Chapitre 110
Plume jaune, plume jaune,
Parmi les rayons célestes,
Topaze, voile de l'obscur.
Me retrouver face au groupe le lendemain et leur cacher la vérité constitue un véritable supplice.
Les événements de la veille tournent en boucle dans ma tête et m'empêchent de me concentrer sur nos recherches ou de tenir une conversation sérieuse plus de cinq minutes.
Gauthier, lui, ne remarque pas tout de suite mon trouble, mais lorsque je prétexte un mal de tête pour aller me reposer, sa naïveté atteint les limites. Sur le moment, je m'efforce de l'ignorer. J'ai assez de soucis en tête pour laisser quelqu'un en rajouter, quand bien même il s'agit de mon petit ami.
Résignée, je pars en direction du pôle pédagogique, avant d'être rattrapée par un Aloïs en colère. J'ai à peine le temps de l'apercevoir qu'il me plaque violemment contre le mur avec une force que je ne lui connais pas.
— Tu mens.
— Quoi ? Comment...
— Laisse tomber, c'est un truc de Saphir.
Bon sang, mais qu'est-ce qui lui prend ? Il est télépathe maintenant ?
— Alors, qu'est-ce que tu...
Il n'a pas le temps d'achever sa phrase. Il est brutalement arraché par Gauthier qui le plaque à son tour contre le mur en vociférant :
— Écoute-moi bien, Monsieur Je-drague-les-copines-des-autres : Rubis n'a pas besoin d'un garde du corps. Je ne sais pas quel problème tu as avec elle, mais laisse-la tranquille, OK ?
Avant qu'il puisse répondre, un éclat de rire méprisant se fait entendre à l'autre bout du couloir :
— Bravo, mon pote ! Ça me rassure de voir que tu n'as pas perdu ton sarcasme en traînant avec le club des romantiques magiques.
Puis se tournant vers moi :
— Il manquait juste un pot de pop-corn, pas vrai Rub's ? Sucrés, bien sûr.
Je le fusille du regard, exaspérée. Sa présence ici, à cet instant précis, est loin d'être un hasard.
— Si c'est pour faire ton pervers que tu es venu, tu peux partir. Tu n'es pas le bienvenu, ici.
— Détends-toi, Gaugau ! Je vais finir par croire que ta petite amie déteint sur toi, sinon.
— Aaron...
— Ne t'inquiète pas, je suis juste venu donner ça à ta dulcinée.
Il change d'expression et se penche sur moi avant de glisser un papier froissé dans ma poche, me chuchotant au passage :
— Nomis a fortement regretté ton départ, hier soir. Tu l'as impressionné, tu sais.
Son ancien acolyte le pousse sur le côté, et le fauteur de troubles s'éloigne, les bras en l'air, prenant congé en lançant un énigmatique :
— Au revoir, petite Ombre rouge !
Dès qu'il a disparu, les deux rivaux se tournent vers moi avec le même regard inquisiteur – la preuve qu'ils ont quelque chose en commun, finalement :
— Tu m'expliques ?
Que faire lorsqu'on se retrouve face à deux sorciers jaloux, possessifs et protecteurs sur le dos ?
Solution 1 : fuir le plus loin possible et éviter les ennuis, ne serait-ce que pour un temps.
Solution 2 : laisser éclater sa colère, au risque de se fâcher avec l'un ou l'autre, voire les deux, pendant une durée indéterminée.
Solution 3 : changer de sujet.
— Vous préférez le pop-corn salé ou sucré, vous ? Personnellement, je trouve que c'est meilleur sucré. Un poil caramélisé, et c'est juste parfait.
— Rubis.
Leurs voix sont unanimes.
Quand j'y pense, leur réaction m'effraie plus que la perspective d'une nouvelle confrontation avec Nomis. Bon sang, qu'est-ce qui ne tourne pas rond chez moi ? La partie de mon cerveau qui répond à la peur doit être détraquée, je ne vois pas comment c'est possible autrement.
Par je ne sais quel miracle, Alix sort de la BU à ce moment-là, me sauvant au passage.
Un véritable deus ex machina, celle-là !
— Rubis ! J'ai oublié de t'en parler, mais on doit s'inscrire à l'Esbat pour ce soir au plus tard. J'y vais maintenant. Tu viens avec moi ?
Autant vous dire qu'elle n'a pas besoin de me le répéter deux fois pour que je la suive ! Sans plus d'explication, je laisse les deux sorciers là, à se défier du regard.
L'Esbat est un sabbat un peu particulier puisqu'il nécessite un costume, comme nous l'a expliqué Monsieur Jaffrès il y a quelques jours. Cette année, nous devons nous inspirer des mythologies anciennes – c'est Madame Jacolot qui va être contente : enfin un thème en lien avec les Sciences Occultes !
Si Alix a choisi une divinité grecque, j'ai opté pour une copie d'une gravure représentant Céleste que j'ai trouvée il y a quelque temps. N'étant pas très douée pour la technique de tailleur, je mise tout sur la puissance de la pierre rouge – et sur l'aide de ma colocataire.
Confectionner le vêtement sur-mesure m'aurait coûté une fortune ! Le façonner moi-même me force au moins à essayer cette méthode.
💎💎💎
Après nous être inscrites, je propose à ma colocataire de rassembler les différents tissus nécessaires à la conception de nos habits et de nous y mettre, pour passer le temps et nous détendre – même si c'est plus un moyen pour moi d'éviter Gauthier et Aloïs.
Elle accepte aussitôt, enchantée à l'idée de jouer aux apprenties couturières. Sans plus attendre, je décroche mon pendentif et le pose sur l'amas de velours et de cachemire. Espérons que ça fonctionne...
— Qu'est-ce qu'on est censées faire, maintenant ?
— Je ne sais pas, Rubis. Tu n'as pas une formule ou un sort pour l'activer ?
— Aucune idée. Peut-être que ça fonctionne au feeling ?
Joignant le geste à la parole, je pose mes mains sur la gemme et essaie de reporter ma vision de la robe à la réalité. Un vacarme assourdissant résonne bientôt dans la chambre puis, quelques instants plus tard, l'objet de mes désirs se matérialise sous nos yeux ébahis.
— Si ça, ce n'est pas de la magie...
Une vibration nous interrompt. C'est mon portable. Le numéro de Gauthier s'affiche à l'écran.
Mécaniquement, je rejette l'appel.
💎💎💎
Tout au long de l'après-midi, le téléphone n'arrête pas de sonner. C'est peut-être sadique de ma part, mais j'éprouve un certain mélange d'euphorie et d'exaltation à voir le Diamant s'énerver dans le vide – chacun son tour !
Malgré tout, ses messages me perturbent. Ça m'étonne qu'il me harcèle pour une simple dispute. Il a dû avoir vent de mes agissements de la veille par un moyen ou un autre...
N'y tenant plus, mon amie déclare évasivement :
— Tu devrais peut-être lui répondre ou aller le voir.
— Crois-moi, il ne vaut mieux pas.
Le mensonge de Rubis risque-t-il de détériorer sa relation avec Gauthier ?
Si vous deviez participer à l'Esbat, quel mythe incarneriez-vous ?
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