4. protection
Bonjour tout le monde! Je suis absolument désolée pour le retard, je m'étais fixée de publier tous les dimanches, et, techniquement, on est lundi! flute! J'espère néanmoins que cette (petite, je le sais) avancée dans la jeunesse d'Esme parviendra à me faire pardonner! :p Bonne lecture! <3
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Esme, 12 ans
Je peinai à reprendre ma respiration. Le coup que m'avait envoyé mon géniteur m'avait totalement sonnée, mais mes doigts restèrent fermement crochetés.
— Dylan, doucement avec la petite ! lâcha ma mère, exaspérée, avachie sur le canapé.
Il me secoua par les épaules en m'écrasant contre le frigo. Son haleine alcoolisée me donna la nausée.
— Avec quel fric tu t'es acheté ce putain de téléphone ?! s'époumona-t-il. Tu nous l'as piqué, c'est ça, petite voleuse !?
Je serrai les dents.
— Je l'ai trouvé, maugréai-je, emplie de rancœur et de désespoir.
— Mon cul, que tu l'as trouvé !
— C'est vrai !
Une nouvelle claque me réduisit au silence.
— Tu n'as qu'à nous le donner, on le vendra et on te filera un peu d'argent, sourit-il cruellement.
Connard !
— C'est le mien. Je le garde.
Mon calme, même angoissé, avait l'art d'enrager mes vieux. Mais je ne savais faire autrement. Impossible de m'emporter, impossible de leur montrer mes failles et d'exploser, de répandre ce que je gardais en-dedans. La jeune fille que j'étais alors en voulait déjà trop à ses parents, elle s'était totalement fermée à eux.
Dylan saisit mon poignet et le tordit si fort que je lâchai l'appareil. Seulement, je fus plus véloce et shootai dedans, avant de plonger au sol pour le récupérer. Il se rua sur moi, je l'esquivai de justesse avant de déguerpir sous les cris de ma mère.
Tout en dévalant les marches du perron, j'entendis Dylan me héler en me traitant des pires noms d'oiseaux. J'ignorai les badauds qui s'amusaient de ma situation. Sans veste, en short et chaussette, je courus dans la fraîcheur du crépuscule jusqu'au seul domicile où je me sentais en sécurité depuis deux mois. Mes mains tremblaient, mon poignet était douloureux, mais je composai l'unique numéro de mon répertoire.
Lorsqu'Abain ouvrit discrètement la porte, il fut médusé.
— Viens, entre sans bruit, ils sont tous au salon, chuchota-t-il.
— Abain ? Tu sors ? s'écria Geraldine Loretto.
— Non, m'man, t'inquiète, je monte dans ma chambre !
Nous glissâmes jusqu'à l'escalier pour nous faufiler dans sa tanière bien masculine, sobre et désordonnée, dans les tons de noir et de gris. Un seul petit lit était calé dans le coin de la chambre, à côté d'un bureau, d'une armoire et de quelques altères. C'était la première fois que je pénétrais dans son antre. D'habitude, nous nous retrouvions dans celle de Vita ou dans le salon avec le reste de la smala.
— Qu'est-ce qui t'est arrivé ? s'inquiéta-t-il en caressant l'hématome douloureux sur mon arcade.
— Aïe ! C'est... rien. C'est juste que... je ne savais pas trop où aller. Je... j'ai paniqué et...
Je peinais surtout à reprendre mon souffle.
— Je suis désolée... je n'aurais pas dû te déranger.
J'avais commis une erreur en courant jusque chez lui. Je ne voulais pas qu'il découvre... Mais il était bien trop tard et Abain en savait déjà long sur les Hynes. Un coup d'œil à ma tenue confirmait que je m'étais enfuie de chez moi.
Il grinça des dents.
— Esme... ce sont tes parents qui t'ont fait ça ?
Son doigt sur ma tempe était aussi menaçant qu'apaisant. Il le glissa le long de ma joue pour soulever mon menton.
— Regarde-moi, Esme. Dis-moi.
La mâchoire contractée, je désobéis. Je refusai de le mêler à mes problèmes, de susciter sa pitié.
— Personne ne m'a rien fait, je me suis cognée.
— Toute seule ? Tu me prends pour un con ?!
— Arrête de crier, tes parents vont t'entendre !
Il se renfrogna, sans abandonner pour autant.
— Tu vas m'expliquer ce qui s'est passé, Esme. Qui t'a frappée ?
Je soufflai, lasse, avant de me laisser choir sur le bord du lit.
— Je... Mes parents croient que je leur ai piqué du fric pour me payer le téléphone que tu m'as offert. Mon père a essayé de me l'arracher, mais j'ai pas cédé. J'ai trébuché et me suis cognée sur la tranche de la table. Voilà, tu sais tout, t'es content ?
Nous nous mesurions du regard un long moment. Sa colère augmenta quand il découvrit mon poignet foulé.
— Pourquoi tu ne l'as pas lâché, ce putain de téléphone ?
Parce que c'était la première fois qu'on m'offrait un cadeau depuis très longtemps.
— Tu me l'as offert, ça aurait été un manque de respect.
Il secoua la tête, frustré au plus haut point.
— T'es conne, Esme. Je t'en aurais donné un autre. C'est fonctionnel, c'est juste pour éviter de lancer des cailloux à ta fenêtre quand t'es pas devant l'entrée.
Je savais bien qu'il était remonté parce que je protégeais mes parents, il n'en restait pas moins que ses mots m'avaient blessée. Je n'en montrai rien.
C'est ce soir-là qu'il se présenta à eux, leur expliquant que quand je n'étais pas à la maison, c'était lui qui veillait sur moi, qu'il m'avait prêté ce portable au cas où, et que, de ce fait, il demeurait sa propriété.
***
Depuis qu'Abain m'avait publiquement prise sous son aile, je n'essuyais plus aucun commentaire désagréable. Ni à l'école ni dans le quartier. Je ne me leurrais pas, dans le regard des autres adolescents, et même des adultes, le mépris était palpable, néanmoins, ils se gardaient de m'en faire part.
Comme il traînait avec Diego et David, deux gros bras des bas-fonds, il se faisait respecter. Sans omettre que son caractère enjoué et bourré d'énergie lui attirait la sympathie générale. Il était populaire, décontracté, se prenait peu la tête, sans se laisser marcher sur les pieds pour autant. Évidemment, peu de filles résistaient à son charme, et ce, qu'importe leur âge.
Diego et David, je ne les aimais pas. Toujours derrière un coup foireux à les envoyer en détention de courte durée, ou en relation avec des plus gros trafiquants de la ville. Je ne les fréquentais pas, mais j'étais observatrice.
Un jour, j'osai dire à Abain qu'il ferait mieux de cesser de côtoyer ces bons à rien.
— Ce sont mes amis. Ne parle plus jamais comme ça d'eux, me répondit-il, menaçant, en me plaquant contre le mur de sa chambre.
Sa tentative d'intimidation fut totalement vaine.
— C'est comme ça que tu me défends, quand ils parlent d'Esme Hynes, la fille de la putain de SinderDale ? répartis-je avec un sourire narquois.
Première fois que je mentionnai ma réputation, il en fut décontenancé. Très vite, il se recomposa une sombre expression.
— Je leur dis que t'insulter reviendrait à injurier Vita, que, dorénavant, ils devaient te considérer comme faisant partie de ma famille.
À ces mots, ma poitrine se réchauffa. Mes joues s'empourprèrent soudainement, étirant ses commissures.
— Je t'embouche un coin, petite gitane !
— Tu t'attribues le beau rôle du grand frère ! Te servir de mon nom pour faire le malin, c'est petit !
Il éclata de ce fameux rire, celui qui lui creusait des fossettes. Qui était communicatif. Qui me donnait la joie de vivre.
— J'ai misé sur le bon cheval, tu ne peux pas m'en vouloir pour ça !
Je souris, me questionnant sur la route qui se traçait doucement devant moi. Grâce au destin, je fus la première personne qu'il avait rencontrée à SinderDale. J'ignorais totalement la raison pour laquelle je bénéficiais de son affection et de sa protection. Mais alors, peut-être n'étais-je pas vouée à croupir dans ce patelin, après tout. Ces derniers événements me redonnèrent l'espoir d'un futur meilleur. C'était un signe qui me donna la force d'avancer sans m'égarer, toujours tout droit, vers mon objectif de quitter ce nid poisseux.
Je sus bien plus tard qu'il les avait bien amochés, ces deux connards qui m'avaient insultée.
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