TOME I - XVI.
Une fois à l'air libre, Aragorn posa délicatement Ariane sur un rocher et la fit s'asseoir. Elle regardait dans le vide et ses larmes avaient séché sur ses joues, laissant des sillons dans la crasse qui serait amassée sur son maigre visage.
— Tu pourras marcher ? lui demanda l'héritier d'Isildur.
Ariane acquiesça, sans relever le tutoiement. Elle était consciente de ce qu'il avait fait pour elle. La jeune femme ne se sentait pas capable de faire ne serait-ce qu'un pas mais elle ne voulait pas être un boulet pour ses compagnons.
Gandalf était mort.
Elle avait tellement pleuré qu'elle était sûre de ne plus avoir une seule goutte d'eau dans son corps. Elle regarda le ciel, qu'elle n'avait pas vu depuis si longtemps et essuya ses joues. Ses yeux demeuraient cependant rouges et bouffis. Autrefois habités d'un éclat de malice, ils ne brillaient plus. Son regard était vitreux.
Ariane renifla et se leva sur ses jambes tremblantes, pour se rasseoir aussitôt. Autour d'elle, les Hobbits et Gimli sanglotaient sans se cacher et Boromir luttait pour ne pas verser de larme, de même que pour Legolas et Aragorn. La mort de Gandalf avait affecté l'équilibre de leur petit groupe. Il était le pilier, le guide de la Communauté désormais ébranlée.
Aragorn regardait au loin, les yeux rivés sur la Lòrien, leur objectif.
— Legolas ! s'exclama-t-il soudain. Relevez-les !
L'elfe ne comprit pas immédiatement ce qu'il lui demandait et resta impassible quelques secondes.
— Accordez-leur un moment, par pitié, le supplia Boromir, en pensant aux Hobbits qui pleuraient à chaudes larmes.
— Dès la tombée de la nuit, les collines grouillent d'Orques, expliqua le Rôdeur. Il nous faut atteindre les bois de la Lothlòrien avant le coucher du soleil. Allons, Boromir ! Legolas ! Gimli ! Relevons-les.
Ariane se leva, pantelante, et se dirigea vers Frodon qui serait écarté du groupe.
— Frodon ? l'appela-t-elle d'une voix cassée en s'agenouillant.
Le Hobbit se retourna vers elle, le visage mouillé de larmes. Elle l'attira dans ces bras et le serra fort. Il sanglota contre son épaule. Elle lui caressa les cheveux en versant quelques larmes à son tour.
— Aragorn a raison, il faut avancer.
Ariane essuya les larmes sur les joues de Frodon et le prit par la main avant de le ramener près des autres. Elle ébouriffa les cheveux de Sam en souriant tristement. La mort de Gandalf avait été une remise en question pour l'avenir de la Communauté. Mais Aragorn avait raison. Ils devaient arriver jusqu'aux bois de la Lòrien. Alors Ariane revêtit son masque de jeune femme souriante et avança, bien qu'elle fût complètement anéantie par la disparition du Magicien, qui l'avait protégée envers et contre tout et qui l'avait aidée malgré son histoire abracadabrante. Elle se sentait terriblement coupable de sa mort. Louise l'aurait su, et l'aurait sauvé., pensait-elle. Elle regrettait tellement de ne pas s'être intéressée plus que ça à cet univers...
Ils arrivèrent dans la Forêt peu avant la tombée de la nuit. Ariane marchait avec les Hobbits et Gimli. Ce dernier paraissait inquiet et jetait des coups d'œil tout autour de lui. Il se rapprocha de Frodon et posa une main sur son épaule.
— Ne vous éloignez pas jeune Hobbit !, dit-il brusquement. On raconte qu'une ensorceleuse vit dans ces bois. Une sorcière Elfe, aux terribles pouvoirs. Tous ceux qui l'ont regardée sont tombée sous son charme. Et on ne les a jamais revu !
Frodon l'écouta calmement et sembla tout à coup préoccupé.
— M'sieur Frodon ? l'appela Sam.
Frodon sortit de sa transe et sourit timidement.
— Eh bien, voici un Nain qu'elle n'envoûtera pas si aisément ! continua Gimli sans se soucier de ce qui se passait autour de lui. J'ai l'œil du faucon et les oreilles du renard.
Il eut à peine terminé sa phrase qu'une flèche fut pointée entre ses yeux. Il poussa un "oh !" surpris et le reste de la Communauté leva les mains en l'air, en signe de reddition. Ariane se posta devant les Hobbits et leva les mains à son tour. Au bout de la flèche se tenait un elfe blond, grand et droit.
— Le Nain respire si fort que nous aurions pû le tuer dans le noir, déclara l'elfe.
Il fit le tour des membres de la Communauté. Lorsque ses yeux clairs s'arrêtèrent sur Ariane, il fronça brièvement les sourcils et hocha la tête en direction de Legolas en baissant son arc.
— Mae govannen, Legolas Thranduillion. [Bonjour, Legolas, fils de Thranduil.]
Legolas répondit en elfique, et Ariane ne saisit que quelques bribes de mots. L'elfe s'adressa ensuite à Aragorn, qui lui répondit seulement "Merci.". L'elfe désigna ensuite la jeune fille d'un geste bref du doigt, tout en parlant à Aragorn.
— Ariane est l'apprentie de Gandalf le Gris. Elle devait nous accompagner jusqu'ici, et nous comptions sur le Seigneur Celeborn et la Dame Galadriel pour éclairer certains points à son sujet.
Ariane lui lança un regard noir, se demandant ce qui lui prenait de révéler sa situation au premier elfe venu.
— Haldir est une personne de confiance, Ariane, se défendit Aragorn. C'est le gardien et le protecteur de la Lothlòrien.
— Enchanté, affirma Haldir en s'inclinant, la main sur le cœur.
— Je ne parle pas très bien l'elfique, dit seulement Ariane.
— Je le conçois, répondit Haldir avec un sourire qui se voulait rassurant.
Ariane ne se sentit jamais aussi étrangère qu'à ce moment-là.
— Voici donc la légendaire courtoisie des Elfes, marmonna Gimli entre ses dents. Ils parlent une langue qui nous est inconnue.
L'elfe posa ses yeux sur lui.
— Nous n'avons pas eu de rapports avec les Nains depuis les Jours Sombres, dit-il d'un air supérieur qu'Ariane se surprit à détester.
— Et vous savez ce que le Nain répond à cela ?
Il prononça une phrase dans sa langue et l'elfe parut choqué. Gimli avait encore une fois dû exprimer sa colère envers la race des Elfes, ce qui ne surprit pas Ariane. Elle jubila intérieurement de voir l'elfe remis à sa place par son ami.
— Cela non plus n'est pas très courtois, le reprit Aragorn en posant une main sur son épaule.
Haldir s'attarda un instant sur Frodon, particulièrement sur l'Anneau qu'il portait autour du cou.
— Vous apportez un grand danger avec vous. Vous ne pouvez pas aller plus avant.
Ariane ouvrit des yeux grands comme des soucoupes.
— Excusez-moi, c'est une blague ? Nous avons fait tout ce chemin pour ça ? Pour rien ? Des jours de marche à pied, sans manger, presque sans dormir, pour être rejetés comme des parias ? Enfin, ayez un minimum de bonté ! Ce n'est pas compliqué, merde !
Ariane croisa les bras, et consciente du ton qu'elle avait employé, elle s'écarta du groupe en boitant et alla s'adosser à un arbre, laissant Aragorn débattre avec Haldir. Énervée, elle grattait la terre du bout du pied lorsque Legolas vint vers elle.
— Vous avez eu tort de parler ainsi.
— Si vous venez me faire des reproches, ce n'est pas le moment, bougonna-t-elle.
— Aragorn essaie d'excuser votre comportement, en ce moment.
Ariane releva la tête et regarda le Rôdeur parler à Haldir alors que ce dernier lui jetait des regards assassins.
— Je suis désolée... Je suis un peu à cran depuis... Et le voir refuser de nos offrir leur hospitalité, ça m'a un peu... énervé.
— J'avais cru comprendre. Dans votre emportement, vous avez même utilisé un mot de votre jargon.
— Lequel ?
— Il avait une consonance un peu dure...
— Merde ? C'est vrai que c'est un mot grossier, mais chez moi il est utilisé dans le langage courant.
— Qu'est-ce qu'il signifie ?
— Euh... Mince ? Zut ? Comment vous dites, ici... Diantre ?
— Vous avez un vocabulaire bien étrange... Mais vous n'en êtes pas moins sympathique, ajouta l'elfe en voyant les yeux d'Ariane se plisser.
— On pourrait parler de vous aussi ! Vous avez une manière bien étrange de dire les choses. C'est comme des poèmes, parfois.
— Alors, c'est un compliment.
— Oui, c'en est un. Parce que vous m'êtes sympathique aussi, se justifia-t-elle en souriant.
— Vous êtes blessée, remarqua l'elfe en désignant le pantalon d'Ariane tâché de sang sur la cuisse.
— Oui... Ça va aller.
— La plaie va s'infecter. Vous avez de la chance que nous soyons arrivés en Lòrien, les elfes guérisseurs ont des techniques infaillibles pour les blessures.
— À quoi bon, ils ne veulent même pas que l'on entre dans leur territoire.
— Legolas ! Ariane ! Venez, les appela Aragorn.
Ils revinrent près des autres. Haldir jeta un regard perçant à Ariane mais ne fit aucune remarque.
— Vous devriez vous excuser, lui chuchota Legolas.
Ariane soupira mais obéit.
— Je suis désolée de m'être adressée à vous de la sorte. Mes mots ont dépassé ma pensée.
— Vous êtes pardonnée. Vous êtes exténuée, et je comprends que mon refus vous ai... irrité. Mais votre ami Aragorn a su me convaincre. De plus, vous êtes blessée. Je ne peux pas vous laisser agoniser. Allons, veuillez me suivre.
Les yeux de la jeune fille s'illuminèrent.
— C'est vrai ? Oh, merci ! Merci, Monseigneur.
— Je vous en prie.
Malgré leur premier contact houleux, Haldir ne pouvait pas s'empêcher de trouver la heure humaine touchante. Elle était très jeune, bien trop jeune pour participer à un voyage de cette envergure, mais elle était surtout fragile depuis la mort de Gandalf et ses sautes d'humeur le prouvait.
— Ariane, tu aurais dû me dire que tes blessures s'aggravaient... soupira Aragorn.
— Ce n'est rien, ne t'en fais pas pour ça. Legolas m'a assuré que les guérisseurs étaient très avancés ici.
— Comment as-tu pu marcher autant de kilomètres sans te plaindre ?
— Tu n'allais pas me porter, enfin.
— J'aurais pu.
— Ne dis pas de bêtises. Je peux marcher, ça va.
— Plus pour longtemps, si vous n'êtes pas soignée au plus vite, ajouta Haldir qui marchait devant eux.
Ariane le trouvait gonflé de s'insinuer dans sa conversation avec Aragorn mais ne fit aucune remarque. Le Rôdeur la regarda avec des yeux noirs.
— Quoi ? Je peux marcher, je te dis.
— Tu boites.
— Arrête de t'en faire pour rien.
— Toi et ton obstination...
Ariane roula des yeux et ne répondit pas.
La Communauté suivit Haldir à travers la Forêt et ils arrivèrent bientôt dans une grande cité illuminée. Les maisons des Elfes étaient construites dans les arbres. Ariane remarqua qu'ici, ils étaient tous blonds, contrairement aux Elfes de Fondcombe qui étaient en grande partie bruns.
— Caras Galadhon, présenta Haldir. Le cœur du monde elfique sur Terre. Royaume du Seigneur Celeborn et de Galadriel, Dame de Lòrien.
Ariane observa autour d'elle. La cité était magnifique.
— Ma Demoiselle, je vous amène aux guérisseurs, lui dit l'elfe. Il faut soigner cette vilaine blessure.
— Je suppose que je ne peux pas insister, soupira-t-elle.
— Non, en effet, dit sèchement Aragorn.
Ariane suivit Haldir sans — trop — rechigner. Il l'amena devant une elfe à la robe blanche et lui parla dans sa langue. Ariane ne saisit que "blessée", "Mithrandir" qui était le nom elfique de Gandalf et "têtue". Elle leva les yeux au ciel avant de remarquer que l'elfe guérisseuse la regardait en souriant. Elle baissa le regard immédiatement.
— Demoiselle Ariane ? l'interpella l'elfe en souriant. Je suis Laeleth. Je vais m'occuper de vous. Veuillez me suivre, s'il vous plaît.
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