I.4. Automne (Elle)
> Elle
Septembre- Octobre - Novembre 2015
Suivant le déroulé naturel des études, je devais entrer en Master. Ne plus revoir Monsieur B. m'avait fait oublier ce que je pouvais ressentir en sa présence. Je l'avais bien croisé dans les couloirs quelques fois lors de mon second semestre de licence mais il semblait toujours pressé. J'ai même cru qu'il m'en voulait... Cela me faisait des petits pincements au cœur, alors ma raison passa à autre chose et ma jeunesse se chargea du reste.
L'été fut riche de rencontre et d'aventures mais je n'arrivais pas à « accrocher ». Les garçons que je rencontrais étaient tellement immatures... Je ne projetais même plus de relations sexuelles, sachant par avance que j'allais être déçue. Félicien était aux abonnés absents.
La rentrée approchant, j'étais de plus en plus stressée. Cette année était une année vraiment importante pour mon avenir. J'allais passer le concours qui me permettrait d'accéder au métier que je convoitais. À la fin de l'année, mes parents déménageaient et je n'avais pas du tout l'intention de les suivre. Il fallait que pour Septembre, je puisse commencer mon alternance et gagner de l'argent. Pour des raisons logistiques mais surtout d'entente familiale, il était nécessaire que je parte de chez moi. Entre mon père, ma mère et mes trois frères, il y avait un caractère fort de trop dans cette famille. De plus, la cohabitation avec ma mère devenait de plus en plus complexe. La réussite au concours, c'était mon ticket pour la liberté. Et je ne pouvais m'empêcher d'anticiper avec anxiété le déroulement des prochains mois.
En vue de la présentation de début d'année, j'avais fait des efforts vestimentaires de dingue. Je voulais avoir une allure dynamique et particulièrement stylée. Pourquoi ? Pour qui ? Je ne sais pas.... Je ne connaissais pas les intervenants que j'allais avoir. Est-ce que je voulais impressionner la galerie ? Attirer l'attention d'un mec ? J'étais dans la représentation et j'assumais. C'était la mode des kimonos, leggings à grosse fleurs et palladium baggy.
Peut être étais-ce pour compenser superficiellement mon éternel manque de confiance en moi... Une manière de commencer l'année à revers...
Des professeurs entrèrent dans la salle. Ils se présentèrent chacun leur tour et annoncèrent le contenu de leur matière, la bibliographie... Nous étions assis studieusement depuis une bonne heure déjà jusqu'à ce que quelques coups se fassent entendre à la porte.
Un homme brun, élégamment vêtu entra et posa sa pochette d'ordinateur sur le bureau avant de prendre la parole :
« Bonjour à tous, Monsieur B., je suis désolé d'être en retard, j'étais dans une autre réunion de présentation pour un autre cursus et... »
Je n'entendis que ça. Mon cœur s'était instantanément contracté, avait fait un saut dans ma poitrine et était actuellement au bord de mes lèvres. Je l'avais reconnu immédiatement. Je ressentais des sensations diamétralement opposées. De l'excitation, de la peur, de l'angoisse, de l'appréhension, de la gêne, une joie démesurée... Ça me chamboulait tellement que jça me donnait la nausée. Je ne contrôlais plus mon corps, mes pensées m'avaient lâchées.
Je passais le reste de l'heure à le chercher des yeux : il était tellement charismatique dans son costume bleu... j'adore le bleu.... Nos regards ne se croisèrent pas une seule fois. Souriant, il fanfaronnait en débitant son programme et en transmettant ses recommandations pour la préparation du concours. J'étais verte de jalousie et rouge de rage, ou l'inverse ou les deux en même temps (marron ?)
Il faisait comme si nous ne nous connaissions pas ! Il ne m'avait même pas adressé un signe de tête ou même un sourire entendu. M'avait-il oublié ?
Je lui en voulais de provoquer tous ses sentiments contradictoires en moi...
Ce jour-là, je suis rentrée dépitée, désabusée, en colère, sans vraiment savoir pourquoi. Ce n'était pas son indifférence qui avait saccagé mon engouement ? Nos sessions de cours avec ce professeur ne commençaient qu'à la rentrée des vacances de la Toussaint. Il y aurait bien le temps d'ici là, de se consoler !
Les jours passant, je m'étais amourachée d'un étudiant d'Histoire, de deux ans plus jeune, et vraiment adorable et pour ne rien gâcher, plutôt bon partenaire au lit. Ce dernier m'attendait à la sortie des cours de midi avec mon repas et nous déjeunions dans la salle du cours suivant. Il était vraiment mignon mais manquait un peu de vivacité d'esprit.
Ce rituel continua après les premières vacances, jusqu'à ce que, selon le programme de cours, je retrouve Monsieur B. en classe. Ce premier cours de "retrouvailles" m'angoissait un peu. Je dus me rassurer : que pouvait-il bien m'arriver ? Au pire : devenir intelligente ? Il fallait vraiment que je me détende...
Nos jeux de regards reprirent et il me souriait régulièrement. Visiblement, il s'était rappelé de moi, pour mon plus grand plaisir. Cette année, huit heures par semaine pendant une année entière, j'allais goûter aux joies de la connaissance avec un maestro du genre tout en mettant en application mes talents de séductrice... Mais je ne pouvais pas m'empêcher de me demander : jusqu'où avais-je envie d'aller et comment tout ça allait-il se finir ? Je décidai de ne pas y prêter attention pour le moment et de profiter.
Deux ou trois semaines après notre reprise avec mon tendre professeur, vers midi trente, mon ami vint me rejoindre en classe, comme d'habitude depuis la rentrée. Monsieur B. me fixa longtemps et fixa longtemps mon ami jusqu'à la gêne de ce dernier. Je ne pus soutenir ce regard inquisiteur très longtemps et baissa les yeux. J'avais l'impression de m'être mal comportée.
Cette situation ne sembla pas du tout être à son goût.
Au fil du temps, je voyais bien qu'il était fort agacé de ce petit manège. Il vivait les dernières minutes de cours avec appréhension et en annonçant la fin, ouvrait la porte en regardant de part et d'autre du couloir s'il y avait quelqu'un. Si mon prétendant m'attendait, il faisait grise mine, rangeait ses affaires avec précipitation et grands gestes d'énervement. Quand il n'y avait personne, il prenait le temps de ranger ses affaires tout en bavardant avec nous, en riant et en regardant attentivement ce que je comptais faire après le cours. Évidemment cet étrange comportement ne m'avait pas échappé. Et si mes camarades prenaient ça pour une lubie, j'avais pour ma part, bien compris de quoi il s'agissait. Très observatrice : j'avais eu suffisamment d'expériences amoureuses et sexuelles pour me permettre d'être assez au fait des désirs d'un homme. (A moins d'être complètement érotomane ? Je ne pouvais m'empêcher d'y penser...)
Il me voulait probablement pour lui tout seul. Cela me flattait énormément. Mais que pouvait-il dire ? Et moi ? Après tout, sur le papier, c'était mon professeur ! Et malgré tous les sourires et les régulières œillades appuyées, il n'avait jamais rien dit qui puisse laisser paraître davantage que ce que je m'imaginais.
Au bout d'un temps l'homme intelligent qu'il était, avait opté pour une autre stratégie. Prétextant l'approche des épreuves écrites de l'examen blanc, il avait décidé de prolonger systématiquement les cours. Étudiants, nous ne rechignions pas, au vue de l'importance de l'enjeu et prenions ce sacrifice comme un présent de sa part. De fait, bien souvent, je passais à côté du temps normalement dévolu à mon soupirant. Ce stratagème fonctionna si bien, qu'au fil du temps, ouvrant la porte donnant sur le couloir, celui-ci restait obstinément vide. Ma relation avec le jeune étudiant de Licence prit fin progressivement. Il n'alimentait pas mes ambitions intellectuelles et de toute façon, avec mes camarades, nous passions tout notre temps libre ensemble à la bibliothèque pour travailler.
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