I.3. Fleurs séchées (Lui)
> Lui
Une petite vie rangée, une femme aimante et deux gentils enfants en bas âge, habitant un joli pavillon résidentiel. Un chien, un labrador de préférence. Un monospace. Une maison secondaire sur la côte normande et pour terminer les vacances d'été à Cannes.
Voici tout ce dont je ne veux pas. Mon anti modèle de réalisation personnelle... quoique je n'aurai pas envoyé paître la femme aimante si elle avait daigné se montrer.
Mais malheureusement, à trente ans passés, elle n'avait pas encore pointé le bout de son nez...
Je ne parlerais pas de mes amourettes du collège et encore moins de celles du lycée. C'est simple, j'étais tellement moche que jamais une fille n'aurait osé m'approcher.
Ce n'est qu'en prépa que ma vie a commencé. Grâce entre autres à un jeune homme nommé Charles. Du même âge que moi, Charles était mon opposé. Grand, beau, solaire, sociable, extraverti. Alors que du haut de mes tout juste 17 ans, j'étais de taille moyenne, laid voire hideux, sombre, craintif et timide. Le hasard nous avait rassemblé, côte à côte, le jour de la rentrée. Et depuis, nous ne nous quittions plus.
Charles aimait sortir, il était de tous les zinzins, de toutes les soirées branchées de la ville. Il me traînait avec lui systématiquement, me présentant du monde et m'aidant à prendre confiance en moi. Il me donnait des informations discrètement pour me permettre d'aborder les gens, ayant remarqué ma gène. Il me prêtait des vêtements pour aller en soirée jusqu'à ce que j'en achetasse moi même. Lorsque nous nous préparions avant de partir, il se taillait la barbe dans un style faussement négligé et ce, devant moi pour me montrer comment faire mais sans me donner de conseils directs pour ne pas me vexer. Il était doux. Il ménageait ma sensibilité.
J'étais en admiration et rempli d'une reconnaissance infinie. J'avais une confiance absolue en lui et j'aurais pu mettre la lune à ses pieds.
En deuxième année j'étais parvenue à davantage d'autonomie, je me découvrais petit à petit et m'épanouissais dans les études. J'étais brillant et je le savais. J'avais commencé à comprendre que cela suscitait le respect de mes camarades et je m'affranchissais lentement de la protection de Charles pour m'ouvrir à d'autres personnes. Mais, au fond de moi, il restait le premier, l'ami fidèle, mon héros.
Un soir, nous devions nous rejoindre en soirée, j'avais décidé de sortir le grand jeu pour l'impressionner. Pour qu'il soit fier de moi, de ce qu'il avait fait de moi. Le rendre fier d'être mon ami, lui enlever l'impression, s'il l'avait eu, de traîner un boulet maladroit qui vivait à travers lui et qui profitait de sa notoriété.
Cette soirée était plutôt calme ; avant de rejoindre un groupe de filles en boîte nous faisions un « before » chez un camarade de classe. L'alcool bon marché coulait à flot, nous fumions allègrement en parlant de tout et de rien : les cours, les jolies filles qui nous attiraient, nos ambitions... mais je parvenais difficilement à rester concentré, je n'avais d'yeux que pour lui. Avait-il remarqué mon effort vestimentaire ? Ma nouvelle eau de toilette ?
Alors que je prenais l'air sur le balcon, Charles vint me rejoindre discrètement, je ne l'entendis près de moi que lorsqu'il me chuchota à l'oreille : « Beau gosse ! » avant de se pencher à son tour sur la balustrade, le sourire aux lèvres et l'air moqueur. J'avais frémis au rapprochement de ses lèvres près de ma nuque. Une chaleur me parcourait tout entier. Je parvins difficilement à articuler un "merci" en rougissant. La bise humide du soir rafraîchissait nos visages échauffés par la progression de l'alcool dans nos corps. Le paysage urbain, constellé de multitude de lumières s'étalait devant nos yeux. Nos deux mains étaient proches sur le fer forgé froid. Dans un élan de confiance, je décidai d'avancer ma main plus près. Nos doigts se touchaient et à son contact, je détournai la tête, faisant mine de m'intéresser à autre chose. Je sentais le regard de Charles sur moi mais je n'osais l'affronter. Il entrelaça nos doigts.
- « Hey les gars vous venez ? » interpella notre camarade.
Tout s'évanouit. La magie s'était brisée. Nous nous regardâmes, comme déçus.
La soirée battait son plein. Je me souviens avoir été particulièrement entreprenant avec les filles de notre promo. Je me déhanchais sur la musique de la boîte de nuit, comme si j'étais habité par la fièvre. Quelle nuit... probablement l'une des meilleures soirées de ma vie estudiantine !
Vers quatre heures du matin, Charles vint me chuchoter à l'oreille, pour couvrir le bruit assourdissant de la musique, qu'il était l'heure de rentrer dormir.
Sur le chemin du retour, encore grisés par l'alcool, le tabac et l'euphorie, nous rigolions sans trop de raison, titubant raisonnablement sur le pavé déjà humide de la fraîche rosée matinale. Nous nous sommes donné la main sans réfléchir, sans vraiment penser à ce que nous faisions. Nous étions seuls, jeunes et heureux. Au premier coup de vent trop mordant, Charles qui n'avait qu'une petite veste de toile, se rapprocha de moi et tout devint plus sérieux. Dans un élan que mon cerveau embrumé n'arriva pas à réprimer : je l'embrassai. Un baiser violent et doux qui contenait toute ma reconnaissance envers lui. Un peu surpris au départ, Charles ne sut quoi dire ni quoi faire mais après quelques instants, il me rendit mon baiser.
Nous rentrâmes bien vite à son appartement. Une minute après avoir passé la porte et nous étions nus l'un contre l'autre dans son petit lit de célibataire.
Le reste de cette soirée appartient à la nuit.
C'était ma première expérience sexuelle complète et j'en garde un souvenir impérissable. Par la suite, nous rigolâmes sans aucune gène de cet événement. Comme ci ce qui était advenu était la suite logique des choses. Il nous est d'ailleurs arrivé de réitérer plusieurs fois jusqu'à la fin de l'année. Charles continuait à sortir avec de jolies filles et de mon côté après quelques aventures sans lendemain, je me mis en couple avec Eva, une chilienne venue en France le temps d'une année universitaire. Cela ne m'empêchait pas, avec son consentement, de prendre du plaisir avec Charles de temps en temps.
Cette période bénie pris fin, Charles n'ayant pas obtenu de concours, retourna chez ses parents dans le Sud et pour ma part, je suivis Eva au Chili pour une année d'approfondissement linguistique.
En rentrant je décidais d'entreprendre un parcours universitaire orienté par la recherche en littérature principalement hispanophone. Cette année m'avait fait grandir en maturité, Eva et moi passions du bon temps ensemble sans trop se questionner sur notre avenir amoureux. Les études comptaient avant tout. En revenant en France, je n'avais pas changé de ligne de conduite et jusqu'à la réalisation de mon objectif, devenir maître de conférence ; bien qu'entrenant des liaisons plus ou moins longues avec des hommes et des femmes, je ne me laissais pas distraire par la passion.
Pourtant, c'est ce à quoi aspire tout bon amateur de littérature non ? Une passion brûlante et torturée qui vous consume de l'intérieur....
Cela faisait quelque temps maintenant que je n'avais plus personne, je ne cherchais pas particulièrement à faire de rencontre et mon planning ne me l'autorisait pas non plus. Quand je me sentais seul, j'appelais Mike, un homme d'une trentaine d'années, que je connaissais de longue date, d'un colloque à New York et avec qui, depuis qu'il était venu s'installer en France pour le boulot, j'avais pris l'habitude de passer du bon temps quand mon lit me semblait trop vide.
Cependant, depuis quelques mois, une petite sorcière blonde toute en formes et en sourire m'occupait l'esprit sans que je puisse y faire grand chose...
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