J'ouvre les yeux et me retrouve dans un tunnel blanc, lumineux. Tout y est serein et calme. Mais la peur d'être attaquée, blessée et maltraitée est toujours présente. J'ai passé ma vie à craindre de m'endormir.

Dès que je me suis retrouvée dans un lit, obligée à clore les paupières, les démons se sont précipités pour me torturer. Je n'aurais jamais la conscience tranquille. Comment me détendre et faire de beaux rêves en étant sur mes gardes et en ne pensant qu'aux horreurs qu'ils vont commettre ?

- Tu vois ce couloir ? me demande Damabiah, il représente le chemin que tu dois parcourir pour arriver dans un monde à part. Un autre plan d'existence. La lumière au bout n'est pas la mort ou le paradis comme beaucoup d'humains le pensent. Si tu observe bien, plisse les yeux, ... oui, voilà. Tu vois ? Là au centre ?

J'obéis et l'ombre générée par mes paupières et mes cils aident pour me focaliser. Je discerne difficilement non pas une lumière brillante, mais plusieurs. Elles sont superbes, pleines de beauté et ... je me sens tirée vers elle. Comme si un fil, un... cordon ombilical me joignait à elles.

- Elles ... Ce sont des étoiles, je lui réponds.

- Si tu regardes bien, tu verras qu'elles sont identiques à ta marque de naissance, ce sont les cinq étoiles de ta constellation.

En effet, elles sont en W et brillent de mille feux. Mon corps, qui me semble léger et dématérialisé flotte, subissant une attraction de leur part. Ma vitesse augmente comme le rythme de mon coeur.

- Damabiah ? je crie, affolée.

- N'aie pas peur, tu vas juste où tu es censée te trouver. C'est ton destin.

La lumière m'englobe et je me cache le visage de mes bras pour me protéger de la clarté et de la peur de me fracasser contre je ne sais quoi. D'un seul coup, tout s'arrête, mes pieds se posent sur un sol ferme et un vent léger souffle dans mes cheveux. Mon corps crispé dans l'attente d'un choc finit par se détendre.

- Où sommes-nous ? je demande inquiète.

- Dans tes songes. Tu ne risques rien ici. Tout ce qui se passe autour de toi n'est qu'éphémère. Tu n'auras jamais de souffrances à subir, de craintes à avoir.

La voix de Damabiah est redevenue céleste. Ses intonations sont comme de l'eau qui éclabousse joyeusement les feuilles des plantes. Claire, limpide et cristalline. Elle offre joie et paix. Je me retourne et le vois près de moi à surveiller mes réactions. Son aura angélique l'entoure et brille comme un petit soleil, ses ailes blanches aux pointes bleues clair se déploient derrière lui et frémissent sous le doux vent qui souffle.

Je le laisse et observe mon environnement. Le sol semble ferme sous mes pieds, nous sommes dans un jardin et je reconnais des éléments appartenant à celui du Manoir. Les statues, les bosquets, mais le château n'est pas présent. Il y a un lac paisible et des fleurs. Le soleil est haut dans un ciel bleu nuit. Je vois des étoiles et des constellations, même une galaxie en spirale.

C'est beau, mais déstabilisant, car j'ai l'impression d'être dans un tableau surréaliste. La nuit et le jour se côtoient, il fait clair et en même temps la nuit se cache dans les ombres et le firmament. Un sentiment de malaise s'empare de tout mon être. Mon cerveau a du mal à comprendre ce que mes yeux découvrent.

Je fais quelques pas puis me stoppe, la peur me coupe de mon courage. Mon audace est déjà morte, depuis longtemps écrasée sous les coups des démons de mon enfance.

- Je suis avec toi, me murmure l'ange. Ce que tu vois, ce que tu touches, respires, est inoffensif pour toi. Tu as le pouvoir. Tu crée la vie, tu peux faire de grandes choses comme de minuscules. Mais n'oublies pas, ce sera le miroir de la réalité. Transposé, agrandit, sublimé pour devenir l'inspiration des Rêveurs qui la transmetteront aux humains. Tu ne dois pas apporter tes peurs, tes colères, sinon tu entacheras ce monde.

- Comment faire pour ça ? Je suis moi aussi humaine, avec mes faiblesses et mes défauts.

- La première chose est d'avoir confiance. Dans ce plan, tu es en sécurité. C'est toi qui décides, qui est la mère de toute vie. Si par exemple tu décides qu'un tigre serait le bienvenu, il apparaîtra, mais jamais il ne t'agressera.

- Et comment je fais ça ? Je ne connais rien à la création ?

Il tend un doigt vers le ciel, en direction de la constellation de Cassiopée. Les cinq étoiles scintillent de mille feux, formant un W allongé. Elles sont magnifiques. Je me sens attirée par elles.

- Écoute, m'ordonne-t-il d'un ton impérieux. Tu entends leur chant ? Cette mélodie qui te parvient, qui te berce depuis ta naissance et que tu fredonnes quand tu es triste ? Elle prend naissance au milieu de la constellation dont ton nom est tiré. Cassie ! Tu es l'enfant de l'Univers. Ecoutes.

Je me laisse aller au rythme doux qui m'englobe. Mon corps se détend et mon coeur frémit, reconnaissant cette musique. Oui, je les entends. Elles m'appellent, me parlent et m'accueillent. C'est comme de rentrer à la maison, un sentiment d'acceptation et de sécurité que je n'avais jamais connu jusqu'à présent.

Mes genoux lâchent et je me retrouve à terre, les doigts dans l'herbe douce et humide. Les larmes de bonheur qui coulent sur mes joues tombent sur mes mains et glissent vers la terre meuble. Je n'arrive pas à parler ni même formuler une réflexion cohérente. C'est trop.

Comment j'arrive à ressentir un tel bonheur seulement grâce à des étoiles ?

- Parce que tu es une partie des ces fragments de la Création, tu as dans le coeur et dans ton âme l'esprit de ces étoiles.

Damabiah m'a répondu, semblant lire dans mes pensées, mais je ne m'étonne plus de ces manifestations de pouvoir angélique.

- Ton corps repose dans ton lit, au Manoir. Il est protégé par les Gargouilles. Si tu ressens un malaise ou une douleur, tu dois surtout te réveiller. Il est peu probable que ça arrive,mais je dois te prévenir. Si à un moment, nous sommes attaqués et que tes gardiens tombent, le seul moyen pour toi de survivre c'est de reprendre conscience et de te battre.

Un frisson dévale mon échine. Une peur familière revient mordre et déchiqueter ma toute nouvelle quiétude. Le risque que prennent les Gargouilles pour me protéger est énorme. J'ai des scrupules à me cacher derrière eux. En plus, D'Arkho ne reculera devant rien pour me servir de bouclier.

- Ce ne ne sont que des paroles de précautions. Je suis certain que tu es à l'abri de tout danger.

Je suis prête à me battre, à devenir forte pour que personne ne se sacrifie pour moi. Et c'est maintenant que ça commence. Je serai celle qui se battra à leur cotés et non se cachera comme une froussarde.

- Comment me réveiller ? Et vite en plus ?

- Il te faudra te créer une sortie de secours.

Facile à dire, merci. Je regarde autour de moi et me demande comment procéder ? Devrais-je avoir une sorte d'instinct qui me guiderait vers la solution ?

Damabiah comprend mes craintes, car il vient poser sa main sur mon épaule. Une sensation de bien-être m'envahit, une douce chaleur vient combler les creux en moi.

- Il te suffit de penser à ce que tu désires, il apparaîtra.

Je me concentre et imagine une porte devant moi. Mon esprit s'affute, les détails prennent vie dans ma tête, mais malgré cela rien de devient réel. Rien ne devient tangible. Je continue à me fixer sur une image d'une porte, en bois avec une poignée en laiton qui brille doucement. La couleur du matériau s'éclaircit et prend une teinte cérusée, une oeilleton se colle au milieu.

Une douleur vrille derrière mes yeux aux paupières crispées. Je tente de diminuer ma respiration, de calmer mon coeur. J'ouvre mon esprit, prie après cette sortie qui pourra me ramener vers la vie réelle. Mais non... rien n'est devant moi quand je cesse mes efforts et entrouvre les yeux.

- Ca ne fonctionne pas, je me plains en gémissant presque.

- Tu as peut-être besoin d'un support?

Le seul fait d'en parler me donne des picotements dans les doigts. Comme si du tréfond de mon esprit, une voix me murmurait que c'est la solution.

- Quel genre de support ? je lui demande le souffle coupé par ce sentiment d'expectative.

Il va me parler de quelque chose qui va bouleversé ma vie. Encore une fois !