Chapitre 121
— On a trois objectifs : s'amuser, profiter et guetter.
— Guetter ? répète Ambroise en pénétrant dans la chambre à la recherche d'Émilie.
— Nomis et ses sbires, bien sûr, mais aussi les sorciers avec qui on pourrait passer un bon moment. Ne me regarde pas comme ça ! Je ne suis pas en couple, moi !
— Pardon, Gaby. Je ne crois pas être concerné par cette discussion des plus croustillantes. Je t'attends dehors, Em'.
Et se faisant, il s'approche de sa dulcinée et lui glisse quelques mots à l'oreille. La Saphir se transforme en véritable tomate, le pédoncule en moins. Elle nous fait un petit signe avant de l'entraîner vers la sortie.
— Ça vaut au moins un neuf, déclare Gaby, sûre d'elle.
— Un dix, tu veux dire, rectifie Alix.
— Un dix ?
Elles m'observent une seconde, désespérées, jusqu'à ce que l'Émeraude se décide à m'expliquer :
— Un dix sur l'échelle des petits amis les plus parfaits au monde.
— Tu n'en as pas besoin, toi. Tu as déjà trouvé le prince charmant.
— Je ne suis pas sûre que Gauthier soit...
— ... si chanceux que ça ? m'interrompt Aloïs en faisant irruption dans la pièce. Crois-moi, il l'est.
Et il accompagne sa remarque d'un regard appuyé sur mon dos nu, ce qui provoque mon embarras.
Depuis l'épisode de la pierre bleue et la dispute qui s'en est suivie, je ne sais plus quoi penser de notre relation. J'ai l'impression que ce n'est pas toujours son côté amical qui ressort lorsqu'il est avec moi, mais je ne vais pas le perdre pour quelque chose d'aussi futile que des sentiments !
Je fais mine de ne pas prêter attention à sa remarque. Évitons de gâcher la soirée avant même qu'elle ait commencée.
Le Saphir au torse nu et à la queue de poisson accompagne galamment Gaby, déguisée en Cléopâtre, et Alix – ou devrais-je dire Aphrodite – à l'extérieur, où le coup d'envoi des festivités va être lancé.
De mon côté, je sors mon téléphone de ma pochette imitation poussière de fées et expédie un rapide message à Gauthier, avant de me diriger vers l'aile est du bâtiment.
Phase A : enclenchée.
Comme convenu, Aaron m'y attend. Il me fait un signe de la tête et part sur la gauche sans rien dire, tandis que je prends la direction opposée.
Évidemment, il a délibérément choisi de ne pas porter de costume. Si j'en crois ses dires, il n'a pas besoin d'incarner une quelconque divinité puisqu'il est – je cite – « un Dieu vivant à lui tout seul ».
C'est rassurant de voir que certaines personnes ne changeront jamais...
Lorsque je m'engouffre à l'extérieur, Monsieur Jaffrès a déjà entamé son discours. Talesia tout entier s'est réuni autour de lui, buvant littéralement ses paroles.
Parfait. C'est maintenant ou jamais.
Je sors une mystérieuse poudre blanche de mon sac, que je répands soigneusement autour des jardins des Émeraudes en veillant à ce que personne ne me surprenne.
Après ça, je retrouve Aaron adossé au tronc d'un arbre ; il m'attend visiblement depuis un moment. Ses cheveux de bronze flottent négligemment autour de son visage recouvert de signes quantiques propres à sa matière préférée, la Magie noire.
Les profs ont décidé de lui forcer la main pour qu'il se déguise, on dirait.
Malgré l'obscurité, je sens son regard posé sur moi.
Un brin gênée, je ramène mes cheveux sur mon décolleté, décidément trop osé pour que je l'assume complètement. Des filaments incandescents s'échappent de ma poitrine et remontent jusqu'à mon cou : ils sont si fins que le tissu semble s'effiler en étincelles lorsqu'il atteint ma jugulaire. Le bustier blanc incrusté de rubis m'a littéralement hypnotisée quand je l'ai achevé ce matin.
Sans magie, il aurait fallu des centaines d'heures de travail pour y apporter la touche finale.
Mes escarpins du premier sabbat, recyclés pour l'occasion, sont cachés derrière une longue traînée de soie partant d'un ruban doré entourant ma taille, jusqu'à atteindre le sol en une cascade de rouge et de blanc.
J'aurais tellement aimé voir Céleste, la première sorcière au monde, la porter... Il n'y a qu'à une Déesse que cette robe peut aller.
Quoi que je fasse, je ne pourrai jamais en être digne.
Aaron ne dit rien, absorbé par sa contemplation du chef-d'œuvre. Je peux remercier Alix pour ça. Sans elle, la jupe ne serait même pas terminée.
— Tu ne t'es pas foulé, commenté-je en faisant un pas dans sa direction.
— C'est déjà pas mal que je sois venu, non ?
— On aurait très bien pu le faire sans toi, tu sais.
— Non. Gauthier a besoin de son vieux pote, au cas où...
— Au cas où ça tourne mal ?
— On n'est jamais trop d'anciens sbires de Nomis lorsqu'il s'agit de l'affronter.
Je suis parcourue d'un frisson, sûrement dû au vent. L'entendre mentionner un lien – même passé – entre lui et le maître de la Confrérie des Ombres quelques minutes avant le début de la soirée est loin d'être rassurant.
Même s'il s'est montré plutôt coopératif ces derniers jours, il existe toujours un risque avec Aaron. Le problème, c'est qu'on ne parvient jamais vraiment à le mesurer.
— Que tu le veuilles ou non, ton chéri aussi a été son larbin.
— Contrairement à toi, ça m'étonnerait qu'il ait répondu au moindre de ses caprices.
— Tu veux rire ? Il lui était carrément asservi ! Au début, on a même cru qu'il était envoûté tellement il planait.
— Si tu veux mon avis, c'est plutôt dû au traumatisme que lui a causé Nomis.
— Ce type est de ta famille, tu as oublié ?
Ma mâchoire se serre d'elle-même. Pas besoin qu'on me rappelle mon lien de parenté avec lui. Il me dégoûte assez comme ça.
— Arrête ! Ça me rend déjà assez malade de me dire qu'on partage le même sang.
— Excuse-moi.
Je lève les yeux vers lui, étonnée par sa sincérité – ou son jeu d'acteur, tout dépend.
— Quoi ? Je n'ai pas le droit d'être gentil, pour une fois ?
— Si, bien sûr, mais tu ne m'en voudras pas si je trouve ça plutôt inhabituel, venant de toi.
— On va dire que c'est ta clique qui influe sur moi, OK ? Rien ne va plus : je deviens niais.
— Tu peux partir, si ça ne te plaît pas.
— Un engagement est un engagement. En plus...
— En plus ?
— J'ai une revanche à prendre sur Nomis, moi aussi.
— C'est-à-dire ?
— Parce que tu t'intéresses à mon histoire, maintenant ? Moi qui croyais que tu me détestais ! Nuance : que tu me haïssais.
— Quitte à devoir attendre un quart d'heure ici en étant coincée avec toi, autant s'occuper, non ?
— Mouais...
— Mouais quoi ?
— Mouais rien.
— Vas-y, dis-le, m'agacé-je.
— Non.
— Pourquoi ?
— ...
— Aaron !
— Quoi ?
— Tu sais que si tu ne parles pas, ça ne va pas nous avancer à grand-chose.
Pas la peine de préciser que je déteste les conversations dénuées d'intérêt comme celle-ci. Heureusement pour moi, le Diamant prend finalement une grande inspiration avant de lancer d'un air désinvolte :
— Avec moi non plus, Nomis n'a pas été tendre.
— Je t'en prie, développe.
— Tu veux vraiment connaître les détails ?
Rubis en apprendra-t-elle plus sur Gauthier grâce à Aaron ? 🤔
– 👍
– 👎
Aaron, justement : comment le percevez-vous ? Vous le détestez toujours autant ? 😂
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro