Chapitre 14: Dans la ruelle obscure
Elektra sortit du bar quelques secondes pour prendre l'air. Toute cette histoire ne la touchait pas particulièrement, elle avait toujours été d'un tempérament calme et flegmatique. Seulement, savoir une vampire en panique près de sa patronne (en panique aussi) la fatiguait pas mal. Elle montra le verre de lait chaud par la vitre à cette dernière qui semblait le chercher.
La louve déguerpit à l'étage. Elektra la regarda faire avec un peu de tendresse. Lupa était hautaine, imprévisible et colérique. Mais en la connaissant mieux, la barman voyait qu'elle était aussi pleine de bonne volonté, et qu'elle n'était au final pas si différentes d'autres loup-garous.
Un bruit étrange venant des poubelles, au contrebas de la rue, la fit sursauter. Elle croisa les bras, serrant son costume contre elle, et passa une main dans ses cheveux blonds en carrés. De l'un des contenants verts semblait s'échapper une masse noire, comme un corps en décomposition.
Figée, elle écarquilla les yeux, incapable de regarder autre part. La masse sombre s'étalait sur le sol tel une mare de sang poisseux, remuant, globuleux. Un son s'accompagnait à cela, inquiétant, comme un écho dans une montagne.
Tétanisée, Elektra regarda en l'air, sentant une chape de plombs tomber sur ses épaules, et vit que le soleil s'était éteint et que le ciel était noir. Elle retint un hurlement d'horreur, et courut vers le bar.
Borde, Félice, je te déteste, c'est quoi cette merde ?!
=^.x.^=
Perséphone s'assit sur le lit, buvant à petites gorgées le lait que Lupa lui avait donné. Elle jeta un regard qui se voulait assassin à cette dernière, mais elle ne réagit pas. Elle lui tendit le verre à nouveau, vide, et replia ses genoux contre elle.
Entretemps, elle s'était changée. Trouvant des habits à Elektra dans les placards, elle avait enfilé une chemise blanche ample et un pantalon en toile large. Ses pieds seuls étaient nus, elle les regardait s'agiter sans rien dire.
- J'sais pas quoi dire, marmonna Lupa.
- Ne dis rien, alors.
- Bah, je pense que tu voudrais que je te dise quelque chose, non ? On a... Beaucoup de choses à se dire.
- Pas forcément, murmura Perséphone, sans croiser son regard.
- Okay. J'ai compris, je ne voulais pas t'embêter, je...
- Bien sûr que tu veux m'embêter.
- Pas si tu vas pas bien. C'est pas drôle.
Il y eut un silence. Lupa s'était adossée contre le mur en face du lit double de Elektra, où la blonde élancée se blottissait dans les couvertures. Alors que Lupa était baignée dans un agréable rayon de soleil, Perséphone était l'ombre de la chambre. Seul ses iris bleues, parfois, clignotaient faiblement.
- Alors, c'est ta petite amie ? chuchota Perséphone en levant le menton, la regardant pour la première fois depuis le verre de lait.
- Qui, Elektra ? Nan.
- Vous avez l'air. Vous agissez comme un couple.
Cela paraissait être un compliment, sorti ainsi de la bouche de la vampire. Mais son visage était empreint d'une douceur douloureuse, d'une tristesse profonde. Lupa, elle, interpréta ses mots comme si c'était des poignards. Elle n'avait jamais voulu sortir avec qui que ce soit d'autre que la vampire, et accusa le coup.
- J't'assure que nan.
Celle-ci tapota une place à côté d'elle sur le lit, semblant retrouver des forces. Lupa s'y assit en silence, pinçant ses lèvres sèches.
- C'est ta vie après tout. On fait des rencontres... Des chemins qui se croisent, puis se séparent.
- Arrête de dire ça, grogna la loup-garou, une certaine panique se lisant dans ses yeux. Dis pas ça.
Lupa s'adossa contre le sommier du lit en ouvrant les bras, cherchant à inviter Perséphone à s'y blottir. Celle-ci la regarda de haut en bas, analysant le tee shirt qu'elle portait, ses bras musclés, ses yeux jaunes. Puis, elle posa la tête sur son épaule, et se tourna dos à elle.
Lupa ferma les yeux, les battements de son coeur s'affolant alors que leurs corps s'apaisaient. Et elle laissa les souvenirs l'envahir.
=^0x0^=
- Qu'est-ce qu'elle fout avec ce batard ? fulminait-elle, les mains dans les poches.
Malgré le peu de distance avec les deux personnes qu'elle prenait en filature, celles-ci ne l'avait pas vue. Isaac de Trémondois avait une sacrée tête d'ange, et c'était l'archétype du beau gosse. En le voyant, Lupa sentait son coeur se serrer de jalousie, se comparant à lui.
- Qu'est-ce qu'elle lui trouve, en plus ?
Elle les regarda entrer dans un bar, et sortit un cigare qu'elle mit à ses lèvres. En l'allumant, elle se dit qu'elle attendrait dehors pour l'accoster. Prenant son temps, elle marmonnait à voix haute la formulation de ses phrases. "Ouais, Perce. J'suis désolée pour mon comportement cet arpèm, j'ai été franchement nulle... Non... J'suis désolée pour ce que je t'ai fais, c'était pas cool... Non, ça fait animateur de colo de vacances... Je m'excuse de t'avoir prise pour une pute. Oulah, elle va me tuer, si je dis ça, mauvaise idée."
Vers deux heures du matin, Perséphone sortit enfin. Seulement, elle semblait mollement se débattre avec le chevalier qui l'accompagnait. Lupa jeta son mégot sur le trottoir, rougeoyant, et fronça les sourcils. Puis, Isaac l'accula contre un mur, ses mains sur ses hanches. Lupa ne voyait pas la tête de Perséphone, puisqu'elle avait le visage contre un mur.
Mais elle sentit tout de suite que son instinct lui disait que ce n'était pas bon. Elle retroussa sa manche et sentit la colère irradier dans son corps. La moutarde lui monta aux narines , et ses bras se couvrirent de poils bruns.
Ses yeux brillaient sous le ciel noir, alors qu'elle grandissait, qu'elle devenait un monstre enragé. Le loup qu'elle devenait faisait deux bons mètres de hauteur, et Isaac se retourna lorsqu'il sentit une ombre sur lui et la femme qu'il tenait.
Lupa n'hésita même pas avant de trancher ce qu'elle pouvait trancher d'un coup puissant. L'homme hurla, s'éloignant de Perséphone qui semblait intacte. Du sang éclaboussa le mur, le bras de l'homme s'affaissa comme un petit cadavre contre lui. Elle avait sectionné des tendons, touché l'os, peut-être.
Isaac prit ses jambes à son cou, sa braguette descendue, son pantalon tombant à ses genoux. Lupa tenta de calmer la fureur qui lui permettait d'entretenir cette forme animale, pour se pencher vers Perséphone. Mais elle sentait que déjà la ruelle s'emplissait de regards curieux.
Une petite foule s'était attroupée autour d'elles, et les taches de sang laissées par Isaac, les griffes ensanglantées de Lupa, portaient à confusion. "Elle va l'attaquer ?" "Faites quelque chose, appelez la police, il y a un loup enragé qui s'apprête à agresser une femme !"
La louve brune tourna autour d'elle-même, acculée, et reconnut un visage qui lui semblait familier. La femme blonde qu'elle avait un jour agressée dans un bar, qui la regardait dans les yeux, la reconnaissant. Elle avait un téléphone à la main, et composait le numéro de la police.
Lupa déglutit, retrouvant sa forme humaine, et prit son élan, sauta sur une poubelle pour rejoindre un toit, s'échappant à la vue de tous.
- Ecartez vous ! grognait un homme dans la foule, aux cheveux roux. J'vais m'en occuper.
Lupa regarda du haut du toit Hélios soulever Perséphone grâce à sa magie, s'éloignant de la foule. Elle soupira de soulagement, la voyant en sécurité, et disparut derrière les tuiles.
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