Chapitre 29. Murphy a rencard avec le hasard
Séléné
Ce mercredi, les heures ont défilé très vite. Trop vite même. J'ai préparé mon repas pour le soir durant la matinée, il ne me reste plus que les pâtes à faire cuire au dernier moment. J'ai donné rendez-vous à tout le monde à dix-neuf heures à la maison.
Je passe la journée en pyjama à jouer à World of Warcraft pour me vider la tête et ne plus penser à Maxence. Quand je lève les yeux de l'écran, je constate avec surprise que mes amis doivent débarquer dans trente minutes. Je prends une douche rapide et finis de me pomponner juste à temps. Pour la première fois, j'entends la sonnerie de l'interphone.
— C'est nous !
— Je vous ouvre !
Je suis tellement contente de les retrouver. J'aurais dû m'en douter, Mia n'est pas venue les mains vides.
— Tiens Sélé, petit cadeau d'anniversaire en retard de nous tous.
— Il ne fallait pas, vous êtes trop mignons.
Elle me tend une magnifique plante verte qui se plaira à coup sûr dans mon salon et un paquet contenant une énorme bougie parfumée au patchouli – l'une de mes odeurs favorites, ainsi qu'un jouet pour chat. Ça peut paraître idiot, mais cette attention de leur part m'émeut et m'arrache des larmes de joie. Je les serre tous dans mes bras les uns après les autres pour les remercier. J'ai une chance inouïe d'avoir des amis aussi adorables.
— Et ce soir, on sort ! poursuit-elle. J'ai entendu parler d'un nouveau bar d'ambiance polynésienne qui a ouvert à dix minutes en tram d'ici, on va aller voir ce qui s'y passe, ça nous changera de La Tanière.
— OK, si vous voulez ! Installez-vous, il y a des poufs, des chaises et...
— Le fameux canapé, plaisante Stan en s'asseyant dedans.
Je repense à la bombe balancée par Aurèle hier et je ne peux me retenir de rire. Après tout, je n'ai pas à rougir que nous ayons couché ensemble.
— Celui-là même, le canapé de la débauche ! Tu verras, il est très confortable, je commente depuis la cuisine.
— Je n'en doute pas une seule seconde, Sélé.
— Dis donc tu n'as pas des trucs à me raconter par hasard ? Petite cachottière, me chuchote Mia après m'avoir rejoint. Alors ? Aurèle et toi, vous avez couché ensemble ?
— Oui et c'était plutôt agréable...
— Coquine !
— Faut bien en profiter tant que l'on peut. Maintenant, les choses sont claires entre nous et c'est très bien ainsi.
— Si ça vous convient à tous les deux, c'est le principal.
— Exact. Tiens, tu peux prendre ça, s'il te plaît ?
— Bien sûr !
Je lui tends les bières fraîches sorties du frigo, récupère le guacamole et le houmous, puis nous retrouvons les garçons dans le salon.
— Et Nyx, alors ? Il est où ? demande Mia en scrutant l'appartement.
C'est à ce moment-là qu'il décide de se joindre à nous avec une entrée digne d'un pacha.
— Oh, que tu es beau toi. Viens voir tatie, mon gros chaton.
Il se précipite vers Mia. Pour rien au monde, il ne manquerait une occasion de se faire câliner.
Mes amis sont contents du repas que j'ai préparé, même si mon fondant au chocolat n'a de fondant que le nom. Mais avec la crème anglaise, ça passe tout seul. Vers vingt-deux heures, nous partons tous en direction du fameux Tiki dont a parlé Mia en arrivant.
En l'interrogeant un peu, j'apprends qu'il se situe non loin du parc Peixotto, où je me suis trouvé la veille avec Maxence, et qu'on peut y déguster des cocktails délicieux selon les avis en ligne. La simple évocation du parc fait ressurgir dans mon esprit les souvenirs du rendez-vous d'hier et j'ai toutes les peines du monde à les en chasser. Je veux avant tout profiter de la soirée avec mes amis, j'aurais bien assez de temps pour me torturer les méninges quand je serai seule.
🌙
L'ambiance du Tiki est super, on se croirait en vacances. Nous dénichons une table libre et nous commandons une première tournée de cocktails. Heureusement que j'ai bien mangé avant, sans quoi je pourrais finir complètement saoule en un rien de temps. La moyenne d'âge des fêtards me semble plutôt jeune, nul doute que la majeure partie d'entre eux doivent être étudiants comme nous.
Nous sommes là depuis à peine une demi-heure qu'Aurèle et Stan ont déjà sympathisé avec un groupe de filles un peu plus loin. Greg se marre en voyant faire ses deux amis.
— Ils sont incroyables ces deux-là. Tu les lâches dans un endroit et en moins de temps qu'il en faut pour le dire, ils sont partis pour draguer.
— En même temps, c'est difficile de leur résister, lui répond Mia.
Greg revêt un air offusqué.
— Non, mais c'est vrai, je n'ai pas raison, Sélé ?
— Ah, totalement ! Mon expérience personnelle le confirme !
Nous éclatons de rire toutes les deux.
— Mais c'est quand même toi mon préféré, ajoute-t-elle en embrassant son chéri.
Raph prend son verre et part lui aussi en direction d'un groupe de jeunes femmes parmi lesquelles se trouve une belle blonde élancée.
— Si c'est celle dont il nous a déjà parlé plusieurs fois, il va sûrement tenter sa chance, me glisse discrètement Seb. Il me semble qu'elle est en cours de droit privé avec lui.
Greg et Mia s'éloignent dans un coin pour se bécoter. Il jette un œil dans leur direction.
— Je suis content pour Mia. Quand j'ai découvert son secret, j'ai culpabilisé de savoir que je lui faisais de la peine malgré-moi. Je l'aime beaucoup, elle est comme une petite sœur pour moi. Ça me rassure qu'elle ait rencontré Greg. C'est un mec bien qui la respecte. Pas comme son ex, à qui nous aurions volontiers défoncé la tronche tant il lui a fait du mal.
Cette confession me bouleverse. Autant Mia est bavarde et a l'oreille attentive pour ses amis, autant elle n'est pas du genre à s'épancher sur ses problèmes. Je sais qu'elle a eu des petits copains par le passé, cependant je ne l'imagine pas dans une relation toxique. Comme quoi les apparences peuvent être trompeuses.
— Mia ne m'a jamais parlé de cette histoire.
— Ça ne m'étonne pas. Elle est pleine d'empathie pour les autres, mais ne livre pas facilement ses peines. Elle a traversé des épreuves douloureuses à cause de ce connard, qui lui ont causé des tas de problèmes avec ses parents. Heureusement que Raph était là pour elle. Voilà pourquoi il la protège comme une mère poule.
— Tout s'explique. Peut-être qu'un jour elle m'en parlera, sinon je garderai ça sous silence pour ne pas la mettre mal à l'aise. Bon, et toi alors ? Tu en es où depuis que c'est terminé avec l'autre dinde ?
— Je suis bien tout seul. Pas d'attache, pas d'engagement. C'est plutôt cool. Tiens, cette tête me dit quelque chose, ajoute-t-il en regardant vers le bar par-dessus mon épaule.
Je pivote sur mon siège et me fige sur place. Ce n'est pas possible que je tombe sur lui ce soir. Je respire un grand coup en clignant des paupières. Et si, c'est bien Maxence.
Merde alors ! Vite, je dois me cacher avant qu'il me voie !
Je tente de me planquer misérablement derrière la carte des consommations, mais c'est trop tard. Maxence m'a repérée et vient vers nous. Le stress s'empare de moi d'un coup. Qu'est-ce que je vais bien pouvoir lui raconter ? Comment me comporter pour ne pas éveiller le moindre soupçon sur ce qui a pu se passer entre nous ?
Je porte mon verre à la bouche, j'ai besoin d'une bonne rasade pour me donner du courage. Si j'étais sûre de pouvoir tenir ma langue, j'avalerais tout d'un coup, mais étant donné mes capacités à me ridiculiser sous l'emprise de l'alcool, autant y aller mollo sur la bibine !
— Bonsoir, mademoiselle Desjardins.
Sa voix grave me file des palpitations, sans parler de son petit sourire exquis... Quelle angoisse ! J'aimerais pouvoir disparaître.
— Oh ! Bonsoir, monsieur Conti, je réponds en m'étouffant à moitié avec mon cocktail. Je... je vous présente Seb, un ami qui étudie lui aussi l'histoire de l'art, il est en troisième année. Seb, voici monsieur Conti, mon professeur de TD ce semestre.
Malheur ! Heureusement que les lumières sont tamisées, j'ai les joues en feu.
— Il me semblait bien vous avoir déjà croisé plusieurs fois à la fac.
— Figurez-vous que je me disais la même chose à votre sujet.
— J'allais passer une commande, vous buvez quoi ? lui demande Seb. C'est ma tournée.
Non, pitié, ne fais pas ça Seb !
— Un Scorpion, merci.
— Ça marche. Sélé ?
— Euh... un Zombie, s'il te plaît.
Seb s'éloigne vers le comptoir, nous laissant tous les deux. Je suis en état d'ébriété légère et possiblement encline à la diarrhée verbale. Je ne cesse de déglutir et de gigoter sur mon tabouret tant la présence de Maxence me rend nerveuse. C'est lui qui rompt le silence entre nous.
— Eh bien, quelle surprise de vous croiser ici, mademoiselle Desjardins, lâche-t-il d'un air décontracté.
— Je ne vous le fais pas dire.
C'est quoi son secret pour paraître aussi détaché ?
Comme si cette rencontre fortuite n'avait aucun effet sur lui, contrairement à moi. Il est vite rejoint par un ami, à en juger la tape que ce dernier lui met dans le dos.
— Bah tu vois mon pote, tu vas pouvoir t'amuser un peu ce soir ! clame l'inconnu.
Je jurerais que là par contre, Maxence s'est légèrement crispé.
— Diego, je te présente Séléné, une de mes élèves de première année.
— Ravie de te rencontrer, ma jolie... Si j'avais su qu'il y avait de si belles jeunes femmes en première année, j'aurais poussé jusqu'au doctorat moi aussi, ajoute-t-il avec un clin d'œil plein de sous-entendus à l'attention de Maxence.
Bon, il n'est spécialement fin dans ses propos, mais il n'a pas l'air méchant pour autant.
Aurèle surgit à mes côtés. Ou plutôt, devrais-je dire qu'il vient me sauver de cette situation.
— Mais c'est notre prof de TD ! Bonsoir M'sieur, la forme ?
Je retire ce que j'ai dit. Il semble déjà rond comme une queue de pelle et passe son bras autour de ma taille en me bécotant la joue.
— Diego, je te présente Aurèle, un autre de mes élèves.
— T'as vu ça bébé ? Le monde est p'tit quand même ! On a réussi à tomber sur notre prof préféré ce soir !
Pourquoi j'ai un karma pourri ?
— Oui en effet, sacrée coïncidence, je commente d'un air faussement détaché. Dis-moi Minou, tu n'as pas un peu abusé des cocktails par hasard ?
— Leurs shots, c'est une tuerie ! Tu me raccompagneras jusqu'à ma chambre si je suis trop bourré, hein ?
Et merde...
Un rapide coup d'œil à Maxence me laisse entrevoir qu'il est jaloux, mais il se ressaisit très vite et affiche un sourire de circonstance.
— Eh bien ! Ils sont chauds les premières années ! s'amuse Diego.
Seb revient à ce moment-là et nous tend nos consos.
— Et voici Seb, un ami de Séléné et Aurèle.
Ce dernier se trémousse au rythme de la musique en m'entraînant avec lui. S'il continue ainsi, il va me faire tomber de mon perchoir. Heureusement, l'apparition d'un troupeau d'étudiantes attire son attention.
— Je vous laisse, quelques jolies nanas viennent d'arriver, dit-il en sifflant la moitié de mon verre d'un trait.
— Oui, c'est ça, file chercher ta nouvelle conquête !
Il m'embrasse sur le front et je lui souris, victime de sa bonne humeur contagieuse et surtout contente pour lui de voir qu'il profite à fond de sa soirée.
— Quel coureur, cet Aurèle, plaisante Seb.
— Ahah, c'est sûr. Du coup, vous avez fait vos études ensemble avec monsieur Conti ? je demande à Diego pour changer de sujet.
— Jusqu'en première année de master, oui. Puis j'ai stoppé en cours d'année, j'avais envie d'autre chose.
— Ah, d'accord. Et maintenant, vous faites quoi ?
— Des petits boulots pour me faire de l'argent en attendant de vivre de mon art. Je suis des cours de dessin chez l'artiste-plasticienne Bianca Stermaan. Elle a son atelier en ville et d'ailleurs elle recherche des modèles, si ça te tente.
— Hum, pourquoi pas ?
Diego sort son portable de sa poche et me le tend.
— Tiens, tu peux la joindre à ce numéro. Dis-lui que tu l'appelles de ma part.
— Super, merci !
J'enregistre le numéro en question dans mon téléphone, sait-on jamais.
— Bon, je vous abandonne un moment, je vais voir si je peux me trouver une petite chérie par ici avant que ton copain les emballe toutes ! dit-il en s'éloignant.
— Tu vas la contacter ? me demande Seb.
— Ouais, pourquoi pas ? Ça peut être sympa comme expérience.
— Ce n'est pas évident d'être modèle. Il y a des contraintes et il ne faut pas redouter de s'exposer dans le plus simple appareil devant des inconnus, ce qui n'est pas à la portée de tout le monde, commente Maxence avec une certaine sévérité dans la voix.
— Oui, mais ça ne me dérange pas. Je n'ai aucun problème avec la nudité.
OK, je suis timide, mais paradoxalement je ne suis pas pudique. Allez donc savoir pourquoi. Maxence s'étouffe en avalant une gorgée de son cocktail. Ma réponse a eu le don de l'agacer, semble-t-il, vu comment il tapote nerveusement sur son verre en serrant la mâchoire. Par chance, Seb n'a rien remarqué, trop occupé à se bidonner face au spectacle offert par notre bande d'amis qui se déhanchent un peu plus loin. Shakira n'a qu'à bien se tenir.
Nous papotons encore un moment tous les trois de l'université, des cours et des expositions à ne pas louper en ce moment. Maxence nous paie une tournée, le ton est apaisé, en apparence du moins.
Je veille à ne pas gaffer à propos de notre secret. En plus des cocktails, je bois ses paroles. Il est ensorcelant quand il discute, je peux ressentir la passion qu'il éprouve pour ce qu'il étudie. Néanmoins, je perçois tout autant sa nervosité dès qu'Aurèle surgit pour me voler un bisou ou m'étreindre fugacement.
Je peux enfin me détendre lorsqu'il nous quitte tardivement dans la soirée. Je ne pensais pas le croiser et à vrai dire, j'aurais préféré que cela ne soit pas le cas.
— Ça va ? me demande Seb.
— Je suis juste un peu fatiguée, c'est la faute à l'alcool. Et nous allons sûrement devoir rentrer à pied vu l'heure. Ça nous fera dessaouler.
— Ah oui, je n'avais pas fait gaffe. Où sont passés les autres du coup ?
Nous cherchons toute la bande des yeux.
— Nos deux amoureux se sont éclipsés en catimini.
— On dirait bien. Et Raph a visiblement conclu avec la jolie blonde.
— Stan et Aurèle sont là-bas, dis-je en les pointant du doigt. C'est moi, ou j'ai l'impression qu'ils sont complètement bourrés ?
— Non, tu ne rêves pas. Il est plus prudent qu'on les ramène chez eux.
— Je suis tout à fait d'accord avec toi. Je vais les chercher.
Je m'approche d'Aurèle, mais ils sont en train de gesticuler comme des fous avec son acolyte et j'ai peur de me prendre un coup.
— Danse avec moi, bébé !
— Non Aurèle, on va rentrer, c'est plus...
Il me soulève du sol avant que j'aie fini de parler.
— On n'est pas bien là ?
— Aurèle, repose-moi, s'il te plaît !
Bien sûr, il ne m'écoute pas et me charrie dans tous les sens. Si ça ne s'arrête pas vite, je vais dégobiller de partout.
— Tu fais chier !
Je me débats jusqu'à ce qu'il cède et que mes pieds touchent à nouveau terre. J'ai la tête qui tourne et je vacille dangereusement comme si j'avais trois grammes. Bon en même temps, sans être saoule comme lui, je ne suis pas toute fraîche non plus. Je me rattrape en catastrophe à une table et Seb surgit à temps pour m'éviter de chuter en embarquant le mobilier. J'ai l'impression de voguer sur un océan déchaîné tellement ça tangue.
— Ouf, merci.
— De rien. Allez, les gars. On va vous ramener chez vous.
— Mais non, on s'éclate ! s'insurge Stan.
— Non, on décolle. De toute façon, ça va bientôt fermer, il est pas loin de deux heures.
Et justement à ce moment-là, la cloche du bar retentit pour annoncer la fin de la soirée. Je récupère nos affaires à la table où nous étions, puis nous embarquons nos deux amis titubants. L'air frais de la nuit leur profitera, bien que ça caille dehors. J'habille, non sans peine, mes deux grands poupons, pour leur éviter de choper la crève, sous l'œil amusé de Seb qui immortalise ce moment avec une vidéo sur son téléphone. Il faudra bien ça pour leur prouver qu'ils étaient plein comme des tonneaux.
Nous mettons près d'une heure et demie pour rentrer à pied dans notre quartier, étant donné que plus aucun tram ne circule à cette heure-ci. Sans compter que ce n'est pas facile de se déplacer avec deux gaillards complètement imbibés d'alcool. Vu tout ce qu'ils ont avalé dans la soirée, rien d'étonnant à cela. Ils sont encore plus foufous que d'habitude et brament tout le long du chemin, tentant même par moment de nous échapper en courant. Une chance pour nous qu'aucun riverain ne se plaigne.
Le trajet du retour s'avère aussi palpitant que la traversée du Mordor. Nous rigolons bien avec Seb qui fait le plein de photos pour garder des souvenirs des âneries de nos amis. Nous allons leur concocter un chouette diaporama de leur première sortie au Tiki. Devant l'entrée de leur immeuble, je fouille les poches d'Aurèle, qui se tient appuyé et vacillant contre le chambranle de la porte, mais arrive encore à jouer avec mes cheveux.
— Tu sais que ça m'excite quand tu me tripotes comme ça.
— Détends-toi Aurèle, je cherche seulement tes clés. Et puis, t'es tellement bourré que tu serais incapable de faire quoi que ce soit.
Mais force est de constater qu'il est tout ce qui est de plus opérationnel, à en juger la bosse qui se profile au niveau de son entrejambe.
Comment peut-il encore bander avec une cuite pareille ?
Je trouve les clés et déverrouille la porte. L'ascenseur est semblable à celui de l'immeuble de Mia, autant dire que je ne suis pas spécialement rassurée de grimper dedans. Seb se dévoue pour accompagner nos amis – gravir deux étages de marches serait une aventure périlleuse vu leur état, tandis que je les rejoins en prenant l'escalier.
Nous arrivons tant bien que mal à leur faire boire un peu d'eau avant de les mettre au lit. Bénis soient les buissons qui ont été arrosés par leurs envies pressantes en chemin, nous épargnant une situation embarrassante au coucher. Je les aime suffisamment pour les materner dans un moment de faiblesse, mais de là à les aider à viser juste au petit coin...
Faut pas pousser Mémé non plus !
Je traîne Aurèle jusqu'à son lit et le borde comme une petite maman. Je lui ôte ses chaussures et sa veste puis je rabats la couette sur lui.
— Bonne nuit, Minou.
Je l'embrasse sur le front et le dévisage quelques secondes. Même complètement saoul, il est encore trop mignon.
— Reste avec moi... marmonne-t-il dans sa barbe.
— Non, je vais rentrer me coucher chez moi.
— Steuplé...
Ah, le lexique du comptoir et ses mots-wagons...
— Me laisse pas tout seul...
Seb nous rejoint dans la chambre.
— Ça y est, il dort le gros bébé ?
— Presque.
Aurèle passe ses bras autour de mes cuisses, me faisant chavirer sur lui. Puis il s'accroche à moi comme une moule sur un rocher en marmonnant des mots incompréhensibles. On dirait Mamy Suze...
— Vas-y, Seb, j'ai l'impression que je ne vais pas pouvoir partir tout de suite. Bonne nuit, rentre bien. Et encore merci pour ton aide.
— Pas de quoi, bonne nuit à toi aussi.
Je l'entends claquer la porte d'entrée. La locomotive Stan s'est mise en marche et fait trembler les murs. J'essaie de me libérer de l'étreinte d'Aurèle, mais il est bien plus costaud que moi.
— Pars pas.
— Mais non.
Il me relâche et je me lève pour aller boire un peu d'eau à la cuisine avant d'éteindre la lumière. Quand je reviens dans la chambre, il ronfle déjà à moitié en s'agitant. Je pourrais en profiter pour m'échapper, mais je lui ai assuré que je ne le laisserai pas. J'endosse donc le rôle du doudou pour quelques heures. Je quitte mes chaussures et je me couche près de lui. Il se colle contre moi en enroulant son bras autour de ma taille et il enfouit son nez dans mes cheveux en racontant je-ne-sais-quoi. Je rabats la couette sur nous, même si je pense qu'il me tiendra bien assez chaud à lui seul.
Je sens que je m'apprête à vivre une nuit d'enfer, pas convaincue que j'apprécierai autant que d'habitude d'être dans ses bras. Mon portable vibre dans mon sac, je suis presque certaine que c'est Maxence.
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