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SECONDE PRÉSENTATION : Victoria

Bonsoir ! Chapitre en avance d'un jour car je ne pourrai pas poster demain. On reprend le rythme normal d'un chapitre tous les vendredi la semaine prochaine ! :D Bonne lecture !


- Comment est-ce que tu t'appelles ?

- Victoria Brusco.

- Quel âge as-tu ?

- Quinze ans et demi.

- Quelle est ta situation familiale ?

- Je suis fille unique. Mon père est créateur de sacs de luxe, et ma mère journaliste internationale.

- Pourquoi as-tu décidé de créer le Club ?

- Parce que j'en ai assez d'être coincée dans l'Eternel Retour, je veux trouver le moyen d'éviter nos morts pour nous libérer de cette prison appelée « Destin ».

- Oh, c'était jolie, Vic' !

- Sarah, ne nous dérange pas s'il te plaît.

- Excuse-moi, monsieur le rabat-joie.

- Ne t'inquiète pas Axel, je continue. J'espère aussi qu'en créant ce Club, nous pourrons dénicher d'autres individus qui savent. Je ne peux pas croire que nous soyons les trois seuls sur cette Terre.

- Et dernière question... Comment vas-tu mourir ?

- Je... Je vai-

- Ne te force pas, Vic', tu n'es pas obligée...

- Si justement, Sarah, je suis obligée. Reprenons. Axel ?

- Oui... Comment vas-tu mourir ?

- Je vais me suicider.

***

Même deux ans plus tard, c'étaient encore ces mots qui me venaient en tête dès que je me réveillais. Ceux que j'avais prononcés le Mercredi 24 Septembre 2014, jour de création du Club de l'Eternel Retour. S'échapper de l'Eternel Retour... C'est mon objectif. Et ceux-là étaient vite suivis par ceux que je prononçais tout bas en me redressant dans mon lit :

- Je suis heureuse, et il n'y a aucune raison que ce soit le contraire.

Après ce rituel de réveil effectué, je levai les bras en l'air pour m'étirer et tendis les jambes sous la couette pour faire de même. Je réprimai un bâillement et fis pivoter ma tête dans mon cou, les cervicales craquèrent en produisant un son satisfaisant. Cela fait, je sortis élégamment mes jambes du lit et me levai avec une petite impulsion. J'atterris sur le parquet sans bruit, et ma robe de chambre retomba le long de mon corps en silence.

Comme tous les matins, je m'approchai de ma baie vitrée, quatre mètres à gauche de mon lit, et tirai les rideaux avant de les accrocher de chaque côté avec un nœud bleu. Malgré l'immense panorama que ces sept vitres (trois mètres de haut sur un et demi de large) m'offraient, je ne vis rien de plus que l'épaisse nuit noire en ce matin de décembre. Evidemment, puisque le Soleil ne se lèverait pas avant trois bonnes heures.

Je jetai un coup d'œil sur le vieux réveil faiblement éclairé par ma lampe de chevet. C'était un objet ayant appartenu à ma grand-mère paternelle, lorsqu'elle habitait à Rome. Elle l'avait légué à mon père, qui avait fini par me le léguer à moi, quand j'eus atteint les cinq ans. Il fonctionnait encore, sûrement grâce aux récurrents passages chez l'horloger, et indiquait à cet instant précis 05h33.

Je souris en regardant l'heure, qui me prouvait que mon horloge interne était bien réglée ; cela faisait presque un an que j'avais décidé de ne plus me servir de sonnerie pour me réveiller. J'avais lu qu'apparemment, les réveils trop brutaux favorisaient la dépression, et c'était bien la dernière chose que je voulais avoir.

Bien qu'une grande partie de ma chambre fusse encore dans le noir, je trouvai sans mal l'interrupteur près de la porte entrée. La lumière m'éblouit et je dus plisser les yeux pour ne pas être aveuglée par le lustre qui crachait son rayonnement dans toutes les directions. En plus, il brillait de mille feux, suspendu trois mètres cinquante au-dessus de mon lit ; César l'avait nettoyé la semaine dernière. Après m'être habituée, je partis éteindre ma lampe de chevet qui ne me servait plus à rien. Au passage, j'attrapai un gros carnet en cuir noir qui trainait à côté, celui que ma mère m'avait offert l'année dernière.

« Pour que tes gênes de journaliste puissent s'exprimer », avait-elle dit.

Je ne sais pas si c'était mes gênes de journaliste qui s'exprimaient, mais après un an, son cadeau était déjà bien rempli. Sur les trois-cent pages, il n'en restait plus qu'une vingtaine. Je remarquai alors que j'avais bientôt fini la page 276, celle qui comportait la liste de choses à faire du mois de Décembre 2016. Mon organisation dans le journal était très poussée, et je détestais devoir chambouler l'ordre que j'avais créé. J'hésitai alors à rajouter un élément dans la liste, au risque de la compléter, ou alors d'attendre qu'une autre chose plus importante ne se présente pour que je la mette à sa place...

Après quelques secondes de réflexions, je me dis que je me prenais trop la tête et reposai le carnet là où il était. Je me déciderais pendant mon footing, il m'aidait généralement à me concentrer.

Je laissai le lit derrière moi et ouvrai le dressing à l'autre bout de la pièce. Je ne m'attardai pas sur les dizaines de robes de soirée et autres tailleurs et récupérai directement un survêtement estampillé « spécial hiver ». Puis je refermai le meuble et partis me changer dans la salle de bain attenante à ma chambre. J'en ressortis moins de cinq minutes plus tard, mes cheveux auburn attachées en une longue queue de cheval courant dans mon dos, prête à courir. Mais tout d'abord, un petit casse-croûte s'imposait.

La maison était calme, encore endormie. Je décidai de ne pas allumer la lumière du couloir afin de ne pas perturber la quiétude des lieux. Me fiant à mes sens, je laissai mes pieds glisser sur le marbre blanc jusqu'à atteindre l'escalier. Mes doigts rencontrèrent la rampe en fer forgé et j'entamai la descente, toujours dans le noir complet. Arrivée au palier du premier étage, je laissai mon index en l'air et rattrapai la suite de la rampe deux mètres plus loin, puis continuai mon chemin jusqu'au rez-de-chaussée. A peine en bas, mes pas me guidèrent à la cuisine, où je trouvai sans problème le placard contenant ce que je prenais habituellement au petit déjeuner. Utilisant mon touché pour sélectionner ce que j'allais manger, je finis par choisir un emballage en plastique crissant sous mes doigts ; une barre de céréales énergisante aux fruits rouge. Je refermai le placard et ouvrai le sachet. Croquant dans mon petit déjeuner, je repérai la poubelle grâce à son écran rétroéclairé et jetai le déchet dedans. Une petite animation d'un clin d'œil apparut à l'écran, comme si la poubelle me remerciait de l'avoir nourrie. Mère avait craqué sur ce bijoux technologique Noël dernier, et je ne comprenais toujours pas pourquoi avoir une poubelle émotionnelle (« Emotional Dustbin » sur l'emballage) était si bien. De plus, avec son boulot, elle n'était pas souvent là pour lui tenir compagnie. Néanmoins, je lui trouvais quand même un côté sympathique, à cette poubelle. Peut-être parce que je m'efforçais à trouver un côté sympathique à tout et n'importe quoi.

Tout en finissant mon casse-croûte, je retournai dans le hall d'entrée et récupérai les clés dans une boîte prévue à cet effet. J'attrapai également une paire de chaussures de sport enfermée dans un petit meuble près de la porte et les enfilai en vitesse. Quand j'allumai la lumière du porche depuis l'intérieure, les vitraux orangés autour de la porte se mirent à briller et projetèrent leurs couleurs sur le sol de l'entrée. Ce beau spectacle m'avait d'ailleurs inspiré un axe de réponse à une problématique sur la couleur, en cours de design. Je souris en y repensant, ces souvenirs encore frais éclairant ma matinée d'une lumière agréable.

Revigorée, je déverrouillai la porte d'entrée et la refermai rapidement pour que le vent frais ne s'infiltre pas dans la maison. Il ne devait pas faire plus de cinq ou six degrés, car mon souffle se muait en buée à chaque expiration. Je frissonnai quelques secondes sur le porche, mais mon survêtement fit vite son effet et je sentis mon corps se réchauffer. Pour l'encourager à continuer comme ça, j'entrepris une petite séance d'échauffement devant l'entrée de la maison, entre les quatre colonnes soutenant la terrasse du premier étage. Petit à petit, mes muscles se mettaient au travail et je fus fin prête pour mon footing. Je fis volte-face et appuyai sur un interrupteur près de la porte. Progressivement, les lampions solaires ayant accumulé de l'énergie la veille s'illuminèrent, traçant mon chemin au travers du jardin. Des dizaines de petites boules bleues perçant le voile de la nuit pour me guider durant mon footing matinal. Alors sans plus attendre, je les suivis.

Je dévalai les marches du porche et poursuivis ma route sur les graviers, prenant peu à peu de la vitesse. Bientôt, j'aperçus la maison qu'occupait César. Celle-ci était accolée à la haie qui délimitait la propriété, et bien que ce ne soit censé qu'être qu'un simple logement de fonction, elle faisait tout de même un bon cent-vingt mètres carré. Je remarquai que la lumière du salon était allumée, ce qui était logique puisqu'il débutait sa journée à six heures. Et comme tous les matins, elle éclairait la limousine noire d'une lueur jaunâtre. Mais au lieu de passer à côté, je bifurquai sur la gauche en suivant les lampions.

Je progressai alors sur un petit chemin s'étirant au milieu de la pelouse parfaitement tondue. La maison étant construite sur un terrain vallonné, je dus parfois forcer un peu plus sur mes jambes pour garder une vitesse constante. Cependant, après plusieurs années, je ne le remarquais même plus. Je fis une première pause devant le bassin artificiel, cela faisait trois minutes que je courais, et la maison était déjà loin derrière. Grâce aux lampions, j'apercevais légèrement sa forme se détacher dans l'obscurité, ses colonnades soutenant le bâtiment jusqu'au grenier au-dessus de ma chambre. Elle avait été construite il y a huit ans, lors de mon entrée au collège.

Avant, j'habitais à Monaco avec Père et Mère, mais j'avais vite entendu parler de la section STD2A (qui portait un autre nom à l'époque), alors j'avais demandé de venir habiter ici, à vingt minutes du seul lycée de la région qui l'enseignait. Mes parents avaient accepté, et nous avions déménagé pour mon entrée en sixième, histoire d'avoir le temps de m'habituer à mon nouvel environnement. Bien sûr, cela rajoutait quarante minutes de trajet à Père pour se rendre au travail tous les jours, mais il se souciait plus de mon avenir. Avenir qui, grâce à la section que j'avais choisie, me permettrait d'être formée au même métier que lui : designer de mode. Aujourd'hui, deux autres lycées avaient ouvert la même section, mais aucun n'était assez proche de Monaco pour justifier un nouveau déménagement. De plus, j'étais censée hériter de la demeure à mes dix-huit ans, qui arriveraient dans quelques mois.

Je soupirai en me disant : « Mais qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire d'une baraque pareille ? ».

J'y avais déjà réfléchi, bien évidemment, et j'avais décidé d'habiter dans la maison de fonction de César, qui retournerait probablement servir mes parents à Monaco. Mais que ferai-je des sept-cent mètres carrés de la maison principale ? Je secouai la tête ; ça ne servait à rien d'y réfléchir maintenant. Il fallait laisser le temps au temps, et mon temps actuellement devait servir mon footing. Alors sans plus me torturer l'esprit, je repartis.

Deux autres pauses et dix-huit minutes plus tard, j'étais de retour sur le porche. Essoufflée, des gouttes de sueur perlaient sur ma peau et j'avais les joues rouges. Cependant, cette balade dans le froid matinal m'avait fait le plus grand bien. J'entrai dans la maison et rangeai mes chaussures dans leur box, tout en notifiant que la lumière de la cuisine éclairait jusqu'au premier canapé du salon, et me permettait de mieux voir les détails du hall d'entrée. La partie sur ma gauche était encore dans l'ombre, mais j'arrivais à discerner le marbre en damier noir et blanc s'étendre jusqu'au parquet du salon de l'autre côté, et l'escalier qui démarrait non loin de là.

- Bonjour César ! Lançai-je alors en détachant mes cheveux.

Les mèches retombèrent en une vague dans mon dos ; cela faisait un bien fou. Je détestais avoir les cheveux attachés, mais je savais aussi que c'était mieux de les coiffer ainsi lors d'un jogging.

Soudain, une vieille voix respectueuse mais encore pleine de vie et de peps me répondit depuis la cuisine.

- Bonjour Mademoiselle Victoria ! Le petit-déjeuner sera prêt dans moins de dix minutes.

Bien que le terme « Mademoiselle » eût été supprimé des papiers administratifs et de la langue française depuis 2012, cela n'empêchait pas le majordome de me nommer de cette façon. Mais je ne m'en plaignais pas, cela donnait un certain charisme qui n'était pas pour me déplaire.

Je ne pris pas la peine de répondre (étant donné que nous étions habitués à avoir la même discussion tous les matins), et entrepris directement de grimper les escaliers. Je rentrai dans ma chambre au deuxième une quarantaine de secondes plus tard et me jetai sous la douche après avoir récupéré les vêtements que je mettrais aujourd'hui. Une douche bien froide sur mon corps encore chaud ; c'était la meilleure sensation pour commencer une bonne journée.

Séchée et habillée, je sortis de la salle de bain et récupérai mon iPhone posé sur la table de chevet, à côté du réveil de ma grand-mère et du carnet. En l'attrapant, je songeai au fait que j'aurais probablement le nouveau à Noël. Lequel était-ce déjà ? Le 7, il me semblait. Il me vint alors à l'esprit qu'avec ce téléphone je recevrais aussi tout l'attirail des nouveaux appareils Apple de l'année. Un attirail dont je redistribuerais une bonne partie à Sarah et Axel. Comme chaque fois, Axel rechignerait parce qu'« Apple fout tout son fric dans l'advertising ce qui résulte en des prix pharamineux pour des smartphones qui, bien que haut de gamme, ne méritent pas un prix aussi élevé ». Cependant, il les récupérerait quand même, au moins pour garder certaines pièces (ne me demandez pas lesquelles je ne m'y connais pas en informatique). Sarah, quant à elle, accepterait sans broncher, même si elle n'en a pas vraiment besoin. Car « un cadeau est un cadeau ». Ce qui, selon moi, était une bonne raison, même si on n'aime pas forcément ce que l'on nous offre.

Ces constatations faites, j'ouvrais l'application « Messenger » et sélectionnai une discussion sobrement appelée « Club ». Les deux dernières notifications étaient les suivantes : Cosmic Girl a ajouté Tim Leroy à la conversation. Cosmic Girl a donné le surnom La main sur le Cœur à Tim Leroy. Le surnom Cosmic Girl était évidemment celui de Sarah, qui était la « surnomeuse » attitrée de la conversation. Hier soir, je lui avais demandé d'ajouter Tim au groupe et de lui donner un surnom pour essayer de l'intégrer davantage. Visiblement, il n'avait toujours pas vu la conversation.

A vrai dire, j'hésitai à son sujet.

Contrairement à Mathilde et Samuel qui avaient presque sautés de joie en apprenant l'existence du Club, Tim n'avait pas semblé revêtir la moindre émotion à côté de la surprise. Sauf que celle-ci venait probablement du fait qu'il ne s'attendait pas à être interviewé. Après celle-ci, d'ailleurs, il était reparti en prétextant qu'il ne pouvait pas se permettre de louper un cours. D'après moi, ça n'augurait rien de bon. Néanmoins, Sarah enquêtait sur lui depuis trois mois, et je lui faisais confiance. Après tout, elle avait déjà déniché Mathilde l'année dernière. Samuel, lui, avait été trouvé grâce au test... Ce qui avait d'ailleurs un lien avec ce que je m'apprêtais à envoyer sur la conversation.

< Bonjour à tous. Réunion prévue cet après-midi chez moi pour la préparation de la journée des Clubs. Rendez-vous dans le hall du lycée à treize heures. César nous emmènera et fera à manger.

J'envoyai le message et reposai le smartphone. Après tout, il n'était que six heures et demie ; il aurait été étonnant que je reçoive une réponse avant sept heures... Mon portable sonna au moment où cette pensée me traversa l'esprit. D'ordinaire, aucun de mes amis n'était accroché à son téléphone si tôt. Etonnée, je déverrouillai l'écran et lus la réponse.

Ok pour moi. Mes parents veulent juste savoir où je suis et comment je rentre. >

Pour ma plus grande surprise, c'était La main sur le Cœur (Tim) qui avait répondu en premier. Sans trop analyser son texte, je me doutais qu'il n'y avait pas que ses parents qui voulaient savoir où il était. Ça paraissait évident, mais je savais qu'il se méfiait encore. Déjà hier, il ne m'avait pas semblé totalement convaincu par l'existence du Club.

Mais ce n'était pas un problème. En tant que directrice du Club de l'Eternel Retour, j'allais lui faire comprendre que nous ne lui mentions pas, que notre cause était bien réelle. Aussi réelle que nous sussions comment nous allions mourir.

< Je comprends parfaitement. J'habite dans les Hauts de Saint-Paul, à vingt minutes à peu près du lycée. César te ramènera à l'heure que tu souhaiteras, tant que tu ne loges pas dans une autre région, évidemment.

J'hésitai à ponctuer ma blague d'un smiley. Cependant, je ne voulais pas paraître trop proche alors que nous ne nous connaissions que depuis 24h. Et je détestais quand quelqu'un se montrait un peu trop entreprenant à mon égard (ce qui malheureusement, m'arrivait souvent).

Merci. >

Qui est César ? >

< Mon majordome.

Ok. >

Je fermai la conversation et ouvrai l'application « SMS ». Je trouvai en quelques secondes le prénom « Samuel » et lui envoyai le même message qu'aux autres. Contrairement à eux (et à une bonne partie du monde en fin 2016), il ne possédait pas de téléphone portable assez récent ou même d'ordinateur pour pouvoir utiliser Facebook. Cependant, il était souvent le premier à répondre à mes messages groupés. Néanmoins, je n'attendis pas plus pour découvrir la réponse des autres et reposai mon iPhone à sa place et quittai la chambre ; j'avais assez fait patienter César comme ça.

De retour dans la cuisine, le majordome effectua une courbette polie pour m'accueillir. César, malgré ses soixante-dix ans bien tassés, était toujours aussi grand qu'à ses vingt ans et était toujours aussi alerte pour effectuer les tâches qu'on lui demandait.

- Pile à l'heure, mademoiselle.

Je m'installai sur une chaise haute autour de l'ilot central de la cuisine. Devant moi, sur le plan de travail en marbre (lui aussi), un couvert pour une personne avait été dressé, accompagné de son lot de confitures variées, beurre et autres pâtes à tartiner.

- Les croissants sont prêts ?

A peine eussé-je fini ma phrase que l'alarme du four retentissait. César me sourit et sortit les maniques d'un placard, avant de se baisser pour ouvrir le four, situé de l'autre côté de ma place assise. L'odeur de pâtisserie envahit soudain mes narines, réveillant mon estomac toujours pas satisfait de la barre de céréale de tout à l'heure. En ayant du mal à maintenir mon excitation, j'observai avec délectation César disposer les croissants dans un plat en céramique avant de me les apporter. Il y en avait quatre, quatre beaux spécimens qui n'attendaient qu'à être dégustés.

Délicatement, j'attrapai un quart de mon petit-déjeuner et commençai à le découper en deux. Au même moment, César me glissa un iPad à côté de moi ; il était déverrouillé et affichai la page d'un journal numérique.

INDEPENDANTISTES BRETONS : LE COMBAT CONTINUE

Je relevais des yeux pleins d'espoirs vers César.

- C'est bien ce que je crois ?

- C'est bien ce que vous croyez.

Il me lança un sourire bienveillant et me laissa lire l'article. Les mots utilisés, les tournures de phrases... Tout respirait la patte d'une certaine journaliste ; Julia Brusco. Ma mère. César n'eut sûrement pas de mal à voir le plaisir sur mon visage car il eut vite fait de me demander :

- Alors ? Madame Brusco a-t-elle repris du poil de la bête ?

J'hochai la tête tout en ouvrant mon croissant en deux.

- Elle est redevenue elle-même ! Criai-je presque.

Je remarquai alors un léger soupire venant de César, presque imperceptible. Pendant que j'étalais la confiture de fraise, je lui demandai :

- Vous m'avez l'air rassuré...

Le majordome, qui était maintenant en train de ranger dans les placards les couverts propres du lave-vaisselle, se tourna vers moi et lança d'une voix hésitante :

- Je craignais que le syndrome de la page blanche dans laquelle était coincée Madame ne traîne en longueur. Puis plus joyeusement : Je suis content de m'être trompé !

César utilisait rarement le mot « content », préférant se concentrer davantage sur des termes plus expressifs. Cela prouvait à quel point Mère était importante pour lui. Mais je savais aussi qu'il ressentait la même chose vis-à-vis de Père et moi. Il était très attaché à notre famille ; probablement la première et la dernière qu'il aurait à servir.

- Mère était dans une mauvaise passe, rajoutai-je enfin après une première bouchée.

J'en reprenais une nouvelle avant de continuer. Décidemment, César était un véritable maître dans le domaine de la viennoiserie !

- Mais elle a su rebondir, c'est le principal. Ce ne sont pas des bretons indépendantistes qui vont lui empêcher d'écrire un article. Pas après ce qu'elle a vu là-bas...

Je me mordis la lèvre inférieure. Je ne voulais pas continuer sur ce terrain-là. Je croisai le regard de César. Nous ne voulions pas continuer sur ce terrain-là.

C'est pourquoi je détournai maladroitement le sujet :

- D'après ce qui est rédigé avant le texte, Mère devrait être présente à une nouvelle manifestation sur Rennes aujourd'hui, la plus importante du mouvement indépendantiste. Je suppose qu'elle écrira un article pour le numéro de demain ou d'après-demain... Sais-tu si Père est au courant ?

- Je n'ai aucun doute sur le fait que cela le rendra très heureux de l'apprendre. Cependant, l'article est paru à six heures ce matin, hors, Monsieur Brusco m'a prévenu par mail à quatre heures qu'il devait se rendre au plus vite à Monaco. D'après ce que j'ai compris, ses clients ? Je ne suis pas bien sûr... seraient arrivés bien plus tôt que prévu.

J'avalai ce que j'avais dans la bouche et laissai échapper un « Mmmh » de compréhension.

- Ce ne sont pas des clients, expliquai-je. Ce sont les représentants d'une entreprise chinoise, apparemment intéressée pour racheter la société de Père.

Je croquai dans mon croissant et remarquai au même moment un sourire apparaître aux coins des lèvres de César. Celui-ci s'occupait maintenant de passer un coup d'éponge sur le plan de travail de la cuisine.

- Quelque chose de drôle ? Demandai-je sur le ton de la rigolade.

- Eh bien, commença-t-il sans s'arrêter de frotter. Je songeai jusque que ces chinois doivent certainement perdre leur temps. J'ai l'intense conviction que les Sacs Brusco ne quitteront pas la famille avant ma mort !

Un rire s'échappa de ma gorge tandis que je découpai le troisième croissant.

- Même des siècles après la mort de Père, l'entreprise restera chez les Brusco. Je ferai en sorte que tous nos descendants gardent en mémoire l'importance de cette société et ce qu'elle représente pour notre famille.

Tout d'un coup, César s'arrêta dans sa tâche pour réfléchir.

- Cela veut-il dire que vous garderez votre nom de jeune fille à votre mariage ? Vous allez hériter des Sacs Brusco, ce serait déplacé de ne plus avoir ce nom en usage.

Un rictus apparut sur mes lèvres. Je savais que César plaisantait, mais je ne pouvais m'empêcher de répondre à ses pics.

- La question ne se pose pas encore, rétorquai-je. De plus, cela regarde-t-il le majordome ?

Habitué à mon humour, l'intéressé se contenta de hocher les épaules avant de se remettre au travail.

- Je suppose que non, marmonna-t-il.

Je réprimai un nouveau rire et avalai une bouchée de viennoiserie. Puis j'extériorisai un soupir de bien-être et revins au sujet initial :

- Et donc Père n'est pas encore au courant pour le « retour » journalistique de Mère. Bien, je me ferai un plaisir de le lui annoncer.

Je suis heureuse, et il n'y a aucune raison que ce soit le contraire.

Les pas martelaient le sol, prêts à le fendre en deux à la moindre occasion. Devant moi, les visages s'enchaînaient, certains encore fatigués, d'autres au contraire bien réveillés à l'idée que la matinée de cours était finie. Même si pour la plupart des élèves, les activités de club les forceraient à revenir au lycée d'ici une ou deux heures. Pour une fois, ce n'était pas mon cas.

Debout tranquillement près des portes vitrées de l'entrée, j'attendais patiemment de reconnaître un visage familier dans la foule de faciès qui défilaient devant moi. Enfin, j'aperçus une chevelure blonde se faufiler à contrecourant à travers les adolescents avant d'émerger devant moi, les mèches en bataille.

- Salut Victoria ! Lança Mathilde en réajustant les lunettes sur son nez.

- Salut.

Je me penchai pour lui faire à la bise alors qu'Axel se détachait petit à petit des autres élèves pour nous rejoindre près du mur du hall.

- Bien depuis ce matin ? Me demanda-t-il en disant bonjour à Mathilde.

J'avais croisé Axel en sortant de la limousine de César, et nous avions fait un bout de chemin ensemble avant d'aller dans nos cours respectifs.

- Toujours aussi bien.

Je lui adressai un clin d'œil et le garçon brun vint se placer à mes côtés, sous le regard conspirateur de Mathilde. Derrière son apparence de jeune fille sage et sérieuse, elle était en fait une sacrée curieuse, surtout sur les sujets touchant de près ou de loin à l'amour avec un grand « A ».

- Je te l'ai déjà dit, soupirai-je. Axel et moi sommes meilleurs am-

Ma voix fut soudain recouverte par une exclamation provenant de quelque part dans le hall – il était bien trop grand et la masse de personnes amassées rendait une localisation plus précise impossible. Je tournai vivement la tête vers le centre de la salle, quand un cri, non, un râle retentit de nouveau.

- Ouais bah la prochaine fois tu te pousseras !

Je repérai enfin un grand gars un peu costaud près du couloir menant à la vie scolaire et aux salles de Mathématiques, mais je semblais bien être la seule à m'intéresser à lui. En fait, personne ne s'était arrêté pour voir la scène, tout le monde préférant sans doute vaquer à ses occupations plutôt que de s'occuper des problèmes des autres. Ce que je comprenais d'ailleurs. Axel et Mathilde n'avaient pas réagi non plus.

Du moins, jusqu'à ce qu'on ne voie Samuel débarquer devant nous, un peu mal à l'aise et encore plus pâle que d'habitude – quelque chose que je n'aurais jamais cru possible avant.

- Bon... Bonjour. Marmonna-t-il discrètement.

Axel se crispa à côté de moi. Son côté grand-frère protecteur ressurgit et il esquissa soudain un pas devant lui, avant d'être arrêté par les deux mains de Samuel qui se posèrent sur son torse. Visiblement, il avait tout de suite deviné comment l'autre réagirait.

- Tout va bien ! Assura-t-il. Je lui ai coupé la route en voulant vous rejoindre et il a failli tomber ; c'était de ma faute. Et puis il est dans ma classe, je le connais...

- Vraiment ? Dis-je, surprise.

Je jetai un coup d'œil au gugusse qui était en train de sortir. Il faisait presque la taille d'Axel alors qu'il n'était qu'en Première, c'était rare. Puis je réalisai qu'il aurait sans doute pu avoir redoublé, même plusieurs fois.

Axel grommela mais reprit finalement sa position initiale.

- T'es sûr que ça ira ? S'inquiéta-t-il en regardant Samuel.

L'intéressé hocha vivement la tête, comme un enfant rassuré par les paroles de son père.

- Oui tout va bien, ça m'arrive souvent.

Il tenta de rire mais fut vite coupé par Mathilde :

- Euh, quelqu'un peut me dire ce qu'il se passe ? Je crois que j'ai pas suivi.

Elle fit pencher son carré blond sur le côté en signe d'incompréhension. Je soupirai devant tant de dissipation et remarquai enfin qu'un nouvel arrivant nous observait depuis un petit bout de temps.

Il avait la peau claire et ses cheveux châtains étaient pleins d'épis, comme s'il venait de se réveiller. C'était Tim.

- Salut, fit-il discrètement en levant une main hésitante.

- Salut ! Répéta joyeusement Mathilde.

Elle semblait déjà avoir oublié sa question.

- Bonjour, dis-je simplement en lui adressant un sourire.

Tim en esquissa un, gêné, puis se tourna vers les deux autres garçons qui le saluèrent à leurs tours. Puis je déclarai finalement :

- Je vais appeler Sarah pour savoir ce qu'elle fabrique, cela fait déjà plus de cinq minutes que la cloche a sonné.

N'attendant pas vraiment de réponse de mes camarades, je sortis rapidement mon téléphone du sac et composai le numéro de mon amie. Trois sonneries retentirent alors que le hall se vidait presque complétement, puis il y eut un léger grésillement et la voix de Sarah résonna enfin dans les haut-parleurs.

- Allô Vic' ?

Son ton était le même que d'habitude. Elle ne semblait pas avoir oublié notre rendez-vous.

- Où es-tu, au juste ? On devait se rejoindre dans le hall.

- Je suis déjà avec César. J'ai vu ton message en sortant, alors je suis directement partie le chercher plutôt que de faire demi-tour.

- Productivité avant tout, hein... Soupirai-je.

En entendant cela, Axel comprit tout de suite la situation et fit signe aux autres qu'on pouvait y aller.

- Exact, agréa Sarah à l'autre bout du fil.

- Tu aurais pu envoyer un SMS, quand même...

Nous marchions en silence vers l'entrée du lycée, nous laissant peu à peu happés par la fraîcheur de l'hiver. J'ouvrais la marche, Axel et Samuel sur les talons, tandis que Mathilde harcelait le pauvre Tim de questions sur sa matinée.

- Je n'ai plus de forfait, et je savais que tu finirais par m'appeler.

- Evidemment... marmonnai-je. Et comment as-tu trouvé la voiture ?

- J'ai un sixième sens ; je sais que quand je vois une dizaine de personnes attroupées, c'est sûrement pour regarder quelque chose d'incroyable pour la majorité des êtres humains -une limousine dans notre cas.

- Ok, dis-je simplement pour couper court à la conversation. On arrive.

Je raccrochai et rangeai le smartphone dans mon sac.

- Tout va bien ? Demanda Samuel derrière moi.

Je me retournai et lui adressai un sourire, tout en remarquant la mine gênée de Tim qui écoutait Mathilde raconter je ne savais quoi.

- Oui, Sarah est simplement déjà à la voiture. Mathilde, on aura tout le temps de parler avec Tim chez moi, ce sera plus agréable de discuter là-bas, tu ne crois pas ?

La jeune fille releva la tête, son carré blond rebondissant comme un ressort sur son crâne. Nous venions de dépasser le portail du lycée, et pas mal d'élèves étaient assis sur le muret de l'allée menant jusqu'à la route.

- Je commence juste en avance ! Lança joyeusement Mathilde. J'étais en train de lui expliquer com-

- Ça voulait dire « garde ta salive pour plus tard ».

Je jetai un coup d'œil dénonciateur à Axel qui croisa les bras sur son torse. Je ne doutais pas du fait qu'il n'eût probablement dit ça que pour appuyer mes propos, mais sa manière de s'exprimer était encore un peu trop violente à mon goût. Habituée, Mathilde se contenta de gonfler ses joues d'air d'une manière boudeuse. Tim, sans savoir vraiment où se mettre, tenta un sourire un peu gauche.

- Désolé... Marmonna Axel, un peu en retard.

Je secouai la tête tandis que Mathilde haussait les épaules. Petit à petit, je sentis le malaise s'installer entre nous cinq, et c'est alors que Samuel choisit le bon moment pour déclarer :

- Ah ! Je crois qu'on n'est pas loin.

Il accompagna ses paroles d'un index pointé en direction d'un petit groupe d'élèves amassés près du trottoir, là où semblait être garé une plutôt grosse voiture. Sarah avait parlé d'une dizaine de personnes, j'en voyais cinq tout au plus, observant avec intérêt les vitres teintées et la carlingue de la limousine. Pas de doute, c'était bien l'engin de César.

Arrivés près du véhicule, Tim poussa un cri d'exclamation.

- Attendez...

Je venais de poser la main sur la poignée d'une des deux portes arrière (la plus proche de l'habitacle). Autour de nous, les badauds s'étaient écartés pour nous laisser passer. La plupart nous lançaient des regards choqués. Certains, deux pour être exacte, me regardaient comme une pestiférée. Etaient-t-ils jaloux ? Probablement.

Tim, en tout cas, avait plutôt l'air de faire partie de la première catégorie ; les choqués.

- C'est avec ça, qu'on va chez toi ?

- Evidemment, répondit Mathilde en riant. Tu pensais qu'on allait y aller comment ?

Le garçon grimaça et balbutia :

- Euh je sais pas... Vu qu'on est six plus chauffeur... En camionnette ?

Je réprimai un rire mais laissai transparaître un rictus d'amusement.

- En camionnette ? Répétai-je. Je t'ai déjà dit que César était mon majordome... Ça aurait dû te mettre la puce à l'oreille.

La vision de César au volant d'une camionnette me semblait absolument déplacée.

Tim se gratta le haut du crâne.

- Je pensais que tu te foutais de moi, avoua-t-il.

- Pourquoi ferais-je une chose pareille ? Demandai-je sincèrement. Allez, montons, vous devez avoir faim.

Avec ça, j'ouvrai la portière et m'engouffrai dans la limousine. Quand je m'assis dans les sièges en cuir beige (la rangée qui donnait vers l'avant de la voiture), une petite vitre s'abaissa devant moi et j'aperçus la tête de Sarah dépasser depuis le siège passager.

- Salut.

Tim glissa à son tour dans le véhicule et se retrouva juste en dessous de Sarah, les mèches bleues de celle qui l'avait recruté dégringolant dans sa nuque. Il frémit et se décala rapidement vers la portière opposée, traînant son sac derrière lui.

- Coucou Sarah ! Cria presque Mathilde en se propulsant à côté de Tim.

Elle voulut faire la bise à son amie mais cette dernière l'en empêcha.

- Nous ne sommes pas dans des positions favorables, expliqua-t-elle. Mais si tu tiens tant que ça à faire perdurer cette tradition de collage de joue, tu pourras le faire une fois qu'on sera sorties.

Mathilde hocha la tête en signe de compréhension avant de rajouter tout bas quand Samuel s'assit à sa gauche :

- Qu'est-ce qu'elle veut dire par là ?

Je pouffai intérieurement et me décalai légèrement pour laisser de la place à Axel, qui referma derrière lui. A travers les vitres teintées, on pouvait apercevoir les visages étonnés des élèves qui nous avaient vus monter.

- On peut démarrer, lançai-je alors à l'intention de César.

- Bien Mademoiselle.

Sarah referma la vitre entre nous puis le monteur gronda quelques secondes plus tard. Je me relaxai un peu plus dans mon siège tandis qu'Axel sortait un livre de son sac ; celui qu'il avait commencé hier midi. En face, Mathilde posait ses questions habituelles (« comment s'est passée ta matinée » « t'as mangé quoi ce matin » etc...) à Samuel, à côté de Tim qui semblait ne pas se sentir à sa place.

Cela me rappelait l'attitude d'Axel et Samuel la première fois qu'ils étaient montés dans la limousine.

- Un problème ? Lui demandai-je.

- Non, fit-il en secouant la tête.

Je lui souris.

- Alors détends-toi...

Accompagnant le geste à la parole, j'expirai longuement et fermai les paupières. Je décidai de les rouvrir quand nous serions arrivés. Et donc je me laissai bercer par les voix de Samuel et Mathilde, les pages du livre d'Axel, le crissement des ongles de Tim sur le cuir et par la route.

La position du Soleil dans le ciel ne permettait pas de créer d'immenses ombres partant de la maison. Néanmoins, cela ne retirait rien au caractère impressionnant du bâtiment. En plein jour, elle avait un certain air de Maison Blanche, je me l'étais toujours dit. C'est d'ailleurs la même idée qui frappa Tim quand nous arrivâmes dans l'allée.

- On est à Washington ou quoi ?

En entendant ça, Axel referma son livre et le rangea dans son sac.

- Tu lis quoi ? Lui demanda Mathilde.

- « Le Bazar des Mauvais Rêves », un recueil de nouvelle de Stephen King.

Je frissonnai.

- Stephen King ? J'ai été assez traumatisée par « Ca » pour ne plus m'intéresser à son œuvre...

En face de moi, Samuel lâcha un soupir approbateur.

- C'est bien dommage, décréta Axel. Il écrit plein de choses intéressantes. Même un texte sur l'Eternel Retour...

- Vraiment ? S'exclama Mathilde avec stupeur.

Tim fronça les sourcils lui aussi.

- Vraiment, répéta Axel. Je viens de le lire, d'ailleurs. Mais je vous en parlerai après manger.

J'acquiesçai au moment où la voiture s'immobilisa.

Nous descendîmes du véhicule et je guidai mes amis à l'intérieur. Seule Sarah resta à discuter avec César près de la limousine, et je devinai qu'elle négociait pour cuisiner à sa place. Tim resta quelques secondes immobile dans le hall d'entrée, bouche-bée, mais il ne tarda pas à nous rejoindre dans la salle à manger. Je décidai de lui faire la visite après le repas, la priorité étant de combler nos estomacs. Nous nous installâmes autour de la table en bois massif, le couvert était déjà mis.

- Je ne pensais vraiment pas que tu étais si riche... Avoua Tim en s'asseyant.

Assise à côté de lui, Mathilde envoya son coude valser dans ses côtes.

- T'en fais pas ! On se sent toujours pas à notre place la première fois qu'on va chez Vic' ! On vit pas dans le même monde, mais on s'habitue.

En face d'elle, je soupirai en secouant légèrement la tête.

- Tim, ne te sens pas mal-à-l'aise. Sens-toi ici comme chez toi.

Le garçon opina du chef.

- Je ferai de mon mieux.

C'est à ce moment que Sarah déboula à son tour dans la pièce, la mine boudeuse ; ses mèches bleues encadraient ses joues et accentuaient son agacement.

- Pourquoi cette tête ? Fit Axel, moqueur.

Sarah se laissa tomber en bout de table et souffla.

- Je voulais cuisiner, mais César a déjà tout préparé.

J'entendis Samuel rire à ma droite. Mon amie, elle, grogna de nouveau.

- La prochaine fois Vic', tu lui diras de me laisser du boulot, ok ?

- Pas de soucis.

- Sincèrement désolé, Mademoiselle Coven, lança soudain César en arrivant lui aussi. Je laisserai votre imagination culinaire s'exprimer un autre jour.

Le majordome s'en alla vers la cuisine sous les ricanements de l'assemblée. Sarah était très douée en cuisine -elle était forcée de l'être, en fait-, et elle adorait impressionner la galerie par ses talents. Depuis qu'elle venait ici, elle se mesurait parfois à César sur leur domaine de prédilection à tous les deux, et ce sont les membres du Club qui les départageaient la plupart du temps. Aujourd'hui cependant, j'avais demandé à mon majordome de tout préparer à l'avance pour ne pas perdre de temps.

- Désolé de faire mon difficile, lança alors Tim quand les rires retombèrent, mais est-ce que je peux savoir ce qu'on mange ?

- Un bon gros hamburger, répondit Sarah le plus sérieusement du monde.

Le garçon lui envoya un regard noir alors je répliquai en vitesse :

- Elle plaisante. Il y a du poulet et des légumes pour le plat principal, ainsi que de la salade. Il n'y a pas de dessert particulier de prévu car nous avons beaucoup à faire cet après-midi, mais le réfrigérateur reste là si vous avez encore faim.

Tim hocha la tête comme pour exprimer sa gratitude.

- Les légumes et la salade iront très bien, merci.

- Tu es végétarien ? S'écria alors Mathilde.

J'entendis Axel faire un pff entre ses lèvres mais l'ignorait.

- Pas vraiment, dit l'intéressé avant de changer le sujet : Qu'est-ce qu'on va faire exactement, cet après-midi ?

Dans la cuisine, le four se mit à sonner.

- Gardons cela de côté pour plus tard, le repas va bientôt être servi.

Et en effet, moins d'une minute après, César disposa sur la table deux grands plats de légumes surélevés d'un poulet entier chacun. L'odeur m'emplit les narines et je lançai un coup d'œil discret à Tim. Il avait déjà l'air moins réticent qu'hier, c'était un bon point.

- Quelqu'un désire-t-il un dessert ?

A la question de César, Mathilde et Sarah lancèrent un « oui » tonitruant tandis que Samuel préféra un plus discret « s'il vous plaît ». Tim, qui avait mangé comme convenu les légumes et la salade, ainsi qu'Axel et moi, préférâmes en rester là pour le déjeuner. Le majordome, après avoir débarrassé nos couverts, ramena de la cuisine une dizaine de yaourts ainsi qu'un panier de fruit. Malgré mes efforts, je craquai et attrapai une mandarine. Ce fruit m'avait toujours fait de l'effet, peut-être parce que c'était celui que le Père Noël mangeait lors de sa distribution annuelle de cadeaux, d'après mes parents. Ce mythe aurait-il pu créer une addiction ? Probablement.

- Tu ne devais pas nous parler de Stephen King, Axel ?

La question venait de Mathilde, qui enfouit sa cuillère dans un pot de crème au chocolat.

- Si, de sa nouvelle. Elle s'appelle « Après-Vie », et n'est longue que d'une dizaine de pages. Quatorze, pour être exact.

- Et y'a-t-il quelque chose là-dedans qui pourrait nous intéresser ? Demandai-je de manière rhétorique.

Mon ami hocha la tête.

- Si on ignore le fait que ce soit une fiction, commença-t-il en perdant ses yeux verts je ne sais où dans la pièce, ça pourrait bien apporter des détails intéressants.

- Si ce n'est pas une fiction, répéta Samuel.

Je grimaçai. Cette intervention servirait-elle vraiment à quelque chose ? Un écrivain connu pour son imagination de l'horreur était-il capable de théoriser quelque chose relevant de la métaphysique ? Pour une raison que j'ignorais, j'espérais de tout mon cœur que non.

- Je ne sais pas si vous vous souvenez, mais l'année dernière, nous avions discuté de ce qui pourrait arriver après notre mort. Pas l'Eternel Retour en lui-même, mais ce qui pourrait se passer entre le moment où l'on meurt et celui ou on recommence la boucle.

Mathilde fit voler ses mèches blondes de haut en bas.

- Je m'en souviens, j'avais dit qu'il n'y avait rien.

- En effet, rajoutai-je. J'avais la même conception ; reprendre la boucle sans temps de pause.

Samuel et Sarah demeurèrent muets, attendant la suite, tout comme Tim qui semblait boire nos paroles. Je suppose que c'est la première fois qu'il assiste à une discussion si ouverte sur un sujet pourtant si important à ses yeux...

- Et il semblerait que le « King » ne soit pas d'accord avec vous, annonça Axel.

J'entendis Mathilde grommeler de déception.

- Après sa mort, le protagoniste se retrouve dans un couloir au bout duquel se trouve une porte. Il la franchit et arrive dans une sorte de bureau, dans lequel est installé un homme semblant tout à fait normal, un « manager », d'après ce qui est peint sur la porte. Celui-ci semble avoir déjà vu le protagoniste, un grand nombre de fois, en fait.

- Un manager ? S'interrogea Sarah. J'aurais préféré un ange de la mort...

- La fonction de ce manager est différente de celle d'un ange de la mort, expliqua Axel. Il donne un choix : soit le protagoniste retourne une nouvelle fois dans la boucle, sans garder aucun souvenir de la boucle et de cet entretien, soit son âme se désintègre à tout jamais. Et finie la boucle.

Je me sentis déglutir. La désintégration pure et simple de notre âme était-elle la seule solution de briser l'Eternel Retour ? Je chassai cette idée de ma tête et repris mes esprits.

- Penses-tu que cette hypothèse soit valable ? Lui demandai-je très sérieusement.

- Pas impossible.

Nous restâmes dans le silence quelques instants, jusqu'à ce que Tim prenne la parole pour la première fois dans le débat :

- Je ne sais pas si j'accepte cette hypothèse, mais... Elle me fait me poser une question essentielle. Mais peut-être que vous préféreriez l'entendre quand nous serons... Seuls ?

Il jeta une œillade à la cuisine, dans laquelle on entendait César s'afférer à je ne sais quelle tâche ménagère. Si le majordome connaissait mon avis sur l'après-vie (bien qu'il n'était pas pour la théorie de l'Eternel Retour), il n'était pas au courant que je savais comment j'y accèderais. Que nous savions. J'avais confiance en lui, mais une phrase mal placée à l'oreille de mes parents pourrait m'envoyer à l'asile en un temps record.

- Evidemment, déclarai-je sans demander leur avis aux autres. Montons une fois que vous aurez fini votre dessert.

Sarah, Mathilde et Samuel avaient déjà fini, alors je délaissai ma mandarine dans le panier et nous montâmes dans la chambre.

- Quelle est ta question ?

Nous étions assis en cercle au milieu de la pièce, nos affaires de cours disposés près de l'entrée. Tim, bien qu'encore impressionné par la taille de ma chambre -je le voyais à ses yeux qui s'agitaient en tous sens-, s'efforça de ne rien dire là-dessus et poursuivit ses explications :

- Je voudrais d'abord une précision sur la nouvelle. Axel, au moment où le protagoniste se retrouve dans le couloir, se souvient-il encore de sa vie ?

A ma droite, le garçon confirma.

- Ce n'est qu'au moment où il choisit de repartir dans la boucle qu'il l'oublie.

- Alors si jamais cette nouvelle dit la vérité et que nous nous retrouvions dans cette situation, on saurait encore que nous savions comment nous mourrions.

Mathilde se laissa tomber en arrière, son cerveau probablement en train de surchauffer.

- Je suppose, déclarai-je à l'unisson avec Sarah.

Nous échangeâmes un sourire en coin alors que Samuel demandait, incertain :

- Où est-ce que tu veux en venir, au juste ?

Pendant que Mathilde se relevait, Tim prit le temps de tous nous regarder, ses yeux bleus nous scrutant un à un.

- Dans cette situation, est-ce que vous choisiriez vraiment de retourner une fois de plus dans la boucle ?

Je pris une minute pour réfléchir.

Toute ma vie, je sais comment je vais mourir. Quand ça m'arrive, on me donne deux possibilités. Soit mon âme est désintégrée et c'en est fini de mon existence -perspective peu engageante mais qui mettrait fin à l'Eternel Retour-, soit je rentre une nouvelle fois dans la boucle, en sachant que je saurai comment elle finira mais que je ne pourrai peut-être rien faire pour l'éviter.

Est-ce que je choisirais cette possibilité-là ? Je n'en avais aucune idée.

A vrai dire, il semblerait que mes autres camarades non plus, comme personne ne se risqua à répondre.

- Mais ce n'est sûrement qu'une fiction, conclut Axel pour clore le débat.

J'hochai vigoureusement la tête et dépliai mes jambes avant de me mettre sur mes genoux.

- Alors revenons-en au pourquoi je vous ai demandé de venir aujourd'hui.

- La journée des Clubs ! Lança Mathilde en tapotant frénétiquement le bout de ses doigts entre eux.

Visiblement, la nouvelle de Stephen King et ce qu'elle avait engendré lui était passé bien au-dessus. Les autres aussi avaient retrouvé leur sourire, sauf peut-être Tim, et c'est pour cela que je m'adressai à lui :

- Comme tu es arrivé au lycée cette année, peut-être que tu ne sais pas ce que c'est.

Le garçon sortit de ses pensées en secouant la tête.

- Pas grand-chose, en effet. D'après ce qu'on nous a dit à la rentrée, c'est une journée où les clubs organisent une activité particulière pour attirer des membres potentiels.

- C'est l'idée, agréa Axel. Etant donné que les secondes ne peuvent s'inscrire dans les clubs qu'à partir de janvier, sauf pour les clubs de sport, la journée vous permet de vous décider.

- Même si pour toi, le choix est déjà fait ! Lança gaiement Mathilde.

Tim sourit gauchement. Sarah le remarqua et décida d'ajouter son grain de sel :

- Tu devrais commencer à t'y résigner, ton sort est scellé depuis que tu as fait l'interview...

Je fis claquer ma langue au palet.

- Ne dis pas de bêtises, Sarah. Tim, l'interview ne t'engage en rien. Si tu ne veux pas rejoindre le Club, c'est ton choix, nous n'avons pas à le faire à ta place.

Mathilde s'apprêta à protester mais Axel leva la main pour la faire taire. Samuel, cependant, osa parler.

- Tu ne veux pas nous rejoindre ? Demanda-t-il d'une voix chevrotante.

Une voix déçue, également. Je crus apercevoir de la peine dans les yeux de Tim mais il réagit trop vite pour que j'en sois sûre :

- Il faut que j'y réfléchisse... A vrai dire, j'ai encore quelques questi-

- Eh bien, ayons un entretien tous les deux.

Les regards se tournèrent vers moi. J'haussai les épaules.

- Ben oui, me justifiai-je. Je suis la présidente du club, après tout. De plus, si nous échangions tous ensemble comme on le fait maintenant, ça risquerait de se transformer en capharnaüm.

Je jetai un coup d'œil à Axel ; je savais qu'il appuierait ma proposition.

- Je suppose que tu as raison, lâcha-t-il. En plus, on doit aussi s'occuper de la journée des Clubs, savoir ce qu'on va faire cette année.

- En effet. Bien, je vous laisse vous occuper de ça ici, pendant que Tim et moi allons discuter, ça vous va ?

Tous hochèrent la tête (Mathilde en me jetant un regard « ohmonDieulerapprochemententretoietTimestfortintéressant »). Je décidai de l'ignorer et emmenai Tim dans le couloir, tandis que mes autres camarades débutaient un nouveau débat. Quand les sons provenant de ma chambre ne se firent plus entendre, je me tournai vers lui.

- Suis-moi, ordonnai-je.

Et le garçon obtempéra.

Je le guidai jusqu'au fond du couloir, où nous nous arrêtâmes devant un mur lisse, à l'exception d'une petite poignée en or se détachant de la planéité de la façade. Je l'empoignai et tirai. Sous les yeux ébahis de Tim, le mur se révéla être une porte et fit apparaître l'escalier en colimaçon qui se cachait derrière.

- Après vous, dis-je en effectuant un semblant de révérence.

Il ouvrit donc la marche et monta en premier au grenier.

La pièce était immense, puisqu'elle s'étalait au-dessus de toute la maison. Néanmoins, la hauteur au plafond n'était que de trois mètres à son paroxysme et descendait en pente douce de chaque côté. De plus, le parquet au sol et les poutres en bois donnaient l'impression d'être sous une coque de paquebot retourné. Les quelques velux au toit laissaient passer la lumière du soleil et permettaient de bien éclairer l'environnement.

- Qu'est-ce que c'est que tous ces bouquins ? Demanda Tim.

Autour de nous, des centaines de livres s'organisaient en colonnes posées à même le sol, jonchaient le parquet de partout dans la pièce, formaient des murs dans les couleurs sombres des reliures, dans un chaos ordonné qui aurait fait pâlir d'envie de nombreux libraires.

- Je suis une grande lectrice, expliquai-je.

- J'aurais pas deviné... dit-il sur le ton de l'ironie.

Au centre du toit donnant au Sud, une grande fenêtre circulaire positionnée au-dessus de la terrasse de ma chambre donnait une belle vue sur le jardin. Tim s'en approcha et ramassa les journaux qui traînaient non loin.

- Ce sont tous les magazines dans lesquels ont été publiés les articles de ma mère.

Il y en avait plus de trois-cent.

- Une journaliste ?

- Oui, internationale. Elle est revenue en France il y a quelques semaines.

Tim siffla son respect alors que je m'asseyais dans un siège fait de vieux livres de contes. Le garçon sourit et lança :

- Jolie trône.

Je lui en montrai un deuxième un peu plus petit, quelques pas à côté du mien.

- Ne reste pas debout.

Il y a quelques années, un troisième fauteuil se trouvait là aussi -celui d'Axel-, mais il avait été détruit par l'un des nombreux coups de colère du garçon de cette époque. Tim s'assit donc dans celui de Sarah, sans vraiment le savoir.

- Dis-moi ce qui t'inquiète, lui lançai-je alors.

- Ce qui m'inquiète ?

- Hu-hum. Je vois comment tu te comportes depuis hier, tes questions sont plus des inquiétudes que de simples questions.

Il serra les poings.

- Je crois que je ne le sais pas moi-même, à vrai dire.

Je chassai l'air de ma main.

- Ce n'est pas un problème. Dis-moi ce que tu veux savoir, et je te répondrai.

- Très bien. En quoi consiste le club, réellement ?

J'haussai un sourcil.

- Sarah ne t'a pas expliqué ?

- Elle m'a dit que vous essayiez de lutter contre l'Eternel Retour, en essayant d'éviter nos morts, mais concrètement, qu'est-ce que vous faites ?

Je laissai un blanc volontaire pour qu'il continue de s'expliquer.

- Je veux dire... Je vais mourir d'une crise cardiaque, c'est pour ça que je fais en sorte de maintenir mon cœur en forme au jour le jour, alors je ne vois pas vraiment en quoi rentrer dans le club me permettra d'améliorer ça.

- C'est vrai que les morts comme la tienne et celle de Samuel sont plus facilement gérables que celle de Sarah...

Je vis que Tim s'apprêtait à demander quelque chose mais il préféra finalement approfondir son point :

- Et donc ? Insista-t-il. Qu'est-ce que vous faîtes réellement, pour empêcher vos morts ?

Je laissai échapper un soupire et gardai le silence. En face de moi, Tim passa de l'incompréhension à une certitude presque triste.

- Rien, vous ne faîtes rien, dit-il.

- On recherche des infos, rectifiai-je. Dès qu'on lit un article, un livre, ou qu'on voit quelque chose en rapport avec l'Eternel Retour, on en parle au club. On essaye de trouver des hypothèses, des solutions, on f-

- On dirait les alcooliques anonymes.

Il n'y avait pas de mépris dans sa voix, rien qu'une simple constatation. Une comparaison qui m'était déjà arrivée de ressentir également.

- Je suis certaine que nous réussirons à déjouer l'Eternel Retour. J'en suis sûre, il doit y avoir un moyen. Je ne sais pas quand ni comment, nous ne le savons pas. Mais ce moyen existe. En attendant, le club nous permet de mieux vivre, parce que nous nous y comprenons les uns les autres.

- C'est bien ce que je pensais... On est plus dans le soutien psychologique que dans la recherche active au problème.

- Sûrement, admis-je. Mais même si ça ne s'applique pas à toi, ce soutien psychologique nous est d'une grande aide, au club.

Il opina du chef.

- Je veux bien le croire.

Je lui souris un instant, appréciant les rayons du soleil venant réchauffer ma peau. Puis je posai la question cruciale.

- Veux-tu rejoindre le Club malgré cela ?

Tim ouvrit la bouche. Il commença à prononcer un mot puis se ravisa.

- Je-

De forts coups résonnèrent soudain, coupant court à la conversation. Une voix lointaine résonna dans la pièce, celle de César.

- Mademoiselle, c'est important. Il faut que vous descendiez immédiatement.

Surprise, je fis signe à Tim de se lever sans attendre sa réponse. Nous réempruntâmes les escaliers en colimaçon et nous retrouvâmes une nouvelle fois dans le couloir.

Quelques mètres devant nous, Sarah, Mathilde, Samuel et Axel se tenaient devant la porte de ma chambre, leur sac-à-dos devant eux. Celui de Tim était juste à côté.

- Que se passe-t-il ? Demandai-je à mon majordome, posté près de mes amis.

- Je vais ramener ces jeunes gens chez eux. Votre père vous attend dans son bureau, c'est urgent.

Le ton de César était calme, bien qu'il cachât une certaine impatience. Tim rejoignit les autres en quelques pas et tous descendirent dans le hall, me laissant un bref salut de la main comme au revoir.

Que se passait-il ?

J'étais maintenant seule dans le couloir, affrontant du regard la porte du bureau de Père, quinze mètres en face. Je m'approchai silencieusement, à la fois intriguée et inquiète. Surtout inquiète. Je tapai deux fois contre le bois massif.

- Entre !

Je ne me fis pas attendre et pénétrai dans le bureau. Père, encore dans son costume de travail, m'enlaça avant que je ne puisse lui demander ce qu'il se passait.

- Vittoria, tesoro moi.

Son parfum m'envahit les narines, et son angoisse se répercuta dans mon échine. Quelque chose n'allait pas. Vraiment pas. Après dix longues secondes, je me dégageai de son étreinte.

- Pourquoi es-tu rentré si tôt Père ? Quelque chose ne va pas ?

Malgré son mètre quatre-vingt-dix, le patron des Sacs Brusco, multinationale reconnue au rang mondial, paraissait petit, tout petit. Il s'attrapa la moustache grisonnante et fronça ses sourcils bien taillés.

- C'est ta mère, dit-il.

En une phrase, il était passé de cinquante à soixante-dix ans.

- Elle est à l'hôpital.

Je suis heureuse, et il n'y a aucune raison que ce soit le contraire.

Jamais cette phrase ne m'avait parue aussi dénuée de sens.


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