27 - Anecdotes & réception du projet GPA
Dans l'ensemble, nos proches ont bien réagi à l'annonce de notre décision de faire une GPA. Néanmoins, quelques unes de leurs réactions m'ont mis mal à l'aise. Je vais y venir dans ce petit billet. Nous nous sommes aussi retrouvées face à un « cas de conscience », si je puis dire : doit-on faire l'étalage de ce nouveau chemin aux couples qui ne l'ont pas, cette chance (notamment ceux que nous avons rencontré autour du sujet de l'adoption) ? Enfin, comme j'ai choisi depuis une année de sensibiliser sur ce sujet (celui de l'adoption) en passant par Tik tok, je ne me voyais pas ne pas aborder aussi ce nouveau parcours, à minima sur les réseaux. Cette exposition m'a permis d'observer à quel point la GPA pouvait diviser et à quel point des couples et célibataires de toutes sortes étaient en recherche d'informations fiables sur le sujet.
1) Réactions de nos familles & recadrage
— Alors, j'ai un truc à t'annoncer !
— Je t'écoute, mon fils ? réponds ma mère.
— M. Ours et moi, on se lance dans une GPA ?
*roulement de tambour*
— Super ! Je vais enfin être grand-mère !
Après la grosse émotion provoquée par la nouvelle qui a enthousiasmée nos familles respectives, nous avons tout de suite dû les maintenir sur Terre. Oui, nous allons faire une GPA. Oui, nous sommes quasi assurés d'être papas et nous allons avoir des dates, des délais et tout un processus bien clair pour y projeter nos rêves. Oui, c'est génial ! MAIS ! Non, vous ne serez pas grands-parents dans l'année. Il y a même des chances qu'on adopte avant (même si elles sont minces). Non, ce n'est pas cool parce que c'est « un enfant de notre sang » ou « un enfant qui aura moins de problèmes ». Non, on ne va pas arrêter l'adoption parce que c'est mieux d'avoir « un enfant à soi ». Argh !
Ouais, c'est le genre de phrases qui sont soudain sorties de la bouche de nos proches. Je dis pas : on a le droit d'éprouver ce sentiment profond qu'on va transmettre nos gênes à notre enfant, qu'il va nous ressembler, qu'il y a des probabilités qu'ils vivent moins de problèmes qu'un enfant ayant des blessures d'abandon. On peut en parler, c'est pas ça le soucis : le soucis, pour moi, c'est de s'en réjouir, voir d'orienter notre choix en nous disant qu'il serait mieux de se concentrer sur un seul de ces deux projets. Non, mais ? Y a des pichenettes sur le front qui se perdent ! *frappe des mains* Petit recadrage des familles (c'est l'cas d'le dire) : « Hey ! Les enfants — euh, les parents pardon —, je sais que vous commencez à vous faire vieux, mais va falloir se ressaisir avant qu'on soit papas. Si on se retrouve avec un enfant adopté et un enfant issu de GPA, il est pas question qu'une différence de traitement soit faite parce que l'un porte nos gênes et l'autre non. Va falloir vous tenir ou bien je vais sévir ! ». Ce n'est pas exactement ce que je leur ai dit, mais il a fallu qu'on soit ferme. Il faut raser ce genre d'idée à la racine.
2) Le dire, ou non ?
Il y a un de nos proches qui ne l'a pas su et qui ne le saura jamais. Je l'évoque ici, parce que ça m'attriste. Mais voilà : c'est l'histoire de la vie (le premier qui se met à chanter du Disney, je le vire à coup de pieds). Je fais de l'humour pour dédramatiser, mais il n'y a pas lieu d'en faire.
Pour résumer, en février, au moment où nous nous sommes lancés dans les recherches, l'homme qui m'a élevé comme un père depuis mes 4 ans, mon beau-père (le compagnon de ma mère), souffrait d'un cancer du foie en phase terminale. Il nous a quitté en mars, au moment où nous validions enfin la Colombie comme destination pour notre GPA. Dès le début, avec ma mère, on avait décidé de ne pas lui parler de ce projet dont il ne verrait jamais la réalisation. Je ne sais pas si on a fait le bon choix, mais maintenant c'est irréversible. Il était déjà au plus mal au moment où nous nous sommes lancés et je ne crois pas que ça lui aurait apporter quoi que ce soit à part des regrets ou de la douleur. C'est étrange de vivre en parallèle ces deux moments : la finitude et le début, un chemin qui s'ouvre et une page qui se ferme. Comme ma mère vit à l'autre bout de la France, j'ai passé des heures et des heures au téléphone avec elle, presque tous les jours, pour la soutenir comme je le pouvais à distance. Nos conversations passaient de la joie que je voulais lui communiquer sur notre projet GPA à la pesanteur de son quotidien alors qu'elle avait décidé de s'occuper de lui à la maison, dans ses derniers instants. D'une certaine façon, ne pas lui dire, c'était aussi ne pas chercher à affronter les potentielles remarques ou le désintérêt qu'il aurait pu nous réserver. Désintérêt totalement compréhensif, dans la mesure où il n'était alors plus que l'ombre de lui-même et qu'il se consumait. Ce n'est pas totalement l'ordre des choses, c'est le cancer. Mais c'est comme ça...
C'est notre histoire et je voulais vous la partager.
3) Répandre un peu plus la nouvelle ?
À qui d'autres avons nous hésiter d'en parler ?
Principalement, aux familles qui cherchent à adopter et que nous rencontrions tous les mois à l'EFA. Lorsqu'on se voit dans cette association, il y a généralement une douzaine de personnes, pas exactement les mêmes à chaque fois. On répond surtout aux questions des nouveaux venus. On partage notre expérience de l'agrément et de l'attente. On se nourrit des conseils des autres, mais souvent on tourne en rond sur les mêmes histoires. Ce que j'aime, c'est surtout d'y croiser du sang neuf. Et puis, ça nous sort de notre quotidien. Il y a des couples d'hommes, des femmes célibataires et des couples hétéros (je n'y ai jamais croisé d'homme célibataire ou de couple de femmes). On discute autour d'un café et de petits gâteaux. On ne prend pas le temps de se lier d'amitié. C'est surtout un groupe de parole et de soutien. Alors, pourquoi aborder la GPA ?
En vérité, on avait convenu de s'abstenir, mais...
Avec les mesures COVID, on s'est retrouvé à faire des pauses pour boire à l'extérieur du bâtiment. Ça rapproche les gens de ne pas se tenir autour d'une grande table ronde où tout le monde écoute en silence celui qui parle. Dans l'intimité d'une cour, en plein mois de mars, sous les arbres, les mains collées autour de mon petit café chaud, je me suis dit : « Pourquoi pas, gab ! ». À l'EFA, il y avait ce couple hétéro avec lequel on s'était bien entendu une ou deux fois et, en me dandinant comme un manchot vers la partie féminine pour engager la conversation, je me suis permis de lâcher : « On va sans doute faire une GPA, nous ! ». Bon ! En vrai, je ne suis pas si courageux que ça, ni à ce point là inconscient. Les fois précédentes, elle avait déjà évoqué avec nous l'expérience d'amis qui se lançait dans ce processus et qui l'avait expliqué à sa fille : « une GPA, ça se fait à trois : le papa, la maman et la dame qui porte le bébé ». Je n'avais donc rien à craindre et ça a été un plaisir de lui en parler. La séance suivante, juste avant qu'on parte pour Bogota, on s'est retrouvé attablés entre ce fameux couples et un couple d'hommes que nous avions déjà croisé quelques fois. À la moitié de la séance, on s'est retrouvé à parler de GPA dans notre coin pendant que le reste du monde parlait adoption à l'autre bout de la table. J'avais l'impression d'être un Juda en mission secrète pour faire du prosélytisme, haha !
4) Sur les réseaux sociaux
Je me suis mis à faire des vidéos sur la GPA très tôt, bien avant d'en parler ici, quasiment en même temps que nos propres recherches. Tik tok a cela de pratique, que les vidéos qu'on poste reste en général dans un cercle assez restreint, des bulles d'intérêts. Ça évite de se prendre des shits storm. Dans l'ensemble, donc : je n'ai principalement que des messages de soutien. Il arrive néanmoins que certaines personnes s'égare et me sorte des horreurs. Parmi le best of du pire, il y a les grands classiques : « un enfant, c'est un papa et une maman », « acheter son gosse, je pourrais jamais », « repentez-vous devant JESUS ». Puis, il y a les personnes qui viennent débattre en commentaire me sorte toujours la même ribambelle d'arguments : « arrêtez d'exploiter le corps des femmes pour votre propre plaisir », « stop l'esclave », « notre corps, notre choix ». J'ai eu le droit aussi à : « plutôt qu'un gosse, achète un chien » et « de toute façon, même les féministes sont contre la GPA, c'est donc mauvais ! ».
J'essaie de répondre la plupart du temps, et d'argumenter de façon calme et posée ou de poster des vidéos dans lesquelles je montre la vacuité de l'argument. Je sais qu'en mettant en scène notre aventure, comme ça, je m'expose nécessairement à tout le monde. Je sais aussi que certaines personnes me font confiance, que pour elles : ce que je raconte à un poids. C'est un pouvoir qui entraîne des responsabilités (vous connaissez la chanson). Et ça me force me remettre régulièrement en question sur les choix qu'on a fait avec notre GPA. Pour l'instant, j'en suis vraiment content. À mesure qu'on avance dans le processus, la Colombie apparaît pour nous comme la voie qui nous convient le mieux.
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