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Chapitre 118

— Je suis en couple avec lui. Ça ne te semble pas suffisant, comme preuve ?

— J'espérais que ce soit passager...

— Passager ? Parce que tu crois que je suis le genre de fille à me taper deux mecs par semaine ?

— Ce n'est pas ce que je voulais dire, Rubis.

— Tu voulais dire quoi, alors ? Vas-y, je t'écoute.

— Qu'est-ce que tu crois ? Moi aussi, j'ai des sentiments ! C'est peut-être mon imagination qui m'a joué des tours, mais pendant un moment, j'ai cru que nous étions trop proches pour être de simples amis.

— Tu te trompais, répliqué-je sèchement. Il n'y a jamais eu autre chose que de l'amitié entre nous. Pas de mon côté, en tout cas.

— Du mien, si. Je ne comprends pas ce que tu es partie faire avec Gauthier. Il n'est pas assez bien pour toi.

Mais c'est qu'il insiste, en plus ! Cette fois, il dépasse clairement les bornes.

— Je suis encore capable de distinguer ce qui est bien de ce qui ne l'est pas, merci.

Et sans attendre de réponse, je tourne les talons, furieuse. Inutile d'essayer de dialoguer avec lui si c'est pour qu'il réagisse de la sorte !

💎💎💎

Quand j'annonce être maudite, lors de notre réunion semi-mensuelle, tout le monde se propose pour m'aider. Gauthier met au point un plan pour l'Esbat avec Gaby, Alix et Em' tandis qu'Ambroise me jette des sorts classiques connus pour rompre des maléfices, sans succès.

Aloïs, lui, est absent. D'étranges migraines l'assaillent chaque fois qu'il doit rejoindre le groupe.

La journée se déroule normalement. Trop, sans doute. Je regarde avec envie mes camarades s'exercer aux duels de magie, quand ils ne sont pas occupés à réviser leurs formules.

Curieusement, Gauthier reste loin de moi.

Peut-être qu'il a entendu mon échange avec Aloïs et qu'il ne veut pas me chambouler davantage...

Ou peut-être pas.

💎💎💎

Le jour J est enfin arrivé !

À mon réveil, je découvre un nombre considérable de L1 attroupés devant l'entrée du pôle pédagogique. Ils attendent impatiemment de fouler l'herbe rouge pour obtenir les meilleures places avant le début des combats.

La veille, une enveloppe a été déposée sur nos tables de chevet pour nous informer que contrairement à ce qui avait été indiqué par le doyen, aucun d'entre nous ne participerait aux duels cette année, à cause de la menace qui plane sur Talesia.

Mouais... C'est surtout une excuse pour camoufler le fait qu'une Rubis ne peut pas se battre parce qu'elle est maudite.

Point positif : les examens – et les révisions ! – sont terminés pour nous. Comme Gaby, Aloïs, Em', Alix, Ambroise et moi nous sommes levés tôt, nous bénéficions des meilleures places. Avec ça, nous n'avons plus aucune excuse pour ne pas encourager Gauthier !

Je profite de l'attente pour questionner Gaby sur l'état de son lien avec Nomis. À chaque fois que j'ai voulu lui en parler, quelqu'un a toujours trouvé le moyen de nous interrompre.

— Ça va mieux, me rassure-t-elle. Madame Veinwic n'a pas pu m'aider, mais le conseil d'Aaron n'était pas bidon, pour une fois. Je fais l'effort de méditer quelques minutes tous les soirs avant de dormir, pour me vider la tête. Neuf fois sur dix, Nomis me laisse tranquille.

— Et quand ça ne fonctionne pas ?

— Je prends mon mal en patience en attendant que ça passe. Comme une migraine, tu vois.

Je suis toujours sceptique, mais l'Émeraude paraît réellement aller mieux. Et puis, si Nomis comptait vraiment sur ce lien, il s'en serait servi, depuis le temps. Pas vrai ?

J'aurais bien pris quelques minutes de plus pour y réfléchir, mais Monsieur Jaffrès s'apprête à donner le coup d'envoi.

Dès le début du tournoi, Gauthier fait preuve d'une efficacité redoutable face à ses adversaires. Il les met au tapis sans grand problème et se défend intelligemment.

Malgré son air faussement enjoué, il paraît anxieux et ses traits tirés confirment mon impression : quelque chose le perturbe.

J'en parle à Gaby, qui m'avoue qu'elle ne le trouve pas en grande forme. Une petite heure seulement après son premier affrontement, il se qualifie pourtant pour les quarts de finale.

Là encore, il brille par son talent face à un L3 tout ce qu'il y a de plus robuste. Il l'était, avant que mon petit ami divise la taille de ses muscles par deux à l'aide d'un sort habituellement réservé aux régimes.

C'est astucieux !

En demi-finale, toute la salle retient son souffle. Le match entre le jeune homme et son concurrent est serré.

De l'autre côté du terrain, Aaron évince rapidement et sans aucune difficulté apparente un autre L2 miraculeusement arrivé jusqu'ici.

Après une lutte acharnée, notre chouchou remporte la partie et se retrouve face à son confrère de toujours. On ne pouvait décidément pas rêver mieux... ou pire.

Je lui crie des mots d'encouragement depuis les tribunes, sans être certaine qu'il les entende. Face à ma mine déconfite, Aloïs prononce un sort quelconque et le visage de Gauthier s'illumine. Il m'offre son fameux demi-sourire et se redresse, galvanisé.

La battle de Diamants peut commencer.

J'adresse un signe de remerciement au Saphir, touchée par son geste. Il a peut-être entaché notre amitié, mais il veut se racheter et j'apprécie ses efforts.

Cette fois, c'est Monsieur Jaffrès en personne qui lance le match. Aaron se précipite sur Gauthier pour lui jeter un sort d'immobilité partielle, mais il se fige en pleine action.

Son adversaire a anticipé ses mouvements ! Il enchaîne avec un sort de confusion qu'Aaron parvient à défaire avant de lui lancer une formule de magie noire quelconque. Gauthier est cloué au sol, se tordant de douleur sous l'herbe rouge.

C'est à là que commencent réellement les hostilités entre le Tenebrosus et le Mysteriosus.

Machinalement, mes mains se serrent sur mon rubis.

J'ai peur.

L'instant d'après, mon petit ami se relève sans la moindre égratignure, alors que mon bras gauche se paralyse, irradiant ma chair d'une chaleur inconnue. Ma vue se trouble et je ne parviens plus à capter les mouvements des deux batteurs.

Personne ne s'en rend compte.

J'essaie d'alerter Gaby, assise à côté de moi, mais aucun son ne réussit à sortir de ma bouche. Sans comprendre pourquoi ni comment, mon corps s'effondre de lui-même.

Je ne fais pas un malaise, non. Je suis attirée vers le bas, et je tombe dans un trou infini.

Ma vision s'éclaircit bientôt, et le contour d'un visage se dessine dans l'obscurité.

Il appartient à une jeune fille enroulée dans une cape noire. De longs cheveux rouges s'effilent en cascade autour de son front, ses joues... J'essaie d'avancer, mais mes pieds refusent de bouger. Je l'interpelle d'abord doucement, puis plus fort pour être sûre qu'elle m'entende :

— Hey, toi ! Retourne-toi !

Je ne dois pas la laisser s'échapper. Elle est peut-être mon seul moyen pour sortir d'ici. Mais mes cris répétés n'y peuvent rien : elle reste désespérément immobile, fermée au monde.

Enfin, elle pivote vers moi et me fixe de son regard impénétrable. Un voile recouvre ses yeux : elle est aveugle.

Au même moment, des frissons remontent le long de mon échine.

Soudain, elle sort un poignard de sa poche. Ses yeux virent au noir, et... elle se le plante en plein cœur.

Je pousse un hurlement, de nouveau à terre.

C'est comme si ce n'était pas dans sa poitrine qu'elle venait d'enfoncer la lame, mais... dans la mienne.

L'hallucination se dissipe et j'ouvre les yeux sur Gaby, qui m'observe d'un air inquiet. Elle se demande sûrement si elle doit ou non alerter les professeurs. Malheureusement, ma bouche reste close et je suis incapable de lui répondre.

Ce n'est pourtant pas ma chute qui en est la cause. La douleur de l'adolescente était si réelle !

Peut-être ses joues étaient-elles amaigries et ses iris un peu trop laiteux, mais je dois me rendre à l'évidence : son cri était le mien, tout comme ses cheveux...

Cette fille, c'était moi.

Rubis et ses visions flippantes, le retour ! Que vous inspire celle-ci ? 

D'après vous, qui ressortira vainqueur du duel Gaaron ? 💎

– Gauthier

– Aaron

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