J'entends sa mère lui demander si l'on couche ensemble, je suis à deux doigts de fuir le plus loin possible. Il lui murmure quelque chose et elle rit, je suis presque vexée.
On me conduit dans une chambre d'ami pour le séjour, elle est grandiose, baignée de lumière, dans un style oriental. Je regarde par la fenêtre, le terrain comporte une piscine, un terrain de tennis, une salle de sport extérieure, et ce n'est que la partie visible.
Plus tard, on me pose une housse avec une note :

— Tenue : 500 dollars. On t'attend pour le dîner.

Je crois rêver, j'ouvre la housse et je suis subjuguée par la robe, une robe de soirée orientale rouge et dorée. Je décide de chercher Amir, on me guide vers sa chambre, je frappe sur sa porte.

Quand il m'ouvre, il est au téléphone. Il me demande de patienter, ce que je fais difficilement étant donné le coût de cette robe. Il raccroche et me reluque.

— Vous n'avez pas eu la robe ?

— La robe au prix exorbitant. À quoi vous jouez ?

— Je ne vais pas payer pour votre garde-robe ! Je ne suis pas votre sugar baby.

— Je suis ici à cause de vous ! Il est normal que vous preniez en charge mes frais.

— Sûrement pas, il y aura assez d'hommes riches et vieux pour vous les offrir.

— Espèce de... grrrrr.
Il sourit bêtement.

Je me saisis d'un vase et je lui lance dessus, ce qui lui déclenche un fou rire. Je le regarde avec curiosité. Il me jette dehors, je reste hébétée derrière sa porte, il ne sourit jamais, sauf avec moi.

Je me résigne à enfiler cette robe et je fournis ma carte de crédit. D'ici à trois mois, je serais à la rue à ce rythme. Je finis par une mise en beauté, très naturelle. Je parcours les quelques mètres de la salle à manger, mais un des domestiques m'oriente vers une terrasse. Je franchis le seuil et je suis immergée en Orient. Une réception aux couleurs de ce pays se tient devant moi. Je repère sa mère et les membres de sa famille qui accueillent les invités. Je cherche Amir des yeux quand je sens une présence derrière moi.

— Une beauté d'orient.

Je me tourne sur un homme qui ressemble à Amir. Il me fait un baisemain, je trouve ça très charmant.

— Vous êtes ?

— Aylan.

— Inès enchantée.

— Une invitée de la famille ?

— On peut dire ça.

— C'est mon escorte.

On se retourne sur Amir, mon cœur rate une succession de battements, mon souffle se raréfie. Il se tient devant moi en tenue traditionnelle. Mon Dieu qu'il est attirant, une attraction naturelle émane de lui. Et puis je me ressaisis, me rappelant ses mots insultants. Je le gifle et je m'éloigne de lui. Aucun homme ne m'avait humilié publiquement comme Amir venait de le faire. Je l'entends m'appeler, mais je l'ignore, il finit par me saisir par le bras.

— Tu es à moi ! Ne l'oublie pas !

— Je ne t'appartiens pas.

— Pour trois mois du moins.

— Je ne t'appartiens pas.

— Bien. Je te libère.

— Et mon argent ?

— Tu souhaites mettre un terme au contrat, c'est toi qui doit me dédommager.

Les clauses me reviennent en pleine face. Ma tête se décompose, cette fois, il me tient et je ne peux rien faire d'autre. L'appât du gain a eu raison de ma morale.

— Trois mois ! Et ensuite, je veux t'effacer de ma vie !

— Je n'en demande pas moins. Ne t'avise plus de lever la main sur moi !

— Problème d'égo ?

— Tu ne peux pas quantifier mon égo ! Sinon, tu te ferais toute petite.

On est freiné dans notre dispute par le son d'un micro, sa mère parle en dialecte. Elle remercie les invités de leur présence pour un événement aussi important. Elle appelle Amir à le rejoindre, il m'abandonne et rejoint sa mère. Il la prend dans ses bras. Il remercie les invités d'assister à son 28ᵉ anniversaire. Il pose les yeux sur moi, j'ai soudainement froid et chaud à la fois.

On se fixe le reste de la soirée sans s'approcher l'un de l'autre. Je suis irrémédiablement attirée par lui, alors qu'il semble avoir une aversion envers moi. Aylan m'interpelle, je discute avec lui, mais savoir qu'il connait mon statut est pire que tout. Il va faire des fausses conclusions et je garde mes distances. Je ne suis pas une prostituée, je ne fais pas ce genre de prestations, je n'ai jamais dérobé à mes principes, qu'importe la somme qu'on m'ait proposée. Seuls mes problèmes financiers m'en amenés à ce travail.

— Vous avez signé une clause d'exclusivité avec Amir ?

Nous y voilà, il va me proposer de coucher avec lui contre une faramineuse somme d'argent. Je revois sans cesse ce cheminement.
Je décline sa proposition et m'éclipse de cette réception en l'honneur de mon bourreau.