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3. Détonateur

Esme 24 ans

Trois heures du matin, après cent-vingt minutes de route exténuantes, me voilà devant la porte du taudis qui me sert d'appartement.

L'obscurité règne, mes mains tremblantes ont du mal à trouver mes fichues clés dans ma besace. Un craquement attire mon attention. Je pousse le battant et remarque avec effroi qu'il n'est pas verrouillé. Les dents serrées, je pénètre les lieux, renferme et enfonce la clé, mais le verrou ne fonctionne pas.

- Putain ! m'exclamé-je, à bout de nerfs, provoquant un petit cri d'effroi juste derrière moi.

Je me retourne d'un bond et découvre la petite silhouette de Jamal, debout au milieu du salon, en train de me scruter de ses grands yeux ensommeillés.

- Qu'est-ce que tu fais là ? Tu devrais être en train de dormir !

Bien que j'essaie de garder mon calme, mon énervement est palpable. Il voûte les épaules et me dit qu'il a faim.

Merde, je n'ai absolument pas la tête à lui préparer quoi que ce soit. La mâchoire serrée, je grogne :

- Où est ta mère ?

- Elle dort.

- Putain... (je m'adosse à la porte), putain... (glisse jusqu'au parquet abimé), putain !!

Les bras ballant, Jamal me dévisage. Je plonge ma tête derrière mes genoux repliés, l'entourant de mes bras. Ma poitrine me brûle tant je suffoque.

- Esme ?

Le petit s'approche, mais j'ai du mal à me contenir.

- Laisse-moi, Jamal. Va t'asseoir, je te prépare quelque chose dans cinq minutes.

Il reste là, inquiet.

Oh, et puis, peu importe. Une sensation de bile acide dans ma gorge m'empêche d'ajouter quoi que ce soit.

Il était là. Je n'ai pas rêvé !!

- Esme ?

La douce voix de Kalisha me met instantanément du baume au cœur.

- Ma chérie, qu'est-ce qu'il y a ?

- La serrure est cassée, je réponds d'une voix étranglée.

Circonspecte, elle ne dit rien durant un instant. Ma colocataire et amie n'est pas idiote, elle se doute qu'une telle broutille n'est pas la raison de mon état.

J'ai l'habitude de garder la face, de faire front quelle que soit la situation. Il n'est pas dans mes habitudes de montrer mes failles.

- Esme, ma belle, il va falloir qu'on cause. Va dans ta chambre pendant que je donne quelque chose à manger au petit, je te rejoins très vite.

Impossible de me lever, mon corps est trop lourd. Il pèse de poids de ma douleur, ma rancœur, de mon désarroi et de sa trahison.

- Il est vivant, Kalisha, lâché-je, la figure toujours enfouie. Il est vivant et ne veut pas me voir.

- Qu'est-ce que tu dis ? fait-elle en s'approchant.

- Ce connard est en vie ! Je l'ai vu ! Aujourd'hui, à la station !

- Seigneur...

Cette fois, elle s'accroupit pour mieux m'aider à me hisser.

Mon visage ruisselle, silencieux.

Elle me prend dans ses bras, cajolant mon dos pour m'apaiser.

- Va prendre une douche, tu en as besoin. Ensuite, raconte-moi tout...

Comme recommandé par Kalisha, je fuis sous le jet d'eau, y mêlant les larmes de ma déchirure, espérant qu'elles s'y noient et s'y tarissent. Mais si une douche avait pu colmater ce genre de fissure, voilà bien longtemps que tout irait pour le mieux. Tout au plus, elle camoufle mes cris de rage, que je laisse échapper pour me vider. Je martèle le mur carrelé, au risque d'y déloger un carreau branlant. Je n'ai plus que la notion de la félonie, ayant oublié celle du temps que le thermostat me rappelle. L'eau glacée me saisit, le choc parvient à calmer ma frénésie.

Ma colocataire m'appelle en chuchotant depuis le couloir.

Grelottante, je me drape dans une serviette rugueuse, en enroule une deuxième autour de mes cheveux que je n'ai même pas shampouinés, et me dirige comme un automate dans notre chambre commune.

Jamal est déjà couché dans le grand lit qu'il partage avec sa mère. Pour ma part, je m'affale et me recroqueville sur le matelas au sol, secouée par des sanglots silencieux.

Kalisha s'assied à côté de moi. Sa douce main caresse mon épaule en guise de réconfort.

Inutile.

- Qu'est-ce qui s'est passé ?

Entre mes reniflements, ma détresse, je lui conte l'événement de cet après-midi, aussi court que dévastateur.

-  J'y crois pas..., murmure-t-elle, abasourdie. Peut-être qu'il est enfin revenu ? Peut-être qu'il a été surpris ?

- Arrête ! Non il n'est pas revenu comme par magie ! J'ai appelé Jordan, qui s'occupe du service de nuit, et lui ai demandé de prendre le relais le temps que je me rende à SinderDale.

- À SinderDale ?!

- Il fallait que je voie les Loretto, que je sache ce qu'il en est !

- Mais... tu refuses de les contacter depuis que...

- Je sais ! Mais c'était plus fort que moi ! Il fallait que je leur demande !

Ça faisait une année entière que j'avais plus même appelé les Loretto. Impossible de leur faire face, après ce qui est arrivé il y a six ans. L'humiliation et la déception qu'éprouve ma famille de cœur est trop douloureuse à encaisser. Je les ai bravés il y a un an pour les mêmes raisons qui m'ont ramenée à eux ce soir, et une fois de plus, j'en ressors en lambeaux.

- Et alors ?

- Et alors, j'ai juste appris que depuis tout ce temps, Abain les avait recontactés une unique putain de fois pour leur dire de ne pas s'inquiéter, qu'il se portait à merveille, mais qu'il ne comptait pas revenir de sitôt !! Ils ne me l'ont jamais dit, ça !

- Il... ne leur a-t-il pas demandé après toi ?

-  Non ! haussé-je le ton, avant de fondre à nouveau.

Je déteste pleurer, merde !

Seulement, Kalisha est cette incarnation de la douceur qui ramollit la pierre de mon cœur.

- Je te l'avais dit... toutes ces années à t'inquiéter pour lui, à vivre avec des « et si »... Je t'avais dit qu'il était simplement parti. Il ne mérite pas ces larmes, ma chérie.

« Simplement parti... » Comment a-t-il pu seulement « simplement partir » et m'abandonner ?

J'ai tout imaginé, durant ces six années. D'abord, on m'a fait croire qu'il avait été incarcéré, ensuite, j'ai craint sa mort. Se sont ensuivis moult scénarii tous plus angoissants les uns que les autres. Enfin, quand j'ai rencontré Kalisha, que je lui ai parlé de mon âme sœur disparue, elle m'a apporté son point de vue extérieur : il avait déserté. Hypothèse la plus rassurante, mais aussi celle qui me blesse le plus. Pour elle, Abain n'est qu'un grand lâche qui manque de couilles.

Je connais Abain, du moins, je le pensais, et il ne correspondait pas à ce profil. Jusqu'à cet après-midi. Car même après ma première visite chez ses parents il y a un an, quand ils m'ont juste affirmé qu'il avait disparu sans laisser de trace, je n'ai jamais cessé de lui imaginer des excuses.

Non. Il m'avait aperçue aujourd'hui, et il m'avait ignorée avec brio.

J'en tremble de haine.

Le lendemain matin est difficile. Le réveil à six heures, pire encore. Sans rideaux, la lumière matinale est vite insupportable. Je roule sur le dos et plisse les paupières vers le plafond décati. Jamal ronfle. Kalisha l'enlace comme elle m'a bordée avant que je m'endorme.

Première image qui occupe mon esprit : Abain, dans sa foutue voiture accompagné de cette jolie femme que je n'ai pas eu le temps d'étudier.

La deuxième, le visage désolé de Geraldine Loretto quand elle m'apprit que son fils les avait bel et bien contactés, mais qu'elle n'avait aucune information me concernant.

Je prends une profonde inspiration, craignant de craquer à nouveau, mais il semblerait que le puits de mon chagrin se soit tari cette nuit.

Tant mieux, cependant, mon affliction demeure terrible.

- Bon, faut que je me bouge le cul !

Je me hisse sur mes deux jambes et rejoins la pièce de vie, pour me servir des Chocoflakes que je noie sous un demi-litre de yaourt maigre.

Je prépare le café et, en engloutissant mes céréales bourrées de sucres sur le canapé, je tente de mettre mes idées au clair au milieu du gourbi dans lequel je vis. L'espace est certes respectable pour trois personnes, mais nous ne disposons que d'une pièce regroupant salon et cuisine, et d'une seconde où nous dormons, avec évidemment cette salle de bains défraîchie rongée par l'humidité et la moisissure. Le plancher émet une horrible mélodie dès qu'on s'y meut, les murs qui jadis furent jaunes sont à présent grisâtres, constellés de renfoncements blancs, résultat des à-coups opérés par le temps. Heureusement qu'avec Jamal, on a refait la déco. Je l'ai aidé à dessiner assez (que ?) pour égayer cet espace désolant. Milles et une couleur ornent notre appartement, mais pour le canapé vert déglingué, il n'y a plus grand-chose à espérer.

J'ai galéré pour trouver cet endroit, m'étant rabattue à rechercher dans Hell's Garden South plutôt qu'en sa partie ouest, où, sans qu'elle ne soit totalement huppée, il fait bon vivre. Sans plus aucune économie, je dus me rabattre sur les refuges et les squats. Une période où j'envisageais sérieusement de retourner à SinderDale, ayant toutefois des sueurs froides à cette idée. Après avoir très vite trouvé un job dans un bar miteux, je pus me payer cette coloc avec une camée totalement à l'ouest. Cette bonne femme me faisait carrément flipper. Après cinq mois, Kalisha, mère de trente-cinq ans, put revenir à Hell's Garden. Il lui fallait un endroit sûr où se loger avec Jamal, j'ai alors fait une proposition à la toxicomane qui vivait avec moi. Tout ce qui me restait de mes économies, cash, immédiatement, pour qu'elle déserte les lieux et se trouve un autre trou. Je savais qu'elle ne vit à travers cette somme que le paradis de meth qu'elle allait s'enfiler incessamment sous peu. Mais j'en avais rien à faire, je voulais héberger mon amie et son fils, malgré l'état des lieux. Au moins, nous veillerions les uns sur les autres. Et c'est exactement ce qui se passe.

- Je ne comprends absolument pas comment tu fais pour t'enfiler un truc pareil !

Je me tourne vers Kalisha et son éternel air dégoûté à me voir manger le même petit-déjeuner que son fils.

Même au réveil, elle est jolie à faire tomber les cœurs. Une peau d'ébène sans défaut, des yeux de biches, un sourire lumineux, et des cheveux (dont j'ignore la provenance) qui ondulent souplement sur ses épaules. J'envie également son corps : malgré une grossesse de vingt kilos, sa peau est ferme et sa silhouette dynamique, et ce, même si elle ne manque pas de carrure. Dans tous les cas, son charme opère sur la gent masculine autant que sur les femmes.

- Faut s'y habituer. Après, je t'assure, délicieux !

Elle lève les yeux au ciel et vient s'asseoir à côté de moi.

- J'ai préparé le jus de chaussette.

- Merci, dit-elle sans y prêter la moindre attention. Comment tu vas, toi ?

Je fronce les sourcils en déglutissant.

- Mal.

Elle soupire, un sourire dépité aux lèvres.

- Après mon service, je dois passer chez Shawn. J'en profiterai pour faire un saut chez Chanise et faire notre shopping mensuel. Je te choisirai des merveilles qui te remonteront le moral.

Chanise de son nom est la plus jeune sœur de Kalisha. Elle travaille dans un outlet de diverses marques et récupère toujours les invendus que mon amie collecte à son tour. Entre Zara, Gucci, H&M, Abercrombie, Topman, et j'en passe, on s'en sort comme on peut.

Résultat des courses, on vit dans un appart' de merde, on s'empiffre de pâtes et de riz, on trime comme des malades, moi à la station-service, elle, comme technicienne de surface chez Wendy's, mais notre étagère déborde de fringue qui coûtent parfois plus cher que notre salaire. C'est le petit plaisir que l'on s'octroie mensuellement.

Cependant, ce n'est pas ce qui retient mon attention. Elle a parlé de Shawn, un sujet qui me hérisse le poil.

- Pourquoi tu vas voir cette enflure ?

Son visage doux se voile de lassitude.

- Il m'a appelée hier. Il semblait clean et voulait discuter de Jamal.

Mon cœur se serre.

- Tu y vas avec le petit ?

Elle hausse les épaules.

- Pas le choix, on est samedi, j'ai personne pour le garder.

- Dépose-le à la station ! contrecarré-je, paniquée. Vaut mieux ça que de l'emmener chez son camé de père !

Elle m'observe, perplexe. Sa posture s'est entassée, comme à chaque fois qu'il s'agit de Shawn.

- Je... je ne sais pas... j'ai peur, Esme.

Je pose mon bol vidé sur la table basse et enveloppe sa main trémulant dans les miennes.

- Il pourrait nous trouver et semer la zizanie. Tu sais comment il est.

- Je l'ai remarqué à tes bleus, quand t'es allée chercher ton fils, oui ! sifflé-je, en colère.

Un homme, un père violent, ça ne passe pas avec moi. Elle le sait, et elle sait que je serai intransigeante à son sujet.

- Tu n'emmènes pas Jamal, c'est de la folie. Il va tenter de le récupérer, comme à chaque fois.

Elle plonge la tête entre ses paumes, soupire à pierre fendre.

- C'est son père, et Jamal lui-même me demande après lui.

- Tu te souviens du spectacle auquel tu as assisté quand tu es rentrée chez toi, après six mois d'absence ? Moi je me rappelle parfaitement ce que tu m'as décrit ! La came traînant sur la table du salon, ton mec en loque, une pute à poil à chaque bras, et ton fils de neuf ans occupé à jouer avec la cuillère qui a servi à droguer Shaun.

Cette fois, ma voix tonne. J'ignore quelle forme de complicité s'est développée entre le fils et son père, et je ne parviens peut-être pas à la comprendre, mais il ne peut décemment pas vivre dans un tel environnement.

- Tu ne devrais même pas lui accorder une minute de ton temps si précieux, Lisha !

Elle prend une profonde inspiration et incurve les lèvres.

- Et s'il finit par découvrir notre adresse et qu'il débarque dans l'appartement, on lui botte le cul ?

Je ricane.

- Et comment ! Je m'occuperai de lui faire sniffer ses couilles, sûre que ça déglinguerait son cerveau au même titre que la merde qu'il s'envoie.

Elle pouffe ostensiblement, libérant la tension qu'elle cumulait certainement depuis l'appel de cette pourriture.

- Malheureusement, j'y suis passée, et je t'assure que si ça fait l'effet d'une drogue, ça agit autrement sur la libido.

- Oh, tais-toi, tu me dégoûtes, grimaçai-je en me levant puis en m'étirant.

Je peux bien lui concéder que ce Shawn de mes deux est canon, ultra hot, et également super baraqué, ce qui rend notre résolution totalement irréalisable. Ce connard serait capable de nous encastrer toutes les deux en même temps dans le mur frangible de notre tanière.

Elle se lève également pour me faire un câlin, me ramenant à ma propre situation.

Bien, j'ai du mal à respirer, mes entrailles me brûlent encore, mais j'ai un service à reprendre et une station essence à faire tourner. Ce salaud d'Abain se porte à merveille ? Grand bien lui fasse. Il se pavane en Mercedes grand luxe aux côtés d'une jolie fille, tant mieux pour lui ! songé-je, l'estomac noué. Pour moi, la vie continue, et ce n'est pas pour ce traître que je vais replonger dans mes galères !

Je me suis répété ça des matins et des matins. Des jours entiers qui ont passé, qui m'ont vue perdre du poids, fuir cet appartement trop étriqué, pas assez intime, pour me laisser aller à déprimer sans que personne ne cherche à interférer. Les semaines passent et je coule, je coule comme la pluie triste d'un ciel gris, mais aussi comme de l'or qu'on chauffe à blanc, sans qu'aucun moule ne le retienne, ne lui donne forme. Bouillant, liquide, mais puissant. Comme ma colère. Que puis-je en faire ? Je n'ai aucune information concernant celui qui la génère.

Alors, comme pour tout dans ma vie, je fais avec.

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