2 - Le Cheminement
Le Cheminement
Je vous disais précédemment, qu'on nous a souvent présenté le parcours de l'adoptant comme un cheminement. La première fois que j'ai entendu ce terme, j'ai eu du mal à saisir la raison de cette dénomination. Mais en réalité, il décrit très bien ce qu'est la démarche d'adoption et ce que vivent les adoptants. Il vient simplement du fait qu'on va devoir forger et reforger nos souhaits et nos désirs, qu'on va apprendre des choses sur nous-mêmes et sur les murs qui vont se dresser sur notre chemin.
Avant d'assister à la réunion, on avait une image en tête assez idyllique, totalement du registre du fantasme, mais qui nous avait vraiment touchée, une image qui nous venait de la série Six Feet Under : [SPOIL] dans les dernières saisons, le personnage homosexuel finit par adopter deux enfants, une fratrie, avec son compagnon et ils apprennent à vivre ensemble sur plusieurs épisodes. C'est vraiment poignant #LarmeALOeil. M'enfin, leur situation est bien différente, c'est plutôt de l'ordre du premier type d'adoption dont je parlais dans la partie 1.[/FIN SPOIL]
Mais voilà, il faut redescendre un peu sur terre et se mettre en route en se posant beaucoup beaucoup de questions qui sortent de l'ordinaire, qui sortent des questions que se posent un couple voulant des enfants biologiques. Des questions qui dans leur cas, d'ailleurs, pourraient passer pour de l'eugénisme.
Est-ce qu'on préfère avoir une fille ou un garçon ?
J'imagine que ça reste assez courant, qu'en tant que couple qui veut des enfants biologique, on se dise : j'aimerais avoir une fille, ou un garçon. Je module ma réflexion après l'intervention de free-Ghost : j'ai bien conscience qu'un.e enfant avec un sexe masculin n'est pas nécessairement un garçon et qu'un.e enfant avec un sexe féminin n'est pas nécessairement une fille, mais dans le cas de l'adoption, un couple peut vraiment demander à avoir plutôt un "garçon" ou une "fille". Dans la définition du sexe assignée à la naissance. C'est sûr que ça peut faire hérisser le poil. Dans notre envie d'enfants, en tout cas, ça n'a pas d'importance.
Dans quelle fourchette d'âges voulons nous un.e enfant ?
Oui, il est rare d'accoucher d'un.e enfant de 3 ans, haha. En adoption, généralement, plus l'enfant est âgé.e, plus iel traîne avec lui un bagage affectif compliqué. Ce n'est pas une règle générale, tous les enfants sont différent.es, mais c'est important de savoir qu'on augmente statistiquement les risques que la greffe ne se fasse pas. De notre côté, au commencement de notre projet, nous visions entre 3 et 6 ans.
Combien veut-on d'enfants d'un coup ?
Drôle de question, hein ? En réalité, on pensait postuler au départ pour un.e enfant. Mais la réunion d'informations nous a appris qu'un agrément correspondait à un projet. On peut choisir d'adopter une fratrie (ou une adelphie, si vous préférez le terme neutre).
Est-ce qu'on demandera à changer son prénom ?
Bonne question, dont je n'ai pas encore la réponse. Le changement de prénom peut avoir son importance si on considère qu'il peut être stigmatisant. Après, c'est très difficile à dire. Pour ma part, comme je n'ai aucun apriori sur les prénoms d'origine étrangère, je reste conscient qu'il peut être un frein dans la vie active. C'est une question vraiment complexe. Et puis, si l'enfant est déjà âgé.e de 6 ans, quel est l'intérêt de changer son prénom ? Pour marquer l'entrée dans sa nouvelle famille peut-être ? Pour l'aider à passer à autre chose ? Là aussi, je n'ai pas les réponses.
Est-ce qu'on accepte qu'iel soit d'Asie, d'Afrique, d'Amérique ou d'ailleurs ? Est-ce qu'on accepte qu'iel ait la peau d'une couleur différente de la nôtre ? Ou qu'iel soit typé.e autrement ?
Encore une question délicate qu'on doit se poser. Elle est valable qu'on adopte à l'étranger ou en France : les enfants mis.es à l'adoption ne sont clairement pas tous typé.es "Europe du Nord". Ce questionnement soulève l'importance qu'on porte au regard des autres, et notre capacité à le gérer. Mais surtout aussi, est-ce qu'on se sent capable d'imposer cette différence forcée à un.e enfant ? Cette question rejoint un peu aussi : Est-ce qu'on se sent capable d'imposer notre propre différence de parents homosexuels ? Personnellement, je n'ai rien contre ajouter cette différence supplémentaire. Je suis confiant en moi-même sur ce sujet, mais j'ai aussi peur que l'enfant en souffre. Que faire alors ? Je n'ai pas encore tranché.
Est-ce qu'on se sent capable de s'occuper d'un.e enfant à besoin spécifique ?
Je trouve cette question encore plus intime que celle de l'origine de l'enfant. Sommes-nous prêts à faire face à un handicape physique ou mental, ou à une maladie soignable ou non ? Il existe des tas de possibilités. C'est assez vertigineux d'y faire le tri et de se dire : non, je n'accepte pas ceci. Oui, j'accepte cela. J'imagine que les couples qui ont des enfants biologique se la pose aussi lorsqu'ils sont mis devant le fait accompli d'un problème avec un fœtus, ou même devant le fait accompli après l'accouchement. Que répondraient-ils ? J'imagine que tout le monde a sa propre réponse, et que tout le monde le vit différemment. Pour cette question, il ne faut pas forcer les choses en se disant : "Mais tout le monde va me prendre pour un monstre si je n'accepte pas d'avoir un.e enfant porteur.se du VIH, ou un.e enfant avec un bec-de-lièvre opérable, ou encore un.e enfant atteint.e d'autisme". La question tourne encore : sommes-nous prêts à ça ? Je ne sais pas, je ne pense pas, j'ai du mal à me projeter dans une famille comme celle-ci (tout dépend du degrés de complication à chaque fois), mais est-ce que des parents biologiques se sont vues un jour avoir une famille comme celle-ci ?
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Voilà donc le point de départ de tout ça, de notre cheminement. Après la réunion d'informations dont je vous parlerai dans la prochaine note, nous en étions à ce point précis : Nous voulions adopter une fratrie (qu'importe le sexe assignée à la naissance) entre 3 et 6 ans, en France ou à l'étranger, sans que l'enfant ne soit à besoin spécifique. En réalité, la fratrie est une forme de "besoin spécifique" à la base, mais je parle bien ici de soucis de santé.
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