La confusion se lut dans les yeux de Félice lorsqu'elle se réveilla dans un lit qui n'était pas le sien. La première chose qu'elle se dit était que Lupa l'avait déplacée pendant qu'elle dormait. Ce n'aurait pas été étonnant, puisque la brune était connue pour sa force prodigieuse, et la rousse pour son sommeil lourd. 

Seulement trouver des mèches violettes sous sa couette la fit se concentrer soudainement sur l'instant présent. Mia dormait à côté d'elle, roulée en boule contre son ventre. Seul sa queue brun clair et ses cheveux à la teinture violette dépassaient du drap. Surprise, Félice se figea lorsqu'elle l'entendit marmonner quelque chose, sûrement en état de semi-réveil.

Mia n'était pas au courant que ce n'était pas Lupa qui était dans son lit... et cette dernière se mettrait en colère si elle la voyait là. De plus, il était impoli, et pervers de se glisser dans le lit de quelqu'un sans son consentement.

La rousse déglutit en essayant de sortir son buste du drap douillet, pour rejoindre incognito le sien.

- Tu fais quoi ? dit la violette alors qu'elle redressait son buste.

- Je... Désolée, c'est Félice, balbutia la magicienne avec embarras.

Et je ne sais pas ce que je fais là.

- Je sais, répondit Mia en baillant et en ouvrant ses yeux marrons. 

Félice resta assise, le drap sur ses genoux, sans vraiment savoir quoi faire d'autre que la regarder avec des yeux de pigeon zonant à Paris. 

- On dirait que tu as vu un fantôme. 

- Non mais... enfin, je suis vraiment désolée d'être dans ton lit... Est-ce que...

Félice se mit soudain à avoir affreusement peur, et dit d'un ton rapide et haché:

- Il s'est passé quelque chose dont je ne me souviens pas ?

- Absolument pas. Calmes toi, t'as l'air affolée.

Mia se releva avant de bailler d'un air un peu endormi:

- Ça te dérange ? Désolée, je déteste dormir seule.

- Non... Tu aurais pu me prévenir et me réveiller quoi, dit la magicienne d'un air légèrement outré. 

- Désolée...

- Pas de problème.

Félice rougit et sortit du lit assez rapidement, gênée de se retrouver si près et en chemise de nuit de celle pour qui son coeur s'affole. La loup-garou, au contraire, sembla juste légèrement déprimée et se dépêcha d'aller se laver les crocs dans la salle de bain.

- Ne m'attend pas pour aller prendre ton petit déjeuner, la prévint elle en passant sa tête bouclée vers elle, par l'embrasure de la porte.

Félice hoche la tête, un peu rassurée de pouvoir se remettre de cette frayeur matinale en franchissant la porte de la chambre pour se retrouver dans le couloir. 

Lupa aussi n'avait pas bien dormi, puisqu'à même le sol. Elle était dans une humeur massacrante. Le matin-même, elle s'était attendue à se réveiller d'un mauvais rêve dans les bras de Perséphone, qui la couvrirait de baiser tendres et affectueux, allant lui chercher un café et une pâtisserie pour la remercier de ce don de sang et de ces baisers qu'elles avaient échangées.

Ce ne fut pas le cas. Elle la mit dehors au réveil, lui disant gentiment "d'aller se faire foutre elle et ses principes dominants". Lupa l'avait extrêmement mal pris, évidemment. La rousse et la brune se retrouvèrent dans le couloir.

- Tiens, tu n'as pas dormi dans la chambre, dit la magicienne en lui jetant un regard à demi plein de rancoeur, mi curieux.

- Nope. Je suis allée... Euh, dormir plus loin.

Lupa avait la trace des lattes du parquet sur sa joue et ses beaux yeux noirs lançaient des éclairs. La rousse, remarquant cet élément que la fierté de la loup-garou essayait en vain de masquer à ses yeux, se prit d'un fou rire qui dura tout le petit-déjeuner. Durant lequel les regards de Lupa laissèrent Perséphone de glace...

Dracula annonça devoir s'absenter le temps d'une matinée, et étrangement, sa femme et Amande l'accompagnaient. Lupa et Félice s'échangèrent un regard un peu suspicieux, sans rien dire, vu que Ray était occupé -comme à son habitude- à raconter sa vie à toute la tablée

Tout le monde sortit de table et partit faire une activité. Ray déclara que c'était le moment de faire une bonne partie de chasse, Mia le suivant activement dans cette idée, étant affamée. Adèle et Lupa partirent dans un couloir en triturant la poupée de la plus jeune. La salle fut bientôt vide de tout convives... sauf Félice qui se rendit compte que Perséphone était seule pour ranger la vaisselle ébène.

- Tu veux de l'aide ? proposa la rousse en se levant pour s'emparer d'une pile d'assiettes.

- Merci, dit Perséphone avec un sourire doux. C'est gentil.

Les deux jeunes femmes finirent de nettoyer et Perséphone leva gracieusement ses yeux bleus vers elle:

- Tu es donc l'amie d'enfance de Lupa de Ranagan. 

- Exactement, dit cette dernière, rassurée qu'on la voie de cette manière.

- C'est triste. 

- Quoi ?

- La façon dont elle te traite. 

- Lupa ? balbutia la magicienne en tordant nerveusement ses mains.

- Non, Mia, bien sûr. 

Surprise, la rousse se tourna vers elle, croisant les yeux clairs et intelligents de la vampire qui lui sourit doucement. 

- Son comportement envers toi surpasse l'égoïsme et l'aveuglement. Je te plains.

- Oh...

Perséphone ouvrit la porte menant à dehors, et Félice la suivit avec un petit air perdu.

- Ai-je tord ? s'interrogea finalement la blonde.

- Non, je ne pense pas. À vrai dire, je me trouve vraiment bête d'avoir accepté ce voyage alors qu'il y avait Mia. Je déteste le fait qu'elle me plait, vu qu'elle aime Lupa.

- Ça doit être compliqué à vivre, en effet.

- Tu peux me juger, je me juge moi-même. 

- On ne choisit pas de qui on tombe amoureux. Ce n'est pas grave, tu sais.

Les deux femmes se sourirent et Perséphone hocha la tête gravement:

- Et que comptes-tu faire ?

- C'est-à-dire ? 

- Avec elle. Tu vas garder secret le fait que tu l'aimes ? 

- J-je... Pense que oui. Je ne vais pas profiter de notre amitié pour lui faire un coup bas et lui soumettre mes désirs ! Elle serait seule si elle repoussait m-mon coeur, elle n'aurait plus personne ici.

- Lupa a décidément très mal fait en l'emmenant ici.

- Je suis furieuse contre elle. 

- Je lui en toucherais deux mots. C'est vrai qu'après réflexion, toi et Mia allez mieux ensemble que Lupa et elle...

Félice la regarda du coin de l'oeil, Perséphone avait un petit sourire au coin des lèvres, non pas celle d'une manipulatrice mais plutôt d'innocence. C'était vraiment une fille sympathique. 

- J'espère que Mia se rendra compte de la chance d'avoir une fille aussi gentille qui l'aime. 

Félice rougit et répondit en riant:

- C'est plutôt moi qui ait de la chance de l'avoir.

- Je ne pense pas. Si elle n'est pas capable de te voir à ta juste valeur, il faut parfois laisser tomber l'affaire, si douloureusement que ce soit...

Félice laissa échapper un reniflement mi attristé mi dédaigneux:

- Facile quand on est belle et mignonne comme toi, pour se trouver quelqu'un d'autre. Moi, on me remarque très peu, et je ne suis pas très belle. 

- J'aime bien tes cheveux, dit Perséphone en arrêtant leur petite marche lente et en la détaillant avec un sourire timide.

Félice se sentit un peu embarrassée, ayant l'envie de répondre "mais non !" alors que ça n'avait pas de sens. Elle passa une main dans ses cheveux, flattée:

- Merci ! 

Elles se regardèrent un moment. Perséphone, dans sa robe blanche ballotée par le vent plutôt conséquent ce jour-là, ressemblait à un fantôme. Sa peau laiteuse et ses yeux presque spectral firent frissonner la magicienne.

- Excusez-moi, toutes les deux, vous faites quoi ? 

La voix de Lupa fit sursauter Perséphone.