ANGELINE

— LUKE !

Je me redresse soudainement, le souffle saccadé et des perles de sueur dévalant mon front. J'essaie de reprendre mes esprits... Ce n'était qu'un rêve, ou plutôt un cauchemar. Mon cerveau me joue des tours en essayant de reconstruire le scénario que Luke nous a divulgué hier au tribunal, mais en inversant les rôles : ce n'est pas Miller qui est touché, mais l'homme de ma vie, mon premier amour.

Je regarde mon radio-réveil qui affiche cinq heures du matin. Terrifiée par cette vision qui, heureusement, n'est que le fruit de mon imagination, je décide de me lever en silence. En passant devant la chambre de mon fils, je pousse en douceur la porte et j'observe quelques secondes Evan qui est en mode étoile de mer. Un mince sourire se dessine sur mes lèvres et pendant un instant ma peur s'évanouit, jusqu'à ce que je referme la porte.

Alors que je mets en route la machine à café, mes pensées se perdent et se mêlent au bruit de l'averse qui s'abat contre les vitres. Je m'en veux tellement ! Il y a neuf ans, j'aurais dû le pousser à avoir un suivi plus régulier pour ses angoisses et non pas lui mettre tout sur le dos sans chercher à comprendre ce qui lui arrivait. Enfin, il faut dire qu'à cette époque-là, Luke s'était complètement renfermé sur lui-même. Plus les jours passaient et moins nous partagions de choses ensemble.

La tasse de café dans la main et assise sur mon canapé, les genoux repliés contre ma poitrine, je me replonge dans ce souvenir douloureux qui me fait verser une larme...

9 ans auparavant...

— Angel. Angel... Réveille-toi.

J'ouvre les yeux avec difficulté, épuisée par ces premiers mois post-accouchement. Je suis légèrement secouée par Luke qui n'arrête pas de faire des aller-retours entre la penderie et des sacs posés sur la commode.

— Qu'est-ce que tu fais ?

— Il faut qu'on parte, chérie, et vite !

— Ne parle pas si fort, tu vas réveiller Evan...

— Habille-toi et va le chercher.

Je soupire, c'est reparti de nouveau... Je me redresse tant bien que mal et, impuissante face à la situation, j'observe Luke lancer des regards suspicieux par les fenêtres, comme s'il était convaincu que quelqu'un l'observait depuis le trottoir d'en face. Il remplit à l'arrache les sacs de vêtements, apparemment bel et bien prêt à décamper.

Je m'approche de lui et prends ses mains dans les miennes pour essayer de le calmer, de le rassurer comme je le fais depuis des mois... Son état a empiré à l'arrivée d'Evan et depuis je me bats pour le convaincre que personne ne le poursuit.

— Luke, il n'y a personne dehors...

— Si, ils sont là ! Je les ai vus...

— Non, tu te trompes, mon cœur, le coupé-je.

Je pose délicatement mon front contre sa poitrine et le rassure avec des mots doux. Il semble enfin se calmer un peu. Pourtant, il suffit qu'un seul bruit sourd provenant de dehors retentisse pour que Luke se mette à nouveau dans tous ses états. Il se précipite à la fenêtre, écarte brusquement les rideaux et scrute l'extérieur avant d'empoigner les sacs de voyage. Je me place entre lui et l'encadrement de la porte pour l'empêcher de quitter la pièce.

— Où comptes-tu aller ?

— Il faut qu'on parte, chérie ! Va chercher notre fils.

— Non ! Je n'irai nulle part, Luke, et ton fils non plus, répliqué-je en commençant à élever la voix.

— Angel, tu n'as pas l'air de comprendre la situation.

— Je pensais que la thérapie avec le docteur Wang se passait bien et t'aidait beaucoup, mais je me suis trompée, on dirait...

Ignorant mes propos, Luke ouvre un placard d'où il extirpe une boîte métallique qu'il ouvre sous mes yeux. A la vue de l'objet qu'il en sort, je reste pétrifiée. Il s'approche encore de la fenêtre pour surveiller, tandis que je cède finalement à la colère et à la stupéfaction :

— Tu as une arme sous ce toit ! Je rêve !

— C'est pour nous protéger !

— Mais il n'y a personne !

Voyant qu'il ne réagit pas à ce que je dis, je l'oblige à me regarder.

— Tu sais que tu peux tout me dire, Luke.

Ma voix s'est adoucie, je pose mes mains sur son si beau visage et j'espère de tout mon cœur qu'il comprenne qu'il doit sortir de cette paranoïa... Je suis fatiguée. Je n'arrive plus à supporter cette situation.

— Je... Je ne peux pas...

Des larmes silencieuses coulent sur ses joues, ses yeux bleus me scrutent avec détresse. Comment aider une personne quand cette dernière ne le veut pas... ?

— Je t'en supplie, dis-moi ce qui ne va pas...

À mon tour, je sens les larmes me submerger. Le voir ainsi me déchire le cœur. Il se contente de faire non de la tête. Je sens qu'il a besoin de se libérer du poids qui l'oppresse, mais ça fait des mois que je l'encourage à se confier, j'ai même appelé plusieurs thérapeutes pour qu'ils le prennent en charge, rien n'y fait : Luke est persuadé que le monde entier est contre lui.

— On ne peut pas continuer comme ça...

Il m'observe, intrigué par ce que je viens de dire. Je ne peux plus contourner les problèmes, il faut les affronter en pleine face...

— Si tu ne fais pas des efforts pour te soigner, Luke, nous deux, c'est terminé, lancé-je d'une voix ferme.

— Angel...

— Non, je ne le supporte plus. C'est mauvais pour moi, tout comme pour Evan. Tu sais que je t'aime, mais je suis arrivée à bout. Donc soit tu te soignes en allant tous les jours voir le docteur Wang et en suivant ton traitement, soit tu quittes l'appartement.

— Chérie...

Il me regarde, essayant sûrement d'assimiler le dilemme que je lui impose.Il doit faire un choix, le bon choix, j'espère. Après plusieurs minutes à nous regarder dans le blanc des yeux, il met le flingue dans son dos avant de s'abaisser pour récupérer les sacs au sol. Mon cœur se serre, j'essaie de retenir mes larmes. C'est dur de le voir prendre cette décision.

— Tu préfères fuir, alors...

— Tu seras bien mieux sans moi, Angéline, et Evan aussi.

Luke s'approche de moi et embrasse tendrement mon front avant de me contourner et de franchir le seuil de la chambre. Je me retourne et déglutis avec peine. Il s'arrête devant la chambre de notre fils, pousse la porte et le regarde depuis l'encadrement avant de descendre en silence. Après avoir entendu la porte d'entrée se fermer, je me dirige vers la fenêtre pour voir Luke disparaître dans l'obscurité de la nuit...

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Que pensez-vous de ce chapitre sur la "dispute" ?

On se retrouve très bientôt !