Chapitre 25. Promenade dans les bois
Séléné
— Tu es bien matinale, remarque mon père alors que je descends dans la cuisine. Il n'est que sept heures trente.
Je me sers un café que j'avale d'une traite.
— J'ai encore pas mal de choses à déballer et à ranger avant demain.
— Je suis content pour toi, tu vas être bien là-bas et pas si loin que ça de nous finalement. Sans compter que tu t'es fait de très bons amis.
— Oui, ils sont géniaux ! Embrasse Mam pour moi, s'il te plaît, dis-je en enfilant mes chaussures.
— Hep, attends deux secondes avant de partir.
Il se lève et attrape un étui plastifié sur le buffet.
— Tiens, tu auras besoin de ça, dit-il avec un sourire espiègle.
Je l'ouvre et découvre un abonnement de stationnement pour ma voiture.
— Merci, Papa, merci pour tout ! je m'écrie en lui sautant dans les bras. Vous avez vraiment pensé à tout. J'ai tellement de chance de vous avoir. Je file, on se voit ce soir et embrasse Mam pour moi.
Arrivée près de l'appartement, je m'engouffre dans le parking et cherche la place en question qui m'est réservée. Je récupère quelques affaires dans le coffre et pars en direction de mon nouveau nid douillet. Ça me fait bizarre. Encore un sacré changement de plus dans mon quotidien bien tranquille.
Quand j'ouvre la porte, je réalise que désormais, c'est ici que je vivrai. J'aurai toujours ma chambre à la maison, mais maintenant j'ai aussi mon chez-moi. L'appartement est lumineux et chaleureux. Nous allons nous y plaire avec Nyx, j'en suis certaine.
Il est convenu que nous déjeunions ensemble avec Mia et les garçons, je vais jusqu'à la boulangerie au bout de la rue pour acheter des viennoiseries pour tout le monde avant de les retrouver. Elle me guette par la fenêtre et dès qu'elle me voit arriver, elle déverrouille l'entrée.
— J'ai du ravitaillement !
Je lui tends deux sachets de croissants et chocolatines.
— Il ne fallait pas, on a de quoi manger ici.
— Ça me fait plaisir.
Quelques minutes plus tard, Aurèle, Stan et Greg nous rejoignent chez Mia. Raph et Seb émergent aussi et nous voilà tous réunis dans la cuisine.
— Encore merci pour votre aide hier, sans vous, ce déménagement aurait été bien laborieux.
— À ton service, me dit Aurèle. Et puis tes parents sont super cool !
— Nous avons bien rigolé avec ton père sur le chemin pour aller manger le midi, remarque Seb.
— Comment ça ? Qu'est-ce que Dadou vous a raconté à mon sujet ?
— Rien de bien compromettant, me rassure Aurèle. Tu as fait quoi de ton bolide du coup ?
— J'ai un abonnement pour le parking souterrain. Plus besoin de prendre le train pour sortir de la ville.
— Ils ont pensé à tout ! s'exclame Mia. Et ils ne t'avaient rien dit jusqu'à samedi dernier ?
— Non, c'était une surprise pour...
Je me mords la langue à temps pour ne pas vendre la mèche concernant mon petit secret.
— Son anniversaire, poursuit Aurèle, content de lui d'avoir lâché l'information.
Je le fusille du regard. Oh le traître !
— Quoi ? tempête Mia. Et toi tu étais au courant et tu ne m'as même pas prévenue ! crie-t-elle à son attention en lui flanquant une tape sur le bras.
— Calme-toi, Minipouce. J'ai juste gardé un secret qu'elle ne voulait pas ébruiter.
— C'est vrai ?
Je me sens un peu honteuse de lui avoir caché ça et baisse les yeux vers le sol.
— Oui, Mimi. Je n'aime pas fêter mes anniversaires. Et puis, comme c'était celui de Minou le vendredi soir...
— Minou ? s'étonne Stan.
Aurèle hausse les épaules et nous prenons tous un fou rire.
— Tu ne perds rien pour attendre, me promet Mia, avec une lueur de malice dans ses billes bleues.
Pas sûr que je dorme sur mes deux oreilles les prochains jours.
Nous finissons de déjeuner en discutant. La perspective de pouvoir profiter à l'avenir de nombreux moments comme celui-là avec eux me réjouit d'avance. En quelques semaines, j'ai troqué ma vie de jeune femme solitaire avec celle d'étudiante entourée d'amis formidables, ce que je ne regretterai pour rien au monde. Que du bonheur à venir ! Mais avant, il reste la corvée du rangement.
— Je file, j'ai encore pas mal de choses à mettre en ordre si je veux pouvoir dormir chez moi demain soir. Merci pour le café, on se voit plus tard.
— Ça marche. N'hésite pas si tu as besoin d'aide, m'assure Mia.
Je bisoute toute la clique et galope vers la sortie. Aurèle me rattrape par le bras dans l'escalier.
— Je vais venir te donner un coup de main. À deux, ça ira plus vite.
— Si tu veux, mais ne t'y sens pas obligé non plus.
— Absolument pas.
J'ai une fois de plus droit à son sourire charmeur, celui qui me fait tourner la tête. Et bien sûr, comme à chaque fois, je rougis et il se fiche de moi.
A-t-il conscience de son indécent pouvoir de séduction ?
— Arrête de te moquer ! je le rabroue avec une bourrade dans le torse.
Devant l'entrée de mon immeuble, je tâte désespérément dans les poches de ma veste.
— Ça commence bien, tu n'as pas terminé de t'installer, que tu as déjà paumé tes clés.
— Blablabla.
Quelle répartie !
Je finis par mettre la main dessus et les agite sous son nez en lui tirant la langue comme une gamine.
— Ne fais pas ça, gronde-t-il en s'avançant vers moi.
Gné ? Qu'est-ce qui lui prend d'un coup ?
— Sinon quoi ? je le défie en soutenant son regard.
Il me soulève par surprise et me bascule sur son épaule comme un sac à patates pour grimper les marches jusqu'au premier étage. J'ai beau me débattre, la posture tête en bas n'est pas des plus commodes, et question force, je ne suis clairement pas de taille à rivaliser avec lui.
— Aurèle, lâche-moi ou je m'énerve !
Mes hurlements résonnent dans la cage d'escalier.
Bravo la discrétion ! Heureusement que les voisins sont partis en vacances.
— Vas-y pour voir que je me marre un peu !
Je gigote tellement qu'il finit par me reposer au sol, essoufflé par l'effort et mes soixante-cinq kilos à porter. J'en profite pour me carapater, monte les marches deux par deux jusqu'au troisième étage, Aurèle sur mes talons. Sauf qu'arrivée tout en haut, chancelante et exténuée par ma course, je trébuche sur le palier et m'étale comme une guenille devant ma porte d'entrée. Aurèle se fend la poire au vu de ce spectacle affligeant et je ne peux que rire à mon tour, tant je dois avoir l'air pathétique.
— T'es prête pour les Jeux olympiques l'année prochaine !
— Oh, ferme-là Minou !
Je me relève et déverrouille la serrure avant de m'écrouler sur le canapé. Aurèle m'y rejoint et nous fixons un instant le ciel à travers le velux.
— Au fait, il s'est passé quoi avec Laly vendredi ?
— Je lui ai expliqué qu'il n'avait jamais été question pour moi d'avoir une relation avec elle.
— Et elle n'a pas réagi ?
— Ah si si ! Elle était folle de rage, elle va m'en vouloir un moment. Et toi, je crois qu'elle te hait vraiment.
Je tourne la tête en soupirant. Fréquentant les mêmes cours et sachant à qui j'ai affaire, j'aurais toutes les peines du monde à ne pas lui rentrer dans le lard si elle devait me chercher des noises.
Nous échangeons un sourire complice. Bien sûr que nous sommes seulement amis, mais avant qu'il ne se passe toutes ces embrouilles ces deux dernières semaines, je n'oublie pas que j'ai eu un gros crush pour Aurèle. J'aurais sûrement fini par succomber à son charme.
— Pourquoi tu ne veux pas d'une relation ? me questionne-t-il sérieusement, comme s'il lisait dans mes pensées.
— J'ai eu mon lot de liaisons foireuses, je n'ai plus envie de me prendre la tête.
— Chaque histoire est différente, souffle-t-il, ses yeux ancrés aux miens.
— Écoute, je suis désolée pour le week-end dernier, je n'ai vraiment pas été cool avec toi et...
— Chut, soupire-t-il en posant un doigt devant ma bouche. C'est moi qui ai merdé. Si je n'avais pas autant bu, je n'aurais pas commis cette grossière erreur. Peut-être qu'aujourd'hui, j'aurais pu te serrer contre moi et reprendre là où l'on s'était arrêtés...
Je devine à l'expression contrite de son visage qu'il regrette sincèrement ce qu'il s'est passé. Je ne crois pas qu'il soit en train de me jouer de la flûte. Depuis le départ, nous avions convenu que rien de sérieux ne se produirait entre nous. C'est le moment que choisit mon brin de folie pour me tenter : « Profites-en, laisse-toi aller. »
Grrr ! Je le trouve encore plus sexy que d'habitude. Ses iris d'un vert étincelant et son parfum frais m'évoquent une forêt au printemps. Et comment dire ? J'ai une putain d'envie d'aller me promener dans les bois ! Si je persiste à le regarder, je devine ce qui va se passer. Je tourne donc la tête à l'opposé de lui, pour calmer mon esprit agité et ma respiration saccadée. Trop tard.
— Ça va ?
— Euh, oui, merci. Je n'arrive pas à me remettre de ma course dans l'escalier.
— Hum... si tu le dis.
Bien sûr, il ne me croit pas. Je le devine à son sourire en coin espiègle. Pas besoin d'une demi-heure pour reprendre son souffle après avoir grimpé quelques marches. Je remarque que nous sommes collés l'un contre l'autre. Je jurerais pourtant qu'il n'a pas bougé d'un iota. Consciente que c'est moi qui me suis approchée sans même m'en rendre compte, je bondis du canapé pour m'éloigner de lui avant qu'il ne soit trop tard.
— Je vais ouvrir un peu le velux pour aérer.
— T'as raison, il fait très chaud dans cet appartement, commente-t-il en calant ses mains derrière sa tête.
Il s'humecte les lèvres sans me quitter des yeux. Je me sens rougir, un frisson de plaisir me secoue. Mon rythme cardiaque s'affole.
Non, non, non ! Il faut que je résiste.
— Je vais commencer par installer les rideaux, tu en penses quoi ? je demande innocemment pour changer de sujet.
— Bonne idée, l'ambiance sera plus intime...
Tss, il ne me facilite vraiment pas les choses !
— Aurèle !
— Bah quoi ? Tu me poses la question, je te réponds.
Je lève les yeux au ciel en soupirant.
— Tu crois que je n'ai pas compris ton petit manège ?
— Je n'ai encore rien fait.
— Nous avons choisi d'être amis.
— Et ?
— On ne couche pas avec ses amis.
— Je pense, au contraire, qu'il y a matière à discuter à ce sujet.
J'ai l'impression qu'il me déshabille du regard.
Qu'est-ce qu'il est séduisant ! Non, mais qu'est-ce que je raconte ? Ressaisis-toi, Séléné !
Je ris intérieurement en songeant à toutes celles qui rêveraient d'être à ma place, alors que je rechigne à céder à la tentation. Les barrières que j'avais installées dans mon esprit s'écroulent.
Allez, rien qu'une fois, ça ne peut pas nous faire de mal.
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