26.2 - Pourquoi une GPA en Colombie ?
Alors, comment se fier à ces amas d'informations facsimilées quand, d'apparence, le but de ces plateformes est clairement de nous séduire ? D'autant plus que (j'ai oublié de le préciser dans mon précédent billet), la plupart du temps, il est impossible d'avoir une idée claire de la somme engagée sans contacter directement l'agence ou la clinique concernée. Il y a plusieurs raisons à cela, je pense. Déjà, présenter le prix du processus comme un argument pour attirer un client est très déshumanisant. D'autre part, pour une même agence/clinique, le prix n'est parfois qu'une large fourchette puisqu'il dépend des options que vous désirez pour votre GPA. J'y reviendrais en présentant un peu plus en profondeur un processus américain parmi d'autres. Mais, en résumé : il y a beaucoup de paramètres plus ou moins obligatoires selon vos valeurs, allant du types d'examen à réaliser en amont sur les embryons, en passant par les options VIP sur les donneuses d'ovocytes ou des demandes hyper spécifiques pour votre femme porteuse du style : je veux qu'elle soit végane. Tout dépend d'un subtil mélange entre votre porte-monnaie et ce que vous être donc prêt à accepter. Il y a clairement des options que je trouve absolument superflu, d'autres qui sont très discutables (voire des arnaques, si je puis dire). J'y reviendrais.
Alors, comment se fier à ces amas d'informations ?
4) Tirer l'information d'autres circuits
4.1) Les forums des associations homoparentales
Le premier truc qui nous est venu à l'esprit, c'est de faire comme pour l'adoption : nous renseigner auprès de ceux qui ont, tout comme nous, ce besoin d'être parent et qui ont, par contre, dépassé les obstacles. C'est l'APGL (Association des Parents et futurs parents Gays et Lesbiens) qui nous a servi de source sûre. Leur forum est truffé de conseils, de témoignages et, le plus importants, des noms d'agence/clinique respectables. C'est là-bas qu'on s'est aussi rendu compte que la Colombie était une terre d'accueil pour les papas gays en mal de parentalité.
À ce stade, les États-Unis restaient notre premier choix. Nous pensions (avec tous les préjugés qui nous pourrissent le cerveau) que la Colombie ne proposait pas une GPA aussi respectable qu'on l'exigeait. Il faut dire que ce pays a une longue histoire de violence et de trafic de drogue. Je le remarque encore aujourd'hui quand j'évoque cette destination : les gens nous font souvent des blagues à base de farine et de Pablo Escobar. Malgré tout, il faut savoir que depuis 20 ans, le pays s'est stabilisé. Mais ça, nous n'en avons pris conscience que plus tard.
Avec le recul, je dois bien avouer qu'on à la mémoire un peu courte. Ouais ! Parce que la Colombie, on l'avait déjà croisé lors des recherches effectuées pour l'adoption. En fait, c'est l'un des rares pays qui acceptent que les couples homosexuels puissent adopter. D'ailleurs, même si la religion chrétienne y est très prégnante et qu'elle divise l'opinion, les colombiens ont voté l'ouverture au mariage en 2016 et ne cessent de progresser en terme de droit LGBT.
4.2) Les groupes Facebook
Parmi les autres sources d'informations et d'entraide, on notera les groupes Facebook. Je n'y avais pas pensé du tout lors de nos recherches. Pourtant, je suis un adepte de ceux-ci quand il s'agit de jeux de société. Pour ce qui est de ceux sur la GPA, il aura fallu qu'un de mes abonnés Tiktok me pousse un peu pour que je m'y intéresse. Il me parlait d'ailleurs de l'un d'entre eux bien avant qu'on songe à nous engager dans ce processus. J'ai fini par céder pour découvrir un groupe qui, comme son doux nom le laisse présager Mes 2 papas, mes 2 mamans, aborde la question de l'homoparentalité. Là-bas, on trouve tous les sujets : adoption, PMA, GPA et même des couples qui en cherchent d'autres pour se lancer dans la coparentalité. Les gens sont bienveillants et se donnent des conseils sur toutes les questions qui nous traversent.
Plus surprenant, on y croise aussi des agences qui proposent des conférences pour parler de GPA et attirer ainsi de nouveaux parents. Ce démarchage aux yeux de tous ne me gêne tant que ça s'il n'est pas agressif ou mensonger. Mais encore une fois, pour ce qui est de la tromperie, c'est difficile d'en juger. À ce sujet, j'ai d'ailleurs eu vent de petites magouilles. Lesquelles, me demanderez vous ? Hé bien, il paraît que des agences moins scrupuleuses que celles qui affichent ouvertement la couleur, se permettent de créer des faux profils pour intégrer ces groupes. Elles se font alors passé pour des parents comblés et se complimentent elles-mêmes de sorte qu'elles gagnent ainsi en crédibilité auprès de toutes les pauvres âmes en défaut de bonheur. Je ne crois pas en avoir rencontré, même si j'ai eu parfois quelques doutes sur les profils que je vérifiais systématiquement !
4.3) MenHavingBabies
De son côté, M. Ours avait déniché une autre pépite : une fondation à but non lucratif qui guide les couples d'hommse dans leur GPA aux États-Unis et qui propose aussi des tas d'avantages. L'un de ceux-ci n'est autre qu'une super base de données de cliniques et d'agences, organisées avec des notes, de nombreux avis, la date de création, le nombre de couple dont elles se sont occupés et leurs origines,... C'est vraiment une mine d'or ! Mais, il faut savoir raison garder et en analysant d'un peu plus près les fameux avis, quelque chose nous grattait derrière l'oreille. Une puce ? Un poux ? Non, un impression qu'il n'y avait quasiment jamais aucun avis négatif. Ceci peut s'expliquer de plein de façons différentes. Mais, celle que je trouve la plus plausible et la suivante : les parents qui ont atteint l'objectif de leur vie en ayant un enfant, et en dépensant - il ne faut pas se le cacher - une somme d'agent qui n'est clairement pas à la portée de tout le monde, occultent rapidement les mauvais côtés qu'ils ont pu rencontrer durant leur processus. C'est d'ailleurs pour ça que je veux écrire ce témoignage avant qu'on ait fini notre route ; je veux garder une trace de certains états d'âme qui m'habitent, des états d'âme que ma mémoire évacuera certainement très vite quand je tiendrais enfin mon enfant dans les bras. Je dois tout de même ajouter qu'il existe bien, perdus dans ces centaines d'avis positifs, quelques avis plus partagés. Ceux-ci pointaient surtout la lenteur du processus ou le manque de disponibilités des intervenants qu'ils ont rencontré pendant leur aventure. Je ne crois pas avoir vu une seule fois un avis du genre : "Fuyez, pauvre fou ! Ceci n'est qu'une baraque à fric qui en veut à vos steaks !"
Les autres avantages de MenHavingBabies sont bien plus conséquents. La fondation propose des conférences un peu partout dans le monde, dans lesquels elle fait intervenir les différents acteurs du domaines. Mais, elle permet par dessus tout, d'aider les parents qui n'ont pas les moyens d'accéder à la parentalité avec un programme spéciale de solidarité (si je puis dire). Bon ! Il ne faut pas déconner. On reste aux États-Unis : ce qui induit des tarifs élevés de base (pour des tonnes de raisons que j'exposerais plus en détails). Malgré tout, si vos ressources ne sont pas suffisante, il est possible de postuler et d'obtenir des réductions non négligeable sur les cliniques et les agences. Nous avions nous-même réussi à obtenir un premier palier qui nous garantissait des avantages, même si nous avons fini par les abandonnés au profit d'une GPA en Colombie. En tout cas, ce site nous a fait très bonne impression et nous avons passés du temps à écumer les avis, les cliniques et les agences. nous avions même fini par en sélectionner quelques unes et lancer les premières démarches de contacts. Nous allons y revenir !
5) Un autre casse-tête : doit-on continuer l'adoption ?
Alors que nous nous approchions des premiers rendez-vous avec différents intervenants (une clinique & un papa de l'APGL qui s'est proposé de nous parler de son parcours), il a fallu se rendre à l'évidence : l'adoption commençait à prendre de moins en moins de place dans nos pensées. Et malgré l'anxiété que provoquaient chez moi, nos recherches sur la GPA, elles avaient un avantage certain, celui de nous occuper l'esprit et d'avoir un contrôle sur notre avenir. L'échéance de notre agrément approchant, on a commencé à se demander si il ne faudrait pas faire table rase sur ces 4 années d'attente et ces 9 mois d'entretiens. Notre cerveau est un sacré coquin. Il existe d'ailleurs un biais très connu avec lequel on a sûrement dû lutter : c'est celui des coûts irrécupérables. Je ne sais pas si ça vous parle ? Il s'agit de la difficulté qu'on a de se défaire d'une décision qui nous a demandé beaucoup d'investissement que ce soit en terme d'argent, de temps ou même émotionnellement. Plus on est engagé dans un projet, plus il est difficile d'abandonner, même lorsque rationnellement : il serait bon de s'en défaire. Voilà donc, en quelques questions, ce qui nous tracassait...
5.1 ) L'adoption, au temps d'attente croissant et l'issue incertaine, va-t-elle aboutir ?
On peut déjà répondre que oui. Je n'ai aucun doute là-dessus. Il y a des précédents dans notre département. D'autres couples d'hommes ont pu adopter. Le soucis, c'est de savoir quand cela va nous tomber dessus.
5.2) Y-a-t'il un risque à lancer un processus de GPA en même temps qu'une adoption ?
Encore une fois, je me dois de répondre que oui. Sans consulter personne, nous avions déjà conscience de plusieurs risques. Le premier est logistique. Il ne faudrait pas que l'adoption aboutisse alors qu'on est proche de la date d'accouchement. Pourquoi ? Parce qu'on devrait alors se taper un voyage avec le bébé nouvellement adopté. Mais surtout (et c'est le second risque), on ne peut pas confier cet.te enfant à notre famille alors qu'on n'a pas eu le temps de construire des liens et qu'iel a déjà souffert de deux abandons (celui de sa mère biologique et celui de la famille d'accueil qui s'en est occupée avant nous). Ce serait, à mon sens, totalement irresponsable de notre part.
5.3) Ne risque-t-on pas de créer une situation de rivalité ou de jalousie parce que l'un de nos enfants est biologique et l'autre est adopté ?
Déjà, je pense que si la question nous traverse c'est que nous sommes sur le bon chemin. On a eu à s'éduquer énormément sur le sujet de l'adoption et sur les questionnements que peuvent rencontrer les enfants adoptés. Il y a une partie de ces questionnements qui rejoignent d'ailleurs ceux que pourraient avoir un enfant né sous GPA — comme celui de l'origine, lorsqu'on passe par une donneuse d'ovocyte anonyme. Bien sûr, on ne l'a pas encore vécu et je pense que rien ne remplacera l'expérience. Malgré tout, je crois que nous avons les ressources et les ressorts qui nous aiderons à diminuer ces désagréments. Il faudra être honnête sur ce qu'on sait et sur ce qu'on ne sait pas de l'histoire de chacun de ces enfants. Il faudra les amener à créer du lien entre eux et inclure leur spécificité dans la construction de notre famille pour la célébrer et non pas en faire un secret qui ressurgirait sous la forme d'une douleur intérieure.
5.4) Devons nous parler du processus de GPA avec le service d'adoption ?
Pour celle-ci, un avis extérieur est requis. Mais rappelons d'abord qu'il est interdit de faire une GPA sur le sol français. Oui ! Je sais, vous êtes au courant ! Vous imaginez bien que nous aussi, on s'est renseigné sur la question ! Du coup, vous trouvez inutile que je le précise ? Attendez la suite ! Bref ! Vous verrez, quoi ! Revenons en à nos moutons : est-ce que GPA et Adoption sont ouvertement compatibles ?
5.4.1) Le département Adoption
Pour nous aider à y répondre, nous avons contacté le service adoption du département et l'association EFA (Enfance et Famille d'Adoption). C'est le département qui nous a répondu en premier, mais leur email nous a fait froid dans le dos en première lecture. Nous voulions savoir hypothétiquement si lancer une GPA pouvait entraver nos démarches pour repasser l'agrément ou même pour devenir parents. La réponse (je la commente via des [crochet]) fut la suivante :
"J'apprécie votre sincérité de me parler de votre projet GPA qui j'imagine n'a jamais dû être abordé au cours des investigations [Les assistantes sociales nous avaient pourtant demandé si nous avions envisagé des méthodes alternatives pour devenir parents. Ce à quoi nous leur avions répondu par la négative. On ne s'attendait vraiment pas à ce que ce projet nous tombe comme ça dans les bras. Du coup, je me demande ce qu'elle insinue avec son "j'imagine que..."]. Cependant, je vous rappelle que celle-ci est interdite en France [Nous sachons ! Vous sachez !]. Mener un tel projet vous met donc dans l'illégalité [Hmmm, c'est très discutable ! L'illégalité, c'est de le faire sur notre territoire et non pas à l'étranger. D'autant plus que la loi précise que ce qui est condamné, c'est de "pousser un parent à abandonner un enfant né ou à naître". En France, on considère qu'une femme qui accouche est automatiquement la mère. En Colombie aussi, sauf si un test génétique vient le contredire, ce qui est le cas lorsque la femme qui porte l'enfant n'est pas la mère biologique. En France, les tests génétiques sont interdit sauf cas particuliers. Du coup, à quel moment pousse-t-on quelqu'un à abandonner son enfant. Si quelqu'un abandonne son enfant, c'est la donneuse d'ovocyte. Et le don d'ovocyte n'est pas interdit en France]. Néanmoins, s'il se réalise, votre agrément devra être réévaluer comme tout agrément quand il y a un changement au niveau familial [C'est rassurant d'être comme tout le monde]. L'évaluation psychologique ne pourra garantir le maintien de votre agrément actuel [HA !]".
Dites-moi : quelle effet aurait eu sur vous cet email ?
Moi, il m'a d'abord glacé le sang, puis il m'a mis en rogne. Pendant quelques minutes, j'ai eu envie d'envoyer bouler l'adoption au profit de notre GPA. M. Ours aussi était vénère. Ça sent le sapin cette histoire ! Alors, que fais-t-on ? On avait la drôle d'impression d'avoir fait LA BOULETTE ULTIME en choisissant d'aborder ce sujet avec le département. On a donc choisi de ne pas répondre. Shame on us ! Je me dis, avec le recule, que son rappel à la loi est une façon de se dédouaner. On ne sait jamais ! Peut-être sommes nous des inspecteurs surprises qui évaluent ses capacités. Et c'est vrai que ça la fout mal de parler de GPA par écrit quand on risque de se faire inspecter. Pourquoi ? Parce que, voyons : C'EST INTERDIT EN FRANCE. Mesdames, Messieurs, une bonne fois pour toute, rentrez vous le bien dans le crâne si vous ne le saviez toujours pas ! Je crois que mon agacement est palpable. Ha, ha ! Malgré tout, ça m'angoisse un peu ; en Septembre, quand on va se replonger dans les démarches, il y a des chances qu'on nous ressorte cet email et qu'on ait à se justifier : mentir, dire la vérité ? Nous sommes encore dans l'indécision la plus totale. D'ailleurs, notre interlocutrice aborde un point important que je n'ai pas encore creusé avec vous : tout changement familial demande réévaluation.
C'est le coup de fil passé à l'EFA qui nous a apporté plus d'informations à ce sujet.
5.4.2) Le coup de fil de l'EFA
Les jours suivants la réception de l'email du département, nous avions un appel téléphonique de prévu avec l'EFA pour exposer notre situation. Notre rapport avec cette association est bien moins protocolaire qu'avec le service adoption. L'EFA n'est pas là pour nous juger, mais pour nous conseiller et nous accompagner. Nous participons d'ailleurs régulièrement aux rencontres qui ont lieu tous les mois entre parents et futurs parents adoptants. On a pu donc jouer carte sur table, sans pincettes. De cet échange est ressorti qu'il vaut mieux éviter de parler GPA avec le département. Oups ! Mais il est ressorti aussi deux autres points très important.
5.4.2.1) Serons-nous réévalué ssi nous avons un bébé GPA avant l'adoption ?
Le premier n'est pas des moindres. Il concerne cette histoire de réévaluation. En réalité, qui que vous soyez, si jamais votre famille s'agrandit alors que vous avez un agrément en cours, cet agrément devient caduc. Il n'y a pas de réévaluation. L'agrément est mis à la poubelle, votre dossier est retiré de la file d'attente et vous recommencez les démarches depuis le début (*). Si vous êtes actuellement sur le cul, sachez que c'est l'effet que ça nous a fait cette découverte.
(*) NDLR : j'ai rédigé ce document le 3 Septembre 2022. Vous verrez qu'en lisant le point 30 qui concerne notre premier rendez-vous pour repasser l'agrément (28 Septembre) : il y a quand même quelques nuances à apporter.
Ok ! En toute honnêteté, on aurait pu le savoir. MAIS ! J'imagine que si quelqu'un a évoqué ce léger désagrément durant nos démarches, on l'a sans doute instantanément filtré puisqu'il ne nous concernait pas à l'époque. La GPA, c'était : NO WAY ! Et puis, ni moi ni M. Ours n'avons d'utérus aux premières nouvelles. Même si, dans la sphère amicale, je glisse souvent ces petites blagues de mauvais goût accompagnées d'un regard lubrique : "On tente de tomber enceint régulièrement, mais ça ne fonctionne pas". Ou, tout en tapotant le bidon de M. Ours : "Ça fait 16 ans qu'on attend que bébé sorte, mais il a l'air bien là où il est". Uh, uh ! Trêve de plaisanterie, les amis ! Chez nous, il n'y aura pas de bébé surprise ! En fait, comme vous vous en doutez, la situation arrive surtout chez les couples hétéros pas complètement stériles qui pratiquent encore des choses consentantes — j'espère — entre adultes. Et oui ! Il arrive que parfois, en pleine période d'attente pour l'adoption, un bébé biologique pointe le bout son nez. Et bim, ça remet tout en perspective ! En plus de ces bébés surprises, le service adoption de notre département — je ne sais pas si c'est le cas des autres — a du mal à accepter que des parents se lancent dans plusieurs processus en même temps. Ce genre de choses me dépasse complètement. D'un côté, on nous fait bien savoir que pour adopter il faut vouloir être parent avant tout (et pas aider un enfant), mais que de l'autre : il ne faut pas vouloir être parent à tout prix. Donc, ne commencez surtout pas une GPA, une PMA ou une simple FIV, parce que ça en dirait long sur vous. Hein ? Mais, qu'est-ce que ça dirait sur nous ?
S'accrocher à cette possibilité d'avoir un enfant via d'autres processus que l'adoption révèle que vous n'avez pas fait le DEUIL DE L'ENFANT BIOLOGIQUE. C'est-à-dire, que vous espérez encore pouvoir transmettre vos gênes ou, en d'autres termes, que vous n'avez pas encore accepté l'idée que vous n'obtiendrez jamais de min-vous, un mini-vous dans lequel vous pourrez vous reconnaître et reconnaître les traits de votre époux/épouse.
Satané DEUIL DE L'ENFANT BIOLOGIQUE !
Je le répète parce que ce terme m'agace. Il pue les relents dépassés de l'inconscient freudien et de la psychanalyse. Pourquoi en faire une barrière ? Et au fond, est-ce vraiment cette envie de lien du sang qui nous pousseraient à jouer sur d'autres tableaux ? Franchement, si j'avais une quelconque affinité avec les théories non prouvées de Freud, je pourrais y croire. Mais, en tout état de fait, je considère que c'est le seul désir de construire un cocoon familiale (sans avoir besoin d'explorer des strates secrètes et inaccessibles de mon esprit) qui me pousse à emprunter cette voie, celle de la GPA. Et puis, dans la construction de notre couple, cette histoire de deuil n'a aucun sens. Pour M. Ours et moi, il n'y avait jamais eu de chemin envisageable avant que le Mariage pour Tous soit voté et permette aux couples de mêmes sexes d'adopter. L'absence de lien biologique coule de source pour nous deux, puisque nous sommes deux hommes cisgenres qui ont compris dès l'adolescence — et bien avant que leur besoin de parentalité ne les taraude — que leur arbre généalogique n'accueillerait sans doute jamais de nouvelles branches et s'éteindrait avec eux. Je suis content qu'on se soit trompé, n'empêche !
Je vais tout de même nuancer un peu mes propos. Je peux comprendre parfaitement (et je ne nie pas) qu'il puisse exister une étape de renonciation de notre capacité à pouvoir donner la vie, d'autant plus quand cette étape nous définit depuis très longtemps et d'autant plus encore qu'on y ait investi et qu'on s'y est projeté. Je pense notamment aux femmes cisgenres qui passent par des parcours éprouvant de FIV ou de PMA à répétition, à ces femmes qui ont profondément le désir de connaître la grossesse et qui doivent se rendre à l'évidence, au prix d'espoirs détruits petit à petit, qu'elles ne pourront pas remplir ce rôle pour lequel la société leur rappelle constamment qu'elles sont faite. Je peux comprendre aussi que des hommes puissent se sentir diminué d'être stérile. Mais j'espère sincèrement que l'injonction a devenir parent perd en puissance, puisqu'elle est sans doute une des raisons de ce mal-être qui nous habite et nous culpabilise quand nous ne pouvons pas procréer. D'une certaine façon, la question qu'on pourrait donc poser est la suivante : est-ce que ne pas avoir totalement renoncé à notre biologie est un frein à notre désir d'adopter ? J'en doute fortement ! À mon humble avis, c'est même plutôt tout le contraire. Pourquoi attendre qu'un couple soit dévasté par les échecs et fragilisé par des procédures douloureuses pour lui dire qu'il est un bon candidat pour l'adoption ? Pourquoi ne pas lancer toutes ces procédures en même temps en laissant de côté les considérations biologique ? Et finalement, qu'est-ce que cette exclusions des procédures parallèle dit de la façon dont les travailleurs sociaux eux-mêmes voient l'adoption ?
Ce qui, à mon sens, veut éviter le service adoption, c'est que notre comportement de parents qui n'ont pas renoncé à une filiation biologique ressurgisse de façon inconsciente sur le lien qu'on essaie de construire avec un étranger, cet enfant adopté. Et en vérité, je n'ai rien contre le fait que des travailleurs sociaux viennent vérifier si nous avons bien compris les enjeux et les dynamiques qui peuvent se jouer entre deux enfants dont l'un est adopté et l'autre non. C'est d'autant plus vrai, à mon sens, quand l'enfant adopté est déjà grand et qu'on rentre dans une problématique où il peut se sentir exclu. Nous avons entendus des témoignages de parents, à l'EFA, qui avaient justement des enfants biologiques et des enfants adoptés. Il y a des frictions, il y a des choses auxquelles il faut faire attention, autant pour ne pas qu'ils se sentent floués ou même favorisés. Mais ces gens-là ont appris à gérer. Bref, bref, bref ! Je crois que je dévie du sujet et j'en suis désolé. Il me semblait néanmoins nécessaire de remettre au centre de nos interrogations cette histoire qui nous met toujours un peu en rogne.
5.4.2.2) Si l'adoption tombe avant la GPA, pourrons nous partir à Bogotá avec notre bébé ?
Le second point est plus technique. L'EFA nous a réexpliqué un détail qui nous avait encore une fois échappé. Si jamais nous avions un bébé adopté avec nous, avant la GPA, il faudrait un certain lapse de temps avec que celui-ci puisse obtenir ses papiers (passeport et compagnie) et donc il ne pourrait pas voyager tout de suite avec nous à Bogota. Ce qui va totalement à l'encontre de ce qu'on souhaite. On ne peut pas se séparer de iel ! Mais alors, quelle est cette durée ? En réalité, c'est le temps qu'il faut pour que l'enfant soit officiellement adopté.e. C'est-à-dire dire, une année environ ! Ce qui veut dire, en somme, qu'il faudrait arrêter l'adoption 1 an avant d'être sûr d'être parents. Mouais ! Comment peut-on être sûr d'être parent dans un temps précis avec la GPA ? Une GPA, ça ne prend pas toujours du premier coup. Il y a en gros 60% de chance que la grossesse fonctionne dès le départ. Et puis, généralement, avant d'acter définitivement une grossesse, il faut attendre les trois premiers mois. Argh ! Encore un casse-tête de plus. À un moment donné, on s'est dit : "De toute façon, il faut que le père biologique soit présent à la naissance pour la GPA, donc... on pourra se séparer en deux à ce moment-là ! Et on demandera à un de nos proches d'accompagner le père biologique pour qu'il ne soit pas seul." Ma mère ? Le père de M. Ours ? Ce sont les plausibles possibilités. Mais ça veut dire aussi, qu'il faudra faire en sorte que l'enfant adopté, si enfant adopté il y a, construise plus son lien avec le père non biologique de l'enfant né de GPA. Blblblblblblbl ! Il y a de quoi devenir chèvre ! Pourquoi on s'impose ça déjà ?
La discussion avec la présidente de l'EFA s'est conclu en nous laissant totalement perdu dans cette réflexion. Nous nous laissions alors quelques semaines pour nous fixer définitivement. Doit-on vraiment nous lancer dans une GPA ? Doit-on arrêter l'adoption ? Doit-on continuer le double processus mais sous quelles conditions ? Comme vous vous en doutez, nous avons opté pour le double processus. Et nous avons choisi de briser notre agrément lorsqu'on atteindrait les 3 mois de grossesse de notre mère porteuse. Aujourd'hui, tout est encore possible à ce niveau. Nous ne savons pas où nous en sommes dans la fil de l'adoption et la GPA peut nous réserver des surprises si les embryons ne tiennent pas du premier coup.
[La suite à "Pourquoi une GPA en Colombie ?" dans le prochain billet]
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