50. En cinq lettres
Le ferite dell'amore possono essere curate solo da chi le ha create.
Les blessures d'amour ne peuvent guérir que par celui qui les a faites.
Proverbe Italien .
Entre Juin et Décembre 2022
Can
Je n'aurais pas cru qu'un jour j'arriverai à me sentir autant chez moi à l'extérieur des frontières de mon propre pays. J'y ai pensé pendant des mois, ne voulant pas m'y résoudre mais Ferzan* a fini par me convaincre. Personnellement c'est tout de même un déchirement et j'ai l'impression de tourner le dos à ma patrie. Mais professionnellement c'est une opportunité en or de finaliser des projets qui n'ont jamais vu le jour en Europe et je ne pouvais plus reporter ces propositions si généreuses.
C'est d'autant plus un sujet embarrassant que ma relation avec Demet est compliquée, difficilement qualifiable...je n'ai même pas l'adjectif adéquat...
J'ai beau avoir des sentiments très forts pour elle, la désirer encore de tout mon cœur, je suis bloqué, incapable de me résoudre à passer à autre chose mais aussi paralysé à l'idée de retenter un « nous ». J'ai tellement morflé que je ne suis pas prêt à m'investir dans une relation. Il y a la presse, nos métiers, la pression de notre entourage. Je ne veux pas retomber dans la même spirale destructrice qui finirait par nous achever. Je n'ai pas envie non plus qu'on se déteste pour de bon. Le film où nous devions être à nouveau partenaires n'a pas abouti, comme si la fatalité s'acharnait encore contre nous ou qu'elle nous montrait au contraire qu'il ne servait à rien d'insister.
Je ne saurai qualifier ce que nous sommes l'un pour l'autre : surement pas un couple mais bien plus que des amis...
Quand nous nous sommes retrouvés il y a un peu plus six mois, qu'elle m'a avoué la vérité j'ai mal réagi, très mal réagi. Malgré ses aveux je l'ai rejetée. J'étais bien trop orgueilleux pour accepter SES mauvaises raisons ayant conduit à notre rupture. J'avais tellement enfoui de rancœur et de regrets durant toute la période où elle m'avait exclu de sa vie que je ne pouvais pas voir les choses autrement.
Mais le destin et mes plus proches m'ont envoyé de nouveaux signes. J'ai compris que pour guérir et me sortir de ce mal être permanent, je devais laisser mon cœur pardonner. Je pensais que les mois qui s'étaient écoulés m'avaient permis de guérir, que j'allais mieux, que je m'en étais sorti. Pourtant, mon incapacité à nouer une nouvelle relation, à en avoir envie, me prouvait bien le contraire, j'avais juste appris à vivre avec ma douleur, résigné. Alors au lieu de continuer à apprivoiser mon chagrin, j'ai dompté ma colère. J'ai laissé Demet entrer de nouveau dans ma vie, avec parcimonie. Elle s'intéressait à mes projets, m'appelait régulièrement puis de plus en plus souvent. Nous avions recommencé à partager des sorties avec des amis communs, ma mère l'invitait à dîner en même temps que moi et finalement nous avons enchainé sur des sorties tous les deux. D'un dîner en tête à tête par semaine, elle s'est insidieusement imposée dans mon univers, plus que je ne l'aurai voulu si on m'avait posé la question. Sans rien lui promettre, sa seule présence effaçait toutes les autres sur son passage. Comment ne pas être happé par sa personnalité solaire et sa joie de vivre ?
Elle était revenue mettre de la lumière dans ma vie. J'avais beau barricader mon cœur, elle avait la clé des serrures.
Lors d'un dîner chez elle durant l'été, son frère et sa sœur étaient venus me parler en aparté, me remerciant discrètement de lui avoir redonné le sourire. Selon eux, depuis que nous avions enterré la hache de guerre, elle était apaisée, heureuse et surtout elle ne parlait plus de ses problèmes de santé, semblant avoir accepté cette fatalité.
Moi aussi je ressentais cette plénitude, mais je n'arrivais pas à me projeter, à savoir où tout cela allait nous mener.
Les moments les plus délicats étaient sans doute les aurevoirs. Il subsistait toujours entre nous une certaine tension sexuelle et les longs mois de célibat choisi n'arrangeaient pas mon état. Au fur et à mesure que nous nous sommes revus et apprivoisés, reprenant confiance l'un en l'autre, nous sommes redevenus « tactiles ». Bras dessus, bras dessous, une caresse sur le visage, des mains qui se tiennent et s'entrelacent, des câlins anodins qu'on se surprend à écourter quand on réalise...
Encore une fois, il est difficile de lutter contre ces choses qui s'installent sans permission, naturellement. Mais « chat échaudé craint l'eau froide » comme énonce le dicton et j'étais devenu celui qui pose les barrières, incapable de sauter le pas ou de laisser faire les choses. Il y avait toujours un truc au fond de moi qui m'empêchait d'être naturel, de me laisser aller. Ce n'est pourtant ni l'envie ni le désir qui manquaient.
Et il y a eu ce soir, je venais de me décider à accepter l'offre de Ferzan, passer six mois en Italie, peut être un peu plus, et mener à bien ce projet de film repoussé depuis trop longtemps. J'avais annoncé la nouvelle à Demet et contre toute attente elle s'était révélée heureuse pour moi alors que j'avais senti dans son regard l'angoisse que provoquait mon départ.
Allongés dans l'herbe de son jardin, dans la tiédeur du clair de lune de septembre, elle s'était calée au creux de mes bras, se laissant bercer par les battements de mon cœur. Epuisés, nous nous étions endormis à la belle étoile et c'est le petit matin qui nous avait trouvé enlacés, ses mains s'agrippant à mon col comme si elle craignait que je lui échappe pour toujours. J'avais soupiré et embrassé son front, en proie au doute.
Pour moi aussi la séparation allait être difficile mais certainement bénéfique. J'avais besoin de m'éloigner pour réfléchir, me retrouver et comprendre ce que je voulais réellement. Mon départ pour l'Italie tombait à pic.
Un premier voyage de quelques jours pour des repérages et j'étais revenu plus décidé que jamais à passer ces quelques mois à Rome. Quand je l'ai revue dans cet intervalle, elle semblait soucieuse, mais s'était empressée de me jouer la comédie de la bonne humeur. Je sentais bien derrière son sourire forcé que quelque chose n'allait pas et je ne pouvais pas partir sans savoir de quoi il retournait. Lors de notre dernière soirée, je l'invitais à danser et, comme à chaque fois que nous nous retrouvions dans cette situation, tout disparaissait autour de nous. Cela nous avait joué d'assez vilains tours par le passé d'ailleurs. De sourires en câlins, nous savourions tous les deux cette permission hors du temps mais quand je l'avais sentie tenter de se retirer, les yeux humides, j'avais pris son visage en coupe pour sonder ses pensées et la forcer à me regarder.
- Je ne veux pas que tu me vois comme çà...
- Demet...qu'est-ce qui se passe ?
- ...
- Tu as vu les médecins ? Tu as une mauvaise nouvelle à m'annoncer ?
- Non ce n'est pas çà.
Et derrière des sanglots à peine cachés elle avait fini par m'avouer ce qui la rendait mélancolique. Elle n'arrivait pas à se résoudre à me voir partir.
- Six mois c'est très long Can, j'ai peur de te perdre à nouveau...
- Tu ne me perdras pas, je reviendrais et...
Mais je n'avais pas terminé ma phrase, je ne voulais pas en dire trop parce que çà ne serait pas assez pour elle et trop pour moi. Je me suis contenté de la prendre dans mes bras à nouveau et je l'ai serrée très fort, enfouissant mon nez dans ses cheveux pour m'imprégner de leur odeur en même temps que mes doigts savouraient leur douceur. Et je me souviens précisément de mes pensées à ce moment.
Comment allais-je m'en sortir sans elle ?
Ce sentiment d'angoisse qu'elle tentait de me cacher pour ne laisser paraitre que son bonheur de ma réussite venait de m'ouvrir les yeux, elle faisait passer mon intérêt avant le sien. Et elle avait fini par m'avouer ses craintes. Je sentais pour la première fois les rôles s'inverser, en terme de communication entre nous, c'était une première. J'avais toujours été très tolérant vis à vis de çà quand nous étions en couple, je savais qu'elle avait morflé pendant sa plus tendre enfance et qu'elle avait depuis cette fâcheuse tendance à ne pas communiquer pour ne pas faire savoir ce qu'elle pensait vraiment. Un moyen de protection, de s'isoler des autres.
C'est ce qui nous a séparé également. Elle s'est recroquevillée sur elle même, m'excluant de sa vie et décidant toute seule ce qui était mieux pour moi. Rejeter l'autre avant qu'il risque de vous rejeter. C'est là sa plus grossière erreur, jamais je ne serais parti.
Ce voyage en Italie était une complète ambivalence.
L'apothéose professionnelle que peu d'acteurs turcs connaissent, faire carrière à l'étranger et j'en étais tellement fier, le fruit de tant de sacrifices !
Et d'un autre coté cette déchirure d'abandonner ma famille, mes habitudes, l'impression de tourner le dos à mon pays. Tout çà avait finalement peu d'importance comparé à ce sentiment de culpabilité, cette déchirure au fond de moi, cette boule que je sentais se former près de mon estomac...six mois loin d'elle.
Alors cette dernière soirée nous l'avions passé ensemble, collés l'un contre l'autre face à la baie vitrée de sa maison. Nous avions peu parlé, la gorge bien trop serrée pour masquer notre tristesse. Caressant ses cheveux et son dos, j'avais attendu qu'elle s'endorme avant de déposer un tendre baiser aux coins de ses lèvres et de m'éclipser.
J'avais envie de crier, de vomir mais une chose me faisait avancer coûte que coûte, aller de l'avant, toujours et ne plus me retourner sur un passé douloureux, le temps viendrait à bout de la peine.
Très tôt le lendemain, le cœur lourd, ma mère m'accompagnait à l'aéroport tandis que mon père était lui aussi du voyage. Il s'était imposé pour passer quelques jours avec moi en Italie, profiter de l'appartement mis à ma disposition à Rome et s'assurer que la rupture n'allait pas être trop brutale. Un bref voyage de quelques jours c'est une chose, s'installer pour 6 mois en est une autre.
Passé ce moment d'intense réflexion, je me suis laissé griser par l'accueil toujours aussi chaleureux des italiens et surtout...des italiennes. Leur gentillesse, leur exubérance, leur joie de vivre, j'étais heureux de provoquer autant d'amour sur mon passage et je faisais mon maximum pour répondre à toutes leurs attentes.
D'interviews en plateau télé, d'émissions de radios en séance photos, mon emploi du temps chargé me laissait à peine le temps de faire un peu de sport et de répondre aux nombreuses invitations extra-professionnelles.
J'étais épuisé. Pourtant, chaque soir, dans la solitude de ma chambre je scrutais ses messages sur mon écran de téléphone. Nos obligations respectives ne permettaient pas qu'on s'appelle chaque jour mais tous les dimanches soir, sans exception, nous passions notre soirée au téléphone. C'était notre échappatoire, notre moment rien qu'à nous. Elle me racontait le film qu'elle tournait, ses répétitions pour une représentation de danse avec une grande compagnie et je lui parlais de l'Italie, de mes rencontres, de mon amour toujours plus grandissant pour ce pays incroyablement accueillant que j'aurais aimé lui faire visiter.
Les semaines défilaient, rythmées, saturées de rendez vous. Je me suis fait quelques amis à la salle de sport et à l'agence qui gère mon image ici.
Et il y a Rossana. C'est la « mama » de mon immeuble. Je ne saurais la définir si je dis d'elle que c'est la gardienne car elle est tellement plus...celle qui s'assure que tout se passe bien dans l'immeuble, que l'entretien est correctement réalisé, qu'aucun intrus ne pénètre sans y être autorisé et que chaque résident est satisfait de son séjour. Je ne compte plus le nombre de fois où elle est venue me déposer ses pâtisseries, les fameuses « crostata alla marmelatta » quand elle me croise tard le soir et qu'elle sait que cela constituera l'essentiel de mon dîner. Elle est adorable, c'est mon ange gardien qui a fait de ma vie dans cet immeuble un doux moment de sérénité.
Mon père est revenu passer quelques jours début décembre et m'a promis qu'il serait là avec ma mère à la fin du mois. Les italiens étant très croyant, Rome devient à cette période encore plus festive et magique.
J'aurais aimé rentrer à Istanbul mais inconsciemment, je sais que revenir sera encore plus difficile. Demet semble l'accepter mais je sens au son de sa voix qui s'éteint peu à peu que c'est de plus en plus difficile de donner le change.
Parce que c'est certainement devenu trop compliqué à gérer et parce que je ne lui donne aucun espoir, elle m'envoie moins de messages et nous ne nous sommes pas appelés depuis deux dimanches.
J'ai beau essayer de la contacter, toutes mes tentatives restent vaines, elle prétexte être trop occupée. Je suis partagé entre l'envie de continuer, d'insister, garder ce fil de connexion entre nous et celle de la laisser respirer et finalement prendre les distances qu'elle n'a pas réussi à m'imposer jusque là.
Au fur et à mesure des jours je la sens s'envoler, m'échapper. Je devrais me raisonner mais la boule près de mon estomac s'est remise à gonfler. J'ai du mal à penser à autre chose et même Rossana s'inquiète me demandant pourquoi je semble si triste, que la période de Noel doit être joyeuse. Je la persuade que ma famille me manque mais elle n'est qu'à demi convaincue.
Et dans l'intimité de ma chambre, quand la fatigue flirte avec ma lassitude et m'entraîne vers le sommeil agité de chacune de mes nuits, je revois son visage, je sens le grain de sa peau sous mes doigts, j'entends ses soupirs et rêve que je provoque ses gémissements. Je me réveille en plein milieu de la nuit, fiévreux, essoufflé, en proie à des érections phénoménales que je n'arrive plus à calmer avec une douche froide. Ma seule possibilité de recouvrer le sommeil est de me soulager tout seul, comme un adolescent de quinze ans qui ne contrôle pas ses hormones. Je pourrais essayer de me distraire en sortant, en passant du bon temps avec d'autres femmes mais encore faudrait-il que j'en ai l'envie.
La vérité me pète à la tronche, j'ai tourné des mois autour du pot, barricadant mon cœur pour m'éviter de souffrir mais voilà, je me suis laissé prendre à mon propre piège, elle a baissé les bras.
Ma mère a insisté lourdement pour connaître les détails de mon emploi du temps entre le 23 et le 30 décembre, elle veut être sûre qu'elle et mon père viennent au meilleur moment pour ne pas gêner mes obligations professionnelles. La semaine précédant Noel est relativement calme et celle avant la fin de l'année totalement libre en dehors de l'enregistrement d'une émission de télévision. Ils ont donc convenu qu'ils arriveraient le 26 décembre.
Le 24 au matin, je m'octroie une séance de footing en plein air. Il fait étonnamment très froid mais le ciel est clair. Après une bonne douche et un appel à mon agent, pour régler quelques détails, je rejoins trois amis pour un déjeuner tardif près du Colisée. Nous passons un très agréable moment et ils tentent durant de longues minutes de me convaincre de venir passer le réveillon avec eux. Ils essaient de m'expliquer que ce n'est pas simplement l'aspect religieux de la fête qui est important mais surtout l'esprit de partage et d'amour, l'idée de passer un bon moment en famille ou avec les gens qu'on aime et qu'il est hors de question de me laisser seul un soir comme celui là. J'ai fini par accepter. Livia, une amie, m'accompagne prendre quelques affaires chez moi avant que nous allions finir de tout préparer chez elle.
Alors que j'approche de ma rue, mon téléphone m'indique un appel de Rossana. Je décroche et elle m'annonce qu'une personne semblant être de ma famille m'attend devant la résidence. Incapable de m'en dire plus, je raccroche et consulte mes messages, rien. Mes parents ne peuvent pas être déjà présents ?! Inquiet, j'explique la situation à Livia et nous hâtons le pas.
Lorsque je passe le lourd portail en fer, Rossana, alertée par le bruit se précipite à l'extérieur de sa loge.
- Ah Monsieur Can, vous êtes rentré. Votre amie est en train de se réchauffer , venez !
Je la suis, incrédule. Et là, emmitouflée dans un plaid, les joues roses et les yeux perçants, je découvre Demet au dessus d'une tasse de chocolat fumant. Je ne m'y attendais tellement pas que je reste immobile et silencieux.
Rossana toussote et je sors de mon état de choc.
- Demet ! Mon dieu...mais ?!
Je suis incapable d'aligner deux mots cohérents tant les émotions sont incontrôlables. Livia doit sentir que l'ambiance a subitement changée car elle s'éclipse en quelques secondes avec un clin d'œil et un signe qu'on s'appelle plus tard. Rossana me sourit, intriguée par ma réaction à l'arrivée de cette « amie ». Sans une parole, j'attrape la main de Demet ainsi que sa grosse valise et prends la direction de mon appartement, pressé de me retrouver dans mon intimité rassurante pour pouvoir faire face au flot de questions qui me traversent l'esprit.
Quand la porte est refermée derrière nous, je croise son regard et avant que je n'engage la conversation elle saute dans mes bras et me serre si fort que ma nuque devient douloureuse.
- tu m'as tellement manqué Can !
Enivré par les effluves de son parfum, je laisse mes doigts s'entortiller dans ses cheveux, un fin sourire aux lèvres.
- tu ne dis rien ? Je...j'aurais peut être dû te demander avant de venir...si...
Son regard inquiet me transperce. Je ne la laisse pas poursuivre et pose mon index sur ses lèvres. Je détaille son visage qui m'a tellement manqué, ses magnifiques yeux en amande, sa peau soyeuse et ses lèvres pulpeuses capable de s'étirer à l'infini dans un sourire m'ôtant toute résistance. Toutes ces choses m'ont tellement manquées. J'étais encore incapable de les verbaliser mais les émotions que je ressens à cet instant précis sont suffisamment explicites. Je ne veux plus jamais ressentir ce manque.
Je m'approche lentement et prends l'ovale de son visage entre mes paumes.
- Toi aussi tu m'as manqué Demet, tellement...je suis heureux que tu sois là.
Je pose mon front contre le sien et ferme les yeux, savourant cet instant. Puis je la serre dans mes bras, m'enfouissant le visage dans sa chevelure, m'imprégnant de son odeur et de sa chaleur. Je ne saurais dire combien de temps nous restons ainsi, les yeux fermés mais c'est bon de se sentir chez soi.
Elle m'explique ensuite comment elle s'y est prise pour me faire la surprise de sa visite, la complicité de ma mère et la manière improbable avec laquelle elle a tout organisé alors qu'elle est toujours morte de peur à l'idée de se rendre à l'étranger seule.
Elle a bravé toutes ses angoisses juste pour venir me retrouver.
Emue et certainement chamboulée de nos retrouvailles, je l'invite à prendre un bon bain chaud, se délasser alors que je commande un taxi, prévoyant une sortie surprise dans un endroit que je suis impatient de lui faire découvrir. J'ai si souvent rêver ce moment...
Le silence enveloppe mon appartement pendant de nombreuses minutes jusqu'à ce que je l'entende fredonner dans la salle de bain.
Dehors, le jour est tombé et le vent glacial n'encourage personne à se promener. Le ciel est couvert et on dirait qu'il va neiger. Grace à la situation géographique de mon appartement, nous sommes à destination en moins de 10 minutes. Gigantesque et magnifiquement éclairé, le Colisée nous fait face. Je l'observe du coin de l'œil, un immense sourire aux lèvres, lui offrant ma main pour l'entraîner plus près.
La bise fouette nos visages, mes mains se crispent sous l'effet givrant des bourrasques balayant la place. L'endroit est déserté à la fois par les touristes à cause du temps mais aussi par les Romains, bien trop absorbés par les préparatifs du réveillon de Noël. Moi, je suis là, à la regarder s'émerveiller du spectacle devant ses yeux, éberlué encore qu'elle soit là, à coté de moi alors qu'il y a quelques heures j'étais tout disposé à passer cette soirée tout seul. Les jeux de lumières sur les pierres millénaires accaparent encore son attention et je détaille les reflets sur son visage. Du vert, du blanc, du rouge, les couleurs de mon pays d'adoption illuminent ses traits angéliques. Son regard se tourne vers moi et ses yeux plongent enfin dans les miens.
- je suis content que tu sois venue.
Son sourire s'élargit et de la vapeur s'échappe de sa bouche alors qu'un rire gêné lui échappe.
- je suis heureuse d'être là.
J'embrasse le dos de sa main avant d'entrelacer mes doigts aux siens pour l'entraîner autour de cet édifice qui représente si bien la majesté de cette ville éternelle. A travers les siècles et malgré les attaques de l'homme et de la nature, il est toujours debout, égratigné, balafré mais debout.
Je n'ai plus envie d'être seul ce soir, je n'ai plus envie d'aller rejoindre mes amis pour partager ce réveillon de Noël, non, j'ai juste envie de rester près d'elle, de la serrer dans mes bras. J'ai envie de croire que notre amour est comme cet édifice, égratigné, balafré mais toujours debout. J'ai essayé de l'ignorer, de vivre en fermant les yeux sur le vide que rien ne peut combler, en vain. Les quelques semaines avant mon arrivée à Rome me l'avait confirmé :
je ne sais pas être heureux sans elle.
Complètement gelés, nous rentrons chez moi, incapables de penser à autre chose qu'à un bon chocolat chaud. Je l'abandonne quelques minutes pour une douche et en profite pour prévenir mes amis et m'excuser, je ne passerai pas la soirée avec eux.
Lorsque je ressors, elle est face à l'immense baie vitrée, un plaid autour des épaules, le regard perdu sur la vue, il neige. Je m'approche en silence et sans réfléchir l'enlace par derrière. Elle rejette sa tête en arrière et respire ma nuque, lâchant un soupir de contentement proche du gémissement. Je la retourne face à moi et ses yeux me fixent tendrement à la recherche de réponses.
- On a combien de temps ?
D'un prime abord, elle semble ne pas comprendre ma question.
- Tu as un billet retour ? Quand ?
Elle semble réfléchir.
- Normalement le 29. Pourquoi ?
- Montre-Moi.
Elle cherche dans son sac qui trône sur le fauteuil et en ressort une petite pochette plastifiée dans laquelle elle a conservé le billet usagé et celui du retour. Elle me le tend.
- Voilà, je décolle à 17H18.
Sans lui répondre, je lui arrache le bout de papier cartonné, un mince sourire aux lèvres. J'ancre mon regard au sien et déchire méticuleusement le billet jusqu'à ce qu'il n'en reste plus que de minuscules confettis. Elle a porté une main à sa bouche sous le coup de la surprise.
- Mais qu'est-ce que tu fais ?!
- Tu ne pars plus.
Partagée entre l'amusement et l'indignation, elle reste immobile sans cesser de me fixer.
- Mais je...
Je m'approche sans la quitter du regard, plus déterminé que jamais.
J'ai laissé le destin me l'enlever. J'étais brisé. Elle est revenue, a bravé ses angoisses et ses incertitudes pour me retrouver.
- J'ai des arguments pour te convaincre.
Elle me sourit franchement avant de reprendre un visage plus sérieux. Puis elle franchit les deux pas qui nous séparent pour déposer délicatement ses lèvres sur les miennes. Elles bougent à peine, savourant juste le plaisir du toucher. Nos respirations se mélangent, brisant le silence autour de nous. C'est si bon de sentir cette simple connexion. Puis elle remue enfin légèrement son visage, m'invitant à approfondir notre baiser. Ma bouche s'entrouvre et elle l'investit avec plus d'ardeur, intensifiant le contact. Je mordille sa lèvre inférieure et je colle mon corps au sien. Les sensations sont exceptionnelles. Le feu trop longtemps éteint est en train de se transformer en brasier alors qu'elle a à peine commencé à m'embrasser. Une immense chaleur me gonfle le cœur et j'ai l'impression que c'est la canicule en plein hiver.
Je sais que nous avons beaucoup de choses à régler, qu'il va falloir que nous discutions sérieusement si nous voulons à nouveau tenter quelque chose, mais là, tout de suite, j'ai juste envie de retrouver cette sensation de fusion que nous avons souvent partagé. Quand elle est dans mes bras je me sens entier, serein, heureux et je crois que cela fait suffisamment longtemps que ce n'est plus le cas.
Tous ces mois passés, j'avais besoin de prendre mon temps, d'être sûr de moi, de ce que je voulais vraiment dans ma vie et je crois surtout qu'après tous mes écueils avec Demet, je voulais qu'elle fasse le premier pas. Son attitude et son angoisse à mon départ m'avaient prouvé son attachement mais ce n'était pas suffisant sur l'instant, trop suspicieux qu'à la première occasion elle se carapate à nouveau...
Lorsque nos bouches se séparent, nous restons un moment les fronts collés, tentant de reprendre nos respirations et surtout nos esprits.
- Je t'aime Can, je n'ai jamais cessé de t'aimer.
- Je vois que toi aussi tu as des arguments imparables.
Nos sourires meurent sur les lèvres de l'autre.
- Plus jamais je ne te quitterai.
- Et plus jamais je ne te laisserai partir.
Elle m'embrasse à nouveau et saute dans mes bras, enroulant ses jambes autour de ma taille. Je la maintiens sous les fesses et elle masse mon cuir chevelu encore humide, mes longues mèches encadrant mon visage. Laissant tout en plan, je la conduis à notre chambre, claquant la porte du bout du pied.
Noel a insufflé sa magie...
Bientôt cinq ans que nous avons écrit les premières lignes de notre histoire...
Inédite, envoutante, abrupte, fulgurante, étouffante, étourdissante, douloureuse, époustouflante, addictive et destructrice.
Il est temps d'en reprendre l'écriture et de noircir de nouveaux chapitres dégoulinants de bonheur.
Nous avons beaucoup de temps à rattraper et des souvenirs à construire...
Cinq lettres qui m'obsèdent depuis ce premier regard : DEMET.
Cinq lettres qui ne m'ont plus quittées : AIMER.
C'était finalement bien plus que des affinités...
*Ferzan Ozpetek : réalisateur turco italien et ami de Can Yaman.
Bonjour à toutes.
C'est avec beaucoup d'émotions que je viens poster ce dernier chapitre. Cette première histoire dont je suis venue à bout après plus de 14 mois d'inspiration. Ils ont été mes muses tous les deux et m'ont mis le pied à l'étrier et vous avez été mes camarades bienveillants dans cette aventure si grisante. Ecrire est devenu bien plus qu'une passion, c'est une thérapie. J'en ai fini avec Can et Demet mais je n'en ai pas fini avec l'écriture !
Alors un immense merci à toutes (car oui public exclusivement féminin) vos vues, vos votes, vos messages ! A mes partenaires du début mariesophieallen et celle de toujours LauraBrochard qui m'avez poussé, encouragé. L'écriture et le partage même virtuel c'est quand même une sacrée aventure humaine et çà m'a ouvert de nouvelles perspectives.
J'ai un autre projet de romance sur laquelle je travaille et qui n'est pas en lien avec Can et Demet et j'espère que je pourrais compter sur vos avis le moment venu.
Je vous embrasse toutes et vous souhaite une belle fin d'année même si on ne peut que se souhaiter une meilleure année 2021. Prenez soin de vous et de vos proches mes petits coeurs.
(Bob l'éponge va chialer d'ici ce soir c'est sûr !!!)
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