Chapitre 8- Eyle , Complot
Il faisait chaud.
Le soleil d'été venait taper sur ma tête et faisait dégouliner la transpiration de mon front.
La chaleur avait déjà eu raison des jardiniers qui étaient entrain de faire la récolte annuelle. Trois d'entre eux faisaient la sieste à l'ombre d'un arbre.
Les mouches qui flottaient au-dessus des paniers d'abricots s'envolèrent aux vibrations du carrosse. Il s'arrêta pile devant moi. Un pied en soulier noir apparut du véhicule.
- Je suis en nage ! déclara la voix.
Une dame aux habits sombres s'extirpa. Un éventail doré faisait le va-et-vient sur son visage, mais ne fit que brasser de l'air chaud.
Elle grimaça.
-Où est donc Waldot, dit-elle, mon fils ? Je viens de faire des kilomètres et il ne prend même pas la peine de voir sa pauvre mère ?
Elle se retourna vers moi et me toisa de haut en bas.
-Et vous, vous êtes ?
-Sa fille, madame, répondis-je. Du roi, je veux dire. Il m'a chargé de vous accompagner.
-Ah, oui, c'est vrai. J'ai entendu parler de toi. Ne m'appelle pas madame veux-tu ? Ça me rappelle que je ne suis plus toute jeune.
Je la conduisis au château en essayant de trouver quelque chose à dire. Rien ne vint. Elle me faisait l'effet d'avoir déjà vécu des centaines d'années, de connaitre la vie bien plus que je ne me l'imaginais. Tout n'avait plus aucun secret pour elle.
-Donc, où se trouve mon fils exactement ? demanda-t-elle en arrivant au château.
-Il sera pris toute la matinée, l'informai-je. Il reçoit le gouverneur du Marais.
Elle opina de la tête.
Un garde qui venait de prendre sa pose passa près de nous. Ma grand-mère l'intercepta :
-Rendez-vous utile mon mignon, montez-moi ça dans ma chambre, lui dit-elle en lui passant sa valise.
Elle ne prit même pas le temps d'attendre sa réponse et continua à marcher.
Je m'arrêtai brusquement.
-Attendez, vos appartements ne sont pas par ici.
-Je le sais, répondit la reine mère. Mais j'aimerai que nous discutions un peu.
Elle se dirigea vers l'aile sud. On passa par de nombreux couloirs, pour finalement atterrir devant pièce fermée à clef.
La mère du roi força la serrure.
Des lanières du passé hantaient les murs.
La pièce semblait être défoncée par endroits, les portes portaient des traces de griffures. Aucune lumière ne venait tacher le sol, qui paraissait couvert de traces difformes. Du sang. Les fenêtres et les portes étaient condamnées.
Elle referma derrière elle.
-Tu sais où nous sommes ? me dit-elle.
Je lui fis non de la tête.
-L'ancienne salle de bal. Le massacre des Lys, il y a une cinquantaine d'années. Des soldats du Cuntal sont arrivés, en pleine réception. Ton grand-père était parti à Selderos, pour obtenir la bénédiction du Grand Prêtre, il ne l'a appris que par la suite. Mais j'étais là moi. J'ai vu. Ces chiens du Cuntal ont étripés quiconque donnait une résistance. Puis ils nous ont enfermés pendant six jours. Le peu de nourriture qui nous restait avait disparu dès le premier jour. Toutes les personnes qui étaient dans cette salle n'avaient jamais connu la faim. Ce n'était qu'une rumeur pour eux, la faim, une illusion que donnaient les pauvres pour nous faire culpabiliser.
Elle marqua une pause. Une odeur de sang apparut dans mes narines, même si celle-ci datait de plusieurs années.
-Les gens sont devenus fous au deuxième, continua-t-elle. On a tenté de forcer les portes, les murs, n'importe quoi. On a même envisagé creuser un tunnel dans le sol. Par chance, nous étions en pleine hiver et de la neige s'infiltrait par le plafond. Nous ne sommes pas morts de soif. Mais les soldats n'allaient pas non plus nous tuer. On le savait. Jamais ils n'auraient pris la peine de nous passer sous l'épée, ça aurait été trop facile. Nous laisser crever de folie et de faim était ce que nous méritions.
L'ancienne reine rapprocha son visage du mien. Son souffle passait entre mes oreilles, résonnait sur les tapisseries accrochées aux parois.
-Finalement, reprit-elle, l'avant-garde a repris le château. Ton grand-père était arrivé quelques jours après. Mais la guerre était déclarée. Il avait eu la bénédiction du Grand-Prêtre.
- Que cherchez-vous à me dire ?
- Que les Cuntalais ne s'arrêterons pas à reprendre le Cuntal. Qu'ils viendront ici, piller et incendier le pays entier s'il le faut. Si nous laissons faire ton père, un autre massacre des Lys se produira. Jamais il n'aura la force de riposter. Il est trop faible. C'est son frère qui aurait dû être roi, pas lui. Mais Albin est mort et c'est Waldot qui a la couronne.
-Que voulez-vous que j'y fasse. C'est lui qui est assis sur le trône, pas moi.
-Allons, Eyle. Ne joue pas les saintes avec moi. Nous savons toute les deux de quoi je parle. Je sais que tu y as déjà pensé, si ce n'est au moins qu'une seule fois.
Je ne répondis rien. Bien sûr que j'y avais déjà pensé. Mais je voulais que le mot sorte de ses lèvres.
-Il doit mourir, lâcha-t-elle. Voilà. C'est dit. Je ne l'ai jamais aimé de toute façon. Il me dégoute, avec son air pathétique, à toujours chercher la paix où qu'il aille. Il n'est pas né pour gouverner, voilà tout. Il n'a pas ça dans le sang.
-Et qui vous fait dire que moi, je l'ai ? la questionnai-je.
-Oh, je ne sais pas si tu as ce don. Mais je sais que tu es prête à sacrifier n'importe quoi pour avoir ce qui t'arranges. Je te connais. Jusqu'à présent, tu cherchais juste une raison pour justifier le fait que tu doives le tuer. Seulement, je ne sais pas encore pourquoi. Mais peu importe, car crois-moi, il vaut mieux un monarque qui a du sang sur les mains qu'un roi qui a peur de son reflet.
Je partis m'isoler sur un fauteuil à demi-rembourré, pour pouvoir réfléchir sans que sa voix chevrotante vienne couvrir mes pensées. Des ressorts qui sortaient du vieux tissu rouge vinrent s'enfoncer dans mon dos.
Elle parlait de trahison. De tuer mon père.
Je relevai subitement la tête.
-Et mon frère ? lui dis-je, il passe avant moi. Même si le roi meurt, Lord Nox deviendra régent et, une fois en âge, il prendra sa place.
L'ancienne reine fut secouée de petits spasmes. Elle pleure ? Non...mais... elle rit !
Je me rapprochai d'elle.
-Vous trouvez ça drôle ?! Si nous n'arrêtons pas le roi, des milliers de personnes vont mourir à cause de son inertie !
Ma grand-mère réussit enfin à parler entre deux quintes de rires.
-Tu crois vraiment que je suis idiote à ce point ? J'ai toujours un coup d'avance. Jamais je ne serai venue te parler de trahison s'il y avait une alternative. Ceux qui pensent que cet enfant vient du roi sont des imbéciles. Le roi et son guérisseur pensent que c'est un miracle du Seigneur. Mais il a perdu la faculté de procréer il y a de cela dix ans. Personne à part moi et ses médecins ne l'a su. Pas même son épouse. L'enfant doit surement venir d'un de ces lords qui infestent le château. La reine et le roi ont menti, leur héritier est un mensonge.
Un mensonge, encore. Le monde ne pouvait-il pas être plus simple ? J'aurais dû m'en douter. La nouvelle avait paru trop subite, trop spontanée pour être vrai.
-Et comment procèderez-vous ?
- Comment procèderas-tu, tu veux dire. Je ferai partie des premiers à être suspectés, ce sera un fait. Tout le monde dans le royaume sait que je désavoue mon fils. Ils penseront que j'ai engagé un assassin. Pour tout te dire, ils m'ont même fouillé avant d'entrer. Une vraie humiliation. Non... il faut que ça soit toi. Le roi mourra dans son sommeil, fatigué par tous ses événements stressants. Ils penseront que c'est à cause de la santé fragile qu'il a toujours eu. Puis, quelques jours plus tard, la reine fera une fausse couche, suite au bouleversement qu'aura été la mort de son mari. Voilà ce que nous raconterons au gens.
Elle releva le jupon de sa robe et sortit sur le côté de sa botte une petite fiole. Elle me la fourra entre les mains, comme désireuse de s'en débarrasser.
Je la glissai discrètement entre les plis de ma robe verte, par réflexe. A quel moment en sommes-nous arrivés là ?
-Bon, déclara-t-elle, cela fait trop longtemps que nous avons disparu. Sors d'abord et part en direction de la Tour Est. Je te rejoindrai dans quelques minutes. Si on te pose des questions, dis que je suis partie aller voir la reine, pour prendre des nouvelles du bébé. Allez, maintenant pars !
Je m'enfuyais de la pièce sans me faire prier. Trop de cauchemars hantaient ce lieu. Les fantômes semblaient être dans l'air que vous respirez, venaient bloquer votre poitrine avec leurs tourments.
J'atteignis le bas des escaliers menant à ses appartements. J'attendis un peu, sans qu'elle apparaisse. Finalement je regagnais ma chambre loin des regards mauvais des gardes. Il y avait trop à faire, trop à penser.
J'atteignis mon lit et me lovai dans un coin, mon drap relevé jusqu'au menton. Je sortis la fiole. Le liquide qu'elle contenait était rose pâle, presque transparent. Je retirai le bouchon et sentis l'intérieur du récipient. Une vague odeur de sel vint frotter mes narines. Je rebouchai immédiatement. Dedans, se trouvait la fin d'un roi, le sommeil d'un père et peut-être, quelque part, une paix nouvelle.
De la mort en flacon.
Et voilà pour un huitième ^^
Ce chapitre se trouve à l'aube d'un tournant, où l'histoire prendra un aspect un peu plus sombre, plus soutenu. Vous pensez qu'Eyle le tuera ? Ou renoncera t-elle ?
A vous de me donner votre avis en commentaire !
N'oubliez surtout pas de voter, c'est super important pour le référencement de l'histoire ;)
Sur ces derniers mots je vous dis à la semaine prochaine, même jour !
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro