Il y a un an:

Félice soupira profondément en fermant les yeux, essayant d'oublier la voix d'Elektra qui continuait à résonner dans le couloir derrière la porte. Elle était fatiguée, épuisée par cette dispute qui lui laissait une sensation amère. Mais ce n'était rien comparé au frisson désagréable qui la traversa lorsque Hélios se pencha sur elle.

Elle ouvrit un œil et le vit, son frère, planté là, une silhouette longiligne projetant une ombre inquiétante dans la pénombre de l'entrée. Ses yeux sombres brillaient d'un éclat étrange, presque trop avide.

- Tout va bien, Félice ? demanda-t-il, sa voix doucereuse mais teintée d'une curiosité qui la fit sursauter.

Félice détourna le regard, irritée.

- Oui. C'est rien.

Hélios ne bougea pas, ses yeux la scrutant avec insistance.

- Je vous entends... Vous êtes rentrées fâchées. Ça sent l'orage.

Elle roula des yeux, se levant légèrement sur les coudes.

- Retourne faire ta magie noire dans ta chambre, Hélios.

Mais il ne partit pas. Au lieu de ça, il contourna Félice, se plaçant directement devant elle. Ses gestes étaient lents, calculés, et son sourire n'atteignait pas ses yeux. Félice sentit une tension familière s'installer : un mélange de malaise et d'exaspération qu'elle ressentait toujours en présence de son frère.

- Félice est fâchée, murmura-t-il, presque avec une satisfaction perverse.

- Oui, admit-elle, se mordant la lèvre pour contenir sa frustration. Elle m'énerve.

Hélios haussa un sourcil, s'accroupissant pour être à son niveau.

- T'es pas heureuse avec elle. Tu crois pas ?

- Je sais pas, répondit-elle d'un ton sec, voulant clore la discussion. Là, maintenant, non. Mais ça arrive, de se disputer.

Hélios se redressa légèrement, un rictus énigmatique sur son visage.

- Elle t'a blessée ? demanda-t-il soudain, sa voix devenant plus basse, presque un murmure conspirateur.

Félice cligna des yeux, surprise par la question.

- Blessée ? répéta-t-elle. Dans le cœur, peut-être. Mais ça arrive, ce genre de choses.

Hélios s'approcha d'elle, si près qu'elle recula instinctivement contre le mur. Ses yeux, sombres et intenses, semblaient vouloir la disséquer.

- Si elle t'a blessée, je peux m'en occuper, dit-il doucement.

Le ton glacial qu'il employa fit frissonner Félice.

- Comment ça, t'en occuper ? demanda-t-elle en fronçant les sourcils, méfiante.

Hélios inclina la tête, comme un corbeau observant une proie. Sa soeur se redressa brusquement, le regard alarmé.

- Hélios, arrête tes conneries.

Mais il ne semblait pas plaisanter. Il s'agenouilla complètement devant elle, ses longs doigts effleurant presque ses genoux.

- Ce serait facile, Félice ! murmura-t-il. Je connais des sorts. Des malédictions. Des choses qui pourraient... éviter que tu aies mal.

Le cœur de Félice s'accéléra. Elle connaissait son frère. Elle savait qu'il avait un penchant pour l'étrange et le dangereux, mais là, il allait trop loin.

- Hélios, je te jure que si tu fais quoi que ce soit à Elektra...

- Ma soeur ne doit pas souffrir, l'interrompit-il, sa voix se teintant d'une excitation fiévreuse. Et elle te fait souffrir. Pourquoi la laisser continuer ? Pourquoi ne pas l'effacer, comme ça ? Pouf.

Il claqua des doigts, et Félice sursauta.

- Hé ! cria-t-elle, se levant brusquement. Arrête ça, maintenant ! Ca ne me fait pas rire.

Mais son frère ne bougea pas. Il la regarda, son sourire s'étirant davantage, inquiétant.

- Ne t'inquiètes pas, Félice, murmura-t-il avant de reculer lentement, disparaissant dans l'ombre du couloir. Je m'occupe de tout.

Félice resta figée, le cœur battant à tout rompre. Elle savait qu'il était fou, mais jamais elle n'aurait pensé qu'il pourrait aller aussi loin. Sa main tremblante se posa sur son front, et elle inspira profondément pour calmer les frissons qui parcouraient son corps. "Non. Calme toi... Il ne fera rien. Ça fait depuis toujours qu'il est comme ça, il ne fera rien à personne."

=^îxî^=

Lupa dévalait les escaliers comme une tempête, son instinct de louve en alerte maximale. Chaque fibre de son être hurlait que quelque chose de terrible se tramait. Elle avait laissé Perséphone enfermée dans la chambre avec un ordre strict de ne pas bouger, mais elle savait que le danger ne se trouvait pas là-haut. C'était en bas, là où son instinct l'attirait, où l'air lui semblait chargé d'une tension presque électrique.

Au moment où ses pieds frappèrent la dernière marche, une silhouette noire jaillit de nulle part à une vitesse inhumaine. Son hurlement instinctif fendit l'air :

- Attention !

Son cri d'alarme sauva plusieurs vies. Dans le chaos, elle croisa brièvement le regard de Mia de Ranagan, dont les yeux verts s'illuminèrent d'une reconnaissance immédiate. Sans perdre une seconde, celle-ci bondit, agrippant Félice pour la plaquer violemment contre un mur et la mettre hors de portée de l'assaut.

La forme noire fondit alors sur Elektra. Avant que quiconque ne puisse intervenir, Lupa agissait déjà. Ses réflexes lupins prirent le dessus : elle bondit avec une puissance fulgurante, atterrissant lourdement sur le dos de l'agresseur.

Le choc fut brutal. Hélios rugit de colère pure alors qu'il perdait l'équilibre. Tous trois – Lupa, Hélios et Elektra – s'écrasèrent violemment au sol. La blonde heurta le plancher avec une telle force que l'arrière de sa tête fit un bruit sourd, et Lupa sentit son propre souffle se couper. Mais avant qu'elle ne puisse réagir, un phénomène étrange se produisit. Hélios, toujours en proie à une rage indescriptible, sembla se dissoudre dans une sorte de vortex astral. Elektra, inconsciente, fut entraînée avec lui, leurs silhouettes disparaissant dans le plancher comme si la réalité elle-même s'était ouverte sous eux.

- OÙ EST-IL ?! rugit Lupa en se redressant, ignorant la douleur fulgurante dans ses genoux.

Dans l'ombre, Félice, encore sous le choc, fixait le point de disparition avec des yeux écarquillés. Mia, quant à elle, la tenait toujours fermement contre le mur, visiblement prête à exiger des réponses.

- Ils ne sont pas partis, Lupa ! s'écria Félice, sa voix tremblante. Ils se sont déplacés dans la pièce grâce à un sortilège de transplannage !

Lupa, le regard incandescent, commença à tourner sur elle-même, reniflant l'air avec une intensité presque animale. Son grondement sourd emplissait le bar.

- LÀ ! hurla Félice, pointant du doigt une fenêtre éclatée.

Le roux venait de briser la vitre, et était passée par celle-ci pour tenter de s'échapper. Hélios, maintenant visible dans la rue, tenait Elektra par la gorge. La barman suffoquait, ses doigts griffant désespérément le bras de son agresseur. Le verre explosé jonchait le sol, et des éclats semblaient s'être plantés dans la peau d'Elektra, qui poussa un cri de douleur déchirant.

Lupa perdit tout contrôle.

Elle se rua vers la sortie comme un boulet de canon, renversant tout sur son passage. Elle bouscula une vieille dame à l'entrée, sépara des groupes de clients affolés, et bondit par la fenêtre éclatée pour atterrir directement dans la rue.

- LUPA ! hurla Elektra d'une voix étranglée, son regard suppliant croisant celui de la louve.

Félice, prise de panique, voulut suivre son amie, mais une poigne de fer l'arrêta. Mia, les yeux brûlant de colère, la retint.

- C'est qui, ces gens, Félice ?! demanda-t-elle, sa voix grondant d'une fureur qui masquait son inquiétude.

- Mon frère ! cria Félice, se débattant. C'est mon frère, et je n'ai aucune idée de ce qu'il est en train de faire ! Maintenant laisse-moi passer !

- TON FRÈRE ?! rugit  Mia, abasourdie. Tu ne m'as même pas dit que tu avais un frère !

Félice grimaça, son bras tiré si violemment qu'elle poussa un gémissement de douleur.

- C'est pas le genre de frère qu'on présente à sa copine ! siffla-t-elle, désespérée. Mia, je t'en supplie, lâche-moi ! Elektra est en danger !

- C'est qui, cette fille ?! rétorqua Mia, ses yeux brillants d'une jalousie mal contenue.

- Mon EX, d'accord ?! hurla Félice, le visage cramoisi. Mon ex, et maintenant laisse-moi !