Troisième tome - Dix-huitième chapitre
Je me suis retournée. J'ai l'impression de tomber. Tomber dans une chute vertigineuse. Tomber dans une chute qui n'a pas de fin. Mais ce n'est pas qu'une impression. La chute est bien réelle. La chute est dévastatrice. Cette chute n'aurait jamais dû exister. Je ne sais pas si je suis debout ou bien assise. Je ne sais pas qui m'entoure. Je ne sais pas si ce sont des larmes que je sens sur mes joues, ou bien le fruit de mon imagination. Je ne sais pas si je tremble de froid, ou bien de peur. Il fait froid, c'est indéniable. Mais j'ai bien plus peur que froid. Comment ne pas avoir peur lors d'une telle chute ?
J'ai l'impression de ne plus respirer, pourtant, machinalement, il est fort probable que je respire. J'ai l'impression de ne plus sentir mon cœur battre, ce qui n'est médicalement pas possible. J'ai l'impression que mon cœur s'est brisé. Non. Non, ça, ce n'est pas une impression. Mon cœur s'est brisé. L'as-tu entendu, dans sa chute si profonde ? Mon cœur n'est là plus que pour battre et pour me maintenir debout. Pas pour aimer. Plus pour t'aimer.
T'aimer ? Je sens mon bras bouger. Est-ce moi qui le bouge ou bien me prend-on la main ? T'aimer. Il y a ce moment de ma vie où je t'ai aimé si fort. Pourquoi ne puis-je pas continuer à t'aimer comme autrefois ? Pourquoi tout semble soudain si flou ? Pourquoi j'entends mon prénom résonner sans cesse autour de moi ? Pourquoi les sanglots agaçants ne s'arrêtent t'ils pas ? Pourquoi ne suis-je plus capable de bouger ?
Je lève les yeux. Ce mouvement pourtant anodin semble me blesser. Je fais face à un garçon au visage écorché, aux yeux inquiets. Je fais face à un garçon qui ne semble pas savoir quoi faire. Quoi faire de quoi ? De moi ? Maintenant que mes yeux sont posés sur son visage, je n'arrive plus à m'en détourner. Comme si mon cerveau ne voulait plus rien voir d'autre, à part lui. Comme si le reste était trop douloureux. Qu'est-ce qui est douloureux ?
Il parle. Sa bouche s'est ouverte, un court instant. Je devine qu'il a prononcé encore une fois mon prénom. Je me concentre sur ses sourcils froncés. Les miens le sont-ils aussi ? Un frisson me parcourt, me faisant trembler. Il continu à parler. Je ne veux pas entendre ce qu'il me dit. Je n'arrive pas à entendre ce qu'il me dit. Il me manque quelque chose. Un objet ? Une personne ? Des réponses à mes questions. Il manque quelque chose à ce garçon aussi. Son sourire de Poufsouffle.
Mes yeux décident qu'ils en ont assez de le regarder. Mon corps, lui, décide qu'il ne veut plus rester à cet endroit. Je fais demi-tour, m'apprête à avancer, mais m'arrête brusquement. Il y avait une raison. Je me suis retournée il y a quelques minutes pour ne plus voir ce que j'avais sous les yeux. Je m'accrochais au visage de Seth pour oublier ce que j'avais vu. Il y avait une raison pour que je me retourne la première fois.
Et soudain, je me réveille.
Je te fais de nouveau face. Je sens à nouveau mon cœur battre frénétiquement. Je sens ma respiration cabossée. Je sens les larmes sur mes joues. Je te vois. J'ai envie de m'accroupir à tes côtés, mais je ne le fais pas. Je ne peux pas m'approcher davantage de ton corps inerte. Inerte. Inerte. Tu ne bouges plus, tes yeux sont clôt. Tu ne sais même pas que je suis près de toi. Tu ne sais plus rien. Je porte une main tremblante devant ma bouche suite à un haut-le-cœur. Tu ne sais plus rien. Comment en est-on arrivé là ? Ou te trouvais-tu ? Où étais-je ? Que t'est-il arrivé ? Je lève les yeux pour poser la question, mais aucun mot ne sort de mes lèvres.
Je comprends rapidement que mes jambes ne vont plus être capables de me porter encore longtemps. Je sais que Seth se trouve toujours à mes côtés alors je pose l'une de mes mains sur son bras, à la recherche d'un appui.
« Je ne peux pas rester ici. »
C'est un miracle que j'ai réussi à prononcer cette phrase sans éclater en sanglot. Je n'entends cependant pas la réponse de Seth. A mes oreilles semble bourdonner la mélodie incessante de la douleur. La douleur. Je n'en ai jamais connu de semblable. Elle est sournoise. Elle s'infiltre silencieusement dans chaque pore de ma peau. Elle prend possession de mon corps à mesure que les minutes passent. Elle ne me laisse pas le choix. Elle a vu une porte ouverte et elle a sauté sur l'occasion.
Seth essaye de me faire avancer, mais pour sortir, il faut te contourner. Te laisser derrière moi. En suis-je capable ? Je sens de nombreux regards posés sur moi. Sur Seth aussi. Sur toi, inévitablement. Et moi, j'évite soigneusement de croiser le regard de n'importe quel Weasley. D'un en particulier. J'évite ton autre toi pour une raison qui m'est inconnue. Je fais trois pas avant de retirer ma main du bras de Seth. J'ai changé d'avis. Sans réfléchir, je m'approche de toi. De ton corps. Je m'approche et je m'accroupis à tes côtés, chaque membre tremblant. Je suis là, si près de toi, et pourtant tellement loin.
Tu n'es plus que l'ombre de toi-même. Ton visage lumineux est devenu terne. Tes cheveux flamboyants sont maintenant recouverts de poussières. Tes yeux malicieux sont clôt. Ton corps sans cesse en mouvement est maintenant inerte. Immobile. Sans vie. Cette pensée me foudroie. Je lève une main tremblante et m'arrête à quelques centimètres de ta joue. J'ai si peur de sentir une peau froide sous mes doigts. J'y si peur de m'effondrer et de ne jamais réussir à me relever.
« Hé ! Il y a du mouvement dehors ! »
Je sursaute violemment en éloignant rapidement ma main de ton visage. Je ne me souvenais pas que le monde continuait à tourner autour de nous. Je ne pensais pas que le monde pouvait avancer sans toi. Les personnes présentes dans la grande salle se relèvent pour aller dehors, pour voir ce qu'il se passe. Seth reste auprès de moi pour m'attendre. Un peu plus loin, j'aperçois George qui semble en proie au même conflit intérieur que moi. Sommes nous capable de sortir et de te laisser ici ? Serons-nous capable de revenir affronter cette réalité dévastatrice ?
J'entends alors les voix et les murmures s'élever. Et au milieu de tout ce chahut, j'entends un prénom. Harry Potter. La réalité me rattrape alors de plein fouet et je me relève instinctivement. Sans attendre Seth, sans regarder ce que George a décidé à son tour, je sors de la grande salle, les jambes toujours tremblantes. Plus j'approche de l'extérieur, plus les murmures se taisent, plus mon angoisse augmente. Comment ai-je pu oublier Harry ?
Une fois dehors, je cherche machinalement Ron des yeux, et je le repère au devant de la foule. J'aperçois Ginny également. Ginny retenue par les bras de son père. Pourquoi ? Mes yeux s'aventurent alors plus loin, et mon sang se glace de nouveau. Tous les mangemorts sont présents, et juste devant eux se tient Voldemort. Je vois Hagrid, aussi. Je vois Hagrid, et je vois Harry. Je titube, me rattrapant à je ne sais quoi, prise de nausées. Mon regard n'est plus capable de quitter le corps inerte de Harry.
C'est un cauchemar. Faites que ce soit un cauchemar. Faites que tu sois entrain de te relever dans la grande salle, tout en criant « surprise ! » à George. Faites que Harry ne soit pas mort. Faites que cette mascarade prenne fin. Comment le monde est-il censé fonctionner sans toi et lui ? Comment mon monde peut-il rester stable ?
Je m'approche, contournant les élèves, les professeurs, tous autant abîmés que moi. Je ne dois pas oublier que je ne suis pas la seule à avoir perdu quelque chose cette nuit. Pourtant, je ne parviens qu'à être égoïste en ne ressentant que ma propre souffrance. Le reste semble dérisoire, en comparaison. J'arrive à la hauteur de Ron qui m'adresse un regard que je ne lui connais pas. Pourquoi ne peut-il pas me dire que tout ceci n'est qu'une funeste blague ?
« Je suis sûr que nous te trouverons une place dans nos rangs. »
Je constate avec du retard que Voldemort s'adresse à Neville. Je ne comprends pas ce qu'il fait, avancé ainsi, avec le Choipeau à la main. Mais à vrai dire, je ne comprends plus vraiment grand chose maintenant. Tout semble avoir prit une dimension tellement différente. J'entends vaguement les mots que prononce Neville, un Neville Londubat plus courageux que je ne l'ai jamais vu. Il parle de Harry, et mes yeux se posent à nouveau sur son corps, porté par Hagrid. Hagrid qui doit être tellement dévasté...
Les événements s'enchaînent alors beaucoup trop rapidement. Neville fait sortir l'épée de Griffondor du choipeau qu'il tenait. Harry saute des bras de Hagrid pour atterrir maladroitement au sol. Harry saute des bras de Hagrid ? Mon cœur s'emballe avec une telle frénésie que s'en est douloureux. J'attrape le bras de Ron qui est entrain de pousser un cri de joie en voyant Harry vivant. En voyant Harry se précipiter vers nous.
« Le serpent. Il faut tuer le serpent. »
Tout le monde est euphorique autour de nous. Tous sont prêts à se battre de nouveau. Ce regain d'énergie est-il suffisant pour leur faire oublier leurs pertes ? Comment font-ils alors que dans mon cas, c'est loin d'être suffisant ? Tu es allongé quelque part dans la grande salle et nous devrions continuer à nous battre ? Où est George ?
« Hermione ! »
Je cherchais George. Je n'ai pas vu ce sort impardonnable s'approcher de moi à la vitesse d'un vif d'or. Mais Ron l'a vu, lui. Ron l'a vu et il nous a projeté à terre tous les deux pour que je l'évite. Comment fait-il ? Pourquoi ne suis-je pas capable d'y arriver ? Sans demander son reste, Ron me prend par la main et il nous entraîne dans le château, tout comme la plupart des autres personnes présentes. Il me semble voir de nombreux mangemorts fuir, mais je n'en suis pas sûre. Je constate alors que Harry n'est déjà plus avec nous. Lorsque je demande à Ron où il se trouve, il me répond qu'il est parti s'occuper de Voldemort, et que nous, nous devons nous charger de Nagini. Nagini ?
« C'est le dernier horcruxe, Hermione. »
Pour la première fois en sept ans, Ron réfléchit pour deux, puisque je ne semble plus capable de le faire moi-même. Je n'aime pas cet état léthargique qui a prit possession de mon corps. Je n'aime pas cette impression de ne plus être réellement là. C'est insupportable. Faites que ça s'arrête... Ron s'arrête subitement, se place en face de moi et pose ses deux mains sur mes épaules. Est-il capable de faire en sorte que ça s'arrête ? Il me regarde droit dans les yeux et j'ai brutalement envie de pleurer.
« Hermione, je sais combien tu souffres, c'est aussi mon frère qui se trouve là-bas. Mais pour l'instant j'ai besoin de toi, on pourra souffrir après. Je ne peux pas m'occuper du serpent tout seul, tu sais très bien qu'on est pas capable de faire quoi que ce soit sans toi. Il faut qu'on tue le serpent. Il faut que tu te ressaisisses. »
Il faut que tu te ressaisisses. On pourra souffrir après.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro