Savez-vous ce que ça fait de mourir ? Quand j'y réfléchis, ça fait beaucoup moins mal que ce que j'avais pu m'imaginer. Mourir n'est pas agréable, même si c'est la seule chose que j'ai attendu.

Tout avait commencé un matin, morne comme tout ceux que j'ai connu ces dernières années. Un couteau caché dans une poche intérieure de mon manteau, je suis sorti de chez moi rapidement. Je suis sortit du village et je me suis dirigé avec hâte vers la petite clairière, dans le grand bois qui séparait le village du fleuve. Une fois sur place, je me suis directement installé près du chêne qui tenait place au centre de la clairière. J'avais choisi cet endroit par ce qu'il représentait beaucoup de chose pour moi. C'est ici qu'on se retrouvait tous les week-ends avec mes amis, qu'on parlait de tout de rien, qu'on se confiait, qu'on pouvait tout se permettre, pour la simple et bonne raison que personne à part nous n'aurait l'idée de venir ici. C'est aussi ici que j'avais décidé de mettre fin à mes jours, sous ce chêne dans lequel je me suis réfugié pour réfléchir à tout ça. Cet arbre a été le seul compagnon qui ne m'est pas jugé, pas haïs, ni éloigné de moi au moment où j'avais le plus besoin d'être aimé.

C'est donc ici que j'ai sortit mon couteau, respiré une dernière fois, puis ce fut la fin. Je ne sais pas ce que j'ai trouvé le plus étrange entre le fait que la douleur n'est pas durée plus de 10 secondes, ou le fait que j'ai vu mon corps tombé, sous mes yeux. J'ai mis plusieurs minutes avant de me rendre compte que j'étais devenu un... un... fantôme ? Invisible aux yeux de tous.

J'ai alors pleuré, très longtemps. Je ne sais pas combien de temps mes larmes ont coulé, mais il y en avait toujours plus qui arrivaient. Que devais-je faire, maintenant ? J'étais libre de faire ce que je voulais, d'aller où bon me semblait. Tout s'embrouillait dans mon esprit alors que les larmes ne cessaient de couler sur mes joues.

Ce ne fut que quelques heures après ma mort que l'on découvrit mon cadavre. Comme nous étions samedi, mes amis étaient venus à la clairière comme à leur habitude.

Mon enterrement est arrivé très rapidement. Je ne sais pas d'où me vient cette idée, mais j'avais envie d'y participer. Peut-être une manière de me dire au revoir une dernière fois, de voir comment mes proches réagissent face à mon départ sans retour.

Pendant plusieurs jours, je suis resté immobile devant ma tombe, je n'avais rien à faire des gens qui passaient devant sans la regarder, je n'avais rien à faire non plus de mes proches qui venaient se recueillir devant ma tombe. Je la regardais juste, fixement, me demandant ce que j'avais fait pour en arriver là.

Aujourd'hui, trois ans après mon décès, je flâne dans la clairière où mon histoire s'est arrêtée. Je vois souvent mes amis se rejoindre, où ils se racontent tout et n'importe quoi. Les premiers mois suivant mon décès ils ne parlaient presque que de moi, se rappelant les bons souvenirs, se demandant ce qui n'allait pas chez moi... Puis j'ai disparu de leurs conversations, là j'étais vraiment mort. Je ne faisais plus parti de leurs conversations. Leurs rires et leurs pleurs étaient maintenant destinés à d'autres personnes, à d'autres objets, à d'autres sujets.

Ils ont bien raison. Maintenant que je n'étais plus là, avec eux, j'étais voué à tomber dans l'oubli. Au moins, maintenant, plus personne ne souffrait. Tout le monde, moi y compris, avait envie de m'oublier, oublier qui j'étais, ce que j'avais pu faire, ce que j'aurais pu faire. Tout était enfin fini.