Chaptire 2. Cassie.
Le soleil, cette boule de feu à des milliards de kilomètres de nous me nargue. Je surveille sa progression dans le ciel, je le vois parcourir l'encadrement de la fenêtre. Plus il se déplace, plus mon cœur se serre, l'angoisse de le voir se coucher me tord les entrailles. Mon souffle se fait précipité, un tremblement interne commence à se déplacer dans mon corps. Il se propage de ma poitrine vers les bouts de mes doigts. Je les fixe pour vérifier que ce n'est pas visible. Non ... Rien. La panique monte en moi, mais je ne me permets pas de le montrer. Les surveillants se feraient une joie de me remettre en chambre de contention.
La salle de repos, pleine de patients est bruyante, agitée. Comme la houle lors d'une marée montante. Parfois le calme, parfois un cri, un mouvement brusque. Une dispute éclate et les infirmiers se précipitent pour arrêter les belligérants. Je reste neutre, pas mon genre de me mêler aux autres. Il fut un temps où j'espérais l'approbation des autres, un regard amical ou un câlin. Mais ici, dans cet hôpital psychiatrique de seconde zone, je ne veux que passer inaperçue.
La chaise en plastique où je suis assise grince, mes doigts se crispent sous la tension intérieure de mes idées noires. Je m'oblige à regarder autre chose que le soleil dans le ciel. Je ne dois pas penser à cette nuit, ne pas anticiper. Un bruit sourd résonne à mes côtés, la tête de Sarah frappe le mur. Encore et encore. J'ai sursauté la première fois, mais plus pour les suivantes. La curiosité ou peut-être de la fascination morbide fait que je ne peux détacher mes yeux de ce spectacle horrible. Je suis comme hypnotisée par le son et le mouvement. Elle se propulse avec rigueur et précision contre la paroi, une tache rouge apparaît en étoile. Mon esprit se détourne de l'horreur pour dériver sur cette forme presque poétique. Je ne lui viens pas en aide, je sais par expérience que si je me mêle de la situation je serais punie. Quel que soit la raison, la cause, il vaut mieux ne pas bouger.
Karl se jette sur ma voisine, lui fait une clé de bras et l'envoie valser dans les jambes du superviseur. Elle crie, un bruit aigu et continu jailli de sa gorge, ses cheveux se détachent et recouvrent son visage.
- Emmène-la et fais lui une injection de tranquillisant, beugle-t-il pour couvrir ses hurlements.
La salle s'agite, une rumeur se propage, mes autres colocataires se reculent sous la menace des médicaments. Ils craignent subir le même sort s'ils sont trop près de Sarah. Je reste pour ma part dans le flou et le néant. Pas de sursaut, pas de réaction. Seule la menace de la fin de journée me préoccupe, pas ces problèmes, même Karl, ce détraqué qui prend son pied à nous malmener.
*****
Après le repas, nous devons retourner dans nos cellules. Je n'ai pas choisi cet établissement, le manque d'argent, la solitude et mon manque de confiance dans ma santé mentale m'ont amenée ici. L'institut est un vieux bâtiment des années vingt, froid, vieux et sans âme. Certains pourraient plaisanter en disant qu'il a servi dans un film d'horreur, mais je ne serais pas surprise s'il est hanté. Les cris des pensionnaires résonnent dans le vide et les portes claquent sinistrement en se refermant sur nos peurs et notre désespoir.
Je ralentis, mes pieds trainent sur le sol, comme collés au vinyle. Ma cellule se rapproche inexorablement, ma peur augmente, mon cœur bat dans ma gorge, ma vision se rétrécit.
Les monstres viendront, encore une fois, et je ne pourrais rien faire pour me défendre. Encore une fois !
La main sèche et brutale de Karl me pousse entre les omoplates pour que j'accélère le mouvement. Il ne m'aime pas et c'est réciproque.
- Plus vite la Folle !
- Je ne suis pas folle, je lui réponds entre mes dents serrées.
Mon regard le percute et il y voit tout le dégoût et la haine qu'il m'inspire.
- Tu vois encore des monstres, non ? Alors, tu es cinglée.
Il me sourit, fier de sa répartie. Son uniforme le serre aux épaules et au ventre, ses yeux porcins brillent d'une lueur salace. Il maintient une main de façon ostensible sur la matraque attachée à sa ceinture. Il y passe les doigts, la caressant comme si c'était une femme ou son chien. Ce déchet de l'humanité n'attend qu'une chose, c'est que je me rebelle pour l'utiliser. C'est déjà arriver, mais je me suis promis que la prochaine fois qu'il ose me toucher, je trouverai le moyen de lui faire payer. Même si je dois subir la lobotomie.
Car c'est leur menace. Leurs méthodes de travail est rétrograde et d'un autre temps. J'ai eu droits aux électrochocs, aux séances de froids intenses, de douches soi-disant bonnes pour purifier mon âme et mon corps.
Si j'avais su en arrivant ici, comment j'allais être traitée je serais partie en courant. Fuyant loin et vite. Mais je n'ai plus le choix, je dois assumer mes choix et en subir les conséquences. Pas d'argent, personne sur qui compter, aucune confiance en soi.
Karl contourne une table roulante chargée de médicaments, de petits gobelets en plastique et de quelques seringues. Une bouteille d'eau complète le tout ainsi qu'un verre contenant un liquide ambré. Il doit appartenir à un des surveillants car il est fait en verre et pas en une matière non dangereuse. S'il casse, les morceaux pourraient servir d'arme, quelqu'un n'a pas suivi les règles de sécurité. Ma porte s'ouvre et j'y entre à contre cœur. Mon lit, avec sa couverture simple n'est pas si accueillant. Je voudrais être loin et surtout ne pas rester seule pour les heures qui viennent. La nuit sera longue et j'ai l'intime conviction qu'elle sera comme toutes les autres, c'est à dire brutale, effrayante et elle me laissera des cicatrices.
- Dépêche-toi, on a pas toute la journée nous !
Le maton entre à ma suite et pose le gobelet avec mes tranquillisants et mes anti-dépresseurs sur la petite table. Retournant dans le couloir, il me crie :
- Tu les prends sans discuter sinon ça ira mal...
Dès qu'il a le dos tourné j'attrape les cachets et les planque sous le matelas, prend le gobelet et fais mine de boire. Je ne veux pas être diminuée pendant la nuit, il me faut avoir toutes mes facultés pour survivre encore une fois.
- Tu les as avalés ?
Karl revient et me regarde déglutir. Ses yeux se font soupçonneux, il tient le verre en main et boit devant moi. Il n'a rien à foutre du fait qu'il ne respecte pas le règlement, il me nargue. Nous n'avons jamais d'alcool à boire, et je comprends la raison, mais il croit que je vais m'abaisser à baver devant lui. J'ai eu une période où je me suis noyée dans tout ce qui pouvait me faire oublier mes visions, mes cauchemars. Ça n'a duré qu'une année. Je ne toucherai plus jamais à une boisson forte. Ça ne m'a apporté que plus d'ennuis.
Donc, je l'observe boire sans états d'âme, sereine et indifférente. Il grimace et pose son verre près de l'entrée sur un rebord.
D'un pas nerveux et agressif, il s'approche de moi et me pousse. Je tombe au sol, sonnée.
- Tu te crois maligne ? Je sais que tu en as envie et qu'en plus tu penses que je ne sais pas ce que tu caches ? Hein !
Il me relève en empoignant mes cheveux, je crie sous la surprise et la douleur. Me repoussant contre le mur, il retourne le matelas et les couvertures et découvre de ce fait mon geste. Les petites gélules sont bien visibles.
- Ah ! Tu vas le regretter, pétasse !
Je serre les bras autour de moi, baisse la tête mais pas les yeux. Je ne me laisserai pas faire s'il décide de me frapper. Il a déjà porté la main sur moi, et sur d'autres pensionnaires aussi, c'est un pervers maniaque. Il adore effrayer et maintenir les plus faibles sous sa domination.
Ses doigts chopent les médicaments et agrippent mon poignet. Me faisant un clé de bras, je tombe à genou sous la pression exercée.
- Ouvre ta bouche et prends ces foutus cachets, sinon tu vas aller en salle de confinement.
Mon dernier souhait est de me retrouver enfermée dans cette pièce. Sans fenêtre, sans rien sauf les démons et moi. Si je n'ai pas de chance, je pourrais même être maintenue dans une camisole de force et je ne pourrais pas me défendre face à leurs attaques.
En désespoir de cause, j'ouvre la bouche et le laisse fourrer les médicaments dedans. Il me tire les cheveux pour que ma tête parte en arrière et me fait avaler ceux-ci avec son verre de whisky. Je m'étrangle, étouffe presque, mais je ne recrache rien, il en serait trop content.
- Voilà, tu vois comme tu peux obéir quand tu veux, me flatte-t-il en me tapotant la tête comme un chien.
Les larmes aux yeux, je le vois partir et claquer la porte. Salopard de merde. Il me le paiera un jour.
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