Le lendemain, je reprends le chemin du travail. Comme d'habitude, je suis impeccable. J'ouvre la devanture, mais ma clé semble avoir un problème. Je contacte Catherine, mais elle ne répond pas. J'attends que ma collègue me rejoigne. Elle arrive quelques minutes après moi, ouvre le rideau en fer et on s'introduit dans la boutique.

— Attends, Catherine veut te parler.
Je me fige.

Elle n'est jamais là habituellement. Je me dirige vers l'arrière-boutique. J'attends devant son bureau. Elle se présente devant moi au bout d'une vingtaine de minutes, le regard sombre. J'imagine les pires scénarios en s'introduisant dans son bureau.

— Il va payer Catherine. Je dois le revoir ce soir. Elle se met à rire.

— Tu pensais vraiment que j'allais te déléguer cette tâche. Il a payé quelques heures après être sorti de ma boutique.

— Mais comment ?

— J'ai employé les bons mots.

Mes épaules s'affaissent. Toute cette souffrance inutile, mon compte en banque en a pris un coup. Puis une rage s'insinue en moi, il me balade depuis le départ, et j'ai conclu un marché avec cette espèce de prince diabolique.

— Je retourne travailler.

— Non.

— Non ? Tu as besoin de moi ici ?

— Non, je n'aurais plus besoin de tes services.
Je me décompose.

— Catherine ? C'est toi qui as autorisé la transaction.

— C'est vrai, mais j'aurais perdu beaucoup en te laissant faire. Tu n'es pas de ce milieu.

— Je ne comprends pas bien.

— Tu es virée.

Je viens de recevoir un coup de massue, je manque de tomber. Elle m'invite à récupérer mes affaires. Je me dirige vers le vestiaire, abasourdie. Je récupère les maigres affaires laissées dans mon casier. J'enlève le pin's de l'enseigne de ma chemise et je rejoins la sortie, ma collègue est occupée avec une cliente. La porte se referme sur ma deuxième maison, sur ces cinq dernières années.

Le choc est si fort, que je ne sais plus où aller. Puis, je me ressaisis, mes ennuis ont commencé depuis que j'ai rencontré ce diable. Je me dirige vers un magasin de quartier, j'achète quelques produits et je rentre à l'appartement. Je m'introduis dans ma salle de bain, enfile un vieux t-shirt et je me saisis de la coloration brune et je l'applique sur ma tête blonde. Autant revenir à ses sources, je n'ai plus à faire semblant. Je mange un bout, en attendant de rincer. Mon téléphone sonne sur un numéro masqué.

— Espèce de sale prince à la con !
Je l'entends rire.

— De mieux en mieux nos conversations téléphoniques.

— Tu t'es bien moquée de moi ! À cause de toi, je suis sans emploi.

— Je devrais pleurer ? Non, vous avez du travail. J'ai fait livrer chez vous la tenue pour ce soir.
Ça raccroche.

Vingt minutes plus tard, des sacs me sont livrés. Je file rincer ma couleur et m'attelle à la mise en beauté. Je compte bien prendre ma revanche. Il a foutu une partie de ma vie en l'air.
Je termine ma préparation, quelqu'un frappe à ma porte à 18 h 50. J'ouvre et je fais face à un de ses assistants.

— Sa Majesté vous attend.

— Quel gentleman.

Je l'accompagne jusqu'à la voiture, le chauffeur m'ouvre la porte. Ses yeux se posent sur ma tête, le changement est radical.

— Je préfère le blond.

— Alors vous ! La ferme, d'accord !
Il explose de rire.

— Tu, vous. Je m'y perds.

— Ce n'est que le début, oh votre majesté !

— C'est une menace ?

— Non, une promesse.

— J'adore les défis.

Je tourne ma tête vers la route, ne prêtant plus attention à lui. Plus vite, il se lassera de moi, plus vite je serais payée en totalité. Il pose des documents sur mes genoux, je pose les yeux sur le dossier, un contrat avec une clause de confidentialité.

— Signer. Ce contrat a été préparé par les meilleurs avocats.

— Je vais quand même lire ce qu'il y a écrit en tout petit.
Il sourit et hoche la tête.