Séléné

Je grimpe en voiture et me voilà repartie en ville, au lendemain de Noël, pour reprendre ma vie d'étudiante après un séjour reposant en famille. Ces quelques jours ont filé trop vite, mais je me sens complètement reboostée, prête pour les révisions et les partiels.

Pour mon plus grand bonheur, Aurèle s'est décidé à cesser de bouder dans son coin et il est convenu que nous bossions tous les trois avec Mia.

Quant à Maxence, je ne le reverrais pas avant le Nouvel An, car il est retenu par des projets prévus de longue date avec ses amis d'enfance.

En plein coma sur mon canapé, ce sont les notifications de WhatsApp qui me réveillent.

[Mia : RDV chez moi à 9 h demain matin ?]

[Aurèle : nickel, je serai là !]

[Séléné : ça marche ! À demain !]

Il est vingt heures trente, j'ai dû dormir un moment finalement. Je me lève et pendant que je remplis la gamelle de Nyx, ce gourmand finit par pointer le bout de son nez. J'ai la flemme de préparer à manger et je commande des ramens, que je déguste en regardant un documentaire sur Arte. Une bonne petite soirée tranquille avec ma peluche, comme je les aime.

Le lendemain matin, je saute dans les bras d'Aurèle alors que nous nous rejoignons en bas de chez notre amie pour réviser. Le serrer contre moi après tous ces évènements me fait tellement plaisir. Mia nous décroche un grand sourire en ouvrant la porte, heureuse elle aussi de constater que nous sommes bel et bien réconciliés.

— Salut vous deux ! Je suis contente de vous retrouver ! Entrez vite, on va se boire un café avant de commencer.

Je lui fais la bise, alors qu'Aurèle lui frotte le dessus du crâne comme à l'accoutumée et qu'elle se met à couiner. Je ne me lasse pas de les voir se chamailler comme deux gosses.

Nous investissons une bonne partie du salon. Nos trois ordinateurs occupent la table basse. Nous sommes cernés par des piles de livres empruntés à la bibliothèque et les nombreux avions en papier qu'Aurèle fabrique avec les pages de son carnet pour nous distraire.

— Trop de choses à retenir, j'en peux plus ! J'ai besoin de manger un morceau, grommelle Mia après trois heures intenses de travail.

— Et bien, faisons une pause, suggère Aurèle. J'ai les crocs moi aussi.

— On peut se préparer des pâtes à la crème et au poulet si vous voulez, j'ai tout ce qu'il faut. Ça vous va ?

— Ah oui, j'adore ça ! s'exclame Aurèle.

— Pareil !

Nous nous mettons donc aux fourneaux et je le prends en photo pendant qu'il mène une lutte acharnée avec un oignon en portant les lunettes de soleil de Mia et un torchon sur le nez. Il ronchonne et pleure en même temps. C'est finalement le bulbe perfide qui sort vainqueur du duel.

— Ne frotte pas avec tes doigts, andouille, ça va être encore pire ! Laisse-moi faire.

Il se tourne vers moi et m'adresse son sourire charmeur. Un tantinet gênée, je lui souris bêtement en retour en essuyant précautionneusement ses yeux avec un mouchoir.

— Et sinon les filles, on fait quoi pour le réveillon ?

— Hum, excellente question. J'ai entendu dire qu'il y avait une soirée costumée à la Tanière, ça pourrait être fun, non ? Et puis c'est juste à côté en plus ! propose Mia.

L'idée me plaît beaucoup, c'est amusant de devenir une autre personne quelques heures pour faire la fête.

— Je vote pour, j'annonce avec enthousiasme.

— OK, chouette ! On part là-dessus. Par contre, on va devoir s'affoler pour nos déguisements, il nous reste peu de temps, conclut Aurèle.

Après manger, nous nous replongeons dans le boulot. Mia est en train de le questionner sur les notions d'architecture médiévale quand mon téléphone sonne. C'est Maxence. Je refuse l'appel, préférant attendre d'être chez moi pour lui parler.

Il retente aussitôt. Ça m'énerve. Rebelote, répondeur. Ding ! Nouveau message.

[Maxence : pourquoi tu ne décroches pas ?]

[Séléné : parce que je ne suis pas disponible, je révise.]

[Maxence : et alors, tu peux bien prendre cinq minutes pour me répondre, non ?]

Oh putain, qu'il est chiant !

Plus qu'agacée par son insistance, j'envoie valser mon téléphone sur le canapé en soupirant.

— Ça ne va pas ? me demande Mia.

— Si, c'est juste que ça me gonfle d'être dérangée quand je suis occupée.

— On a bien travaillé, on peut faire une pause ou même s'arrêter si vous voulez, propose Aurèle.

— Je n'ai pas vu le temps passer, c'est quelle heure ?

— Dix-huit heures.

— Ah, quand même !

— Fini pour aujourd'hui ! Greg rentre ce soir, je vais aller me préparer pour le retrouver.

— Et moi, je vais en profiter pour dénicher mon costume pour le réveillon.

— Tu as déjà trouvé une idée ? me demande Aurèle.

— Eh oui, mais je garderai le secret.

— Allez, dis-nous !

— Nan ! Vous le découvrirez au moment venu.

Il se renfrogne, boudant comme un petit garçon. J'embrasse sa joue.

— Ne fais pas la tête, il ne reste que quelques jours à patienter.

Son visage se fend d'un sourire lumineux et il me serre contre lui en me chatouillant. Je suis heureuse de l'avoir retrouvé, mais j'ai pourtant un poids sur la conscience. Je m'en veux de lui cacher la vérité, j'aimerais qu'il comprenne que ça ne changera rien à notre amitié. Malheureusement, les choses ne sont jamais aussi simples que nous le souhaiterions.

Une fois rentrée chez moi, je compose le numéro de Maxence qui ne me répond pas. Tant pis, je réessaierai à un autre moment. Je mange tôt et après une bonne douche, je furète sur le net, en quête de ma tenue. Je dresse une liste de plusieurs boutiques dans le secteur. Pour ça, c'est quand même pratique d'habiter en ville, je n'aurais pas pensé qu'il puisse y avoir autant de magasins où trouver le nécessaire pour mon costume.

Je suis vautrée dans mon canapé, assoupie devant un film quand Maxence me rappelle.

— Je te réveille ?

— En effet.

— Les révisions sont intenses ?

— C'est ça. On avance bien, c'est chouette. On aura fait un bon morceau avant la fin de la semaine.

— Ah, tu bosses avec Mia ?

— Bah oui, comme toujours. Et Aurèle, j'ajoute avec hésitation.

Rien ne sert de lui cacher que nous nous sommes rabibochés. Je préfère être honnête avec Maxence, même si je sais que cela pourrait le contrarier. Le secret de cette histoire est bien assez lourd à porter, et lui dissimuler des choses ne ferait qu'attiser les tensions.

— Vous avez donc fini par vous réconcilier, tant mieux tu dois être contente.

— Je suis soulagée, en effet.

— Vous avez prévu quelque chose pour le Nouvel An ?

— Soirée costumée à la Tanière, juste à côté de chez nous. Et toi, tu fais quoi ?

— Réveillon plus classique avec des amis. Tu sais déjà quoi mettre ?

— Oui. J'ai opté pour une tenue de fée.

— Avec les petites ailes dans le dos et la baguette ?

— Tout à fait.

— J'aurais bien aimé voir ça.

— Nous ferons sûrement des photos. Ne m'en veux pas, mais je vais me coucher, je suis fatiguée, et demain matin on reprend les révisions. Bisou, beau brun !

Nous raccrochons et je sens bien qu'il est contrarié à l'idée que je me sois réconciliée avec Aurèle. Ça m'agace un peu, toutefois, je n'ai pas l'intention de choisir entre mon ami et mon... Mon quoi au juste ? Mon plan cul ? Mon amant caché ? Mon mec ?

Je ne sais pas trop dans quoi je me suis embarquée avec lui et je préfère continuer de faire l'autruche plutôt que d'y réfléchir. Autant vivre cette histoire avec une totale insouciance, nous verrons bien où cela nous mènera.

Les jours suivants sont rythmés par les séances de révisions et les moments de détente avec les amis. Nous discutons pas mal de la soirée du réveillon à venir même si, d'un commun accord, nous avons décidé de garder le secret sur nos déguisements.

Samedi après-midi, nous terminons un peu plus tôt, ce qui m'arrange bien, car j'ai encore pas mal de choses à peaufiner pour que mon costume soit au top.

J'ai réussi à me trouver une petite robe courte corsetée et lacée avec des manches longues dans les tons violet et argenté. Pour accessoiriser l'ensemble, j'ai dégoté un jupon et des ailes en tulle, des collants opaques, des guêtres pour recouvrir mes chaussures ainsi qu'un diadème avec un croissant de lune sur le devant.

Je suis assez contente du rendu global, mais il me manque encore quelques bricoles. Une boutique Claire's se situe dans la rue Sainte-Catherine, pas loin de l'appart, je me dépêche d'y aller. Je fouine un moment parmi toutes les babioles et je finis par acheter une baguette, une broche fleurie et des paillettes.

J'ai maintenant tout pour mon costume et je rentre chez moi satisfaite pour une soirée détente devant un film. Les révisions m'ont bien fatiguée, mais travailler seule n'aurait pas été une option envisageable. Nous nous entraidons beaucoup et nous boostons mutuellement. Et bien que je sois stressée, je ne redoute finalement pas tant que ça l'épreuve des partiels. Nous allons cartonner, c'est certain.