𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟏𝟗
ANGELINE
Après de longues minutes d'attente, nous voilà enfin installés dans les gradins, et je dois dire que Luke ne s'est pas fichu de nous ! Il a pris de très bonnes places. Nous ne sommes ni trop hauts, ni trop bas, ce qui nous permet d'avoir tout le terrain dans notre champ de vision.
Le match commence une dizaine de minutes plus tard, une fois que tous les supporters sont à leurs places. J'observe mon fils qui est assis entre son père et moi. Il a les yeux rivés sur les joueurs et ne perd pas une miette du match. Un grand sourire est scotché sur nos lèvres et le bonheur plane au-dessus de nos têtes.
À chaque fois qu'un joueur des Cubs de Chicago marque un point ou fait une bonne action, Evan est euphorique, tout comme son père d'ailleurs ! Et quand je regarde Luke, je me demande bien ce qu'il a fait pendant presque huit ans. Où était-il ? A-t-il eu quelqu'un d'autre... ? Des questions qui me perturbent, mais son sourire et le voir heureux me suffisent pour l'instant présent.
La première partie du match débute très bien pour nous, mais l'autre équipe n'est pas très loin derrière et peut nous rattraper à tout moment.
Alors que la nuit commence à tomber, Evan me demande si l'on peut manger maintenant, avant que le match ne reprenne.
— Je vais nous chercher de quoi manger, propose Luke. Qu'est-ce que tu veux, Angel ?
— Un hot-dog ketchup, s'il te plaît...
— Bien, on revient.
— Evan, tu écoutes ton père.
Les deux hommes se retournent vers moi en m'adressant un sourire ravi. Je réalise alors ce que je viens de dire, et ça me fait tout drôle de m'entendre prononcer ces mots : tu écoutes ton père... Je crois que je n'avais encore jamais dit ça. Ils partent tous les deux main dans la main ; restée seule, je sors mon portable et navigue sur le net.
Un bon quart d'heure plus tard, ils refont surface, les bras chargés.
— Je commençais à m'inquiéter !
— Il y avait du monde et puis... Que serait un supporter des Cubs sans son maillot ?
Evan fait irruption de derrière Luke. Il arbore le même maillot à rayures noires que nous portons son père et moi.
— Il ne fallait pas, Luke...
— Ça me fait plaisir, et puis comme ça, nous sommes tous les trois assortis pour le match.
— C'est vrai que tu es très beau, chéri, lancé-je en prenant mon fils contre moi.
Nous profitons de l'entracte pour manger tout en profitant du spectacle que nous offre Clark, la mascotte des Cubs. Nous rions tout en discutant dans la bonne humeur des premières manches que nous venons de voir. L'odeur des sandwichs nous chatouille les narines.
Le match reprend alors que nous venons à peine de finir de manger. Les joueurs entrent sur les bases puis nous regardons le batteur frapper la balle. L'ambiance est dingue, je ne me suis même pas rendue compte que ça fait déjà plus de deux heures que nous sommes là, ça passe très vite. Les joueurs n'arrêtent pas de courir, nous espérons voir un home run, mais c'est quand même très rare.
Un nouvel entracte se fait et c'est au tour des kiss-cam de divertir le public ! Nous regardons le grand écran et j'explique à Evan de quoi il s'agit. C'est la première fois que nous regardons le baseball dans un stade, d'habitude on suit les matchs à la télé. C'est sûr que ce n'est pas la même sensation, il n'y a pas les mêmes odeurs ni les mêmes bruits, mais c'est toujours mieux que rien. Mais ce soir, grâce à son père, Evan découvre quelque chose de nouveau. Quelque chose qui le fait vibrer de l'intérieur et qui le rend heureux.
Nous nous esclaffons devant les réactions des supporters qui voient leurs visages apparaître sur l'écran géant. Des couples de tout âges s'embrassent tendrement en s'apercevant à la caméra. Deux autres personnes sont projetées sur l'écran, mais l'homme est bien trop occupé par son téléphone alors la femme se tourne pour embrasser son voisin, qui lui est ravi ! À notre grande surprise, nous apparaissons tous les trois sur l'écran. La gêne m'envahit, moi qui avais l'habitude et qui m'amusais à faire ça il y a quelques années, là, c'est bizarre. J'échange un regard avec Luke et un mince rictus se dessine sur nos lèvres. Nous avons la même idée !
Nous nous penchons vers notre fils, puis nous embrassons chacun ses joues sous les applaudissements du public. Aux yeux de tous, nous formons la famille parfaite. La famille mignonne qui s'habille pareil pour les jours de matchs. La famille sans problèmes. S'ils savaient... Des problèmes, on en a par-dessus la tête !
Tandis qu'Evan s'exclame avec joie qu'il est « passé à la télé », Luke et moi échangeons un regard et j'ai l'impression que mon âme se réchauffe, s'enflamme même. Le fait qu'il soit là avec nous est à la fois réconfortant et rassurant, et ça m'enlève un peu du poids sur mes épaules. Il s'occupe très bien d'Evan et j'aurais tellement aimé l'élever avec lui...
Le match est bientôt terminé. Si les Cubs marquent un dernier point, ils n'auront pas besoin de faire la dernière manche, la partie sera gagnée d'avance. Tous les supporters sont en tension. Nous retenons notre respiration, en attendant le dénouement pour relâcher la pression. C'est au tour de Kris Bryant de frapper la balle. Il se met en position puis le lanceur lui envoie une balle rapide et le coup résonne dans le stade, faisant de cette frappe un Home Run à la dernière manche. Alors que Kris se met à piquer un sprint sous les cris hystériques des spectateurs, nous suivons des yeux la trajectoire de la balle qui arrive à grande vitesse vers nous. Un homme d'une cinquantaine d'années l'attrape juste derrière nous. Il a air victorieux sur le visage, contrairement à celui d'Evan qui est bien triste, car il essayait aussi d'attraper la balle. Avec son père, nous le réconfortons comme nous pouvons, quand le monsieur se penche vers nous et tend la balle à Evan. J'observe mon fils et vois son visage s'illuminer face à ce beau geste.
— Tiens c'est pour toi, prends-en bien soin !
— Merci, monsieur.
Nous le remercions nous aussi avec un sourire complice, puis nous admirons notre fils heureux d'avoir eu sa première balle dans un stade - même si ce n'est pas lui qui l'a attrapée. Nous décidons d'attendre que la foule se dissipe pour sortir. Evan voulant faire une photo devant le terrain, nous descendons quelques marches et j'invite Luke à rejoindre son fils. Je sors mon téléphone puis prends plusieurs photos.
— Viens avec nous ! lance Luke.
J'acquiesce, retourne la fonction de l'appareil photo et nous prends tous les trois pour immortaliser ce moment et ne jamais l'oublier. Une fois le stade déserté, nous sortons à notre tour, main dans la main. Nous regagnons la voiture et durant le trajet jusqu'à l'appartement, Evan parle sans nous laisser en placer une, jusqu'à ce qu'il s'endorme sans même s'en apercevoir.
Luke gare la voiture le long du trottoir devant mon immeuble. Je récupère Evan qui dort profondément. J'essaie d'ouvrir la porte d'entrée, mais avec tout ce que j'ai dans les bras, je n'y arrive pas. Luke vient à ma rescousse et ouvre la porte. Je me retourne vers lui et nous nous observons un moment sans rien dire. Il a les mains dans les poches et se dandine nerveusement. Je m'apprête à lui souhaiter une bonne nuit, mais c'est tout autre chose qui sort de mes lèvres :
— Tu veux... prendre un dernier verre ?
— J'aimerais bien, oui.
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