Chapitre 9
Le message du jour du journal télépathique était le poème français « les sanglots longs des violons de l'automne », de Paul Verlaine. Il signalait le début de la libération des Cités Perdues.
Les Invisibles, qui avaient compris que le poème était une référence au débarquement de Normandie du 6 juin 1944 (années humaines), et que le Cygne Noir allait agir le jour même, était sûr le qui-vive.
Seulement six heures avant le début de l'offensive, les Conseillers se mirent à douter de la crédibilité des dires de Lord Cassius.
Malheureusement pour eux, ils ne firent que douter. Cette erreur coûtera la vie à bon nombre de leurs partisans.
Les membres du Cygne Noir avaient préparé des sabotages pour retarder l'arrivée des renforts du conseil.
Ils avaient également soutenu activement l'immense manifestation gobeline qui avait lieu le jour même, à Atlantide. Elle était portée par les syndicats Gobelins, principalement la CGT (confédération des Goblins travailleurs) la CFDT (confédération des fonctionnaires démocrates des travailleurs) FO (Fonctionnaires autoritaires) et la CGC (confédération des gardes du corps dons leur secrétaire générale n'est autre que Sandor lui-même) avec des slogans fleuris comme par exemple
Les principales revendications étaient de meilleures conditions de travail et la démission de l'un des conseillers nommés il y a deux ans : Kaffarmenton, connu pour ses positions anti-espèces intelligentes. Ce dernier avait également parlé de repousser la retraite des gobelins de vingt ans, ce qui avait mis le feu aux poudres.
Les pancartes affichaient beaucoup d'insultes très imagées en gobelinais, que nous ne traduirons pas pour ne pas heurter notre lectorat, ainsi que des dizaines de slogans tel que « Moins de conseils et plus d'oseille !», « Conseil t'est fichu, les Gobelins sont dans la rue ! », « Kaffarmenton démission, Kaffarmenton Explosion ! », ainsi que d'autres qui semblaient tous droit sorti d'une célèbre grève française : « Sois Gobelin et tais toi ! », « Il est interdit d'interdire (et de faire de la musique sur la porte de sa cellule) », ainsi qu'une que personne n'a comprise : « Sous les paillettes la plage ».
Comble de l'ironie, le cortège chantait à tût-tête les chansons des triplés de la prison
Une manifestation d'une telle ampleur avait obligé les soldats du Conseil à être présent en grand nombre à Atlantide.
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Une heure avant les offensives, M. Forkle et les dirigeants du comité firent un discours pour motiver et galvaniser leurs soldats combattants pour la liberté et la démocratie.
Sophie, en tant que symbole de la résistance, en fit de même. Son discours maladroit et improvisé, eut bien plus d'impact que celui préparer depuis des semaines par les dirigeants.
Elwin distribua un liquide ambré à l'odeur caractéristique aux vertus destressantes, désinhibantes et qui donnait un coup de boost au moral. Il ne fallait cependant pas en abuser car « l'abus « d'alcal » est dangereux pour la santé, à consommer avec modération ». Selon lui, le breuvage était d'origine humaine et répondait au doux nom de « rhume ». Il interdit cependant aux mineurs d'en boire.
Les adultes, minoritaires car le Cygne Noir ne s'était jamais vraiment soucié de l'âge de ses membres, s'amusait à parier sur sa composition. Urine de yéti ou bile de verminion ?
La télépathe et son petit ami se mirent à l'écart. La jeune fille était si stressée qu'elle se serait arraché tous les cils si Dex ne l'en avait pas empêché.
Ils restèrent en silence pendant de longues minutes. Le Technopathe lui posa finalement la question fatidique, la voix tremblante.
- Tu te sens prête ?
- Oui. J'ai été créé pour ça. C'est juste que j'ai peur. Tout le monde va risquer sa vie. Si on gagne, ce sera dans le sang. Mais si le Conseil gagne...
Elle ne prit même pas la peine de finir sa phrase. Pas besoin, ils savaient l'un comme l'autre qu'en cas de défaite, toutes personnes affiliées de près ou de loin à des révolutionnaires seraient exécutées.
Sans vraiment réfléchir, Dex l'enlaça et posa sa tête sur l'épaule de Sophie.
Ils restèrent près l'un de l'autre un long moment, jusqu'à ce que Biana vienne chercher la jeune fille.
- Sophie, Monsieur Forkle te demande dans son bureau.
Le Colibri partit rejoindre le chef des rebelles, traversant la foule des combattants pour la liberté et la démocratie qui vérifiait leur équipement avant de partir.
Sans lui donner aucune explication, l'homme gavé aux froiselles lui tendit un flacon rempli à raz-bord d'un liquide noir à l'odeur si atroce que la télépathe aurait amplement préférée finir à elle seule le tonneau de « rhume » d'Elwin.
Voyant sa réticence, il lui expliqua que c'était un médicament destiné à démultiplier ses talents pendant quelques heures.
- Pourquoi vous n'en donner pas à tout le monde ?
- Nous n'avons réussi à produire que cette quantité-là pour le moment. En prendre de plus petites doses ne servirait à rien.
Se bouchant le nez, Sophie avala le liquide d'une traite. Si ça lui permettait de protéger des gens...
Le gout failli la faire vomir, mais ce n'était rien face aux effets secondaires. Ses jambes se dérobèrent sous son poids et Forkle eut tout juste le temps de la rattraper.
Une migraine atroce lui vrillait la tête. La douleur était si forte qu'elle avait l'impression que le breuvage lui remodelait le cerveau à coups de marteau.
- Elwin... gémit -elle.
- Non. Ça va passer, attend un peu.
Elle s'exécuta. La douleur finit effectivement par disparaitre, sans laisser de trace.
Son créateur la laissa se redresser et désigna un mannequin d'entrainement oublié là.
- Maintenant, fait comme si c'était l'un des Conseillers que tu voulais tuer.
- Je ne veux tuer personne...
- Si. Tu veux te venger de ce qu'ils t'ont fait subir.
Elle voulait se venger.
Concentrant sa Psinopathie, le talent qu'elle avait éveillé alors qu'elle était brisée, elle s'imagina placer une boule d'énergie à l'intérieur de l'objet, puis la fit grossir d'un seul coup.
Le mannequin explosa en une nuée d'écharde.
Le Colibri regarda les paumes de ses mains. Elle se rendit compte qu'elle n'avait plus peur.
Une quinzaine de minutes plus tard, Sophie et son escouade, composée de Dex, Marella, Keefe, Biana, Edaline et de treize autres révolutionnaires, dirent au revoir aux personnes qu'ils aimaient, en espérant de tout leur cœur que ce n'étaient pas des adieux. Comme un seul Elfe, ils sortirent leurs cristaux de saut, construit spécialement pour l'occasion et se décomposèrent en particules de lumière.
Il était trois heures du matin. Il était l'heure pour les Cités Perdues de retrouver- si ce n'est de découvrir le doux parfum de la liberté.
Malheureusement, cela nécessitait forcément de découvrir - ou redécouvrir l'odeur pestilentielle de la mort et des larmes, ainsi que le goût métallique du sang.
L'heure n'était plus à faire le moins de victime possible, mais à libérer les Citées Perdues, quoiqu'il en coute.
Ce soir un camp aura gagné. Celui de la liberté ou bien celui de l'oppression ?
Ça ne changerait rien au fait que les morts serait bien trop nombreux et que les ailes du Colibri seraient à jamais tachées de sang.
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