Chapitre 25
Evannah
Je profite d'une légère accalmie pour me diriger vers ma voiture lorsque je croise le chemin d'une tête qui me semble familière.
- Ivy ?
La jeune fille blonde pivote et me détaille rapidement avant de sourire largement.
- Evannah ! Salut !
Ivy Drake se tient devant moi, les cheveux lui arrivant jusqu'au bas du dos, le teint hâlé et les yeux brillant de malice. Cela fait des années que j'ai perdu de vue cette amie de lycée avec qui j'ai passé des heures à m'entraîner et à gagner des compétitions de cheerleading. Elle s'assurait que mon pied gauche reposait bien sur ses paumes lors des pyramides, lorsque je levais ma jambe droite par-dessus ma tête. Je souris en me rappelant ces bons souvenirs du passé, ravie de pouvoir échanger à nouveau dessus.
Ivy m'embrasse sur les deux joues et éclate de rire devant mon air interloqué.
- Pardon, ma belle, c'est une habitude française que j'ai prise, m'explique-t-elle. Je rentre tout juste d'un stage de six mois qui s'est déroulé en région bordelaise. Les Français m'ont contaminée, ajoute-t-elle gaiement.
- Il semblerait ! fais-je en riant à mon tour. Bordeaux, donc ? Qu'est-ce qui t'a poussée à aller en France ?
- Je suis en train de valider mon diplôme pour être prof en langues étrangères, et je me suis dit qu'il n'y avait pas mieux que de se rendre sur place pour m'imprégner de la culture et de la langue locales, répond Ivy avec un clin d'œil.
- Tu vas devenir prof de français ? dis-je, admirative.
- Et d'espagnol, ainsi que d'italien, ajoute-t-elle en comptant sur ses doigts. L'année dernière j'étais en Toscane. Il faisait une de ces chaleurs !
- Wahou, c'est fantastique, Ivy. Félicitations !
- Merci, fait-elle en mimant une révérence. Et toi, Evannah, tu es toujours branchée soins médicaux et opérations, comme à l'époque du lycée ?
- Effectivement, ça n'a pas changé, déclaré-je en hochant la tête. J'ai commencé à travailler dans cet hôpital, fais-je en désignant l'autre côté de la rue. Je pense que je vais m'y plaire.
- Bravo, c'est une belle réussite ! Vivement d'être au travail ; je t'envie beaucoup d'être déjà en poste.
- Quand ont lieu tes examens finaux ?
- Le semestre prochain, s'exclame Ivy, rayonnante à nouveau.
- Plus que quelques mois à attendre, l'encouragé-je. Ça me fait tellement plaisir de te voir ! Ça fait quoi ? cinq ans, six ans ? l'interrogé-je en faisant mentalement le compte.
- Plus que ça, ma belle. Ça doit faire huit ans, à présent, me reprend Ivy en secouant la tête. La dernière fois que l'on s'est vu, c'était à la soirée étudiante de Spencer Halle, en première, me rappelle-t-elle.
- C'est si vieux que ça ? m'étonné-je en me replongeant dans mes souvenirs.
- Et oui... L'année suivante, ma famille et moi avons déménagé en Caroline du Nord. Mon père avait obtenu une promotion qu'il ne pouvait pas refuser, ajoute Ivy, elle aussi plongée dans ses souvenirs.
- La soirée de Spencer Halle... Spencer Halle... je ne me souviens pas bien de lui, avoué-je après quelques minutes de réflexion.
- Il était à la fac ici, il était un peu plus âgé que nous, m'explique Ivy. Un grand blond, les cheveux longs et toujours ramassés sous une cordelette, me détaille-t-elle en voyant que ça ne me dit toujours rien.
- Non, je ne vois pas... Je me rappelle de la soirée, mais lui... Ça devait être un ami de mon frère, finis-je par déclarer en haussant les épaules. On allait souvent dans des soirées avec lui, moi et Alyssa, à cette époque. Pas étonnant que je ne me souvienne pas de chaque « hôte », fais-je en appuyant ironiquement sur le mot hôte.
- Ton frère ?
- Oui, Shane Williams.
Soudain, Ivy fronce le nez en entendant cette information. L'éclat de gaieté qui habitait son regard jusqu'alors s'efface immédiatement, vite remplacé par de la... révulsion. Je cligne des yeux devant ce changement d'attitude si inattendu.
- Tu le connais ? demandé-je, encore déroutée par son air.
- On peut dire ça, lâche Ivy, la lèvre supérieure un peu retroussée.
- Il y a un problème ? lancé-je sur la défensive à présent.
- Alyssa et lui semblaient très proches quand on était plus jeune, déclare-t-elle après une courte pause.
- Ils étaient amis, oui.
- Mmh..., fait-elle, en pinçant les lèvres. Amis...
- Qu'est-ce qu'il y a, Ivy ? fais-je en m'énervant devant son évidente aversion.
- Ils n'étaient pas qu'amis, Evannah, ils étaient plus que ça. Les rares fois où je les ai vus ensemble, j'ai compris.
- Qu'est-ce que tu racontes ? fais-je, perdue.
- Ecoute ma belle, je sais que ça ne me regarde pas, mais... de l'eau a coulé sous les ponts aujourd'hui, alors je pense qu'il vaut mieux que je t'en parle.
Je fixe Ivy, complètement égarée par ses paroles. Elle rejette ses cheveux en arrière et me fait signe de la suivre sur un des bancs du parking. Je l'y rejoins et m'assois à son côté, pendue à ses lèvres. Ivy détaille ses mains, les sourcils froncés. Puis elle se lance dans ses explications.
- Je me rends compte seulement maintenant que tu n'étais absolument pas au courant de tout ça. Bon, que tu ne le saches pas à l'époque, ça n'est pas étonnant, mais aujourd'hui... Vraiment, je ne m'y attendais pas.
- Au courant de quoi ? la coupé-je en la scrutant du regard.
- De ce qu'il se passait entre Alyssa et Shane. Ils étaient ensemble quand Aly était au lycée, m'explique Ivy en jaugeant ma réaction. Enfin... plus ou moins...
- Quoi ? Comment ça, ensemble ? m'exclamé-je, définitivement choquée pour le coup.
- Ouais... Au début, je ne faisais pas trop attention à leur relation, je ne m'en préoccupais pas, mais je savais. Ton frère envoyait beaucoup de messages à Aly, il l'appelait aussi et venait la chercher à la sortie des cours ou des entraînements tardifs, raconte Ivy d'une voix neutre. Aly était très discrète à ce sujet, elle n'en parlait jamais ouvertement. A la longue, j'ai trouvé ça un peu bizarre, poursuit-elle en plissant le front. Qu'elle ne veuille pas en parler quand tu étais présente, passe encore, mais qu'elle ne se confie à personne, ni à moi ni aux autres filles de l'équipe... C'était bizarre, répète-t-elle dans un filet de voix. Un jour, une fois que tu avais quitté le vestiaire, j'ai plaisanté sur cette liaison avec ton frère. Je ne sais plus ce que je lui ai dit, mais tout à coup elle a blêmi, comme si elle allait vomir. Je n'ai pas insisté sur le moment, mais toute cette histoire me semblait louche.
- Pour... pourquoi ça ? bégayé-je, déroutée par ses révélations.
Ivy tourne sa tête vers moi, l'air très sérieux soudain.
- Quand tu caches une relation et que quelqu'un te... confronte à ton secret, tu lui dis d'aller se faire foutre. Pire, tu l'incendies copieusement avant de lui dire d'aller se faire foutre. Mais tu ne prends pas cet air malade et complètement paniqué qu'avait Aly... Et surtout tu ne t'enfuis pas sans rien dire après ça. Tu ne pars pas sans être sûr que l'autre va se taire, clarifie Ivy d'une voix lente.
Je ne réponds rien. Mon estomac est en vrac, la bile me monte à la gorge.
- Après ça, j'ai plus prêté attention à Alyssa, reprend Ivy d'une voix plus claire. Elle me semblait plus fatiguée, plus sur les nerfs... plus fragile même, ajoute-t-elle les yeux plissés. Elle sursautait quand quelqu'un la touchait ; elle tirait sur ses manches quand elle était nerveuse ; elle surveillait constamment son téléphone et se précipitait dessus dès qu'il s'animait... Elle allait de moins en moins bien, Evannah, déclare-t-elle d'un ton rude. Et je me suis mise à suspecter ton frère d'y être pour quelque chose.
- Non... c'est du grand délire, lui fais-je en secouant vivement la tête.
- A plusieurs reprises, je la voyais prendre plus de temps pour faire ses étirements, poursuit Ivy. Elle restait à la barre à faire des pliés, à masser le haut de ses cuisses, à faire craquer son dos.
- Elle avait mal ! Comme nous toutes après chaque entraînement, balancé-je en haussant le ton.
- Elle ne mettait plus de hauts sans manches, elle n'était pas souvent en robe ou en jupe. Elle ne sortait même plus son uniforme court de sa penderie, préférant celui composé d'un pantalon et d'un tee-shirt à manches, énonce Ivy en parlant d'une voix forte.
- Elle disait que c'était à cause des irritations du tissu. Elle ne les supportait plus, expliqué-je, désespérée à me raccrocher aux explications d'Alyssa.
Ivy secoue la tête, incrédule.
Un silence s'installe entre nous. Le vent s'est levé entre temps, faisant fouetter mes cheveux dans mon dos. Les nuages les plus menaçants semblent s'être éloignés grâce au vent, signe que les précipitations de la journée sont terminées. Je concentre un instant mon regard sur le ciel, le temps pour moi de ravaler les larmes qui pointent au coin de mes yeux.
Ivy se racle la gorge avant de reprendre la parole.
- Puis il y a eu cette soirée chez Spencer Halle, fait-elle d'une voix atone. Tu t'en souviens ?
Je hoche la tête distraitement, le regard rivé sur mes genoux. Des flashs de cette nuit-là me reviennent en rafale, aussi me concentré-je davantage sur le déroulement exact de cette soirée. Je ferme les yeux et laisse le fil de mes souvenirs se dérouler allègrement dans mon esprit.
*********************
Hello ! J'ai découpé ce chapitre en deux, il me semblait un peu trop conséquent autrement... Je vous mets tout de suite la seconde partie :)
A. H.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro