne comprenait pas pleinement.

Perséphone posa son verre sur la table et jeta un regard interrogateur à Lupa.

- Tu l'as fait fuir, je crois.

- Tant mieux, répondit la louve avec un air sombre.

La vampire haussa les épaules, un sourire énigmatique sur les lèvres.

- J'espérais au moins qu'il paie l'addition avant de partir.  

- Je peux finir son assiette ?

Perséphone passa sa main dans les cheveux de la loup-garou, dans un geste affectif. Elle sourit doucement en la regardant engloutir le reste des pâtes que le chevalier n'avait pas touché.

- Quelle goinfre. Tu n'as pas mangé depuis un mois ? lança Perséphone, un sourire moqueur aux lèvres.

- J't'emmerde, répliqua Lupa entre deux bouchées, mâchant bruyamment. Pourquoi tu allais manger avec lui ?

- Je n'avais pas à te prévenir. Isaac est un de mes ex, on s'entend bien...

- T'as pas besoin de lui, murmura Lupa, sa voix rauque teintée d'un air menaçant qui fit hausser un sourcil à la vampire.

- Je n'ai besoin de personne, répondit Perséphone d'un ton détaché.

- Si. T'as besoin de moi, insista la louve, son regard doré brillant d'une intensité troublante.

- ... Si tu veux, céda Perséphone en levant ses yeux bleus au ciel, exaspérée.

La vampire commanda un café d'un geste élégant et posa sa main sur celle de Lupa. La main de la louve, crispée, était traversée de veines saillantes, trahissant une tension qu'elle peinait à masquer.

- Pourquoi tu réagis comme ça ? demanda Perséphone, plus douce. Je prends assez mal ta jalousie, surtout au vu de ce que tu as fait avec Elektra.

Lupa redressa la tête brusquement, le rouge montant à ses joues.

- Mais j'suis pas jalouse ! C'est pas ça ! Tu t'envoies en l'air avec lui si tu veux, je m'en fous...

-Bien sûûûr, ironisa Perséphone avec un sourire railleur. Tu t'en fous, vraiment ? Tu crèves de jalousie, puppy. 

Elle éclata de rire, mais Lupa, impassible, resta figée dans une expression angoissée. Cette absence de réaction fit froncer les sourcils à la vampire, qui retira sa main de celle de Lupa, l'air contrarié.

- Ce n'est pas drôle, murmura Lupa d'une voix tremblante. Tu ne m'as pas prévenue que tu partais, tu ne m'as pas prévenue qu'on ne mangeait pas ensemble, que tu mangeais avec ce vio-

Violeur.

- Tu es déçue qu'on n'ait pas mangé ensemble, coupa Perséphone, son ton se radoucissant. Elle inclina la tête, un sourire attendri sur les lèvres. C'est mignon.

- Arrête de dire que je suis mignonne ! C'est faux ! s'écria Lupa, les joues en feu.

- Ma petite masc, taquina Perséphone, glissant doucement sa main sur le cou de la louve, traçant de petits cercles du bout des doigts.

Lupa soupira, visiblement vaincue, tandis que le serveur apportait le café. La vampire retira ses mains et posa la soucoupe devant Lupa, un sourire satisfait sur le visage.

- C'est pour toi.

- Gné ? fit Lupa, l'air perdu. Mais... T'en as commandé qu'un seul ! Tu ne vas pas me regarder boire alors que...

- Ma boisson est juste devant moi, répliqua calmement Perséphone en sortant une lime à ongles de son sac, son sourire prenant une tournure presque malicieuse.

Lupa resta figée, cherchant à comprendre, avant que la vérité ne frappe. Ses yeux s'écarquillèrent et ses mâchoires se serrèrent, mais aucun mot ne sortit.

Perséphone, quant à elle, continua de limer ses ongles avec une élégance déconcertante, son sourire s'élargissant.

- Perséphone, grogna finalement Lupa. Tu es vraiment une créature démoniaque.

La vampire haussa légèrement les épaules, feignant l'innocence, mais le scintillement dans ses yeux disait tout.