Chapitre 6. Cassie.
J'ouvre précipitamment les yeux. La sensation de chute, le cœur qui part en vrille et les sueurs froides m'ont réveillée en sursaut. Le noir m'enveloppe, me redressant, je jette un œil aux alentours pour percer les ténèbres. Ma vision doit s'habituer à ce manque de luminosité, et le temps, même court, qu'elle prend pour le faire me paraît infini. Respirant par la bouche pour capter plus d'oxygène, je suis en pleine panique. J'en suis consciente et tente de la réfréner.
J'ai dormi ! Les draps glissent sous mes doigts et je les repousse pour inspecter mon corps, pour connaître l'étendue des dégâts occasionnés pendant mon inconscience. A part un bandage très fin autour de mon poignet, je n'ai visiblement pas de traces de coups, griffes, bleus ou autres marques habituelles. Les démons ne sont pas revenus me harceler pendant mon sommeil artificiel induit par ce... cet... ange ?
Combien de temps ai-je passé dans les limbes ? Je n'aime pas ce sentiment de non-contrôle. Ne pas connaître les réponses à mes questions les plus basiques me fait grincer des dents. Je veux être maîtresse de mon corps, de ma vie. Cet ange est meilleur qu'un somnifère puissant. Comme le Propofol que les infirmiers m'injectaient contre mon gré et en dépit de mes supplications. Ne pas pouvoir dire non, ne pas avoir le choix, je ne le supporte plus.
La pièce est grande, avec une température agréable. Le lit est large, le matelas pas trop dur, les draps sont d'une qualité très au-dessus de mes moyens. Je n'ai jamais touché une telle douceur. Le poids des couvertures apaise mes angoisses en me donnant un effet de présence chaleureuse. De grandes portes-fenêtres entrouvertes sur une terrasse et les rideaux blancs semi-opaques volant sous le souffle d'une brise légère et chaude attirent mon attention sur l'endroit même où je me trouve. Il fait chaud à l'extérieur, ce n'est pas la nuit fraîche du Nebraska. Mais où suis-je ? Comment suis-je arrivée ici ?
Un bruit de grincement se fait entendre. C'est presque inaudible. Mon muscle cardiaque reprend du service et se met en mode alerte. Tentant de maîtriser ma respiration pour mieux entendre, je fixe ma concentration sur l'origine de ce son.
Là... encore !
Ma gorge se serre, des frissons dévalent mon dos. Je scrute frénétiquement les ombres. Dénombrant tout : les meubles de bonnes factures, les sièges en cuir à l'air confortable, la cheminée vide de flammes et lugubre, le portemanteau, la garde-robe. Tout est susceptible de cacher la menace de mes démons. Ils m'ont suivi partout depuis mon enfance. Ils m'ont toujours retrouvée. Et à chaque fois, leur hargne a été décuplée de m'avoir perdue quelques jours ou quelques heures.
Encore un grincement suivi d'un frottement.
Ça recommence, je suis à nouveau dans la même situation. J'allais réussir à me libérer en m'ôtant la vie et ces inconnus sont intervenus. Je ne leur avais rien demandé. Ils ont gâché toutes mes chances d'en finir avec ces monstres, avec cette vie insupportable. Je les hais ! Pourquoi s'immiscer dans mes malheurs, si c'est pour me laisser tomber directement ?
Des cliquetis résonnent dans le silence. Mes yeux agrandis au maximum sondent chaque centimètre carré à la recherche d'indices. Ils inspectent et fouillent. Je suis à la limite de m'évanouir par manque d'oxygène. Mes doigts se crispent, ma poitrine se contracte. L'angoisse et l'anxiété me tourmentent.
Je ne voulais plus vivre dans les affres de la peur, étouffée par les tentacules de l'épouvante. Ils m'ont abandonnée à mon sort, dans cet endroit inconnu. Si les démons attaquent, je crierai. Peut-être que l'ange reviendra, qu'il ne me laissera pas souffrir inutilement. Qu'il aura pitié de moi !
Là ! Dans le coin près de la fenêtre, je perçois un mouvement. Mon cœur rate un battement et mon estomac se retourne. Une silhouette se balance d'avant en arrière. Dans un instant, elle bondira, me sautera dessus, me déchiquettera, lacérera ma peau, se gorgera de mon sang.
Je me fige, il faut en aucun cas attirer son attention. Mais l'effroi et cette terreur continue ont raison de moi et je gémis. Je serre les paupières de toutes mes forces, ne voulant pas repérer celui qui va fondre sur moi dans quelques secondes. Je préfère ne plus voir leur difformité, leur horrible face, leurs crocs aiguisés et leurs yeux rougeoyants.
Soudain, quelque chose se pose sur mon épaule, me faisant crier. Mon instinct de survie prend le dessus et tente de me mettre hors d'atteinte de ce contact. Il faut que je m'éloigne, que j'échappe à la future douleur.
Au travers de mes cris et pleurs, une voix essaie de communiquer.
- Ça suffit Cassie !
Des bras me clouent au matelas, des mains m'empoignent et m'entravent.
- Tu es en sécurité.
Je ne veux plus, je suis perdue trop loin dans la peur.
- Personne ne te fera de mal.
Je n'ai jamais eu de démons avec une voix ressemblant à une femme. Je ne sais plus rien, ne comprends plus rien.
- Regarde-moi, tu comprendras ton erreur.
Je ne veux pas obéir, ne la fixerai pas, c'est un piège, j'en suis certaine. La panique supplante tout.
- Damabiah ! Damabiah ! J'ai besoin de vous, crie mon agresseur.
Quoi ? Qui appelle-t-elle ?
- Cassie, tu es hors de danger, à l'abri.
Le timbre harmonieux de l'ange stoppe net mes cris et mes larmes.
Ma respiration est superficielle, mes oreilles bourdonnent et mes tempes battent follement et douloureusement. Je décolle mes cils en entrouvrant les paupières. Il est là, penché vers moi, son visage dénotant compassion et un peu d'inquiétude envers moi.
- Vous arrivez juste à temps, je ne savais plus quoi faire ! Je ne pouvais pas l'assommer quand même.
- J'ai fait au plus vite. Merci d'avoir veillé sur son repos, répond-il en se détournant pour saluer celle que j'ai confondue avec un démon.
- Elle a subi tant de traumatismes... que de simples ombres et du bruit et elle est devenue...
- Je ne suis pas folle, la coupé-je.
Mes cordes vocales brisées n'offrent plus qu'un faible grincement de voyelles et consonnes, mon souffle court n'aidant pas non plus.
- J'allais dire, ingérable et inconsolable ma toute belle, précise la dame.
Je me tourne vers elle, cette femme qui était là pour moi, à veiller sur mon sommeil dans un... - je vérifie son siège - dans un rocking-chair en tricotant paisiblement pour combler l'attente. J'ai pris cette femme d'une quarantaine d'années pour un monstre. J'en suis mortifiée, gênée comme jamais. Le peu de chaleur qui reste dans mon corps migre vers mes joues, je suis persuadée de rougir. Ça ne m'est plus arrivé depuis mon enfance.
- Hem... désolée.
- Voyons... Pas de ça entre nous. Vous avez été victime si souvent d'attaques, je comprends votre désarroi.
Ce mot ne convient pas à mon état d'esprit. Il est très en dessous de la réalité, mais je suis trop vidée pour argumenter. Le fait qu'elle semble être au courant et ne pas mettre en doute mes sentiments me déstabilise. Qu'il est étrange d'être comprise !
L'ange s'assied près de moi sur le lit et me prend la main.
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