En atterrissant, j'allume mon téléphone, je reçois des messages vocaux, je les écoute dans le taxi. Catherine, mon ancienne patronne, m'a rappelé, elle souhaite discuter de certaines choses. Je trouve ça très étrange, des mois que je n'avais pas eu de ses nouvelles depuis mon licenciement. Un autre message, celui-là me fait peur. C'est Omeïr, il a l'air saoul, ses phrases obscènes me répugnent. J'ouvre la porte de mon appartement, Ally se jette sur moi.

— Tu m'as manqué.

— Moi aussi, Ally.

— Je veux tout savoir, hein !

— Oui, je vais juste ranger mes affaires, et je te raconterai tout.

Elle me prend ma valise des mains et me la dépose dans la chambre. Cette fille est adorable. Je continue d'écouter mes messages vocaux, aucun audio de mes parents, je m'y attendais. Je passe l'heure à lui raconter mon séjour, en omettant mes moments d'intimité avec Amir. Je lui donne son cadeau, une robe traditionnelle, elle l'enfile et défile, j'explose de rire. Tout semble rentrer dans l'ordre.

Je rappelle Catherine qui souhaite me voir à sa boutique. Nous fixons un rendez-vous pour le lendemain, le temps que le décalage horaire se dissipe. Je regagne mon lit et m'allonge pour tenter de faire une sieste, mais mes yeux restent désespérément ouverts. Je pianote sur mon téléphone, j'éteins l'écran, aucune notification.
Mes yeux s'ouvrent, je ne me suis pas vu partir dans un sommeil profond. Mon téléphone sonne un numéro masqué, je souris.

— Allo.

— Inès...
J'entends son souffle.

— Je suis bien arrivée.

— C'est bien.

— Et toi, comment ça se passe ?

— Tout se met en place.
Mon sourire s'efface, je reste silencieuse.

— Inès ?

— Oui, je suis là.

— Pourquoi es-tu constamment dans mes pensées ?

— Je ne peux pas répondre à quelque chose sur laquelle je n'ai aucune emprise.

— Et pourtant, je suis à ta merci.
Mon sourire s'illumine de nouveau.

Je passe du rire aux larmes avec lui, des montagnes russes.

— Je dois te laisser, bon retour.

— Merci, Amir.
J'entends sa respiration s'alourdir.

J'aime avoir cet effet sur lui, je me sens unique à ses yeux.

J'entends des hurlements dans l'appartement, je sors de la chambre et je trouve Omeïr en pleine dispute avec Ally. Elle tente de le mettre à la porte, mais il s'y refuse. Il finit par me voir, j'aurais dû rester enfermé dans ma chambre. Ses yeux sont rouges et globuleux, il ne semble pas maître de lui-même.

— Ally, tu devrais aller dans ta chambre.

Elle refuse de me laisser avec lui dans cet état second. J'accepte qu'elle reste dans le salon, elle s'est déjà tout de moi.

— Qu'est-ce que tu veux, Omeïr? Ne me pousse pas à demander une injonction.
Il ricane.

— Tu sais qui je suis ? Aucun juge ne prendra le risque de le faire.

— Peu importe, il faut arrêter de me suivre. En huit mois, tu m'as inondé de tes appels, de tes lettres, de tes cadeaux. Je ne veux rien de toi.

— Tu sais ce que j'ai fait pour toi ? J'ai détruit ma famille. J'ai tout perdu.

— Tu peux encore tenter de la sauver. Je suis sûr que ta femme te pardonnera.

— C'est toi que je veux.

— Regarde-nous, Omeïr, je pourrais être ta fille.

— Ça ne te gênait pas autrefois.

— Les choses ont changé.

— Je t'aime, Inès.

— Quoi ?

Je me fige sur place. Tout le monde semble avoir deviné mon identité. Toutes ces années à me construire une fausse identité n'ont servi à rien.

— Et moi, je ne t'aime pas, Omeïr, enfin pas comme tu aimerais.

— Je peux tout te donner.

— L'amour ne s'achète pas.

Il s'assoit accablé sur la chaise du bar, les yeux larmoyants. Je me déteste d'avoir été la cause de sa douleur. Je ne vaux pas mieux que les autres escortes. Je m'approche de lui et pose ma main sur son dos en signe de réconfort.

— Alors pourquoi tu couches avec mon fils ?

Mon cœur bat la chamade, Ally se révèle tout aussi choquée par sa révélation. Mes mains se mettent à trembler, l'information met quelques secondes à arriver à mon cerveau. Je reste hagard, la main suspendue dans les airs.