C'est alors que je vis une créature, assise, droite, les mains, comme liées. Elle ne portait qu'une simple robe que je devinai blanche de nature, déchirée,  sale et usée mais sans aucun pli, si bien qu'elle me parut de glace,  presque irréelle. De long9s cheveux noirs secs, noirs et crasseux  encadraient son visage amaigri.
   Je me décidai à aller chercher David et fis volte - face à la chose,  lorsque j'entendis un souffle  lointain et incompréhensible. Je me retournai furtivement et découvri avec terreur que les lèvres de la créature avaient formés un sourire horrible.
   Je remarquai alors ses yeux.
   Une lueur blanche émanait d'eux et on n'y distinguait ni leur pupille, ni leur iris, ni rien qui puisse appartenir au lexique du physique optique.

   Seulement deux globes lumineux et blafards.

   Je restai planté, là, le regard interrogateur, admirant avec effroi cette vision surnaturelle. Et, me ressaisissant,  je me dirigeai lentement vers l'escalier.
  Un deuxième murmure, plus distinct atteignit mes oreilles et je fus alors pris d'une peur incontrôlable.
   Je clignai lentement des yeux.
   Une goutte couleur rouge sang coula de sa bouche exsangue. Lentement. Le liquide visqueux laissa sa trace à la façon d'une limace écarlate, le long de son menton, avant de former à son extrémité, une goutte. Pétrifié ,  je la vis tomber au sol.
   Le silence était tel que je pus l'entendre éclater en un millier de petits fragments.
   Ce son fin et léger résonnait sourdement dans mes oreilles. J'étais à présent ankylosé.

Je regardais la chose.
En silence.
Elle ne bougeait pas.
Je ne bougeais pas.
Pas un bruit.
Pas un mot.
Je sentai mon coeur battre à cent à la seconde et je ne sus si je ne mourrais pas déjà  d'une crise cardiaque.
Un moment.
Un instant.
Une seconde.
Elle se leva sur ses jambes frêles et squelettiques.
Ma tension augmente. Mon organe cardiaque allait lâcher,  je le savais.
Elle laissa tomber ses bras fins et pâles  contre son flanc.
Une lame usée et rouillée dans sa main droite.
Si je ne mourrais pas maintenant, elle en prendrait la responsabilité.

J'allais mourir.

Maintenant.
Tout de suite.
De nouveau, mes yeux se fermirent.
Elle s'était approchée.

   Tout à coup, je ne sais pour qu'elle raison, les dernières images que j'avais de Jane me revinrent à l'esprit.
La dernière fois que j'ai vu ses grands yeux bleus, délavés,  pétillants de joie et de vivacité.
La dernière fois que j'ai senti la douceur de sa peau.
La dernière fois que ses seins sont venus se poser sur mon torse.
La dernière fois que j'ai entendu son rire clair.
La dernière fois que ses lèvres ont effleurés les miennes.
La dernière fois que son parfum rosé a effleuré mes narines.

La dernière fois que nous nous sommes dit "Au revoir ".

Tout me revient.

Les innombrables "Allô Jane? C'est Will'. Je m'inquiète. Enfin... bref... Rappelle moi vite, je t'en prie. ".
Les heures passées à me morfondre.
À relire nos dernières mails.
À tourner en rond dans le salon.

Et la lettre.

De son ravisseur.

   La créature leva son bras droit, me tirant de mes rêveries douloureuses.
   À ce moment précis, je désirais, du plus profond de mon être,  mourir.

Jane... Je t'aime.
Si tu savais comme je t'aime.
Si j'avais pu te le dire.
Excuse moi.
Je n'ai pas su te protéger.
Je vais te rejoindre à présent.
Et ce sera mieux.
Je serais enfin heureux.

"Jane Hadford".
Ce nom sera associé à celui de "perfection",  et "William Thauls" à celui de "passionné".

La lame s'abattit.
Sèche.
Rapide.

Je m'effondre.
Le sang coule.
Je souris.

   Durant le court instant précédent mon décès, je pus goûter à la jouissance obscure qu'a été la mort. Ce moment d'agonie entre la vie est l'inconnu.
   Le liquide écarlate quittait mon corps sur ma poitrine, mes mains , le sol. Je le sentais inonder et coller mes cheveux.

   Quitter ce monde où règne l'impuissance,  le désespoir et la cruauté m'a rempli d'un bonheur sans égal.

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N.B.: Si vous pouviez lire ce texte avec l'opéra joint ou un autre s'y rapprochant,  ce serait vraiment génial pour vous mettre dans l'ambiance. 😘