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Souvenirs - Joyaux - Commencement
Précédemment :
Eren a trouvé le moyen de gagner la somme demandée par le maître chanteur. Inscrit dans un jeu s'appelant Nerve, Eren attend devra attendre ce soir pour commencer ses défis.
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Vous avez sélectionné joueur. Vos défis commenceront demain soir.
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Son expression apaisée,
Ses yeux adoucis,
J’aurais dû rattraper sa main dès que j’en avais eu l’occasion.
J’aurais dû appeler son nom.
L.Ackerman
J-14
Je n'ai pas cessé de penser aux défis qui m'attendent ce soir. Durant presque toute la nuit, j'ai dû regarder des centaines de streams de joueurs effectuant les défis que les voyeurs donnaient. Après plusieurs visionnages, j'ai remarqué que les premiers défis étaient plutôt faciles d’accès. Toutefois plus on avance dans le jeu, plus les défis deviennent difficiles et dangereux. Par exemple, j'ai vu des personnes qui devaient sauter au-dessus d'un grand feu sans se brûler. Ils ont d’ailleurs échoué mais je vous jure que les encouragements des spectateurs m’ont fait espérer jusqu’à la fin. C’est peu de temps après leur échec que j’ai découvert qu'en perdant un de nos défis, toute la somme qu'on a pu acquérir pendant le jeu est perdue. Un seul faux pas est égal des semaines de défis réduites à néant. Enfin bon je suis plus excité qu’autre chose à l’idée de me lancer dans ce jeu. Le son du moteur de cet ancien bus se fait entendre au loin. J'attends alors qu'il s'arrête et monte dans ce dernier. Vous connaissez mon mal de transport, la nuit blanche passée sur mon écran m’a permis de prendre le même bus mais à une heure moins avancée. Je ne vous dis pas mon plaisir de voir peu de personnes dans ce véhicule de la mort. Je badge mon pass et cherche immédiatement ma place assise habituelle, près de la fenêtre. Mais c'est avec déception que je vois une personne âgée dont le visage ne m’est pas inconnu posé sur mon trône doré. Je ne manque pas de soupirer avant de m'enfoncer plus profondément vers l'arrière du bus où je perçois une étrange silhouette qui m’est familière. Trop familière . Même la tête baissée je sais reconnaître celui qui m’a fait flanché hier soir. Évitons de répéter les mêmes erreurs. Regardant de droite à gauche les recoins du véhicule, je constate qu’il ne reste que deux places. Une à côté de Livai et une autre près d'un jeune homme portant une cravate rouge. Je m'apprête donc à me diriger vers l'autre siège lorsqu’une écolière m’interpelle.
- Onii-chan, tu vas t'asseoir ici ? demande-t-elle timidement
Une petite fille haute comme trois pommes et coiffée d’une queue de cheval basse me fixe avec cette expression qui me fait penser à un hamster suppliant qu’on lui donne sa gourmandise. Je regarde la place vide à côté de Livai puis reporte mes yeux sur la gamine attendant ma réponse avec une petite moue. Je ne peux pas soudainement lui dire non... Dans le cas où je le lui dirais, je subirai les messes basses de ce trio de personnes âgées (essentiellement des dames) jusqu’à ce que je descende du bus. Je ne leur ai jamais adressé la parole mais Dieu sait comment ces trois là se donnent un malin plaisir à critiquer tout ce qui bouge. Je soupire et hoche la tête négativement. Elle me remercie puis prend ma chère place à côté du monsieur à la cravate rouge. Je ne peux pas me permettre de rester debout si c’est pour décorer le sol de mon déjeuner je préfère encore m’asseoir à cette place. Je m'approche de Livai qui relève sa tête baissée jusqu’ici. Il me fixe quelques instants avant de retirer son sac qui se trouve sur la chaise. Sans lui accorder mes remerciements, je retire mon sac puis m'assoie en le plaquant contre moi. Je sors mes écouteurs puis les enfile avant de démarrer ma musique. Je penche lentement ma tête en arrière et laisse les mélodies de Violet Evergarden m'emporter dans leurs symphonies. Mes paisibles instants musicaux se font brutalement coupés par la perte de mon écouteur droit, retiré par sa pâle main. Ses lèvres désormais près de mes oreilles prononcent d’un souffle mon prénom. Je pousse un petit cri qui a alerté les passagers de ce véhicule. Mes mains plaquées contre mes oreilles, ma tête aussi rouge qu’une tomate, une multitude de paires d’yeux me dévisagent avant de retourner à leur occupation précédente. Et cet idiot ose faire semblant d’être occupé sur son téléphone. Le pied levé sur ses chaussures, ma vengeance est sur le point de tomber mais heureusement que ma raison m’a rappelé à l’ordre. Répondre à ses provocations c’est retomber dans son jeu. Il attrape alors ma manche et tire plusieurs fois dessus avec une expression innocente au visage. Il mime par la suite les syllabes composant mon prénom jusqu’à ce que je me décide à poser ma main sur la sienne pour l’enlever de mon vêtement. Il emprisonne cette dernière dans la sienne puis demande :
- Tu m’autorise à répondre à ta question de la veille ?
- Non, j’ai plus besoin de toi, vire ta main.
Son regard se fait plus froid tandis qu’il relâche gentiment ma main. Il avait repris cette façade impassible qui faisait de lui la personne la plus aimée de notre établissement. J’aurais peut-être dû mieux choisir mes mots. Il est sûr qu’une part de moi le hait profondément pour cet aspais détestable de sa personnalité mais une autre se souvient de cette caresse, du son de sa voix qui s’était fait si doux. Je me sens redevable envers lui alors que je ne lui ai rien demandé à ce prince de médeux.
- Li-Livai…
Il tourne sa tête vers moi avec un petit sourire au coin posé sur ses lèvres . Attendez, il a fait tout ce cirque pour que c’est moi qui revienne en premier… Cette fois-ci mon pied à bien écraser ses chaussures. Dire que j’allais m’excuser bon sang il se fout de moi.
- Alors tu ne me dis plus rien ?
- La ferme, dis-je en enfilant de nouveau mes écouteurs.
Lorsque je ne cesse de clamer haut et fort que ce mec est carrément détestable personne ne me croit. Mais voyez cette preuve exposée sous vos yeux. Il aime jouer avec mes nerfs et je réponds si facilement à ses provocations que ça en devient ridicule. Depuis quand mon existence est-elle tant reliée à la sienne ? Jusqu’à présent je n’étais que le fantôme des couloirs, le cas désespéré des profs dont on aimait bien débattre le futur misérable qui est censé m’attendre à cause de mon manque d’investissement. Aucun lien avec un élève brillant, adoré de tous avec un physique avantageux faisant chavirer les cœurs des lycéennes en quête d’aventures amoureuses comme dans les romans. À côté, je ressemble à une crotte placée près d’un somptueux gâteau de mariage. Donc on m’évite, on ne cherche pas à m’adresser la parole, on cherche plutôt à me faire foutre le camp, tandis que lui on le regarde, on réclame ses faveurs et son attention. Et vous allez me dire que maintenant que la crotte est sous la lumière divine de ce gâteau, tout ce beau monde qui jusque-là m’ignorait cherche désormais à m'écraser. Je n’ai absolument rien fait pour recevoir sa soudaine considération envers moi si ce n’est que le repousser à chaque fois qu’il m’approche. Alors quel bénéfice un roi gagnerait-il à parler avec un guenon du royaume ? J’ai beau y réfléchir sous tous les angles possibles, je ne vois aucune réponse sensée. Je n’ai rien à lui offrir et il n’a rien à gagner, depuis ma première année dans ce lycée on ne s'est jamais adressé la parole. Est-ce que...je dois douter de lui ? Parce que cette coïncidence me paraît vraiment étrange, m’aborder au moment où ma vie est la plus chaotique. Enfin s’il voulait la peau de mes parents avec ces fichus dossiers il m’aurait sûrement parler plus tôt. Populaire, adoré, admiré, possédant la confiance de tout le monde, si je venais à l’accuser personne ne croira un traître mot de ce que j’avance. Il arrive de me demander qui est le vrai Livai. Le distant, le froid, l’impassible ou bien le réconfortant, l’affectueux et le taquin. C’est parce que j’en sais foutrement rien que je ne veux pas qu’on glisse sur cette pente. Je ne veux pas découvrir qui il est, je ne veux pas savoir la raison derrière cette gentillesse, je ne veux surtout pas qu’il entre dans les termes d’une équation que je devrais résoudre sans le blesser. J’ai l’impression de lui être redevable pour son geste mais je ne dois pas m’attacher à ces courts instants. J’ai toujours procédé en fonction de moi sans me soucier des sentiments des autres. Pourquoi devrais-je agir différemment pour un gars à qui j’adresse la parole depuis à peine quelques jours ? Au moins lui dire clairement qu’il doit me ficher la grappe.
Je ressens de nouveau un léger souffle chatouiller mon oreille qui chauffe à toute vitesse. Bordel, je vais l’étrangler celui-là ! Il me regarde avec un air victorieux lorsque le bus s'arrête enfin à notre destination. Je me lève immédiatement sans oublier de lui lever mon majeur droit puis sors de cet engin à six roues. Mais j’ai comme l’étrange sensation que les habituels regards meurtriers ne me sont pas adressés aujourd’hui. Enfin aucun, ça serait vous mentir, disons moins que coutume. Est-ce que la Cour de sa majesté à enfin décider de laisser le petit paysan que je suis ? Les humeurs de ces gens là sont comme mes notes instables et irrégulières alors vaut mieux pas se fier à ce calme bizarre. Je pourrai au moins passer une journée normale sans me sentir épier de toute part comme une bête dans un cirque.
C’est ce que je pensais naïvement mais la vision de deux visages familiers m’attendaient devant la salle de classe dont la porte était ouverte. Je prends une expression d’un calme terrifiant puis passe devant eux. Une main timide m’attrape mon vêtement afin de m’arrêter. Je me retourne alors vers eux et décide de retirer mes écouteurs pour entendre la raison de leur présence ici, surtout après plusieurs années. Je pensais pouvoir continuer ainsi, à les ignorer pour l’éternité mais ils en ont décidé autrement. Ils restent devant moi hésitant à entamer une conversation qui semble être importante pour eux. Non pas qu’elle ne l’est pas pour moi mais je préfère me désintéresser de cette situation. Voyant que les mots ne leur venaient toujours pas, je retourne sur mes pas pour entrer dans la classe mais l’appel de mon prénom m’arrête.
- On veut te parler, dit-il doucement
- C’est déjà fait Armin
- Eren, reprend calmement Mikasa avec un ton ferme.
Je lève les yeux aux ciels et m’éloigne un peu de la porte pour « discuter ». J’ignore le temps qui s’est écoulé depuis que nous ne nous étions pas retrouvés tous les trois ensembles à parler de tout et de rien, de rêves, d’ambitions, de projets qu’on ferait ensemble. Tout ça réduit à néant à cause
- De ce fameux jour ?
Je regarde Armin non sans une expression d’horreur scotchée sur mon visage vite changé par une colère montante.
- Je n’ai actuellement pas écouté le moindre mot de ce que tu as prononcé à part ceux que je ne voulais surtout pas entendre. S’il vous a fallu plus d’un an pour me poser une question à laquelle vous savez que je ne répondrais pas vous pouvez repartir parce que moi je m’en vais.
- Attends ! dit-il en me rattrapant le bras
- Lâche-moi.
« - Ne vous inquiétez pas il est trop sage pour riposter,
- Eren, écoute-nous, on veut simplement comprendre et t’aider, tente-t-il désespérément de me convaincre.
- Regardez-le trembler !
- Utilise ton intelligence pour sortir d'ici maintenant ! »
- Lâche-moi ! répète-je plus fort
Il laisse doucement sa main glisser le long de mon vêtement tandis que Mikasa pose sa main sur l’épaule d’Armin comme pour lui affirmer qu’on devrait arrêter cet échange. Mes membres saisies par de légers tremblements, je quitte le couloir des premières non sans croiser Livai qui me jette un regard avant de continuer son chemin. Étonnant mais dans mon état je ne préfère vraiment pas qu’il s’approche de moi. Ça serait franchir la ligne de mon monde et il a sûrement compris que je détestais ça. Et c’est ainsi que je me retrouve dehors à respirer cet air un peu trop frais pour un début de mâtinée. Pourquoi ils me font ça maintenant ? Ils auraient pu choisir une période moins chaotique pour aborder les sujets du passé. On était heureux. On était trois. On était inséparables. On se disait tout et j’aimais ça. Ces années d’insouciances où nos seuls problèmes étaient de savoir ce que nous allions manger après avoir joué comme des dingues dehors. Mais ils appartiennent au monde que j'ai voulu quitter. Au monde qui a essayé de me briser. C’était mon choix de partir, simplement parce que je suis faible et que je n’ai pas su m’opposer face aux personnes qui me tourmentaient. Alors je voyais tout le monde comme mes ennemis, même eux, Mikasa et Armin. Et parce que je ne pouvais plus distinguer le vrai du faux j’ai fermé les portes menant à mon cœur, mis des chaînes autour de ma bouche pour ne plus jamais prononcer une parole qui me trahirait.
Il faut que je retourne en classe avant que la dernière sonnerie annonçant le début des cours ne retentisse. De nouveau devant la salle j’entre à l’intérieur toujours avec ses regards accueillant puis m’assoie à ma place tout en soupirant.
- Eren, tu voudrais pas essayé de reparler avec Armin et Mikasa ? On se connaît quand même depuis la maternelle, bougonna Jean sans que je ne lui demande son avis.
Je le regarde d’un œil étrange avant de lui répondre calmement que si nous n’étions pas dans la même classe il serait dans le même panier qu’eux.
- Oh renren je sais que tu m'aimes, affirma-t-il en passant son bras autour de mon cou.
- Urgh bordel me touche pas, dis-je en écartant son bras
Il rigole bruyamment suite à ma phrase avant de s’asseoir à sa place lorsque notre professeur d’histoire, Mr B débarque en trombe avant de taper dans ses mains.
- Bonjour à tous, sortez votre joli petit cahier d'histoire et reprenons là où nous en étions.
✖️🐧✖️
La sonnerie de 17h30 pointe enfin le bout de son nez pour me sauver du monologue interminable de ma professeur de physique Mme F. Je range rapidement mes affaires et quitte la salle de classe afin de rejoindre mon arrêt de bus. Je dois certainement avoir un petit côté maso pour prendre cet engin de la mort tous les jours connaissant parfaitement ses effets sur mon organisme. Enfin, étant donné que c’est le moyen le plus rapide je n’ai pas vraiment le choix. Peu de temps après, je vois Livai apparaître à côté de l’arrêt où je me trouve. Lui qui, de ce que j’ai pu entendre, est un maniaque de la propreté doit souffrir autant que moi. Tant mieux pour lui. Mais j’ai quand même cette étrange impression qu’on se voit de plus en plus souvent. Avant mes yeux se portaient sur mon entourage sans vraiment y mettre de visages, des personnes que je ne jugeais pas importantes à reconnaître, et désormais le sien est devenu visible dans mon esprit. Peut-être qu’il était toujours là mais que je ne faisais pas attention à lui.
- Oi, t'attends que le bus s'envole ou quoi ? Dépêche-toi, dit-il en montant.
Je regarde aux alentours les différents étudiants monter tour à tour. Mais maintenant que je fais attention à lui, j'aimerai pouvoir effacer son visage pour enfin retrouver ma paix habituelle.
- Je prendrai le prochain.
Je ne veux plus reconnaître sa voix, ses pas, les traits de son visage, sa silhouette. Ne pas être tourmenté si un jour il décide de jouer la carte de l’indifférence. Ne pas devoir choisir mes mots pour éviter de le blesser. Vivre dans ma bulle intérieur confectionner avec soin depuis que j’ai bâti mes frontières avec le monde extérieur. J’y ai mis un pied et j’ai reçu en échange des regards malveillants, des chuchotements à mon égard, une expression étonnée lorsque j’ai fait l’erreur de demander de l’aide. Tant d’expériences que j’aurais pu éviter si je n’avais pas franchi cette ligne de sécurité. Je les avais oublié ces sensations néfastes qui vous dévorent le coeur. Celui d’être le centre de l’attention, celui de devoir peser vos mots, de baisser le regard pour ne pas avoir d’ennui. Tout ça pour ce pas vers lui. Je relève les yeux en entendant le bus partir au loin et s’engouffrer dans cette rue dont les feuilles mortes gisent au sol.
Il est là. Il n’est pas monté.
Il me regarde et je fais de même. On se dévisage sans trop savoir pourquoi mais je sens que je ne peux juste pas décrocher mes orbes des siennes. Alors on est resté comme cela encore quelques instants avant que je me décide à parler.
- Il va falloir que tu me laisses tranquille, dis-je calmement.
Naturellement il ne répond rien comme pour me signifier son refus.
- Je ne vais pas supporter ça très longtemps, continue-je, qu’est ce que tu veux ?
Il laisse s’écouler quelques secondes. Un vent frais vient balayer les feuilles qui remontent légèrement pour atterrir plus loin sur le trottoir. Je ferme délicatement mes paupières pour éviter de recevoir une quelconque poussière.
- Et si je te disais que je cherchais le secret caché derrière tes yeux ?
- Mes yeux ? répète-je en les rouvrant
Je prends mon téléphone afin de le lever à la hauteur de mon visage et observer mes yeux derrière mes verres de lunettes. Je soupire exaspéré par sa réponse.
- Écoute va trouver le secret des yeux de quelqu’un d’autre. C’est pas une blague ou l’un de tes petits jeux comme dans le bus. Je te dis ça sérieusement, oublie mon existence. On s’est jamais adressé la parole jusqu’à présent, on en avait rien à faire de l’un comme de l’autre. Je ne te donnerai absolument rien à retour, alors trouve quelqu’un d’autres pour te divertir.
- Pourquoi pas toi ?
- Hein ? T’as écouté ce que je t’ai-
- Parfaitement, si je voulais aller voir quelqu’un d’autre je l’aurais fait. Rien ne me relie à toi et c’est justement pour ça que je suis là. Pour trouver cette chose qui me permettra d’avoir ce lien. Pour trouver la raison de cet appel de détresse que ces mêmes yeux m’ont lancé, dit-il en s’avançant progressivement vers moi tandis que je recule vers la vitrine.
Je finis par l’atteindre et bute contre cette dernière. Il essaie de sonder en moi. Je hais ça. Je le hais pour ces airs supérieurs qu’il aborde devant son peuple. Je le hais pour cette curiosité qu’il a à mon égard. Je le hais pour ses agissements que je ne comprends pas. C’était une erreur. Ma tête me hurlait de rien dire mais j’ai préféré suivre mon cœur qui désirait attraper sa main. Je regrette amèrement de ne pas m’être fié à ma raison. Mais l’espoir de trouver une solution était tellement grand que je n'ai pas su résister.
- Je sais que c’était une erreur de ma part et comme je te l’ai dis je n’ai plus besoin de toi.
Je le repousse légèrement avant de me décaler de l’autre côté de l’arrêt. Il ne va jamais me lâcher. J’ai pu apercevoir son micro sourire en le repoussant. Il est si sûr de lui que ça me donne envie d’écraser ses chaussures encore une fois. C’était comme si à travers ce petit étirement de lèvres il disait : plus tu t’éloignes plus vite je te rattraperais. Il est complètement taré. Complètement dégénéré. Complètement, complètement. J’en perds mes mots. C’est comme essayer de dormir avec un moustique qui performe un concert dans vos oreilles alors que vous essayez désespérément de dormir. Vous n’avez qu’une envie : allumer une lumière, s’armer d’une claquette et mettre toute la force dont vous disposez pour l’écraser. J’essaie de le chasser mais il continue de me sucer le sang et il a l’air de se régaler. Plus je me débats et plus j’ai l’impression de perdre encore plus de ce liquide pourpre.
Après vingt minutes d’attente supplémentaire, le second bus apparaît sous ce feuillage marronâtre qui craquent sous les roues du véhicule. Seulement trois passagers à bord, merci ma bonne étoile. Nous montons tous les deux tout en badgeant nos pass respectifs avant que je prenne place à ma place dorée : celle assise, près de la sortie, à côté de la fenêtre. Malheureusement pour moi ce siège parfait possède devant lui, une place habituellement prise par des inconnus à qui je ne prêterai pas d’attention. Maintenant elle est prise par une silhouette que je reconnais de plus en plus facilement. Il me fait face, son coude posé sur sa cuisse droite et sa main ébouriffant ses cheveux qui lui tombent aux yeux. Il pose son regard sur moi qui tourne immédiatement la tête. Je ne sais pas ce qu’il a entendu par « le secret caché derrière tes yeux » mais je sais que ses orbes grises me rendent nerveux. Elles essaient de lire en moi, de trouver la clé menant aux portes de mon cœur, de déchiffrer les parchemins brûlés par mes soins afin qu’on ne découvre pas qui je suis. Il sait que ça me rend nerveux, alors il le fait comme ça, sans prévenir. Des fois je relève son défi comme dans les moments à l’arrêt de bus mais d’autres fois je le refuse me sentant trop vulnérable pour le moment. Je sors rapidement mes écouteurs, il est temps pour moi de rentrer dans ma bulle protectrice. Les premières notes de piano détendent progressivement mon esprit tandis que mes yeux observent ce paysage défilé qui perd de ses couleurs pour prendre celle de l’hiver.
Il le regardait. Qu’est ce que ses yeux voyaient à travers cette vitre ? Il voulait rentrer dans son univers pour y admirer ses joyaux verts qui étincelaient dans sa galaxie. Eren. Eren. Eren Yeager. Un mystère à découvrir, une aventure à vivre, un casse-tête à résoudre, une chanson à écouter en boucle. Il fallait être prêt à périr de sa vie pour entreprendre le chemin vers son cœur. Il ne vous laissait aucun indice pour y parvenir. On naviguait dans un brouillard épais où seuls ses nombreux rejets et paroles froides vous accompagnaient. On en avait assez, on voudrait rebrousser chemin, rentrer chez nous et l’oublier. Mais dès que la brillance de ses joyaux vous transcendaient de son exquise beauté, on n’avait qu’une envie : celle d’obtenir ses bijoux d'exception afin qu’elle ne regarde que vous. Livaï était dans ce chemin sombre et tumultueux. Il essayait, il échouait, il avançait, il s’arrêtait, il recommençait. C’était dur, éprouvant, fatiguant. Mais dès qu’il y pensait, dès que la vision de ces yeux cherchant une lumière lointaine pour l'aider lui venait en mémoire, il se répétait sans cesse : je ne peux pas l’abandonner. Il voulait les revoir. Il désirait contempler cet éclat émeraude teinté de touches de bleu, parfois de jaunes selon la lumière et son humeur. Il n’avait pas vraiment de raisons concrètes. C’était difficile de mettre des mots sur cette curiosité à l’égard d’Eren. Mais c’est parce que c’était lui que l’aventure valait la peine d’être vécue, que sa chanson méritait d’être écouté en boucle, que ce casse-tête était complexe et que ce mystère attirait les aventuriers hypnotisés par le mirage d’un souvenir.
✨✖️✨
20h15
Plus tard dans la soirée, j'ai reçu une notification de Nerve concernant mes défis. Ces derniers commenceront à 21h dans le parc Umeko. Tous les joueurs de mon secteur seront donc réunis à cet endroit. Cela me dérange un peu car ils sauront que Ereli habite pas loin. Ce qui veut dire qu'il faudra que je fasse attention en rentrant. Manquerait plus qu’on sache où j’habite. J'enfile rapidement un col roulé noir et le remonte jusqu'à mon nez avant de mettre un large T-shirt blanc sur lequel est inscrit Monster. Je prends un jean noir troué au niveau des genoux puis pose mes lentilles fluorescentes sur mes pupilles. Cette fois-ci j'ai décidé d'en prendre des jaunes en hommage à ses yeux. Je me contemple quelques instants dans le miroir avant d’attraper une casquette noir et l’ajuster. C’est tout en musique que j'effectue plusieurs étirements pour éviter tout accident qui m’embêterait sérieusement. Je ne tarde pas à me rendre au lieu de rendez-vous qui est à vingt-cinq minutes de chez moi.
🌌✨🌌
J'arrive comme convenu dix minutes avant le top départ. Et bien évidemment il y a du monde. Beaucoup de monde. À vue d'œil je dirais qu'on est dans les trois cent ou plus. De nombreuses personnes sont accompagnées de leurs amis. D'autres essaient de former des groupes de joueurs afin de ne pas se retrouver tout seul. J'attrape mes écouteurs et en place un dans mon oreille. Je prends une vidéo boomerang pour annoncer à mes abonnés le début imminent des défis.
- Chers joueurs, commença une voix, bienvenue à Nerve.
Je cherche la source soudaine de cette voix et remarque que mon téléphone s'est mis tout seul sur l'application.
- Vous avez choisi d'être joueur et de relever les défis des voyeurs. Pour gagner la gloire c'est-à-dire l'argent, vous devez dans un premier temps gagner un maximum de défis durant cette soirée. Les vingt premiers ayant accomplis le plus de défis pourront participer à la manche suivante.
L'écran devient soudainement rouge avec un énorme pictogramme « attention » :
1. Si vous perdez un défi,
2. Si vous n'effectuez pas le défi dans le temps imparti demandés par vos voyeurs,
3. Si vous refusez un défi,
Vous perdrez tout.
Le charisme et la popularité sont importants. Impressionnez vos voyeurs afin d’en gagner plus. Vous pouvez gagner beaucoup d'argent mais rester à la trentième position car vous n'avez pas assez de voyeurs. Joueurs, mes explications sont terminées. Bonne chance, termine la voix
Mon écran s'éteint à nouveau puis se remet sur Instagram. Il nous reste environ cinq minutes avant que ça ne commence. Une tension pesante s'installe petit à petit dans le parc. Il est clair que tout le monde veut gagner et que ceux qui partent avec peu de voyeurs sont clairement désavantagés. De multiples complaintes commencent à se faire entendre. Ce jeu a fait exprès de nous rassembler dans ce parc pour créer ce genre d'ambiance. Celle de la compétition. On est tous tendus et je commence à être nerveux. J’ai peur de l'échec. D’habitude je fais ce genre de défis de temps à autre sans être payé et je pouvais refuser. Ici, si j’ose même penser à cette initiative, je serais cuit. Je jette un coup d'œil aux derniers messages que j'ai envoyés à ma mère.
Maman ❤️
Eren tu es rentré ? 😊
Moi
Hum
Maman ❤️
N'oublie pas de manger ! 😖
Moi
Comment je pourrais oublier ça 😂
Maman ❤️
Bonne nuit petite mèche
Moi
Urgh maman j'ai plus 3 ans
À côté de son métier de fleuriste, elle travaillait souvent de nuit pour aider mon père. Elle s'inquiétait plus de ma nutrition que de la sienne. C’était moi d’abord et puis elle. J’ai toujours détesté cette surprotection, j’aurais voulu qu’elle pense à elle, qu’elle arrête de s’occuper de moi comme si j’étais un gosse. Mais en même temps j'ai tellement envie de la revoir, de retrouver cette lumière allumée dans la pièce à vivre et son sourire chaleureux qui m'accueille, de l’entendre se plaindre parce que je bouffe que des cookies. Elle me manque et je veux la revoir. Je veux poursuivre ce quotidien innocent que j’affectionne tant. Alors je ferai tout pour rassembler cette somme.
- Ils vous restent 3 secondes.
2
Même si on me demande de voler
1
Même si on demande de tuer.
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