-Qu'est-ce qu'elle a de particulier, votre histoire ?

Face à cette question, je ne savais pas tellement quoi répondre. Peut-être par ce que je ne la comprenais pas.

-Excusez-moi, mais je ne suis pas sûr de vous comprendre.

-Votre histoire doit bien avoir quelque chose de particulier, non ? Vous vous êtes réveillé un beau matin, et vous avez eu cette idée. Qu'est-ce qui vous a motivé à l'écrire, cette idée ? Pourquoi vous vous êtes vous dis : cette idée est bonne ! Cette histoire est fabuleuse !

J'ai réfléchis quelques instants, afin de trouver mes mots.

-Et bien, je pense que sa particularité est qu'elle n'a jamais été écrite par quelqu'un d'autre avant moi.

-C'est à dire ?

-Et bien, vous me parliez à l'instant d'une idée que je trouvais fort bonne et d'une histoire fabuleuse. De bonnes idées, j'en ais trouvé partout. Des histoires fabuleuses, dans à peu près toutes les œuvres que j'ai pu lire. Vous savez, dans un livre, il y a deux choses que j'aime par dessus tout : ce qu'on veut raconter, et comment veut-on le raconter.

Mon interlocuteur ne semblait pas comprendre là où je voulais en venir. Cependant, j'ai décidé de lui laisser un peu de temps pour répondre. J'étais curieux d'entendre ce qu'il avait à dire.

-Mais... Ce que je voulais surtout savoir, c'était... Comment sait-on qu'une histoire est originale ? Est-ce simplement par ce que personne ne l'avait raconté avant ?

-Et bien... Oui et non. Admettons qu'une personne décide de vous raconter une histoire que vous n'aviez jamais entendu auparavant. S'il vous la raconte d'un ton las, avec des mots qui ne vous font que trop peu d'effets. Admettons en plus de cela qu'il oublie de vous préciser quelques détails pourtant important, ou au contraire qu'il allonge sa logorrhée dans de longues et pénibles descriptions inutiles. Cette histoire aura beau n'avoir jamais été entendu auparavant, vous la trouverez certainement ennuyante, et vous n'y aurez vu aucun intérêt à ce qu'on vous la raconte. Alors que si nous prenons le temps de mettre en avant de jolies phrases, et de faire travailler les mots, notre histoire peut être passionnante !

-Sur ce point, je vous rejoints. Mais en suivant ainsi votre raisonnement, que faisons-nous des histoires que nous avons déjà entendu ?

-Quel mal y a-t-il à cela ? Si chaque auteur prenait le temps de raconter une même histoire à sa manière, le monde s'en sortirait tout aussi bien ! Je trouverais cela même intéressant ! Nous pourrions ainsi débattre gaiement sur quelle version nous avons préféré, quel auteur traite mieux le sujet, raconte l'histoire...

-Pour une fois, je ne suis pas d'accord avec vous. Si j'ai l'idée d'une histoire à raconter, et que je décide de l'écrire, je prendrais du temps à travailler mes personnages, leurs aventures, leurs relations, à imaginer moult scénarii, à réparer les incohérences qui parfois se font apercevoir. Je lirais des dictionnaires entiers pour savoir quels sont les mots les plus habiles à utiliser pour raconter l'intrigue. Et après avoir noter le point final, je peux affirmer que mon histoire est bien, par ce que personne avant moi ne l'avais raconter, et que j'ai choisis les bons mots pour ma plume. Mais si demain, je découvre que quelqu'un a repris mes personnages, mon intrigue et ses mésaventures, quelques soit les mots qu'il a pu écrire, et aussi différent soit ses phrases, je ne pense pas que son histoire sera originale pour autant. De plus, nous nous aventurons ici sur le terrain glissant qu'est la propriété intellectuelle ! Quel réaction auriez-vous si cela se produisait avec votre histoire ?

-J'entends ici ce que vous dites, et je ne peux être plus d'accord avec vous. Cependant, nous avons sûrement eu un malentendu. Ou bien, je me suis peut-être mal exprimé ? Bien sûr que si une même histoire est dite et répéter plusieurs fois, nous pourrions y mettre tout les dictionnaires du monde, les synonymes ne nous tiendrais en haleines que pendant une pair de phrases, et nous nous lasserions vite des personnages. Et puis, vous rappelez à sa juste valeur l'importance de la propriété intellectuelle ! Mais pour vous citer l'exemple qui me vient en tête, admettons, juste cette fois-ci que nous passerons outre cette idée de propriété intellectuelle.

-Je vous écoute.

Il fallait que je choisisse bien mes mots. Il avait raison, reprendre l'histoire d'un autre était chose délicate, surtout sur un terrain aussi glissant, comme il l'avait si bien fait remarquer. J'ai déjà toutes mes idées en place, il me suffit maintenant d'avoir les mots. J'ai respiré un long moment, puis je me suis lancer :

-Admettons ici qu'un homme écris une histoire. Il décide de la publier sur un forum, ou sur un site. Son histoire, personne ne l'avais encore jamais entendu, et nous dirons ici qu'elle est assez bien écrite, même si nous avons vu mieux. Et son histoire marche, l'auteur a beaucoup de retours positifs, beaucoup aiment son histoire. Maintenant, beaucoup des lecteurs veulent aussi écrire cette histoire, pour une raison qui souvent est bien loin de la passion des lettres. Il se met alors à pousser des histoires qui se ressemblent toutes, et plus il y en a, plus elles deviennent mauvaises. Au milieu de tout cela, pourquoi les gens continuent de lire ce genre d'histoires et continuent de les écrire  ? Et bien tout simplement par ce que ce n'est pas l'histoire en elle-même qui est recopié, dans la plupart des cas. Ici, ce qui est souvent recopié, ce sont les raisons pour lesquels les lecteurs ont aimé l'histoire. Si l'histoire parle d'un amour impossible, entre deux lycées qui n'ont rien en commun, alors les autres histoires parlerons de cet amour auquel personne ne croyait entre deux lycéens que tout opposait. Si l'histoire parle d'enlèvement, de torture et d'abus de toute sorte, alors les autres livres parleront également d'enlèvement, de torture et d'abus de toute sorte.

-Donc, si je vous suis, plus une histoire marche, plus elle risque d'être copié ? Mais comment faisons-nous donc la différence entre une histoire bien raconté et une mauvaise histoire ?

-C'est bien ça. Si la première histoire a marché, c'est qu'elle a été suffisamment originale pour attirer les gens, et les mots suffisamment bien choisis pour qu'ils apprécient la lecture. Cependant, si l'histoire est beaucoup copié, et bien, toute l'originalité sera perdu. Comme nous nous le sommes accordé tout à l'heure, nous nous lassons vite d'une histoire que nous avons trop entendu. Alors, en de pareils conditions, sur quoi ce baser pour savoir si l'histoire est bonne ou non ? Et bien, il faut aller voir chez celui qui a su se l'approprier. Celui qui a réussi à lui donner un nouveau souffle, non seulement grâce aux mots qu'il emploie, mais aussi à sa manière d'interpréter les idées qu'il a lu autrefois.

-D'accord, je vois... Donc ce serait quelqu'un qui arrive à écrire du neuf avec de l'ancien ? Plutôt qu'un écrit qui recycle mollement une idée et des mots ?

-C'est tout à fait cela. Même si dans le deuxième cas, nous ne pouvons pas parler de recyclage, mais de banale réutilisation d'une œuvre qui a déjà perdu son originalité.