
Chapitre 14. Le début des problèmes
Séléné
C'est une Mia radieuse et pimpante que je retrouve en amphi le lundi matin. Elle a bien meilleure mine, m'est avis que le beau Grégory a quelque chose à voir avec ça. Nous nous installons et je prends soin de garder une place à côté de moi pour Aurèle.
— Comment tu vas depuis hier ?
— Plutôt bien. Après cette soirée mémorable, j'ai quand même passé un dimanche en agréable compagnie...
— Laisse-moi deviner, est-ce que ça n'aurait pas un rapport avec un dénommé Greg ?
— Je ne peux rien te cacher !
— Raconte ! Vous avez fait quoi ?
— Aussitôt après ton départ, tu penses bien que je me suis empressée de lui envoyer un message.
— Coquine ! Et donc ?
— Une heure après, on s'est retrouvés en bas de chez moi. On a profité du beau temps pour se promener en ville comme de vrais touristes et faire un peu plus connaissance. J'ai passé un très bon après-midi avec lui. Et je crois qu'il a apprécié lui aussi, ajoute-t-elle en rougissant, les yeux pleins d'étoiles.
Ça paraît plutôt bien engagé entre ces deux-là.
— Je suis contente pour toi, c'est cool. Et avec ton frère et Seb ?
— À vrai dire, c'est toujours un peu tendu. Même s'il s'est excusé, je lui en veux de s'être si mal comporté.
— Je te comprends, mais ne lui fais pas la tête trop longtemps tout de même. Crois-moi, il est déjà assez gêné.
— Tu es trop gentille Sélé, je te signale qu'il t'a blessée. Comment tu te sens, d'ailleurs ?
— J'ai l'impression d'être passée sous un camion, mais à part ça tout est OK, je plaisante pour ne pas l'inquiéter.
— Mouais, commente-t-elle, visiblement pas convaincue. J'espère juste que tu iras mieux pour l'anniversaire d'Aurèle vendredi soir. Greg m'a dit que ça va être une grosse fête !
— Ne t'en fais pas Mimi, je serai en pleine forme pour l'occasion.
Enfin, je le souhaite. Pour le moment, c'est mal parti et vu l'épreuve qui m'attend cette semaine en TD, je suis plus stressée que jamais. Ça ne va pas être simple de me reposer. Je m'appuie sur le dossier de mon siège et la douleur me fait grimacer.
— Oh ! Sélé, je suis tellement désolée...
— Ça va aller, je t'assure. Pense plutôt à ton frère qui va devoir se trimballer avec un coquard énorme pendant plusieurs jours.
Rien que d'y songer, je me mets à rire.
Je ne l'ai pas raté, ce couillon.
Aurèle
Je retrouve les filles et m'installe sur le siège près de Séléné. J'enroule mes bras autour de sa taille pour l'attirer contre moi en l'embrassant sur la joue. Toutefois, ce contact entre nous lui arrache un couinement de douleur.
— Qu'est-ce qui t'arrive ? Je t'ai fait mal ?
— Non, ce n'est pas toi, j'ai juste une tension dans le cou, un début de torticolis sûrement, me répond-elle, hésitante.
— Pas la peine d'essayer de le lui cacher, commence Mia.
— Me cacher quoi ?
Qu'est-ce qui se passe ? Elles sont bizarres aujourd'hui. Séléné s'agite, comme si elle voulait attirer l'attention de Mia.
— Rien, je t'assure.
— C'est à cause de ta main ? Pardon, je suis désolé, je n'y ai plus pensé sur le moment.
— Non, c'est son dos, lâche Mia.
Quoi ? Mais qu'est-ce qu'elle me raconte ?
Je me repasse le film de la fin de soirée de samedi et de l'échange musclé entre Séléné et Raphaël. Cette fille a un sacré caractère. Je me souviens qu'elle l'a frappé, mais pas qu'il a levé la main sur elle.
Je soulève le bas de son pull et découvre, horrifié, l'hématome énorme qui tapisse ses lombaires. Je n'ose pas imaginer à quel point elle doit souffrir.
— C'est ton frère qui lui a fait ça ?
— Oui, quand il l'a bousculée contre le comptoir.
— Putain, je vais le défoncer !
Les mots m'ont échappé, mais je ne supporte pas qu'il ait pu lui faire du mal, même si ce n'était pas intentionnel. Un brusque élan protecteur me pousse à la serrer davantage contre moi. Je m'en veux de ne pas être intervenu, de l'avoir laissée gérer seule la situation. J'ai aussi ma part de responsabilité dans cette histoire, j'aurais dû garder un œil sur Mia pour éviter qu'elle boive autant d'alcool et flirte avec Greg.
Mia se ratatine sur son siège, regrettant très certainement d'avoir lâché la bombe. Séléné se libère de mes bras, la mine renfrognée.
— Tu ne vas rien faire du tout. Il était bourré, il n'a pas réalisé ce qu'il faisait. Et puis, il s'est excusé hier matin. L'affaire est classée ! s'exclame-t-elle sèchement.
Le ton monte, je n'aime pas la tournure que prennent les choses. J'essaie tant bien que mal de ne pas m'emporter, mais cela m'est difficile étant donné qu'elle me foudroie du regard.
— Non, mais tu t'es vue ? Ta main et ton dos sont de toutes les couleurs, tu as une tête de zombie. Je suis sûr que tu n'as pas fermé l'œil depuis samedi.
— N'insiste pas, Aurèle. Fin de la discussion.
— Pff...
Je soupire en levant les yeux au ciel. Qu'est-ce qu'elle peut être chiante quand elle se braque comme ça !
— Quoi, pff ? Je n'ai jamais eu besoin qu'on vole à mon secours et ce n'est pas près de changer, pigé ? rétorque-t-elle, cassante.
Je la dévisage, l'air bête à coup sûr, surpris de la voir péter un câble de la sorte. Si elle s'imagine que je veux me la jouer chevalier servant, elle est bien loin du compte, ce n'est pas mon genre. Je m'inquiète juste pour elle. Dans quelques jours, nous devons présenter notre exposé, et, la connaissant, elle va s'en rendre malade. Si en plus, elle n'est pas en forme, je crains que ça ne se déroule pas bien.
— Tu n'es pas obligée de me parler sur ce ton ! Je ne suis pas ton chien ! Je me fais du souci pour toi, c'est tout.
— Je vais très bien, alors fous-moi la paix ! explose-t-elle.
Lèvres pincées et bras croisés, elle se ferme complètement, concentrant son regard sur l'écran de son ordinateur. La communication est rompue. Hors de question que je m'excuse. Je veux bien être gentil, mais j'ai mes limites. Je ne suis pas un saint-bernard !
— Bon, ça me gonfle, je me casse ! je maugrée en m'éloignant dans l'amphi.
— Ouais, c'est ça. Salut ! peste-t-elle à voix haute.
Quelle mouche l'a piquée, bon sang ? Pourquoi est-elle si odieuse avec moi ?
Séléné
Nous n'échangeons pas un mot avec Mia pendant les deux heures qui suivent. À la pause, je me lève en silence pour aller aux toilettes puis je vais me chercher un café.
J'en veux à Mia d'avoir balancé à Aurèle. Qu'est-ce qu'elle avait besoin de lui dire ça ? Je sais qu'elle s'inquiète pour moi, mais je l'ai pourtant assurée qu'il n'y avait pas de quoi s'affoler. Et surtout, je ne vois pas à quoi ça servirait d'en rajouter une couche auprès de Raph, il a conscience de ce qui s'est passé. Lui en mettre une ne changerait en rien mon état.
De retour à ma place, je constate que Mia a rejoint son binôme, pour discuter. Le regard d'Aurèle croise le mien pendant qu'il est en grande conversation avec Laly. Elle n'a pas perdu de temps pour aller le coller. Voyant qu'il m'observe, elle se tourne vers moi.
— Ah, tiens Séléné ? Tu vas mieux depuis samedi soir ?
Comme si elle en avait vraiment quelque chose à talquer...
Un rictus mesquin se dessine sur ses lèvres et elle se met à rire avec ses copines. Elle le fait exprès cette garce. Je n'ai toujours pas décoléré, pour autant j'ai la présence d'esprit de ne pas m'emporter, ça lui ferait trop plaisir. Je respire un bon coup et lui adresse un grand sourire hypocrite.
— Ta sollicitude me va droit au cœur Laly, je t'en remercie.
Connasse, je marmonne pour moi-même.
Un ange passe. Sollicitude, mot en cinq syllabes. Plus que le nombre de neurones en colocation dans sa tête. Pas sûr que ce mot figure dans son répertoire. Aurèle ne me quitte pas des yeux, une expression énigmatique sur le visage. Elle se retourne pour minauder devant lui avec ses copines. Les pauvres filles, elles sont pathétiques.
Le prof termine de s'installer, le cours va débuter et Mia revient près de moi.
— Comment tu fais pour ne pas lui arracher les cheveux alors qu'elle drague Aurèle ouvertement ? me demande-t-elle innocemment.
— Et pourquoi je ferais ça ?
— Bah quand même, Aurèle et toi...
— On n'est pas en couple.
Ma réponse cinglante met un terme à la conversation et nous n'échangeons plus un mot.
Deux heures plus tard, j'ai l'estomac noué et un mal de tête carabiné. M'être fâchée avec mes amis me contrarie au plus haut point, je ne suis pas certaine de réussir à avaler quoi que ce soit ce midi. Pourtant c'est nécessaire, sans quoi je ne tiendrai pas jusqu'à la fin de la journée.
— Tu veux qu'on mange ensemble à la cafétéria ? me propose timidement Mia.
— Je ne sais pas. Je n'ai pas très faim et j'ai un truc à terminer pour l'exposé de vendredi.
— Ah OK... On se voit en TD cet après-midi alors ?
— Oui, voilà. Bon appétit, à tout à l'heure.
Je coupe court à la discussion et pars en direction de la bibliothèque sans un regard pour Mia. J'ai bien senti sa déception, mais là tout de suite, j'ai besoin d'être seule, et qu'on me fiche la paix. Peu de monde s'y trouve à cette heure-ci, c'est parfait, je serai au calme. Même si je n'ai pas vraiment faim, je me prends un café ainsi qu'un en-cas à grignoter au distributeur à l'entrée et m'assieds sur la fameuse banquette où nous nous installons durant toutes nos pauses avec Mia et Aurèle quand nous venons travailler. J'ai soudain un petit pincement au cœur en me remémorant la première fois où nous avions discuté avec Aurèle ici et qu'il m'avait tant fait rire avec ses clowneries. C'était juste à la fin du deuxième TD, après que Maxence m'ait mis une brasse.
Maxence. Me revient alors à l'esprit le souvenir de mon brusque réveil dans le train. Son souffle sur mon visage et sa voix qui me tirait du sommeil... Mais pourquoi je pense à lui maintenant ? Je ne me suis pas cogné la tête. Ça ne tourne pas rond là-haut, ce n'est pas possible ! Je croyais pourtant avoir oublié ce qui s'est passé ce soir-là.
Je me plonge dans le travail et finalise cette fichue présentation. Encore quatre jours à tenir, après je serai libérée, délivrée ! Enfin, pour l'instant, je suis surtout crevée et angoissée.
Peu avant quinze heures, je quitte la bibliothèque pour me rendre à mon dernier cours. Mia est déjà installée à notre table habituelle. En voyant son visage triste, je culpabilise à mort d'avoir été si froide avec elle ce midi. Je suis vraiment trop nulle. J'ai réussi à m'engueuler avec mes deux amis, juste parce que je suis fatiguée et que j'ai l'affreuse tendance d'être soupe au lait. Je m'assieds, déballe mes affaires et me tourne vers elle, bien décidée à arranger les choses.
— Je suis désolée, Mia, j'ai été odieuse avec toi alors que tu ne pensais pas à mal. La réaction d'Aurèle m'a énervée, mais ce n'est pas de ta faute, je m'excuse, honteuse.
— C'est moi qui suis désolée, Sélé. J'ai manqué une occasion de me taire et maintenant vous êtes fâchés. Il aurait pourtant bien fini par s'en rendre compte, non ?
— Oui certainement, mais ce n'est pas une raison pour menacer de cogner ton frère. Ça ne servirait à rien et puis ce ne sont pas ses affaires. Enfin bref, on peut tourner la page, s'il te plaît ? Je n'aime pas cette situation.
Je lui adresse un petit sourire et son visage s'illumine. Heureusement, Mia n'est pas une tête de mule rancunière comme moi.
— Tu as ton train à quelle heure ce soir ?
— Dix-huit heures, pourquoi ?
— Je t'offre un café après le TD ?
— Avec plaisir.
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