Chapitre 49. Coup de stress
Séléné
Février est déjà bien entamé. Après trois semaines d'une attente interminable, mes menstruations sont arrivées il y a quelques jours, m'ôtant un poids considérable des épaules. J'ai saigné dans la douleur, mais le calvaire est fini. Jamais je n'avais été aussi enchantée d'avoir mes règles, c'est pour dire.
Je stresse de plus en plus à l'annonce imminente des résultats de nos partiels du premier semestre. J'ai toujours la tête dans le guidon et je ne ménage pas ma peine pour bosser. Le rythme des cours et du travail personnel ne me laisse aucun répit. J'ai d'ailleurs tendance à me mettre la pression toute seule, au grand dam de Maxence qui s'en voit pour supporter mes humeurs changeantes.
Je reconnais bien volontiers qu'il fait des efforts pour ne pas être tout le temps sur mon dos, mais notre relation reste tout de même suffisamment conflictuelle pour que je ressente le besoin de m'évader assez souvent.
J'ai toujours en tête la conversation avec Mam, il y a un mois de ça.
Trouver l'équilibre est la clé afin que notre histoire perdure. Certains jours, nous avançons main dans la main, unis par notre amour, mais d'autres, nous rétropédalons dans les larmes et les reproches. Et pourtant, j'ai envie que ça marche entre nous. Certes, Maxence a ses défauts, mais j'ai les miens également. Je songe souvent qu'il est bien courageux pour réussir à nous supporter, mon caractère de cochon et moi.
Si Mia discute un peu avec lui quand elle le croise, Aurèle fait des efforts pour me faire plaisir, se limitant principalement aux formules de politesse d'usage. Après, je n'en attends pas plus et je suis déjà bien assez satisfaite qu'ils ne se sautent pas à la gorge.
Les choses se sont apaisées avec Aurèle. Nous n'avons pas reparlé de cette soirée désastreuse, où j'ai bien cru le perdre. Les gestes d'affection sont cependant rares désormais, une certaine distance s'est installée entre nous. Je le déplore, bien que je suppose que cela soit normal et sain, étant donné que nous sommes chacun en couple.
Emilie et moi avons l'intelligence de nous tolérer l'une et l'autre pour la cohésion du groupe. Mais ne nous mentons pas, nous ne serons jamais de grandes amies toutes les deux. Elle garde de la rancœur à mon encontre, ce que je peux comprendre.
S'il n'y avait pas eu toutes ces histoires, nous aurions sûrement une bien meilleure relation, car c'est une fille sympa et drôle, appréciée par toute la bande. Elle aime sincèrement Aurèle, comme il le mérite, et elle le rend heureux, là où moi j'en suis incapable.
Depuis bientôt une semaine, Maxence n'a pas mis les pieds chez lui, excepté pour récupérer quelques affaires. En quelque sorte, il vit avec moi. Bien que cela m'effraie, car je trouve toujours que tout va beaucoup trop vite entre nous, je suis comblée de me réveiller à ses côtés chaque matin et de partager tant de moments avec lui.
— Tu vas être en retard ma belle, me chuchote-t-il alors que je suis prête à me rendormir.
— Hum, c'est quelle heure ?
— Huit heures moins le quart.
— Quoi ?
Je bondis brusquement de sous la couette, et, une fois debout, je vacille à cause d'un vertige. Maxence me rattrape à temps avant que je m'étale dans la porte du placard.
— Ça ne va pas ? s'inquiète-t-il.
— Si si, je me suis juste levée trop vite.
Je m'assieds cinq minutes au bord du lit pour reprendre mes esprits. Je meurs de faim, mais je vais tout juste avoir le temps de me doucher avant de partir. Je m'active à nourrir Nyx et une alarme me rappelle que j'ai rendez-vous à dix-sept heures ce soir chez le vétérinaire pour son vaccin.
Et merde, j'avais zappé !
Maxence s'approche de moi en souriant.
— Bonne Saint-Valentin bébé, me glisse-t-il à l'oreille en me serrant tendrement contre lui.
— Hein ? Le quatorze février déjà ? Oh là là ! C'est pas possible. Putain, je suis en retard !
Je traverse l'appartement complètement affolée et cours sous la douche.
En ouvrant le tiroir du meuble, je tombe sur le test de grossesse que nous avions acheté avec Mia. Je vais quand même le faire, au cas où.
En quelques minutes à peine, je ressors de la salle de bain, les cheveux en l'air et habillée à la va-vite avec les premières fringues que j'ai attrapées, soulagée par le résultat négatif. Maxence me fixe en silence. Je vois bien à l'expression de son visage qu'il est vexé.
— Je suis désolée, mon cœur. Mais, tu sais la Saint-Valentin ce n'est pas vraiment mon truc...
— Bah ça serait bien qu'un de ces quatre tu m'expliques ce que c'est ton truc alors !
Il saisit sa veste et part en claquant la porte.
Encore une chouette journée en perspective...
Je récupère mon sac sur le comptoir et un morceau de brioche en passant, puis je descends vite rejoindre Aurèle et Mia à la station de tram.
— Salut mes petits chats !
Je suis complètement essoufflée après mon sprint.
— Doucement, t'as couru le marathon avant de venir ou quoi ? se moque Aurèle alors que je les salue d'une bise.
— Non, c'est juste que je me suis levée à la bourre et j'ai dû me dépêcher pour ne pas être en retard.
— Oh, Sélé, tu sais bien qu'on arrive toujours en cours à l'avance, me répond Mia.
— Ouais, mais en ce moment, j'ai du mal à sortir du lit. Je galope comme le Lapin blanc d'Alice au Pays des Merveilles. En plus, j'avais complètement oublié qu'en fin de journée j'ai rendez-vous chez le vétérinaire pour Nyxou. Ça veut dire voiture, rocade, autoroute... Je vais rentrer tard.
Je parle vite, n'arrivant pas à reprendre mon souffle et m'étouffe à moitié avec ma brioche, déclenchant les ricanements de mes amis bien malgré moi.
— Vous avez prévu quelque chose pour la Saint-Valentin ? demande Aurèle.
— Soirée avec Greg, mais je ne connais pas le programme, c'est une surprise.
— Quand je vous vois ensemble, j'ai l'impression que c'est la fête des amoureux tous les jours, dis-je, envieuse, à Mia.
Aurèle pouffe de rire.
— T'as fini de te moquer ? Tu devrais plutôt te réjouir pour eux !
— Ah, mais je me réjouis pour eux. Ne boude pas, Minipouce ! Sélé a raison, vous formez un petit couple tout choupinou ! s'exclame-t-il en minaudant.
— Et toi, tu fais quelque chose ? m'interroge Mia. J'ai croisé Maxence, il avait l'air énervé.
— Euh... Comment dire ? J'avais oublié quel jour nous sommes et vu que j'étais en retard, je n'ai pas été des plus agréables. L'ambiance n'était pas trop à la fête entre nous ce matin.
— Et toi, Aurèle ?
— Euh non, je crois que je n'ai jamais célébré une Saint-Valentin de ma vie, et ce n'est pas près d'arriver. Et puis de toute façon, Em n'est pas disponible ce soir, ajoute-t-il en reportant son attention sur son téléphone.
Je me rapproche de Mia pour lui glisser discrètement la bonne nouvelle pour mon test.
— Au fait Mimi, c'est négatif.
— Ouf ! Tout va bien alors, ma chérie. Ce n'est plus qu'un mauvais souvenir, conclut-elle avec un clin d'œil complice.
🌙
En guise de Saint-Valentin, j'ai dîné avec mes parents et après être rentrée à l'appartement, j'ai fini la soirée devant une série, à câliner mon Nyxou pour me faire pardonner de l'avoir emmené chez le vétérinaire. Il a même eu droit à une petite gourmandise et un nouveau jouet. Je suis pire qu'une mère poule avec sa progéniture. Moi qui me moque sans scrupule des gens qui couvent leurs animaux comme si c'étaient des gosses, je réalise que je ne vaux pas mieux sur ce coup-là.
Maxence ne m'a pas donné signe de vie de la journée et je n'ai pas cherché à le joindre non plus. Vu l'ambiance matinale, la dernière des choses dont j'avais envie, c'était de devoir m'expliquer une fois de plus sur pourquoi je trouve cette fête ringarde et détestable à souhait. J'ai donc préféré le laisser bouder dans son appartement.
Après une nuit de repos méritée, je me réjouis de retrouver Aurèle et Mia.
— Alors cette Saint-Valentin, Mimi ?
— Au top ! Mon amoureux est parfait. Il m'a emmené au restaurant puis au théâtre. C'était fabuleux. Et vous ?
Aurèle l'imite en ricanant. Mia grimace, avant de rire elle aussi.
— J'ai passé la soirée tranquille chez moi.
— Et Maxence ?
— Je verrai bien s'il s'est calmé depuis hier...
— Vous êtes prêtes pour les résultats ? C'est le grand jour ! s'exclame Aurèle, pour je suppose, changer de sujet de conversation.
— Ouais, mais il faut qu'on attende minimum jusqu'à onze heures, soupire Mia.
— Ça me stresse tellement, j'en ai les boyaux tout emmêlés, j'ajoute en inspirant un bon coup pour me détendre.
— Mais non les filles, ça va le faire ! On a bossé comme des fous ! positive Aurèle.
J'aime tant le voir sourire. Ça me réchauffe le cœur.
— Heureusement que tu es là pour nous remonter le moral !
À onze heures, nous sommes tous les trois connectés sur le portail en ligne de l'université, comme la grande majorité des étudiants, ce qui entraîne des lags et plantages à répétition. Après avoir rafraîchi la page des dizaines de fois, nous finissons par accéder enfin aux résultats tant attendus et c'est avec une joie incommensurable que nous découvrons que nous avons validé tous les trois notre premier semestre. Mia et moi nous mettons à chouiner en bondissant sur place pendant qu'Aurèle se moque de nous gentiment.
J'appelle mes parents en visio avec mes amis pour leur donner la bonne nouvelle. Ils sont ravis pour nous, Mam verse quelques larmes alors que Papa ne cesse de répéter qu'il est fier de moi, ce qui a pour conséquence de me faire pleurer davantage.
Je raccroche et aperçois Maxence, appuyé contre un mur du grand hall, les bras croisés sur la poitrine en train de me fixer, le sourire aux lèvres. Mon cœur palpite et je cours vers lui.
— J'ai réussi Max ! J'ai validé mon semestre ! je crie de joie en me jetant dans ses bras.
— Félicitations, c'est toi la meilleure !
Il me serre contre lui et nous nous embrassons avec passion. Les regards sur nous ? Je m'en fous. Je me sens bien et je savoure chaque instant de cette étreinte avec lui.
— Si tu savais comme je t'aime, mon cœur.
— Moi aussi je t'aime, ma belle.
D'un coup, je suis prise d'un vertige et mes jambes me lâchent.
— Qu'est-ce qui se passe ? Ça ne va pas ?
— Rien, c'est le stress qui retombe. Ne t'en fais pas, j'ajoute tandis qu'il fronce les sourcils d'inquiétude.
Nous retrouvons Aurèle et Mia. Il les félicite pour leur réussite. Mia le remercie vivement et Aurèle parvient même à lui adresser un léger sourire.
Comme quoi, tout peut arriver !
— Il ne nous reste plus qu'à fêter ça comme il se doit demain soir à la Tanière ! se réjouit-il. Bon, mes petites nanas, je file, j'ai rendez-vous avec Em.
— Je vous laisse moi aussi, j'ai encore pas mal de boulot qui m'attend, on se voit plus tard ? me questionne Maxence.
— Oui, chez moi ce soir si tu veux.
Il me vole un baiser et s'en va. Mia se tourne vers moi en souriant.
— On dirait que les choses se sont finalement arrangées entre vous.
— Ce n'est pas simple tous les jours de l'aimer, mais le jeu en vaut la chandelle.
Je le regarde s'éloigner à travers la foule d'étudiants massés dans le hall, le cœur battant à la chamade, complètement raide dingue de lui.
Maxence
S'il y a bien une chose que j'adore et que je déteste à la fois chez Séléné, c'est son sale caractère à tendance explosif. Rien à voir avec toutes les femmes que j'ai pu fréquenter avant elle. Et je crois bien que c'est ce qui fait que je l'aime chaque jour un peu plus.
Notre histoire n'a rien d'un long fleuve tranquille. Tout est si intense avec elle, les émotions sont décuplées et ça clashe souvent entre nous, bien que je fasse des efforts pour lui laisser l'indépendance à laquelle elle tient tant.
J'éprouve ce besoin constant et irrépressible d'être près d'elle, de profiter de tous les moments que nous avons ensemble. Je ne me serai jamais cru capable d'aimer autant quelqu'un un jour, avant de la rencontrer. J'ai beau chercher une explication rationnelle à tout cela, rien ne me vient.
Se pourrait-il que je sois réellement épris pour la première fois de mon existence ?
En apprenant qu'elle a validé son semestre, j'ai ressenti une grande fierté. Elle s'est donné les moyens pour réussir et son acharnement a porté ses fruits. J'ai espoir qu'elle sera moins tendue que ces dernières semaines et que l'apaisement s'invitera dans notre couple.
Je travaille jusque tard dans l'après-midi et la rejoins chez elle en début de soirée. Elle m'accueille avec un grand sourire et m'embrasse du bout des lèvres en m'entraînant dans sa chambre où nous nous aimons avec passion. L'intensité est intacte, comme à l'époque où nous nous retrouvions en catimini, si ce n'est même plus forte, maintenant que nous nous sommes révélés nos sentiments et que nous n'avons plus à nous cacher.
— On se commande quelque chose pour ce soir ? je lui propose depuis la cuisine alors qu'il est déjà tard. J'ai la flemme de préparer à manger.
Pas de réponse. Je vais voir dans la chambre et trouve ma belle endormie. Elle porte mon t-shirt et a enfoui son nez dans ma veste comme le font les petits avec leurs précieux doudous. Je m'assieds sur le bord du lit et caresse son visage avec douceur. Elle ne remue pas et continue de sommeiller profondément.
Nyx s'agite dans la cuisine et je m'empresse de nourrir cette grosse paupiette pour éviter qu'il ne la réveille avec ses miaulements désespérés, puis je retourne auprès de Séléné, qui n'a pas bougé d'un iota.
Il n'est pourtant que vingt et une heures, mais elle est tellement fatiguée en ce moment que je préfère la laisser dormir. Je file à la salle de bain pour prendre une douche et me brosser les dents. Un test de grossesse traînant au milieu de ses affaires à côté du robinet attire mon attention.
Qu'est-ce que... ? Ce n'est pas possible, elle n'est pas enceinte ? Elle... Elle me l'aurait dit ! Elle n'aurait pas osé me cacher un truc pareil ? Elle a eu ses règles la semaine dernière en plus.
La panique s'empare de moi, je suis dépassé, totalement abasourdi par cette découverte. Les pensées se bousculent dans ma tête, pendant que je cherche désespérément la notice de ce truc, les doigts tremblants et le cœur battant à tout rompre.
Je l'aime, mais c'est beaucoup trop tôt. Ça ne fait que peu de temps que nous sommes ensemble. Et puis, nous ne sommes encore qu'étudiants. Est-ce que même, nous aurons envie d'avoir un enfant un jour ?
Au bout de quelques minutes, je respire à nouveau. J'ai compris que le test est négatif. J'aurais tout de même préféré qu'elle m'en parle.
Je m'empresse d'éteindre les lumières et d'aller rejoindre ma belle sous la couette. Séléné remue dans son sommeil et se retourne contre moi en enfouissant son visage dans le creux de mon cou. Elle murmure mon prénom en dormant. Sa petite voix m'apaise aussitôt et je m'effondre à mon tour, épuisé après cet ascenseur émotionnel.
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