Premier livre - 5
Dans le grand salon, l'atmosphère est à la fête. Le trio célèbre la guérison magique de George, dont l'oreille arrachée a été soigneusement soignée grâce aux efforts de Gabrielle. Ils n'ont même pas remarqué que les adultes se sont discrètement éloignés pour discuter dans un coin. Après tout, tout semble bien aller maintenant. Les rires et les sourires commencent à revenir dans la maison des Weasley.
Un cri perce soudainement l'air, venant de la cour. Des éclats de voix qui font sursauter Gabrielle. Elle se lève précipitamment et s'approche de la fenêtre. Alors qu'elle se penche pour voir ce qu'il se passe, une vision s'imposa à elle : des créatures décharnées, aux ailes démesurées, aux corps filiformes et aux visages presque indistincts, semblent se mêler à l'obscurité de la nuit. Mais avant même qu'elle puisse comprendre ce qu'elle voit, un vertige puissant la saisit.
Elle se sent soudainement prise d'un malaise violent. Le monde autour d'elle devient flou, puis se brouille complètement. Elle tombe violemment en arrière, percutant le tapis avec un bruit sourd avant de s'effondrer dans l'inconscience.
Fred la regarde tomber, ne saisissant pas tout de suite ce qu'il lui arrive. Il se précipite à ses côtés, secouant doucement son épaule.
— Gaby ? Gaby ! appelle-t-il, sa voix tremblante d'inquiétude.
Aucune réponse. L'inquiétude se transforme en panique alors qu'il scrute son visage pâle. La pièce devint soudainement trop silencieuse autour de lui. Soulevant la jeune fille vers lui, il distingue une mèche se décolorant progressivement. Une nouvelle, diamétralement opposée à la première et qui teint la chevelure implantée à la base de son crâne. Comme si la fatigue et l'épuisement causés par la magie qu'elle avait utilisée pour soigner George avaient laissé une empreinte indélébile sur elle. Une marque physique de ce qu'elle venait de traverser. Un nouveau trophée.
Gabrielle se réveille dans un cri d'effroi quelques heures plus tard, les yeux écarquillés, les mains tremblantes, comme si elle venait de revenir d'un autre monde. Ne pouvant empêcher de lourds pleurs la secouer. Fred, qui n'a cessé de la veiller, la prend doucement dans ses bras pour la calmer.
— Fred !!!! crie-t-elle de panique.
Ses larmes se déversent sans retenue alors qu'elle balbutie des mots incohérents.
— C'était horrible...
— De quoi parles-tu ? lui demande doucement Fred.
— Je l'ai vu. Il était mort... Je l'ai vu. C'était horrible.
— De qui parles-tu ?
— George...
Ses paroles pleines de confusion, et la peur dans sa voix prouvent au jumeau que ce qu'elle ressent n'est absolument pas feint.
— George va bien, Gabrielle. Tu l'as soigné, souviens-toi. Tu n'as rien vu de tout ça. C'était un cauchemar... juste un mauvais rêve, d'accord ?
Le jeune homme reste de longues minutes à la bercer, essayant de calmer ses craintes et ses pleurs.
— Je... je veux rentrer chez moi, arrive-t-elle à prononcer entre deux sanglots, le regard empli de terreur.
Fred demeure là, la serrant plus fort contre son cœur, tentant de comprendre ce qui vient de se produire, tout en murmurant des mots doux pour la rassurer. Mais une inquiétude sourde persiste en lui. Que ce que Gabrielle a vu est-il le fruit de son imagination ? Ou bien l'écho de ses pouvoirs, un futur possible ?
Il ne peut s'empêcher de repenser aux dernières paroles de la jeune rousse. Et si elle partait ? Et si, tout à coup, elle décidait de rentrer chez elle ? Il sait qu'un jour, elle partira, c'est prévu depuis le début. Maugrey leur a expliqué, après tout. Mais si cela arrive maintenant, trop tôt, avant qu'il ne soit prêt ? L'idée le bouleverse. Il n'a pas envie de la voir s'éloigner. Pas après ces dernières semaines passées à la découvrir, à partager des instants précieux, à apprivoiser une personnalité fascinante, une beauté aussi rare qu'envoûtante. Gabrielle l'a totalement charmé.
Car, oui, Fred tient à Gabrielle. Ce qui peut être étonnant vu qu'ils se connaissent depuis 1 mois et demi. Il ne sait pas si c'est à cause de ce qu'elle a fait pour lui ou pour son frère depuis la veille. Si c'est en raison de son rire cristallin et communicatif qui semble faire écho à une joie pure. Si c'est parce que, dans ses yeux bleus, il aperçoit une lumière particulière, un éclat d'âme rare. Si c'est son courage, sa résilience, qui le touchent tant. Ou peut-être que, dès leur première rencontre, il a ressenti cette irrésistible envie de la protéger comme s'il s'agissait de sa propre sœur. Il n'en est pas sûr. Il sait juste qu'elle occupe une place toute particulière dans sa vie.
— Tu devrais te reposer, lui suggère doucement le rouquin, percevant la sérénité qui gagne peu à peu Gabrielle.
Il l'aide à s'allonger et remonte le drap sur ses épaules, dissimulant son corps emmitouflé dans un large pull. Alors qu'il s'apprête à s'éclipser, prêt à la laisser se reposer seule, il s'interrompt lorsque Gabrielle attrape sa main.
— Reste ! supplie-t-elle en le retenant. S'il te plaît... reste dormir avec moi.
Un instant stupéfait par la demande, Fred hésite, puis un sourire tendre se dessine sur ses lèvres. Il se glisse doucement sur le matelas, attirant Gabrielle contre lui. Elle se blottit contre lui, la tête sur son torse, trouvant un apaisement immédiat. En caressant ses cheveux, il la sent se détendre, et, bientôt, elle se rendort, plongée dans un sommeil serein. Lui peine à se laisser emporter par Morphée. Son esprit est trop occupé. Il faudra annoncer à Gabrielle lorsqu'elle se réveillera la perte de Maugrey. Il sait également que les adultes ont prévu une entrevue avec elle.
Assise dans le seul fauteuil du salon, les mains posées sur ses genoux, Gabrielle attend. Les parents Weasley et quelques autres adultes l'ont conviée à une discussion, mais pour l'instant, ils sont encore absorbés par leurs échanges animés dans la cuisine.
Elle s'est réveillée aux aurores, Fred toujours profondément endormi à ses côtés. Avec précaution, elle s'est détachée de son étreinte, veillant à ne pas troubler son sommeil. Il avait l'air paisible, presque angélique, ce qui lui arracha un sourire attendri avant qu'elle ne quitte la chambre en silence.
Ce fut en entrant dans la salle de bain qu'elle dut se mordre la lèvre pour ne pas pousser un cri d'effroi. Son reflet dans le miroir lui renvoya une vision des plus inattendues : sa mèche blanche, autrefois discrète, s'était étendue, engloutissant désormais le bas de sa chevelure et s'étendant sur toute la base de sa nuque. Elle effleura les mèches du bout des doigts, fascinée et troublée à la fois. Ce n'était pas laid, au contraire. Il y avait quelque chose de presque mystique dans cette nouvelle apparence, une étrangeté qui, contre toute attente, lui plaisait.
Désormais, plus aucun doute : chaque fois qu'elle utilise son pouvoir de guérison, il laisse une empreinte visible sur elle. Mais pourquoi cette transformation ? Quelle en est la signification ? Cette question la hante, et pour l'instant, elle reste sans réponse. Tout comme le rêve si réel qu'elle a fait.
Un poids sur la poitrine persiste depuis qu'elle s'est levée. Un rêve. Non, pas un simple rêve. Une vision. L'image lui colle à l'esprit comme une ombre persistante, refusant de s'effacer. George. Étendu au sol, inerte. Son corps au milieu des décombres d'un château en ruines, un silence assourdissant l'enveloppant. Il n'y avait aucun signe de vie autour de lui, juste cette sensation de fin, d'irréversible. Elle avait senti la détresse l'envahir, l'impuissance la saisir à la gorge. Elle voulait hurler, courir vers lui, le secouer, le ramener à elle. Mais dans ce rêve, elle était figée, incapable d'agir, comme une spectatrice prisonnière d'une fatalité qu'elle ne comprenait pas encore.Se pouvait-il que ce soit un avertissement ? Un message envoyé par son propre pouvoir ? Se demandant si elle doit ne plus ignorer ces manifestations étranges. Elle sait que ses dons ne se limitent pas à la guérison. Ils touchent aussi à quelque chose de plus profond, de plus inquiétant. Un lien avec l'invisible.
Gabrielle replie ses bras contre elle, cherchant du réconfort dans sa propre étreinte. Que signifie ce rêve ? Est-ce un présage funeste, une vision du futur ? Son regard glisse vers la cuisine où les adultes continuent à parler. Ils la voient encore comme une simple jeune fille sous leur protection, mais elle sait que la vérité est bien plus complexe.
Les une derrière les autres, quatre personnes viennent la rejoindre, prenant place autour d'elle. Molly Weasley s'assoit juste à ses côtés et attrape ses mains. Elle semble chercher ses mots sous une tristesse qui pèse sur ses épaules et dans son regard.
— Trésor, il faut que nous te parlions de quelque chose.
— Il a eu un accident, lui dit froidement la jeune fille.
— Oui, euh... Il s'est effectivement passé quelque chose.
Gabrielle lit en elle comme dans un livre ouvert. Son esprit est limpide, permettant à la jeune sorcière de comprendre ce qu'il s'est déroulé durant le combat qui a coûté une oreille à un de ses amis.
— Il est mort !
Les sorciers se regardent, interloqués par le comportement de leur jeune interlocutrice.
— Maugrey est mort ! articule-t-elle en retenant toute émotion.
Il lui est plus difficile de prononcer ces mots que de les décrypter dans les méandres de l'esprit de la femme qui ne l'a pas lâché. Il est mort, son mentor. Celui qui s'était retrouvé contraint de l'aider. Qui était censé lui apporter un moyen de contenir cette puissance qui l'a dévoré et qui transforme son apparence.
— Malheureusement... commente la mère de famille en caressant sa peau avec son pouce. C'est un événement tragique, mais il connaissait les risques.
— Qu'est ce qu'il va se passer maintenant qu'il n'est plus là ? demande Gabrielle en reniflant.
— Nous allons continuer à nous battre, affirme Arthur. Tant que Vold..
.— Non, qu'est ce qu'il va se passer pour moi ? demande-t-elle, sa peine à peine dissimulée.
Un rapide coup d'œil sur leurs visages confirme qu'ils s'attendaient à cette question. Sans doute est-ce de cela qu'ils parlaient tous les quatre dans la cuisine, Molly, Arthur et les deux autres hommes qu'elle ne connaît pas.
— Et bien justement... Gabrielle, je te présente mon fils aîné, Bill, précise la femme en tendant la main pour que l'un des inconnus la rejoigne.
Gabrielle hoche timidement la tête, impressionnée par l'aura qui émane de lui. Un homme grand et imposant, avec des cheveux longs et des cicatrices visibles sur son visage. Malgré son apparence, son sourire chaleureux et ses yeux bienveillants contrastent et auraient même tendance à mettre à l'aise n'importe un.
— Enchantée, murmura-e-elle, le regard baissé.
Bill lui tend une main, qu'elle serre avec hésitation.
— Ravi de te rencontrer, Gabrielle. Ma mère m'a beaucoup parlé de toi.
Gabrielle lance un regard surpris à Molly, qui se contente de lui sourire.
— Bill est un excellent sorcier. Il travaille pour Gringotts, tu sais. Mais il a aussi beaucoup d'expérience dans les missions complexes et les situations délicates. Alastor pensait qu'il pourrait être la personne idéale pour t'aider à mieux comprendre et maîtriser tes capacités, dit Molly avec une tendresse maternelle.
Gabrielle déglutit.
— Je ne sais pas si c'est une bonne idée, murmure-t-elle.
Bill hausse un sourcil, mais son ton reste léger.
— Pourquoi donc ?
Elle hésite, jouant nerveusement avec une mèche de cheveux.
— Est-ce que vous vous rendez compte que je... Je ne suis pas comme vous. Je n'utilise pas de baguette. Mes pouvoirs... ils sont différents. Et parfois, ils me font peur.
Bill croise les bras, l'air pensif.
— Différents, peut-être. Mais ça ne veut pas dire que tu ne peux pas apprendre à les contrôler. En fait, c'est peut-être justement pour ça qu'on doit travailler ensemble.
Gabrielle relève timidement les yeux vers lui, intriguée par sa réponse.
— Tu sais, continue-t-il, quand j'ai commencé à travailler pour Gringotts, je me suis retrouvé face à des malédictions anciennes et des enchantements qui n'obéissaient à aucune règle connue. Je devais improviser, m'adapter. C'est ce que je veux t'apprendre. À comprendre tes dons, même s'ils ne ressemblent pas à ce que tu connais.
Gabrielle sent une pointe de confiance s'éveiller en elle à ses paroles.
— Vous pensez vraiment que c'est possible ? demanda-e-elle doucement.
Bill esquisse un sourire.
— J'en suis certain, affirme le fils aîné en s'agenouillant face à la jeune américaine. Et Maugrey aussi le pensait. Il avait la particularité de voir les qualités en chacun de nous, même si on avait l'impression qu'on le faisait tous chier. J'avais confiance en lui, indéniablement. Et lui, il croyait en toi, il te sentait capable de réussir. Alors j'ai confiance en toi aussi. Je sais que tu ne me feras pas de mal. Et crois-moi, si tu es capable de survivre aux taquineries de Fred et George, tu es déjà plus forte que tu ne le penses.
Gabrielle ne peut s'empêcher de sourire à cette remarque.
— Très bien, dit-elle après un moment. J'essaierai.
Molly, qui a observé la scène avec un sourire satisfait, se relève et pose une main sur l'épaule de Gabrielle.
— Tu verras, ma chère. Bill est un excellent professeur. Et je suis sûre que tu nous surprendras tous.
— Et je ne serais pas seul à travailler tes pouvoirs, lui précise-t-il en jetant un regard vers l'homme qui est appuyé contre la cheminée. Voici Remus Lupin. Lui aussi est un très bon enseignant. Je suis certain qu'il t'aidera.
— Je n'ai pas encore dit oui ! atteste le quatrième.
— Il le fera ! précise dans un murmure Bill en faisant un clin d'œil à sa nouvelle protégée.
Gabrielle hoche la tête, un peu plus assurée, tandis que Bill lui tend une main.
— Alors, c'est parti, dit-il avec un sourire complice. On commence après le mariage.
— D'accord, répond-t-elle, une pointe d'espoir dans la voix.
Soulagés, Molly et Arthur se sourient. L'homme vient attraper son épouse par les épaules, semblant lui dire silencieusement qu'il savait que les choses se passeraient bien. Tandis que chacun retourne à ses occupations, Gabrielle et Bill restent un long moment à discuter. L'interrogeant sur ce qu'est ce fameux Gringott où il travaille et la magie noire qui a attaqué George la veille. Nullement perturbés par l'agitation de ses habitants qui s'éveillent un à un dans la maison.
Après être allé retrouver son frère pour s'assurer de l'évolution de sa convalescence, Fred quitte la chambre de George, rassuré de voir que ce dernier retrouve peu à peu des forces. Pourtant, une inquiétude plus diffuse s'accroche à son esprit alors qu'il descend silencieusement l'escalier menant au rez-de-chaussée.
Arrivé au salon, il s'arrête un instant sur la dernière marche, observant la scène qui se joue devant lui. Bill est assis près de Gabrielle, son expression grave mais bienveillante. Il parle à voix basse, expliquant quelque chose qu'elle écoute attentivement, le visage légèrement crispé. Fred remarque la tension dans ses épaules, la manière dont ses doigts se referment sur le tissu de sa robe, signe qu'elle tente de masquer une certaine appréhension.
Il ne les interrompt pas. Pas tout de suite. Il se contente d'observer, de chercher à comprendre. Il sait que quelque chose se trame, quelque chose dont on ne lui a pas encore parlé. Mais il sent que cela la concerne, elle.
Ce n'est que plus tard, alors que le tumulte du Terrier s'est un peu apaisé, qu'il trouve l'occasion d'interroger sa mère. Il la surprend dans la cuisine, affairée à préparer le dîner, et s'approche d'un pas tranquille avant de demander, d'un ton qu'il veut détaché :
— Qu'est-ce qui se passe avec Gabrielle ?
Molly Weasley suspend un instant son geste, les mains encore occupées à éplucher des pommes de terre. Elle soupire doucement, posant son couteau avant de lever les yeux vers son fils.
— Nous avons pris une décision, Fred, commence-t-elle d'une voix posée. Maugrey avait proposé que ton frère forme Gabrielle. Maintenant qu'il est mort, nous n'avons pas le choix. Nous pensons même qu'il serait plus sage que Gabrielle parte avec Bill, au moins pour un temps.
Fred fronce légèrement les sourcils, surpris.
— Avec Bill ? Pourquoi ?
— Elle a besoin d'un vrai enseignement. Nous, toi, moi, on a eu la chance d'aller dans une école pendant 7 années pour apprendre tout ce que l'on sait de la magie. Elle n'a pas eu cette chance. Elle est spéciale, Fred, et tu le sais aussi bien que moi. Nous avons tous vu un part de ces pouvoirs et si ce que l'on dit sur les Dwylos est vrai, ça ne fera que prendre de l'ampleur. Les choses deviennent dangereuses, et nous pensons qu'elle serait plus en sécurité sous la garde de ton frère.
Un silence s'installe. Fred sent un poids s'installer dans sa poitrine. Il ne sait pas pourquoi cette idée l'irrite, pourquoi une partie de lui rejette instinctivement cette décision. Mais il n'aime pas ça.
— Et elle, qu'est-ce qu'elle en pense ?
— Elle n'a pas protesté, répond simplement Molly.
Et c'est précisément ce qui dérange Fred. Gabrielle n'a pas protesté. Parce qu'elle accepte toujours ce qu'on décide pour elle. Parce qu'elle se plie aux choix des autres sans chercher à imposer les siens. Parce qu'elle croit, peut-être, qu'elle n'a pas le droit de refuser.
Un goût amer lui monte à la bouche.
— Et si elle ne voulait pas partir ? demande-t-il, plus pour lui-même que pour obtenir une réponse.
Molly l'observe un instant, avec cette douceur maternelle qui semble voir bien au-delà de ses mots.
— Alors elle le dira, Fred.
Mais il n'en est pas si sûr. Fred reste silencieux, les paroles de sa mère résonnant dans son esprit comme une note discordante. Alors elle le dira, Fred.Il n'en est pas convaincu. Une tension sourde s'installe en lui alors qu'il retourne dans le salon. Bill est toujours assis face à Gabrielle, son ton calme, presque professoral. Elle, en revanche, semble perplexe. Ses doigts jouent nerveusement avec le tissu de sa jupe, ses yeux oscillent entre Bill et un point invisible sur le sol.Sans réfléchir, Fred intervient, sa voix plus sèche qu'il ne l'aurait voulu :
— Tu veux vraiment partir d'ici ?
La phrase claque dans l'air, interrompant leur conversation. Gabrielle relève immédiatement la tête, les sourcils légèrement froncés. Elle semble hésiter, cherchant à comprendre ce qu'il veut dire.
— Quoi ?
Fred croise les bras, essayant de masquer l'agacement qui le ronge. Il déteste cette idée, et il la déteste encore plus maintenant qu'il voit son expression troublée.
— Hier soir, tu m'as dit que tu voulais rentrer chez toi. Et là, maman dit que tu vas partir avec Bill, pour être en sécurité. C'est ce que tu veux ?
Le silence s'étire. Gabrielle ouvre la bouche, mais aucun son n'en sort. Son souffle s'accélère, et il comprend immédiatement.
Elle n'a pas réalisé qu'elle allait partir.
Son regard passe de Fred à Bill, puis à Molly, qui est venue se poster discrètement dans l'encadrement de la porte. Son visage devient livide.
— Attendez... vous voulez que je parte ?
Sa voix tremble, et Fred voit les premiers signes d'une panique latente. Elle recule légèrement dans le fauteuil, ses mains crispées sur ses genoux, comme si elle cherchait un appui, un ancrage.
— Vous ne voulez plus de moi ? C'est parce que j'ai blessé Fred ? C'était un accident, je vous l'assure. Je ne voulais pas lui faire de mal. Et je l'ai soigné. Comme George.
— Non, pas du tout, Gabrielle... ce n'est pas une punition, intervient Bill avec douceur. C'est juste une précaution.
Mais elle secoue la tête, incapable d'entendre raison.
— Non... non, je ne veux pas ! Je me sens bien ici.
— Ce sera plus simple comme ça.
— Je... je pensais que... que j'étais en sécurité avec vous, dit-elle à destination de Molly.
Son souffle devient erratique, sa poitrine se soulève rapidement. Elle lutte contre la panique, mais Fred voit bien qu'elle est à deux doigts de perdre pied. Et ça l'agace que les discours de son frère et de sa mère en soit la cause. Il n'a jamais vu un tel regard dans ses yeux, cette peur brute, ce désespoir à peine contenu.
— C'est malin ! leur insigne le jumeau.
Sans réfléchir, il s'approche et pose ses mains sur les siennes qui enserrent toujours le tissu de sa jupe.
— Hé, respire, murmure-t-il. Personne ne va t'arracher d'ici si tu ne veux pas partir.
Ses mots agissent comme un point d'ancrage. Elle acquiesce et accroche son regard au sien, comme si elle s'y accrochait pour ne pas sombrer.
— Je veux rester... s'il te plaît, laisse-moi rester.
Sa voix est presque un murmure suppliant.
Fred serre légèrement ses mains, avant de lever les yeux vers sa mère et Bill. Il ne dit rien, mais son regard parle pour lui.
Molly soupire, croisant les bras, désolée et Bill finit par hocher la tête.
— Très bien. Tu restes ici, dit-il simplement. Je m'arrangerai pour venir te voir. On organisera des séances d'entraînement ensemble.
Gabrielle ferme les yeux un instant, soulagée, avant de souffler un « merci » à peine audible en tombant dans les bras du jumeau.
Fred ne sait pas pourquoi, mais il sent quelque chose se relâcher en lui. Comme si, sans même en avoir conscience, il s'était préparé à se battre pour elle.
— De toute façon, comme je te l'ai dis Gabrielle, on fera tout ça après le mariage. Profite encore de ces instants avec les autres. Nous avons bien le temps d'y penser d'ici là.
— D'accord, murmure-t-elle, elle-même soulagée par cette perspective.
Gabrielle sent encore ses mains trembler malgré ses efforts pour se calmer. Son cœur tambourine dans sa poitrine, et un étrange mélange de honte et de confusion l'envahit. Pourquoi a-t-elle réagi ainsi ? Ce n'était qu'une discussion, une simple décision à prendre. Elle aurait dû rester rationnelle, accepter l'idée avec détachement. Après tout, elle a toujours su qu'elle repartirait un jour. Elle l'a même affirmé cette nuit : dans la panique de l'instant, elle voulait rentrer chez elle.
Mais quand Fred a lâché ces mots quelque chose en elle s'est brisé.
Elle a paniqué. Complètement, irrationnellement. Comme si l'idée associée à sa remarque réveillait une peur profondément ancrée en elle, une vieille blessure qu'elle ne voulait pas regarder en face. On voulait encore une fois se débarrasser d'elle. Parce que c'est vrai, n'est-ce pas ? Elle n'a jamais vraiment eu sa place, nulle part. Ballottée d'un endroit à un autre, toujours en transit, jamais assez importante pour qu'on veuille la garder.
Et maintenant, c'est encore la même histoire.
Elle pourrait partir, bien sûr. Prendre ses affaires, faire semblant de ne pas être touchée et s'en aller dignement. Mais l'idée la révulse. Parce que cette fois, c'est différent. Cette fois, elle ne veut pas être un poids qu'on éloigne par convenance. Elle ne veut pas être une invitée de passage qu'on place là où c'est le plus simple pour tout le monde.
Elle veut rester. Ici. Avec lui.
Avec eux.
Et ça, elle n'est pas sûre d'être prête à l'admettre, même pour elle-même. Encore trop ancrée dans son passé, dans ce qu'elle a laissé en Californie. Gabrielle inspire profondément, essayant de calmer le chaos dans son esprit. Pourtant cette sensation ne la quitte pas de la journée.
Alors l'américaine tente de faire bonne figure. Souriant autant que possible. Se mêlant à l'effervescence de la famille et aux préparatifs de l'heureux événement qui doit avoir lieu dans quelques jours.
Plusieurs fois, elle surprend des messes basses et des mots qui raisonnent dans sa tête et qu'elle ne comprend pas. L'Ordre du Phénix, bataille, Mangemorts, Moldus. Ils semblent importants. Totalement ancrée dans cet univers dans lequel elle évolue depuis peu. Mais tellement loin de sa propre réalité. Et c'est pour cela qu'elle a besoin de saisir où elle se trouve réellement.
Jusqu'ici, elle a accepté ce monde comme une parenthèse étrange dans sa vie, un refuge temporaire au milieu du chaos. Mais plus elle y réfléchit, plus elle réalise qu'elle n'a aucune idée de ce qui se joue réellement autour d'elle. Elle devine des tensions, des silences lourds de sens, des conversations interrompues lorsqu'elle entre dans une pièce. Elle n'a jamais posé de questions, par pudeur, par respect, mais aussi parce qu'une partie d'elle s'accrochait encore à l'idée que tout cela ne la concernait pas.
Mais maintenant qu'on parle de l'éloigner, de la protéger, elle comprend qu'elle ne peut plus se contenter d'être spectatrice. Elle doit savoir. Comprendre ce qui les pousse à vivre dans la peur, ce qui les oblige à prendre autant de précautions.
Résolue, elle grimpe les escaliers d'un pas déterminé. Elle a beaucoup trop de questions restées sans réponse. Il est temps d'y remédier. Alors que la maison est enveloppée d'un calme relatif après le repas qui, lui, fut animé, elle ouvre brusquement la porte de la chambre, dans un fracas.
Gabrielle entre comme une furie, les joues rouges d'émotion, le regard brillant d'impatience.
— J'exige des explications ! lâche-t-elle d'un ton sans appel.
Surpris, Harry, Hermione, Ginny, Ron et les jumeaux la fixent, interrompus en pleine discussion.
— Explications sur quoi, exactement ? demande Ron en fronçant les sourcils.
— Sur tout ! Qu'est-ce que c'est que cet Ordre du Phénix dont tout le monde parle à voix basse ? Pourquoi vous faites des missions ? Contre qui vous vous battez ?
Gabrielle croise les bras, campée sur ses positions. Depuis son arrivée, elle a perçu des conversations étouffées, des regards inquiets, qui s'interrompaient dès qu'elle entrait dans une pièce. On lui cache des choses, et elle déteste ça.
Un silence pesant s'installe. Hermione échange un regard incertain avec Harry, tandis que Ginny semble mal à l'aise.
— Est-ce qu'on est censés lui dire tout ça ? murmure George à Fred.
— Elle finira bien par l'apprendre d'une manière ou d'une autre, répond Fred en haussant les épaules. Autant qu'elle entende la vérité.
Il se tourne vers Gabrielle et, d'un geste de la main, l'invite à s'asseoir sur le lit.
— Ok, écoute bien, parce que je ne répéterai pas.
Elle s'exécute, attentive.
— L'Ordre du Phénix est un groupe de sorciers qui se battent contre...
Il hésite une fraction de seconde. Comment expliquer Voldemort à quelqu'un qui n'a jamais entendu parler de lui ?
— Contre un sorcier extrêmement puissant, reprend-il finalement. Le plus dangereux de notre époque. Il s'appelle Voldemort.
Gabrielle plisse les yeux.
— Voldemort ? Jamais entendu ce nom.
À ces mots, tous les regards se braquent sur elle, incrédules.
— Tu plaisantes ? s'étrangle Ron.
— Je ne connais rien du tout à votre monde, rappelle Gabrielle, un brin agacée. Je suis là depuis quelques semaines seulement !
Harry prend une inspiration avant de parler, sa voix plus grave que d'habitude.
— Voldemort est un sorcier qui veut imposer sa domination sur le monde magique. Il a tué des milliers de personnes et a failli prendre le contrôle du pays.
Gabrielle blêmit.
— Dont mes parents, ajoute-t-il, le regard sombre.
Elle reste silencieuse un instant, encaissant l'information.
— Tu veux dire que tu as grandi sans eux... à cause de lui ?
Harry hoche la tête.
— Et vous... vous êtes tous impliqués dans ce combat ?— Nos parents, en tout cas, dit Ginny. Et nous aussi, d'une certaine manière.— Fred et moi, on participe aux opérations de l'Ordre, ajoute George. Même si notre spécialité, c'est plutôt la collecte d'informations et les missions un peu... improvisées.
Gabrielle passe une main dans ses cheveux, visiblement troublée. Elle hoche lentement la tête, assimilant les informations.
— Et vous, vous êtes donc une sorte de résistance contre ce... Voldemort ?
— En quelque sorte, répond Fred. L'Ordre du Phénix a été fondé pour lutter contre lui et ses partisans, les Mangemorts.
— Il a des partisans ?
— Beaucoup, confirme George d'un ton grave. Des sorciers qui partagent sa vision du monde : la domination des sorciers de « sang pur » et l'élimination de ceux qui ne sont pas nés dans des familles magiques.
— On les appelle les Moldus, ceux qui n'ont pas de pouvoirs, précise Ginny.
Gabrielle frissonne et passe une main dans ses cheveux, visiblement troublée.
— Ça ressemble affreusement à une idéologie fasciste...
— C'est exactement ce que c'est, approuve Hermione. Voldemort veut instaurer un régime où seuls les sorciers de lignées « pures » auraient des droits. Les autres, ceux qui ont des parents Moldus, comme moi, seraient considérés comme inférieurs... voire pire.
Gabrielle reste un instant sans voix, puis souffle :
— Moi aussi, j'ai des parents sans p... Moldus... En tout cas, c'est insensé.
— Bienvenue dans notre réalité, commente Ron avec amertume.
Un silence s'installe, lourd de sous-entendus. Gabrielle les observe, réalisant qu'ils ont grandi dans ce combat. Pour eux, ce n'est pas une révélation choquante : c'est juste leur quotidien.
Elle secoue la tête, comme pour se remettre les idées en place.
— C'est... incroyable. Horrible, mais incroyable.
Fred l'observe en silence. Elle comprend maintenant. Peut-être pas tout, peut-être pas encore dans les moindres détails, mais elle a saisi l'essentiel. Ce combat n'a rien d'un simple conflit entre sorciers. C'est une guerre qui dépasse de loin ce qu'elle pouvait imaginer. Et il sait, sans trop savoir pourquoi, que Gabrielle ne restera pas spectatrice bien longtemps.
Jusqu'à tard dans la nuit, la bande d'adolescents prend le temps de retracer l'histoire du Seigneur des Ténèbres, détaillant ses actes et l'ombre qu'il a fait peser sur le monde des sorciers. Gabrielle écoute, fascinée et horrifiée à la fois, peinant à croire qu'un seul homme ait pu semer autant de chaos et de souffrance.
Lorsqu'enfin elle regagne la petite chambre réservée aux filles – ayant dû céder celle qu'elle occupait à Bill et Fleur – elle s'allonge sur son lit, les yeux fixés au plafond. Son esprit bouillonne, repassant en boucle chaque récit, chaque bataille, chaque perte qu'ils lui ont contée. Elle essaie d'imaginer ce qu'ils ont vécu, les choix qu'ils ont dû faire, les peurs qu'ils ont dû affronter.
Une profonde admiration naît en elle. Leur courage dépasse l'entendement. Ils n'ont pas seulement survécu à l'horreur : ils l'ont combattue. Et tandis que le sommeil la gagne doucement, une pensée s'impose à elle. Que ferait-elle, si elle devait un jour affronter un tel destin ?
*****
Un nouveau professeur, la découverte de la réalité du monde dans lequel elle a atterri, une relation qui se construit avec ses hôtes... un tournant s'annonce dans la vie de Gabrielle.
Comment voyez-vous la suite ?
J'attends vos impressions 🤭😘
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