Ah ! Je dois vous avouer que j'ai hésité avant de me lancer dans l'écriture de ce billet. Pourquoi ? Parce que je vais vous parler de la grand-mère de Mr Ours, une femme qui respire le racisme et l'homophobie. Vous me direz que c'est facile de taper sur les personnes âgées, ces personnes d'une autre époque. Oui... c'est vrai que c'est un peu moche ! Mais, si je vous raconte tout ça, c'est parce qu'avec le recule, on trouve ça très drôle, et que mamie Ours, elle nous en a fait des bonnes ! Mais ne partez pas tout de suite ! Je vous jure que je ne serais pas trop cruel !

*Emaneth se prépare à tuer le respect et se ravise*

Avant d'aborder les quelques dossiers que je garde précieusement à son sujet. Voilà comment mes ancêtres ont vécu mon couple et surtout mon coming out. Côté grands-parents maternels, mon grand-père s'est toujours demandé pourquoi je ne m'intéressais pas à ma colocataire. Après tout, on s'entendait bien. Quelle idée d'aimer les garçons ! Sa femme, ma grand-mère, a toujours bien prit mon homosexualité et ne souhaitait que mon bonheur. Après tout, elle regardait des séries pour ado, les feux de l'amour et "C'est mon choix" (même si la question du choix est plus que discutable, c'était une mamie ouverte d'esprit). Du côté paternel, mon grand-père ne l'a jamais su. Il est décédé avant que je n'ai eu le temps de le dire. Je ne connaissais même pas mon Ours à cette époque. Quand à ma grand-mère paternelle, décédé elle aussi... Je n'ai jamais eu le courage de lui dire. Peut-être qu'elle s'en doutait quand je lui rendait visite avec mon Ours. Toute ma famille a beau me répéter qu'elle l'aurait bien pris, j'avais peur de lui causer des soucis. Enfin... je ne vais pas m'étaler  là-dessus... 

*Emaneth essuie une larmichette*

Revenons-en vite aux choses pas sérieuses, avant que je parte en cahuète... !

MAMIE OURS !

Oui, Mamie Ours n'aime pas internet. Il parait qu'on peut y attraper des virus. Mamie Ours n'aime pas les étrangers. L'un d'eux a épousé sa fille unique. Mamie Ours n'aime pas les noirs. Ils sont incompétents, surtout lorsqu'ils sont médecins. Vous l'aurez compris, Mamie Ours pouvait difficilement accepter que son petit fils soit gay ! Voilà trois petites histoires qu'on raconte souvent lorsqu'on discute avec nos amis de la grand-mère de Mr Ours.

 1°) Quand est-ce que tu te trouves une copine ?

Ha ! Cette fameuse question. Oui ! Pendant longtemps, Mamie Ours posait à mon homme cette question alors que j'étais juste à côté et que je pouvais tout entendre. Ça la fout un peu mal ! On se demanderait presque si c'était pas fait exprès. Longtemps, Mamie Ours m'a considéré comme le diable qui avait détourné son petit fils de la voie naturelle. Un diable qui en voulait d'ailleurs à son héritage... une vieille bicoque perdue en Alsace ! Je n'ai jamais trop compris pourquoi, plus tard, elle avait fini par m'accepter... Peut-être par résignation, qui sait !

2°) "Dialogue un peu osé de Mr Ours" ou "Comment va le chien ?"

- Allo, Mr Ours ? C'est Mamie Ours ! Comment vas-tu mon petit ?

- Très bien Mamie Ours !

Si vous êtes observateur, vous aurez compris que Mr Ours essaie d'écourter la discussion.

- Et comment va Genji, il remue la queue quand tu rentres du travail ?

Mamie Ours demande des nouvelles du chien avant de demander des miennes.

Mr Ours s'exaspère.

- Est-ce que tu me demandes si Gabriel remue la queue quand je rentres ?

Mr Ours a tué le respect ! Bravo !

Depuis ce jour, Mamie Ours nous appelle beaucoup moins.

3°) Mais finalement, la surprise...

Cette femme, évidemment, je ne la porte pas dans mon coeur. Pourtant, après notre mariage, j'ai eu la surprise de recevoir une lettre pour nous féliciter, une lettre dans laquelle elle m'appelait par mon prénom et ou elle mettait en avant sa difficulté à accepter : "Nous sommes d'un autre temps ! C'est bien si vous êtes heureux comme ça !". Depuis, les choses se sont arrangées, mais Mamie Ours nous en a quand même fait des bonnes. Lorsqu'on va lui rendre visite de temps en temps, elle ne pose plus la question : "Quand est-ce que tu te trouves une copine ?", elle nous demande seulement si nous allons bien ! Peut-être a-t-elle compris que les choses sont ce qu'elles sont, que rien ne changera plus.

Finalement,... si on reste tous invisibles, reclus, qu'on se parque dans des ghetto en restant entre homo. Je me dis que les gens auront toujours peur de nous. Il faut s'assumer, aller au contact, s'imposer, parfois même choquer, mais toujours discuter, expliquer, écouter pour dompter les démons qui obscurcissent les esprits troublés. Mamie Ours en est la preuve. Lorsque, je la vois, les larmes aux yeux, parce qu'elle est heureuse qu'on lui rende visite. Je me dis que l'homophobie n'est pas une fatalité.