Chapitre 97
Plume malachite, plume malachite,
Éclatées contre le quartz,
Mes certitudes imaginaires.
Je n'ose pas regarder Gauthier en face.
J'étais trop occupée par notre jeu de séduction pour penser aux conséquences sur cette stupide connexion qui me lie à Aloïs. Il est affecté par mes agissements, forcément, et c'est difficile de l'en blâmer : j'aurais réagi pareil, à sa place.
Mais de là à mentir...
Je revois la gêne et l'étincelle qui s'est éteinte dans ses yeux lorsque je lui ai confirmé ce qu'il soupçonnait déjà : mon attachement profond pour un autre que celui qui devrait m'être destiné au nom de je ne sais quelle croyance mystique.
Il doit être meurtri, blessé en plein cœur.
Ce phénomène d'âmes sœurs peut causer de sérieux dommages, et ce n'est qu'aujourd'hui que je commence à m'en rendre compte.
Les Saphirs sont tellement sincères que se détourner de la vérité, c'est un acte contre nature, pour eux, et voilà qu'Aloïs le fait dans le but de m'éloigner du Diamant, qu'il perçoit à coup sûr comme un « rival » !
Et dire que cette confiance mutuelle qui s'est installée entre lui et moi est remise en question à cause de ce qu'il a pu voir ou entendre... Était-il là, tout à l'heure, lorsque j'étais avec Gauthier ? J'étais pourtant persuadée que nous étions seuls.
— Rubis ?
Une voix angoissée interrompt le fil de mes pensées.
C'est Aloïs, justement.
Agacée, je me tourne vers lui, n'osant toujours pas croire qu'il ait pu me mentir. Jusqu'à aujourd'hui, je n'aurais jamais cru ça possible. La preuve qu'on se trompe souvent sur les gens.
— Je suis désolé, pour tout à l'heure. Je me suis trompé et je t'ai indiqué la mauvaise direction.
— C'est ce que j'ai pu constater, en effet.
Il a l'opportunité d'arranger la situation en m'avouant une bonne fois pour toutes ce qu'il a sur le cœur, mais il ne la saisit pas.
Bon sang, pourquoi s'enfonce-t-il dans son mensonge ?
Il jette un coup d'œil au Diamant, qui le fixe de ses prunelles redevenues sombres. Je ne suis pas la seule à avoir compris son malaise. L'air est chargé d'électricité, comme si l'un de nous trois s'apprêtait à éclater d'un instant à l'autre. Pour calmer le jeu, je déclare d'une voix que je veux apaisante :
— Ça arrive, parfois. Tout le monde a le droit à l'erreur, n'est-ce pas ?
Il comprend le sous-entendu et tourne les talons, me laissant seule avec son ennemi. À défaut de les éviter, je parviens à éloigner les ennuis... au sens littéral du terme.
— Je ferais mieux de te laisser, j'ai des cours à réviser, soupiré-je en me tournant vers Gauthier, totalement dépassée par la situation.
— Je ne peux pas venir avec toi ?
Son sourire – irrésistible, il faut le dire – me fait hésiter une seconde, mais je tiens bon. Pas question de louper mes examens de fin d'année à cause de lui !
— C'est tentant, mais ça ne m'aidera certainement pas à travailler.
— Et pourquoi donc ?
À nouveau, mon corps m'alerte de la soudaine proximité qui s'est installée entre le Diamant et moi. En prenant conscience que d'autres élèves gravitent autour de nous, ma main le repousse par automatisme. Notre relation nous a déjà attiré assez d'ennuis pour la journée...
— Tu me déconcentres. J'ai une fâcheuse tendance à divaguer lorsque tu es dans les parages, tu le sais bien !
Même s'il n'obtient pas gain de cause, ma réponse semble le satisfaire... pour l'instant. Il me gratifie d'un sourire espiègle et m'offre un clin d'œil avant de disparaître. En revenant au dortoir, je me concentre sur mon rythme cardiaque, parfaitement irrégulier.
Il subit trop d'interférences, ces temps-ci.
Sans grande surprise, je découvre un message de Gaby sur mon portable – je vais finir par devenir devin, à force de capter toutes ces ondes.
Soit elle est tombée sous le charme de Monsieur Jaffrès et a besoin de moi pour concocter un philtre d'amour, soit elle est au courant pour ma réconciliation expresse avec Gauthier et trépigne d'impatience à l'idée de me transformer en escargot baveux pour la fin de mes jours.
Rendez-vous à 18h sous le vieux chêne du lac d'Argent.
Déclarative, la phrase de l'Émeraude n'attend pas de réponse. Elle ne fait que m'inquiéter davantage, surtout que je ne peux pas me défiler. Si je ne viens pas, je risque de passer un sale quart d'heure.
Dommage ! Je me serais bien laissé tenter par une petite escapade nocturne...
💎💎💎
L'après-midi tourne autour de révisions concernant les duels de magie de vendredi.
Il faut tout maîtriser : les incantations, les malédictions... un véritable enfer scolaire ! Je suis bien consciente que la chance joue un rôle important dans cette épreuve : je peux aussi bien tomber sur un L1 qu'un L3 Rubis, Émeraude, Diamant ou Saphir.
Le professeur en charge de l'organisation – Madame Jacolot, a priori – suspendra une photo de chaque participant au plafond avant le début de la compétition. Les perdants verront la leur se désagréger au fil des combats, jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'un seul cliché.
Des notes seront distribuées à l'issue des épreuves en fonction de plusieurs critères : la réactivité, la qualité des sorts lancés, ou l'innovation des enchantements proposés.
Ce rituel de fin d'année constitue avant tout un spectacle et cette fois, même les novices vont y prendre part.
💎💎💎
Peu avant 18h, la porte de ma chambre grince, bientôt suivie d'un ronronnement.
— Céleste, je t'ai dit que je révisais...
Lorsque je me retourne, mes yeux se posent sur un chat blanc qui commence à m'être familier.
— On me surveille, maintenant ?
N'empêche que si Gauthier ne s'était pas matérialisé sous sa forme animale, j'aurais complètement oublié l'assemblée organisée par Gaby.
Sans attendre de réponse, je file dans la salle de bain et troque ma robe bleue en flanelle contre un ensemble noir plus pratique.
Depuis la découverte de la pierre rouge, nous nous préparons à faire face à toute possibilité, encore plus si elle comprend les mots « fuite » et « immédiatement ».
Et puis, le noir reste un bon moyen de me camoufler dans la nuit, même si la tâche s'avère difficile avec mes cheveux rouges.
Quand j'ai fini, je découvre Gauthier – l'homme, cette fois – tranquillement installé sur mon lit. Passé l'étonnement de le découvrir ici sous sa forme humaine, je m'interroge. Il n'y a pas de vêtements masculins dans ma chambre ou celle d'Alix.
— Je n'aurais jamais pensé que mes notions d'escalade me serviraient un jour, mais je suis bien content que ma mère m'ait contraint à m'y inscrire quand j'étais petit.
Il se tourne vers moi en souriant, visiblement très fier de lui. Je cherche désespérément une réaction appropriée à sa nouvelle folie, en vain.
— Qu'est-ce que tu as ? Un autre élixir de stupidité ? Dois-je appeler Aloïs pour t'emmener faire un tour à l'infirmerie ?
— Sans façon, merci. Ce doit être ton look de fugitive qui me fait cet effet. Il me donnerait envie de te suivre au bout du monde, si j'étais un romantique parfaitement niais.
Mes joues rosissent sous le compliment. Une habitude qui tend à se confirmer, avec Gauthier.
Autant plonger la tête la première dans une mer de papillons, j'aurais moins de risques de me fouler la cheville.
Lorsque je me lève pour aller rabaisser le loquet du volet, les mains du Diamant se posent sur ma taille, m'attirant contre lui. Ce contact est si grisant qu'il me paralyse tout entière : c'est mon cœur qui est la source de ce court-circuit général. Il m'empêche de raisonner correctement. L'électricité statique qui règne dans la pièce m'étourdit davantage de seconde en seconde, jusqu'à ce que...
— Ça te dirait de sécher cette stupide réunion ?
— Vu notre remarquable absence au dernier sabbat, ça m'étonnerait que Gaby accepte un nouvel écart de notre part.
Par automatisme, je me mords les lèvres. Lui laisse échapper un petit rire. Il s'approche et murmure suavement :
— Tu voudrais venir avec moi ? Il se trouve que j'ai un autre rendez-vous de prévu. On n'aura qu'à lui dire... que c'était trop important pour qu'on puisse l'annuler à la dernière minute.
Une nouvelle aventure Gaubis, ça vous dit ? 👀
– 🥰
– 🙅♀️
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