*retrouve son panneau-titre et l'affiche*

Cette fois, on s'y tient !

Donc, ce n'est pas sans appréhension que nous sommes partis, Mr Ours et moi-même, à la rencontre de Mesdames Hirondelles. Mr Ours m'a d'ailleurs confié aujourd'hui (le 20 Avril 2018) qu'on devait être un peu cinglés pour dévoiler notre vie à des inconnues, alors qu'on sait pertinemment que nos confessions sont jaugées, jugées, décortiquées. Oui bon, dit comme ça, c'est un peu étrange - c'est vrai. Mais en réalité, ce premier rendez-vous s'est déroulé sans accrocs. Je ne me suis pas senti jaugé, jugé ou décortiqué. C'est seulement lors du débriefing avec Mr Ours que des points un peu étonnants me sont apparus. Faut dire que je suis un rêveur qui voit le mal presque nulle part ; ça a ses avantages !

Du coup, pour reprendre le récit, on attendait dans le Centre Communal d'Action Sociale du Bois de Quat'Sous, quand ces deux femmes se sont présentées à nous en affichant un grand sourire. Moi, les sourires, ça me rassure tout de suite. Alors, j'en ai plaqué un sur mon visage et, lorsqu'elles nous ont annoncé que nous étions leur premier couple homosexuel, j'ai lancé quelques blagues sur le fait qu'on était sans doute des précurseurs (un peu).  "Alors, nous avouaient-elles, si jamais on vous pose des questions qui vous paraissent hors de propos, n'hésitez pas à nous le dire !" ; ça nous changeait du médecin "agréé" par le Calvados qui avait l'impression de découvrir l'existence d'un continent perdu nommé Gay-tlantide. Et, pour être honnête, des questions hors de propos, elles ne nous en ont pas posé tant que ça !

Le rendez-vous a duré 1 heure et demi. Pendant les premiers échanges, nous avons abordé notre projet (2 enfants de 3 à 6 ans), la photo de famille qui l'accompagnait, et qui s'avérait totalement inexploitable ("Alors, vous-êtes où sur la photo ?" / "Euh, je sais plus trop comment on était assis, en fait."), et notre lettre de motivation dans laquelle j'avais eu la bonne idée de dire :  "Les avancées sociales du dernier quinquennat nous ont donné l'occasion de nous projeter dans cette démarche ; l'un comme l'autre, nous ne souhaitions pas passer par des méthodes alternatives au risque de placer l'enfant dans une position contraire au droit français."

Cette dernière précision avait eu le don de les intriguer. Je ne comprends toujours pas pourquoi. Qu'est-ce qu'il y a d'étrange à vouloir rester dans la légalité. Mais le plus surprenant, c'est la question qui surgit un peu plus tard dans la conversation : "Avez-vous pensé aux méthodes alternatives pour avoir des enfants ?". Pendant un instant, on s'est regardé avec Mr Ours, on s'est demandé si elles étaient sérieuses. J'ai plissé les yeux en ajoutant : "Vous voulez dire par là, des méthodes non légales ?". Oui, parce que pour un couple d'hommes, je vois pas trop ce qu'il y a de légale dans les méthodes qui me viennent à l'esprit :

Il y a la GPA, encadrée dans d'autres pays, mais pas ici. Du coups, l'enfant tombe quand même dans un vide juridique en revenant en France. J'ai du mal à me faire à l'idée de payer une personne pour qu'elle me donne ensuite l'enfant qu'elle porte. Et puis, c'est bête, mais je pense qu'on est bien assez nombreux pour faire un +1 sur la population. La GPA est un sujet compliqué qui, à mon avis, doit être traité par les femmes, sans les hommes. C'est de leur corps qu'il s'agit malgré tout. Je me sens d'ailleurs un peu mal à l'aise, parce que j'ai l'impression de n'avoir aucun légitimité à prendre la parole. Je ne me projète pas dans la GPA ; c'est mon ressenti. Et pour autant, je ne juge pas ceux qui se sentent capable d'employer cette méthode. C'est un moyen comme un autre. L'important, c'est qu'il soit fait de la façon la plus encadrée possible et qu'il corresponde aux désirs du couple dans le respect des personnes impliquées.

Il y a aussi la méthode classique : on trouve une amie/connaissance prête à assouvir notre désir d'enfant, on tente une reproduction à l'ancienne et hop. Je... non.... Je ne suis vraiment pas prêt à ça ! Et puis, ça n'empêche qu'il faut que cette amie/connaissance soit de confiance pour n'engendrer aucun problème après, ou même pendant, la grossesse. C'est un pari très risqué. En passant, je vous glisse une petite anecdote made in Ma Mère qui m'a dit un jour : "Si j'avais été plus jeune, j'aurais pu porter votre enfant en me faisant inséminer artificiellement." ; je crois qu'aujourd'hui encore, je ne me suis pas remis de sa proposition et Mr Ours non plus. Vous imaginez la situation ? "Mon papa adoptif, c'est aussi mon oncle et mon frère à la fois !" *se masse les tempes*

On peut ajouter à ça, la co-parentalité : c'est un peu comme la méthode classique, sauf que ça se fait entre couples. Le (ou les) enfants qui naissent ont alors 2 papas et 2 mamans qui gardent contacts (ou pas : il y a plein de façon de s'organiser). Pour ma part, je ne suis vraiment pas prêt à aller jusque-là. J'aurais l'impression d'abandonner l'image que je veux pour mon couple, et de faire tellement de concession que ça me rendrait malade. Si vous réagissez à cette méthode, je vous demanderais de le faire dans le respect. Il y a des gens qui arrivent très bien faire avec. Moi, je sais que j'en serais incapable.  

Puis, on va ajouter l'adoption non légale, je kidnappe un enfant à l'étranger en dehors des circuits de l'État, en dehors des traités et des lois. Non seulement, je trouve ça risqué, illégal et immoral, mais en plus je trouve que c'est mettre l'enfant dans un position hyper délicate. Comment un désir d'enfant peut-il aller jusque-là ? Je ne l'envisage pas. D'ailleurs, quand on a annoncé à mon beau-père (le compagnon de ma mère), que nous comptions adopter, il nous a dit ceci : "On peut essayer de voir avec un de mes amis. Peut-être qu'il a des connaissances qui pourraient vous arranger deux trois trucs." ; les plans foireux, non merci...

Du coup, après cette fameuse question sur les "méthodes alternatives", j'ai exposé calmement les points ci-dessus, et je leur ai expliqué pourquoi ça ne nous allait pas. On ne se reconnait vraiment que dans un projet d'adoption. C'est peut-être plus fastidieux, mais je veux rester dans la légalité, pour l'enfant et pour nous. Aujourd'hui, on se demande encore si la question n'était pas une question que Mesdames Hirondelles se doivent de poser à tous les couples, mais elles nous ont confirmés que non. Enfin, je tiens à ajouter que cette question ne nous avait pas heurter le moins du monde, seulement surpris et amusé à la fois.

Suite à ça, nous avons abordé en surface la composition de nos familles, notre coming out auprès de ceux-ci et la manière dont il nous faudrait sensibiliser notre entourage (voisinage, école, médecin) à notre différence pour que l'enfant n'ait pas à l'affronter lui-même (même si on se doute bien qu'on ne pourra pas le protéger de tout le monde), nos métiers respectifs, nos passes-temps et j'en passe. On a aussi abordé notre envie de contacter des associations qu'on avait pas encore rencontré à l'époque.

Puis enfin, un peu avant de terminer et comme on avait des spécialistes à portée de main, on leur a demandé si elles pouvaient nous aiguiller sur de la documentation ou des livres de référence. Eh bien, non ! C'est à nous-même de trouver nos propres références et de dénicher les conseils et les méthodes qui nous parlent, puis d'être jaugés, jugés, décortiqués ensuite (j'exagère un peu). Je dois dire que ça nous a surpris. On est peut-être naïf, mais j'imaginais vraiment qu'elles pourraient nous aider. C'est la principale raison qui nous pousse à dire que l'agrément est vraiment une sorte d'examen dont vous n'avez pas les clefs. En réalité, après l'étalage de notre étonnement, elles ont fini par nous parler d'un reportage. Si vous voulez le visionner, vous le trouverez sur Youtube, il se nomme : "Adoption, je t'aime - moi non plus". Je vous le partage. Attention, il dure longtemps et présente plusieurs aspects pas spécialement joyeux de l'adoption, mais il laisse la part à pas mal d'espoir !

https://youtu.be/ECg_vPSbCKs

Pour finir, nous sommes sortis de là, dans le flou le plus total, mais en espérant qu'on nous ait entendu. N'avoir aucun retour, aucune branche à s'accrocher pour se dire qu'on va dans la bonne direction à de quoi vous désarçonner, mais c'est le jeu, comme je vous l'ai déjà expliqué.