Chapitre 117
Je crois l'entendre marmonner quelque chose comme « rabat-joie », mais je ne suis pas certaine d'avoir bien entendu.
Cette nouvelle remarque a le don d'agacer Gauthier à nouveau. Vite, changeons de sujet avant que la situation ne dégénère encore une fois !
— Aaron, est-ce que tu as déjà entendu parler d'un certain Mathieu Lockard ?
— Lockard ? Non, ça ne me dit rien.
— A'.
— Moi aussi j'ai des serments à respecter, mec ! Si je te dévoile certains secrets, je risque de me faire plumer, comme les poulets de tata Josie...
— C'est tout l'intérêt.
— Je vois que tu n'as pas perdu ta répartie. Attention : je ne suis pas sûr que Rubis supporte trop longtemps ton caractère de cochon. Même moi j'avais du mal, parfois.
— Cesse d'esquiver et réponds à la question qu'elle t'a posée, s'énerve Gauthier, exaspérée. Ça nous fera gagner du temps.
— OK, t'as gagné. Tu te souviens de la porte blindée qu'on ne devait jamais ouvrir à la planque, celle sur laquelle Nomis plaisantait en disant que c'était l'entrée des Enfers ?
— Oui.
— Quand tu es parti, le bruit a commencé à courir qu'il y avait quelque chose, ou plutôt quelqu'un là-dedans. Il m'a envoyé ici pour étouffer l'affaire et te faire changer d'avis, mais j'ai vite compris que ce n'était même pas la peine d'essayer. Tu étais déjà bien trop collé à Rubis pour raisonner correctement. Ce qui m'a surpris, c'est que lorsque je suis rentré et ai annoncé l'échec de ma mission à Nomis, il ne s'est pas mis en colère. Inutile de te dire que j'ai trouvé ça bizarre !
Le jeune homme reste calme malgré les piques d'Aaron. Moi, je ne parviens pas à faire preuve d'autant de retenue. Mon soi-disant cousin satanique m'a pris tellement, depuis cette poupée en plastique que j'ai perdue le jour de mon anniversaire. Je ne le laisserai pas réduire ce nouvel espoir à néant :
— Ça veut dire que mon père pourrait...
— ... être toujours en vie, oui. Attends, tu as bien dit « mon père » ?
Une petite explication concernant ma situation familiale s'impose :
— Il a disparu alors que je venais d'avoir six ans. Apparemment, c'était un mage très puissant. C'est ce qui explique pourquoi Nomis le convoite. C'était... mon cousin. Il venait souvent chez moi lorsque j'étais petite. Il a dû s'apercevoir du potentiel de mon père, Mathieu Lockard. Malheureusement, quelqu'un qui a été séquestré pendant autant d'années peut difficilement s'en sortir vivant...
— Oui, d'autant plus que Nomis est capable de tout.
— Mais il n'était qu'un ado parfaitement insouciant quand Papa est parti !
— Certains sorciers sont précoces, tu sais.
— Pas à treize ans.
— Il y a sans doute quelqu'un d'autre dans ta famille qui tire les ficelles, argue Aaron. Nomis doit avoir un mentor !
— Impossible. Cela fait des années que mon oncle et ma tante subissent la perte de leur fils unique, qui se trouve être un monstre pervers totalement désintéressé de ses parents, sauf s'il peut en retirer un quelconque avantage. Ça m'étonnerait que des acteurs, aussi talentueux soient-ils, puissent tenir un tel rôle pendant des années.
— C'est peut-être un complot monté de toutes pièces par Papa Brightwood et son neveu, qui sait ?
— Non. Il était du genre sympa.
— Comment peux-tu en être sûre ? On ne garde jamais beaucoup de souvenirs de son enfance.
— Je sais pourquoi Nomis a besoin de lui.
— Ça change tout, raillé-je, désireuse d'en apprendre plus.
— En effet.
— Écoute, Rub's : j'ai besoin de temps pour prendre une décision et en attendant de savoir si je suis d'accord ou non pour vous aider, je ne veux pas être trop impliqué.
— Réfléchis bien, alors, bougonne Gauthier, qui n'a pas loupé une miette de notre conversation.
Pas surprenant qu'il soit inquiet à l'idée qu'Aaron rejoigne notre camp. Moi aussi, mais si ce gugusse peut nous être utile, je suis prête à courir le risque.
— J'y compte bien, poto.
💎💎💎
Après cet échange pour le moins insolite, chacun part de son côté. Mon petit ami a bien tenté de me suivre, mais je lui ai assuré que je préférais rester seule un moment pour essayer de comprendre comment ces barrières mentales m'empêchent d'employer la magie.
Même après avoir passé une bonne partie de la nuit à me concentrer là-dessus, je n'ai trouvé aucun moyen pour contrer le maléfice. Sans compter que je suis trois fois plus fatiguée qu'avant, maintenant.
C'était décidément une très bonne idée, lorsqu'on sait que je n'ai pas le droit d'utiliser d'objets magiques... et donc de potions de sommeil !
Si les autres remarquent mes cernes immenses lorsque je les rejoins à la bibliothèque, ils n'en disent rien. Ambroise et Em' n'étant pas encore arrivés et Alix dormant toujours, je me retrouve seule avec Gaby, Gauthier et... Aloïs.
Une perspective qui m'enchante grandement...
Et on comprend tout de suite pourquoi : la situation est plutôt tendue, par ici.
Par je ne sais quel miracle, je m'éclipse entre deux rayonnages, prétextant un oubli de formule. Je cherche seulement un endroit où être tranquille pour ne pas avoir à affronter la compassion de mon idiote d'âme sœur.
Je n'ai pas encore avoué au groupe que j'étais maudite, et Gauthier ne le leur dira pas tant que je ne me sens pas prête. C'est comme si j'étais de retour à la case départ avec cette maladie dont j'ignore les symptômes, coincée dans un tourbillon de banalité.
À mon grand malheur, Aloïs me rejoint bientôt en feignant de s'intéresser à un livre. Grossière erreur. J'accélère le pas pour me tourner vers une autre étagère. Me disputer avec lui, c'est la dernière chose dont j'ai besoin en ce moment.
Quelques minutes plus tard, alors que je feuillette une revue avec une attention toute relative, je sens une présence dans mon dos. Après réflexion, mon cerveau trouve enfin une phrase type pour faire comprendre au Saphir que non, je n'ai pas de sentiments pour lui. Pourtant, aucun son ne parvient à sortir de ma bouche.
— Je ne t'ai pas remerciée, bredouille-t-il enfin.
Pour une fois, il n'a pas tort.
Effectivement, il aurait dû le faire. Et oui, c'était bien à lui de faire le premier pas et non à moi de me creuser la tête pour le gratifier d'une remarque vexante qui n'aurait fait qu'empirer la situation.
— Pourquoi tu t'es énervé comme ça ? Tu savais que c'était de la folie d'y aller seul !
— J'avoue avoir été bête, sur ce coup-là.
Seulement sur ce coup-là ? Il n'a pas encore totalement ouvert les yeux, alors.
— Vraiment ? C'est drôle, dis donc ! Personne ne l'avait remarqué.
— Quand j'ai appris que tu étais avec Gauthier, je me suis laissé emporter par mes sentiments. Je ne vais pas te servir l'excuse des âmes sœurs, j'ai simplement mal réagi. C'était plus fort que moi. Je veux juste que tu saches que je n'ai jamais souhaité que tu sois blessée.
— Je pensais que tout ça ne représentait rien pour toi ! D'accord, nous sommes liés. D'accord, il existe des mythes païens qui font l'éloge d'une relation entre deux êtres matériellement destinés, mais ça ne signifie pas que nous devons finir ensemble ! Nous n'allons pas nous laisser dicter notre conduite par des croyances anciennes, si ?
— C'est de la magie, Rubis. On ne peut rien y changer.
À ma malédiction aussi, on ne peut rien y changer ? Je prends une grande inspiration, pas certaine que cela suffise à me calmer.
— Aloïs... Je ne suis pas attirée par toi. Ça ne veut pas dire que je ne te veux pas dans ma vie, au contraire. Mes sentiments à ton égard sont simplement différents de ceux que j'éprouve pour Gauthier.
Voilà, c'est sorti. C'est dur, mais si c'est le seul moyen pour qu'il comprenne...
— Tu l'aimes vraiment, hein ?
À votre avis, Aaron peut vraiment aider Rubis à se défaire de sa malédiction ?
– Possible !
– C'est mort...
Qu'avez-vous pensé de cette discussion Ruloïs ? Rubis a-t-elle bien fait de mettre les choses au clair avec Aloïs ? 😅
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