Chapitre 4 (1)
Lorsque je me réveille, mon souffle se bloque dans ma poitrine. Je papillonne des yeux pour m'ancrer dans la réalité, et me tourne légèrement vers la droite pour analyser la situation. Je suis toujours dans les bras d'Adrien, nos corps sont imbriqués l'un dans l'autre, mon dos bloqué contre son torse et ses mains solidement fixées autour de ma taille. Il ne me faut que quelques secondes pour comprendre que je ne pourrais pas me dégager sans le réveiller.
Merde...
Je me racle la gorge nerveusement et saute sur mes deux pieds lorsque je sens l'étau se desserrer, me laissant la possibilité de m'éloigner.
— Ta blessure va mieux ?
Je cherche à détourner son attention, à étouffer dans l'œuf cet instant d'embarras.
Adrien plonge la main dans sa chevelure noisette et mes yeux s'arrêtent sur ses boucles soyeuses. Il reprend vite contenance et ses pupilles acérées sillonnent mon corps à moitié nu. Je reste quelques secondes sans réaction, avant de plaquer une main contre ma poitrine. Je ne pourrais me qualifier de pudique, néanmoins, à Valéria, ma tenue est indécente. Les seuls moments où l'on découvre autant nos corps, ce sont lors des accouplements. Gênée, je m'enfuie vers la salle de bain sans attendre sa réponse. Je ne suis pas habituée à ces regards chargés de désir et à la confusion qu'ils entraînent.
Accoutrée d'une longue robe sombre qui tombe jusqu'à mes chevilles, je me sens protégée, à l'abri. Je vérifie sa plaie avant de sortir dans le quartier pour me rendre à l'hôpital. Un vent glacé s'insuffle sous mon jupon, laissant un désagréable frisson parcourir mon échine. L'odeur de la pluie est omniprésente, cette odeur de terre mouillée caractéristique de l'été, j'adore cette odeur. Je m'arrête dans la rue, sans même m'en apercevoir. Le calme environnant est aussi glacial que le vent. Des dizaines de personnes se croisent sans se voir, sans un bruit, sans un souffle de vie. Et c'est ainsi chaque matin. Nous sommes tous des étrangers. Je les vois défiler autour de moi, comme dans un état second. J'ai toujours trouvé le calme terrorisant. Qu'en est-il de l'autre côté ? Y a-t-il encore des enfants pour peupler les rues ? Animer les cœurs ? Si les espoirs sont proscrits, il me reste néanmoins un rêve complètement fou : voir déambuler des enfants, entendre leurs rires aussi léger qu'une plume. Je suis convaincue que ce serait la seule manière de me sentir vivante...
Ces pensées me ramènent inlassablement vers le brun séduisant qui occupe mon box. Il allume en moi une flamme qui risque de devenir trop dangereuse.
— Votre nom.
Une main ferme verrouille mon poignet jusqu'à la douleur, tandis que sa voix implacable me rappelle à l'ordre.
— Lilas Stevens.
Je m'entends souffler ces quelques mots, plus que parler. Comme si j'avais commis une faute. Comme si j'avais besoin d'être pardonnée. Quelle absurdité !
Le gardien saisit les renseignements sur sa tablette connectée et relâche son emprise.
— Vous êtes attendue à l'hôpital Docteur Stevens.
Il me pousse sans ménagement dans la bonne direction. Pas de place à la perte de temps, même si je suis loin d'être en retard. Rester dans le rang, ne pas faire d'esclandres, devenir un automate...
Oui, Adrien risque de devenir trop dangereux. Il allume une toute petite flamme, qui ne demande qu'à s'embraser. Celle de la rébellion. Sans compter cette autre étincelle que je préfère ignorer.
Je pénètre dans l'enceinte ultra moderne et laisse mon regard dériver vers les murs du couloir, remplis de poster d'enfants, un sourire aux lèvres.
Ce sont bien les seuls enfants qu'on verra jamais riant aux éclats...
Le cynisme m'envahit tandis que je fais la queue pour récupérer la montre ordinateur.
« Bonjour Eva Gérard, vous êtes à votre 21ème jour du cycle. Votre tension est parfaite » lance la voix tonitruante à la femme qui me précède.
J'arrache presque du mur la montre sans en écouter les élucubrations. Je m'en contre fiche ! La journée qui m'attend m'apparaît plus que pénible : c'est la journée consultations. Au moins quand je suis au bloc, je me retrouve en vase clos. Rien ne m'atteint, il suffit de me concentrer, d'enchaîner les heures sans réfléchir. En consultation, je vois défiler les parfaits habitants de Valéria, ceux qui obéissent, avec le sourire. Combien crient à en perdre haleine, là, à l'intérieur ?
Je perds le compte des patients et des problèmes, rêve d'atteindre la fin de cette journée en un clignement de paupière. Une infirmière fait brusquement irruption dans le cabinet, me prenant par surprise. La joie de la diversion laisse place à la crainte lorsque je décèle l'urgence professionnelle dans ses gestes.
— On a un souci avec un fœtus à terme, lâche-t-elle en baissant le regard. Le Docteur Beaumont m'envoie vous chercher.
Un fœtus à terme, c'est un bébé, ai-je envie de lui crier. Même ce mot est tabou !
Je la suis à pas précipités, à la recherche de Juliette, le docteur Beaumont. On m'enfile une blouse d'opération et me pousse vers le lavabo où je me désinfecte consciencieusement les mains.
— Va-t-on enfin me dire ce dont il retourne ? m'agacé-je.
— Le bébé est en souffrance.
L'infirmière sursaute au son du mot interdit et je me réjouis intérieurement. Juliette vient de faire son apparition, et elle, elle n'a peur d'aucun tabou. Un chat est un chat. Point.
— Cordon autour du cou, battements du cœur ralentis. Nous avons peu de temps, enchaîne-t-elle en se désinfectant à son tour les mains.
Je n'ai pas besoin de lui poser d'autres questions. Son attitude est non équivoque. Césarienne en urgence. J'accélère les mouvements du savon contre ma peau. Chaque seconde est comptée. Lorsque je pénètre au bloc, la maman – je devrais plutôt dire génitrice – est en place, un champ opératoire positionné entre sa tête et son ventre.
— A-t-elle reçu une péridurale ou une rachi-anesthésie ?
— Oui, rachi-anesthésie il y a moins de dix minutes.
J'acquiesce pour la forme. La rachi-anesthésie est la méthode la plus rapide pour la douleur, et là, nous n'avons clairement pas une minute à perdre.
Juliette me tend le scalpel et je le positionne, concentrée. Je retiens ma respiration le temps d'effectuer l'incision d'une dizaine de centimètres au dessus du pubis, mais marque un arrêt en sentant le corps de la maman se contracter. Je lève la tête vers Juliette et lui lance un regard de biais alors que les plaintes s'élèvent de l'autre côté du champ.
Merde !
— La rachi n'a pas fonctionné correctement, lâché-je, plus pour moi-même que pour les autres. Est-ce que...
— On n'a pas le temps Lilas... souffle mon amie.
***
Coucou !
Aujourd'hui petite incursion dans la vie quotidienne de Lilas et de Valéria. Quant à Adrien, son influence sur la jeune femme semble s'intensifier !
Alors, que pensez-vous de ce monde ? :p
La suite ce week end ;)
Bisous !
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