Vous avez été (et serez encore sûrement) très nombreux à réagir sur le segment précédent. Tous les mythes adoptifs que je vous ai présentés étaient bel et bien des mythes, des clichés et aucun ne se voulait proposer une quelconque vérité. J'ai voulu distiller le doute pour vous forcer à y réfléchir, mais j'ai bien vite constaté que vous aviez vu clair dans mon petit jeu de filou démoniaque. Finalement, les réponses se sont dessinées dans vos commentaires. Ainsi, il ne me semble pas nécessaire d'aborder tous les points en détail. Je ferai seulement un retour rapide de ceux qui me semblent avoir besoin d'un minimum de précision, puis dans les prochains segment, nous reviendront sur notre parcours adoptif, notre second rendez-vous avec les travailleuses sociales.

Point 1 - La Préparation : tous les parents adoptant ne se lancent pas dans l'adoption avec la même préparation, mais il faut être conscient et apprendre à désapprendre, puis réapprendre, s'ouvrir à comprendre ce qu'est un.e enfant adopté.e et ce que cela engage comme différence vis-à-vis d'un.e enfant biologique. La préparation est une clef de la réussite.

Point 2 - L'Amour : Bien sûr, l'amour ne résout pas tout les problèmes. Mais, même si l'enfant ne témoigne pas d'amour dans un premier temps, c'est l'amour inconditionnel du/des parent.s qui permettra de construire une base stable sur laquelle grandir en toute confiance. Par amour, les parents devront aussi apprendre à lâcher la bride et à se faire aider : l'amour n'est pas la seul clef de la réussite, mais il est indispensable. Le docteur Michel Lemay disait : "Couvrir un.e enfant en blessure d'attachement de gestes d'amour en espérant le guérir est aussi absurde que de soigner un problème de foie en gavant le malade de gâteaux double chocolat. Il faut guérir les blessures autrement avant de lui faire goûter les joies du gâteau au chocolat". Les parents ne doivent pas étouffer l'enfant avec leur propre demande affective.

Point 4 - Un.e enfant adopté.e, un.e enfant comme les autres : Voilà une affirmation qui vous a visiblement embêtés, parce qu'elle se heurte à l'idée d'égalité, mais aussi à l'idée qu'il faudrait traiter un.e enfant adopté.e comme un enfant biologique. Bien sûr, dans le meilleur des mondes, il serait heureux d'avoir un mode d'emploi unique, qui n'est déjà pas unique entre deux enfants biologiques. Mais dans le cas d'un.e enfant adopté.e, nier cette différence serait nier le fait qu'iel a vécu un abandon (voire de multiples abandons) et parfois même de terribles traumatismes. Alors, revoyons la question : un.e enfant adopté. est-iel un enfant comme les autres ? Non. Il serait même toxique d'affirmer le contraire et les parents adoptifs doivent prendre en compte ce qu'on appelle la "Normalité Adoptive" : pour distinguer ce qui est un comportement classique d'un comportement problématique. Vous me direz qu'il existe des enfants adopté.e.s ne présentant aucun trouble du comportement, mais c'est tout aussi rare qu'un.e enfant adopté.e qu'il serait impossible d'apaiser. Lorsqu'on adopte, il faut être bien conscient que la boîte à outils pourrait aggraver la situation et l'équilibre de la famille. Un.e enfant adopté.e a généralement besoin d'une boîte à outils adaptée et d'un regard différent sur ses comportements pour pouvoir construire une relation saine.

Point 8 - La Charité et la Générosité : Vous avez été très surpris.es par ce mythe qui pourtant perdure et envenime les familles adoptantes. Imaginez : un inconnu vous arrête dans la rue alors que vous vous promenez avec votre enfant. Ce.tte dernier.ère a une différence adoptive visible (ex : vous êtes blanc.ches et votre enfant est noir.e). On vous félicite pour votre adoption. On vous dit de cet.te enfant qu'iel a eu de la chance. Qu'on espère qu'iel sera sage parce qu'iel a des parents qui ont eu le courage d'aller le.a chercher dans tel ou tel pays et qu'iels ont traversé vents et marées pour l'avoir. Est-ce que vous voyez le raisonnement toxique qui se profile à l'horizon ? La charité et la générosité sont de vieille idée qui pourrissent l'équilibre de la famille et mettent l'enfant dans une position intenable : "Ces gens ont été généreux et charitables. J'étais un.e pauvre enfant et iels ont bien voulu m'accueillir. Je leur dois beaucoup." En réalité, l'adoption est un acte bien plus égoïste que charitable. La grande majorité des gens qui adoptent sont des gens qui ne peuvent pas faire autrement. Bien sûr, il y a de la détermination pour arriver au bout du projet, mais ce sont les parents qui ont de la chance d'avoir cet.te enfant, pas l'inverse. L'enfant, lui.elle, a été courageux, solide, fort pour arriver vivant.e jusque-là !

Point 10 - La Déception : Lorsqu'on adopte, il peut s'avérer que dans les premiers jours ou les premières semaines, les parents ressent une forme de déception vis-à-vis de l'enfant qui vient de rejoindre le foyer. L'image qu'ils se faisaient de cette arrivée, de son comportement, de son physique, des barrières dressées par l'enfant se cogne à l'enfant réel. Cette déception n'est pas une fatalité et cette déception est surmontable. Ceux qui la vive ressentent parfois une profonde culpabilité lorsqu'elle leur tombe dessus. Il ne faut donc pas jouer avec ça : il faut réussir à s'en détacher pour l'empêcher de pourrir la relation naissante qui ne demande qu'à être stabilisée.

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Voilà, je pense avoir survoler rapidement les points qui me semblaient les plus ambiguës. En tout cas, si jamais vous voulez en lire davantage, je vous invite à bouquiner les livre "La Normalité Adoptive" écrit par Johanne Lemieux.