Première partie
- Maman, je vais être en retard ! Dépêche-toi !
- J'arrive mon chéri.
Solène se leva précipitamment de table, et renversa son bol de thé. Tant pis, elle nettoierait plus tard. Elle courut vers l'entrée, enfila son manteau et claqua la porte derrière elle. Thomas l'attendait devant la voiture, impatient. Depuis qu'il était entré au collège, trois mois plus tôt, il avait insisté pour que sa mère l'emmène chaque matin, soi-disant parce que c'était trop loin. Elle sortit la clé de sa poche arrière et ouvrit la voiture. Son fils s'engouffra sur le siège passager et sortit son téléphone, oubliant aussitôt le collège et sa mère. Solène, quant à elle, resta un instant devant sa porte, observant la maison d'en face. C'était une habitude qu'elle avait prise très tôt, vérifiant chaque matin que son ex-mari ne les espionnait pas, elle, ses enfants et un potentiel copain. Depuis qu'elle avait eu le courage de prendre sa vie en main et de demander le divorce, sa peur s'était dissipée, mais n'avait pas totalement disparu, enfouie dans un coin de sa mémoire, sommeillant dans son cœur. Elle n'avait malheureusement pas évité la garde alternée et elle vivait dans l'angoisse constante que ses enfants découvrent un jour l'affreuse vérité.
La vitre avant s'ouvrit brusquement et Thomas beugla :
- MAMAN-EUH !
- J'arrive.
Elle monta dans sa voiture, alluma le contact, régla les rétroviseurs et sortit doucement dans l'allée de gravier. La radio s'alluma sur une musique du groupe Abba, « Dancing Queen ». Emportée par la musique, elle ne vit pas le visage mauvais collé à la fenêtre de la maison d'en face qui les suivait du regard.
Son bureau était constamment en bazar, jamais une chose n'était deux fois à la même place et pourtant son travail demandait une organisation exemplaire. Responsable des ressources humaines dans une usine de recyclage de plastique, elle arrivait néanmoins à maintenir le rythme requis et remplissait à merveille ses devoirs. Elle était repassée chez elle pour vérifier qu'Ariane, son ainée, s'était bien réveillée. La veinarde ne commençait qu'à onze heures et avait la fâcheuse manie d' « oublier » de programmer son réveil. Solène avait toujours en tête la musique de « Mamma Mia ! », son film préféré, et c'était toute frivole qu'elle passa sa journée à diverses occupations.
Son travail terminé, elle sauta dans sa voiture, et se dirigea vers le parc à l'autre bout de la ville. Thomas était chez un ami, et Ariane toujours en cours, bref elle avait une heure devant elle dont elle comptait bien profiter. Franchissant les grilles du jardin à grandes enjambées, elle s'orienta d'un pas sûr au centre, vers l'abri où travaillait le personnel d'entretien. Elle toqua joyeusement en se recoiffant à la va-vite. La porte s'ouvrit sur un jeune homme d'une vingtaine d'année souriant et décoiffé.
- Bonjour Solène, Marion n'est pas encore là mais tu peux attendre à l'intérieur si tu veux. Elle finit dans un quart d'heure.
- Merci Damien, mais je vais profiter un peu du soleil.
- Comme tu veux, je lui dirai que tu es là.
- Ce serait gentil, répondit-elle en s'éloignant.
Damien était un chouette garçon qui travaillait ici deux heures par semaine, comme bénévole pour une association d'étudiants écologistes. Il était dans la même année qu'Ariane mais ils ne se côtoyaient pas. Marchant au hasard au milieu de la verdure lumineuse, Solène songeait à ses enfants. Ils ne connaissaient pas l'histoire et de ce fait adorait leur père. Ainsi l'engrenage s'était mis en place inexorablement et empêchait maintenant Solène de révéler la vérité à ses enfants de peur de les blesser.
- Salut, dit soudain une voix derrière son dos.
Elle se retourna et son sourire s'élargit. Marion, dans sa salopette verte et brune, suintait de sueur et de bonheur. Ses cheveux blond vénitien étaient attachés négligemment en une queue de cheval basse et ses gants d'entretien étaient crasseux de terre et de mauvaises herbes. Malgré cela, son sourire sincère et accueillant lui donnait une allure de déesse de la nature avec sa brindille de rose, coincée dans les cheveux. Elle resta pudiquement à quelques mètres de Solène, de peur de la tacher et lui envoya un baiser volant. Solène l'attrapa et le serra contre son cœur, comme elles le faisaient habituellement quand Marion travaillait.
- Je me change et on va se prendre un café ? proposa-t-elle.
- Ok, je t'attends.
Marion se dépêcha de s'habiller et l'entraina par la main vers le café de la place Saint Exupéry. Elles commandèrent deux Latte et s'installèrent à leur table favorite, près de la fenêtre qui donnait sur la place. Marion pris la main de Solène et la regarda tendrement.
- Alors ? Tu l'as fais ?
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