PDV Astrid

Je ne souriais plus. Plus depuis qu'on avait établi le jour des noces. La seule personne à qui je daignais parler était Harold. Je faisais le maximum pour rendre jaloux Rustik, cette enflure.

Ma mère était dans mon dos, entrain de resserrer les cordelettes qui nouaient ma robe. Cette immense robe blanche que je détestais, et dans laquelle j'allais embrasser mon... mon mari. Je m'y étais résignée. J'allais devoir épouser Rustik.

J'en étais aux essayages. Je devais m'habituer à porter cette tenue lourde, et à marcher en chaussures à talons. Le mariage était prévu pour dans deux mois. Je me regardais dans le miroir. Mes yeux bleus avaient perdus leur éclat naturel, et mes cheveux blonds étaient ternes.

- Aller Astrid ! Fais-moi un sourire ! Tu vas épouser l'homme le plus beau de ta génération !

- Le plus beau, c'est Harold.

- C'est vrai qu'il est mignon ! Au fait, Astrid ! Ne t'avises pas de dire non le jour du mariage ! Tu ne peux pas savoir combien nous avons dépensé pour la cérémonie qui va avec !

Zut, moi qui aurais bien offert à Rustik mon plus beau poing...

- Astrid ?

Harold ! C'était Harold !

Je sautais immédiatement de mon tabouret et sautais dans ses bras, tandis qu'il arrivait dans les escaliers, manquant de le faire chuter en arrière.

- Oh, Astrid... Si... si cette robe n'avait pas cette signification, je te dirais que tu es magnifique... dit-il.

- Après le mariage, je la brûle !

- Quoi ?! s'indigna ma mère.

- T'as très bien entendu ! Maintenant va-t'en !

Je n'avais aucun scrupule à lui parler ainsi. Elle le méritait amplement. Elle se moquait bien de mon bonheur, ce qui lui importait, c'était de penser que ce mariage était le mieux qu'elle pouvait m'offrir. Elle privilégiait ma sécurité à mon bonheur. Et ça, je ne lui pardonnerais jamais.

Elle fila à contrecœur. Harold m'embrassa alors.

- Astrid... Je... j'ai une solution qui te permettrait de ne pas épouser Rustik...

- QUOI ?!

Je me décollais prestement de lui. Pour de vrai ?

- J'ai... j'ai fait mes petites recherches dans les traditions vikings mais... Je sais pas si cette solution va te plaire... continua-t-il en se grattant l'arrière de la tête.

- Dis !!

- Et bien... Tu connais, la tradition qui veut que le soir de leurs noces, les nouveaux mariés doivent... ? Bref, t'as compris ! dit-il en rougissant.

- Oui... ? répondis-je, suspicieuse.

- Et bien, il existe une autre tradition qui stipule que le mariage de peut pas avoir lieu si... si la fiancée a déjà offert sa virginité à un autre, voilà ! finit-il, aussi rouge que pouvait l'être les écailles de Krochefer.

- Oh...

Pour une surprise, c'était une surprise. En gros, il venait de me dire que le seul moyen de faire annuler le mariage était de coucher avec un autre homme. Et cet autre homme, c'était lui, j'imaginais.

- Je...

- Je suis désolé, j'aurais pas dû te le dire... Je... Je savais que tu serais pas d'accord...

- Quoi ? Non, c'est pas ça ! C'est juste que... ça me prend un peu au dépourvu, quoi...

Je pesais le pour et le contre. Coucher avec quelqu'un que j'aimais plus que tout, même si je n'y étais mentalement pas prête, ou coucher avec quelqu'un que je haïssais comme pas possible après l'avoir épousé ? Ouais, non, pas besoin de peser le pour et le contre, ma décision était déjà prise. J'aurais juste aimé sacrifier ma virginité dans d'autres circonstances...

- C'est d'accord, annonçais-je.

- Quoi ? Tu ?

- Je préfère mille fois coucher avec toi plutôt que d'épouser Rustik, et de coucher avec lui ensuite...

- Je... je ne veux pas que tu couches avec moi parce que tu t'y sens obligée, Astrid...

- Harold... Je t'aime. Alors oui, j'aurais aimé le faire dans d'autres circonstances, mais quoi qu'il en soit, ce sera toujours infiniment mieux que de me marier avec Rustik.

- Eumm... D'accord... dit-il, gêné. Et donc... Ça va te paraître bizarre mais... Tu veux faire ça quand ?

- Oh... Et bien... On a deux mois... Donc... Tu vas attendre encore un peu, d'accord ?

- Oh euh oui mais ! C'est pas ce que je voulais dire, hein ! Je... je ne te presse pas, hein ! bégaya-t-il, plus gêné que jamais, des gouttes de sueurs perlant sur son front.

Je souris. Il était tellement mignon !

PDV Harold

Pfff... Mais quel idiot tu es, Harold ! Proposer de faire... ça, comme s'il s'agissait d'un pique-nique ! Je me frappais mentalement la tête contre un mur. Mais quel con ! Heureusement, elle n'avait pas l'air choquée ou vexée.

***

Je montais les escaliers menant à la chambre d'Astrid, et toquais à sa porte. Je regrettais déjà ce que je m'apprêtais à lui dire.

- Dégage, maman ! entendis-je de l'autre côté.

J'entrais quand même.

- T'es sourde ou quoi, je t'es dit de... commença Astrid en se retournant. Harold !

Elle se précipita vers moi et m'embrassa fougueusement. Je lui rendis son baiser et attendit que nous nous séparions pour parler.

- Eumm... Astrid... Je ne veux pas passer pour un pervers mais... le mariage est dans une semaine et...

- Je sais, Harold... Allons au gouffre des Corbeaux.

- Quoi ? m'étonnais-je. Pourquoi là-bas ?

- C'est là-bas que tout a commencé.

- Eumm, d'accord...

Maladroitement, je lui pris la main et l'entrainais à ma suite dans les escaliers. J'avais le sentiment de jouer à un jeu malsain, de la forcer. Il était vrai que j'avais du désir pour elle mais... J'avais l'impression de la traiter comme une marchandise. Je me jurais qu'après... je la demanderais en mariage.

Nous passâmes discrètement devant la cuisine, où s'activait la mère de ma Milady, puis sortîmes aussi discrètement de la hutte. Astrid grimpa d'un bond sur le dos de Tempête, et je sautais sur Krokmou. Nous décollâmes s'un même mouvement, et Krokmou pris la direction du gouffre des Corbeaux.

Nous y atterrîmes quelques minutes plus tard, et les dragons filèrent immédiatement, nous laissant un peu d'intimité, ou peut-être ne voulant pas assister à ce qui allait suivre.

- Eumm... Astrid... Je... Ce sera ma première fois à moi aussi, donc... Tu risques d'être déçue, j'imagine.

- T'inquiète pas.

Nous nous assîmes au bord du lac, main dans la main. Je ne savais absolument pas comment m'y prendre. Enfin, théoriquement, je savais ce que j'avais à faire, hein ! Mais bon, entre savoir et faire, il y avait une différence, et pas des moindre. Je ne bougeais pas, bien trop stressé. Et si je lui faisais tellement mal qu'après elle me détestait ?

- Harold... Embrasse-moi, ce sera déjà un bon début, je pense.

Je tournais la tête vers elle, pas très sûr de moi. Mais rapidement, la peur laissa place au désir en voyant ses lèvres pleines. On aurait dit qu'elles m'appelaient. Je me penchais en fermant les yeux et déposais mes lèvres sur les siennes. Elle approfondit immédiatement le baiser et progressivement, se mit à califourchon sur moi. Instinctivement, je décrochais les fermoirs de sa cuirasse, qui tomba au sol à côté de nous, et passais ma main sous son t-shirt. Ses lèvres se firent pressantes, et elle m'ôta ma combinaison et ma chemise. Sa main parcourut mon torse aux lignes, disons, assez dessinées. Je commençais à lui enlever son t-shirt en haletant.

- Astrid... Tu... tu es sûre ?

- Oui.

***

PDV Astrid

Jour des noces. Nous y étions. Ma mère me revêtait de ma robe de mariée, et pour une fois, je souriais.

- Ah ! Je t'avais dit que finalement, le jour J tu serais heureuse ! Tu verras, Rustik sera un très bon mari, je n'en doute pas !

Si tenté qu'on se mari... Et grâce à Harold, cela n'arriverait pas. C'était plutôt pour ça que je souriais. J'allais leur clouer le bec, à tous !

- Mais oui, bien sûr ! Je ne voulais pas me l'avouer jusqu'à aujourd'hui, mais Rustik est beaucoup plus musclé et beau qu'Harold ! mentis-je.

Elle me fit asseoir sur le tabouret et commença à me coiffer. Je devais admettre, cette coiffure m'allait bien. Une tresse ornait mon front tandis que des myriades d'autres parcouraient mes cheveux détachés. Mon père déboula dans ma chambre.

- Les invités attendent ! Tu es prête, ma fille ?

- Oui ! J'ai tellement hâte d'épouser Rustik ! m'exclamais-je ironiquement.

- Je savais que tu l'aimais mais que tu ne voulais pas nous le dire. Tu es bien une Hofferson, toi !

- Quelle joie...

Il me prit par le bras, et me conduit à la place du village. Les vikings lançaient des pétales de fleurs sur mon passage. Mon père me lâcha sur l'estrade, plaçant mes mains dans celles de Rustik, qui me contemplait avec un regard triomphant. C'était bizarre... On racontait souvent que le mariage était le plus beau jour de la vie d'une femme ! Pourquoi avais-je envie de vomir, tout à coup ?

Je vous épargne le discours long et ennuyeux que prononça le viking chargé de nous marier, et vous raconte directement l'essentiel.

- Monsieur Rustik Jorgenson, voulez-vous prendre Astrid Sans Peur Hofferson pour épouse, la chérir jusqu'à ce que l'un d'entre vous aille au Valhala, la soutenir dans l'amour comme dans la maladie ?

- Je le veux, prononça Rustik.

Eurk... Non seulement il disait ça d'un ton presque pervers, mais en plus il caressait mes mains avec son pouce.

- Mademoiselle Astrid Sans Peur Hofferson, voulez-vous prendre Rustik Jorgenson pour époux, le chérir jusqu'à ce que l'un d'entre vous aille au Valhala, le soutenir dans l'amour comme dans la maladie ?

- J'aurais bien dit oui, mais malheureusement, j'ai le regret de vous annoncer que cela ne sera pas possible ! m'exclamais-je en retirant mes mains de celles de mon cher et tendre.

- Pardon ? demanda le viking qui était censé nous marier.

- Je ne peux pas me marier avec Rustik !

- Comment ça ?

- Je... Je ne suis plus vierge ! Et selon le guide des traditions vikings, une femme qui a perdu sa virginité ne peut se marier qu'avec celui qui la lui a ôtée ! Vérifiez, si vous ne me croyez pas !

Je vis Rustik se décomposer, tout air triomphant évaporé de son visage.

- Qu'on vérifie ses dires ! s'exclama le viking chargé de nous- bref, appelons-le Alberg.

- Elle a raison ! s'exclama Harold en brandissant le livre et en montant sur l'estrade. Ce qui signifie qu'Astrid va être forcée de m'épouser moi... Quel dommage, vraiment ! soupira-t-il d'un ton moqueur.

L'information mit du temps à arriver jusqu'au cerveau de Rustik, qui se tourna vers Harold.

- Me dis pas que t'as... JE VAIS TE TUER HAROLD HADDOCK !

Mon « fiancé » se jeta sur Harold qui lui flanqua un bon coup de poing dans le nez, ce qui fit tituber son adversaire qui s'écroula sur l'estrade.

- De plus, il est inscrit que celui qui demande une femme en mariage est censé lui offrir un bijou ! Ce que Rustik n'a jamais fait ! Ils n'étaient et ne sont donc pas officiellement fiancés !

PDV Harold

Dans ton cul, cousin ! Ça t'apprendra ! Sur ces derniers mots, je mis un genou à terre et sortais un magnifique bracelet de ma poche.

- Astrid Sans Peur Hofferson, voulez-vous m'épouser ?

Cela pris Astrid au dépourvu, mais continuant dans son rôle, elle répondit :

- C'est avec grand regret que je suis bien obligée de répondre oui, Haddock !

Quelques secondes plus tard, des applaudissements rompirent le silence. Je me tournais vers mon père et Gueulfort, qui souriaient à pleine dents.

-J't'avais dit qu'il allait trouver une solution, l'gamin ! Il aime beaucoup trop sa Astrid pour ne rien faire ! s'exclama Gueulfort.