Chapitre 4. Cassie.
Des voix dans le couloir résonnent. Pas très discrètes, bien que ce soit la nuit et que le couvre-feu soit d'application depuis plus de deux heures. Elles m'indiffèrent, mes paupières se font lourdes.
- Voilà, nous sommes arrivés.
Je reconnais les intonations du docteur Vasseur. C'est bizarre, ce vieux schnock n'est jamais présent le soir. C'est bien en dessous de sa condition de devoir faire des gardes. Que vient-il manigancer ?
- Bien... maintenant, vous allez ouvrir cette porte et nous laisser l'emmener.
Oh, quelle douceur, quelle plénitude dans cette voix ! Je ne sais pas à qui elle appartient, mais je voudrais l'écouter jusqu'à mon départ. Ce serait mon cadeau, comme un bienfait pour les quelques derniers instants qu'il me reste.
- Mais... mais non ! Ce n'est pas prévu ! Je vais appeler les gardes.
Je ne comprends pas pourquoi il est là ? Seul, sans infirmiers ou surveillants ?
- Non, vous n'allez rien faire. Vous ouvrez cette serrure et vous repartez à votre bureau.
Il y a un flottement et ma curiosité emporte ma lassitude. Je me pose des questions sur cet inconnu. Qui peut se permettre de donner des ordres au médecin en chef de l'hôpital ?
- Pourquoi ferais-je cela ?
Il est indigné, et sur la défensive.
- Parce qu'on vous le dit et vous allez même oublier notre venue.
Ah, quelqu'un d'autre est présent. Il parle avec un accent, un peu anglais, une pointe différente de ce que je connais. Le timbre est grave, profond, tout le contraire du premier qui est doux, chantant et apaisant.
- Certainement pas, voyons !
Je ne l'apprécie pas, il n'écoute que ses propres paroles. Mais j'espère qu'ils ne lui feront pas de mal, car personne ne mérite de souffrir. Et ces quelques mots contiennent une certaine brutalité et une menace sous-jacente.
Des tremblements commencent à agiter mes bras et mes jambes. J'ai froid, je suis engourdie. Bientôt, je fermerai les yeux à jamais. Mon inquiétude pour son sort s'effrite avec mon énergie.
Une lumière aveuglante apparaît subitement. Elle passe à travers tous les interstices existants : la serrure, le contour du battant, la petite fenêtre qui sert à la surveillance des patients. Elle brille de mille feux, éblouissant mes rétines habituées à la pénombre. Sa blancheur est immaculée et elle repousse les moindres ombres de ma cellule.
Les monstres reculent, sifflant leur peur et leur rage. Ils hurlent et crient leur haine envers cette lueur. Je me redresse péniblement, mes forces m'ont quitté et rendue faible.
- Que...
- Rentrez chez vous, oubliez notre présence, nos visages et nos noms. Rentrez et soyez heureux.
Oh ! Moi aussi, je voudrais que cette voix me dise des paroles bienfaisantes.
La porte de ma chambre s'ouvre et deux silhouettes apparaissent dans l'encadrement. L'une émet encore de la lumière. Elle provient de l'intérieur de cet inconnu, douce, chaude, rassurante, comme son regard. Il donne envie de se fondre dans ses bras, de rechercher la sérénité, l'harmonie et l'apaisement de son âme. Il rayonne et son aura me murmure sécurité et quiétude. Je me détends plus que je ne l'ai jamais été. Je ressens le bonheur.
Le deuxième inconnu se déplace et vient au pied du lit. Je détourne difficilement les yeux pour le regarder. J'ai appris assez brutalement qu'il faut se méfier de tout et de tout le monde. Ne jamais donner sa confiance sans preuve.
Il est imposant, brut et a l'air très en colère. Ses sourcils sont froncés et sa bouche pincée. Brun de cheveux avec une crête, il est rasé sous l'oreille. Portant un t-shirt à manches longues, trop serré sur ses muscles bien dessinés. C'est une force de la nature, une véritable armoire à glace. Ses yeux noirs parcourent mon corps et inspectent les moindres millimètres de ma peau. J'ai un mouvement de recul. Je n'y peux rien, il m'effraie. Il tend la main vers moi en grognant, je tente de m'échapper, ses paroles ne m'arrivant qu'avec un temps de retard.
- Dam ! Elle saigne, elle se vide de son sang !
Son inquiétude se marque sur ses traits et il se jette sur moi. Roulant le plus loin possible, je tombe et me traîne vers le coin entre le matelas et la table de chevet. Me mettant en boule, j'évite ses mains qui se dirigent vers moi, je le griffe et le repousse.
- Mais arrête !
- Laissez-moi tranquille !
- On est ici pour toi. On ne te fera pas de mal.
Je vois son bras à ma portée et j'en profite pour lui infliger un coup bas. Mes mâchoires entrent en jeu et je referme les dents sur sa peau.
- Aïe, elle m'a mordu !
Il entame un mouvement vif et violent, qu'il stoppe subitement. Il retient difficilement ses instincts agressifs. Il est rude et irascible, grondant entre ses dents. Mon énergie apparue avec l'adrénaline due à la panique me quitte rapidement. Je ne sais pas résister à ses mains, mes gestes ralentissent et se font sans conviction.
- Vous me faites peur, vous allez me faire du mal !
- Quoi ? Dam, dis-lui que je ne lui ferai rien.
Il se recule, surpris et choqué en comprenant que je pense ça de lui.
- Voyons, laisse-le t'approcher, il ne veut rien de plus que d'arrêter les saignements.
La voix de cet homme me déstabilise et me donne envie de baisser les bras. Il attire mon regard par sa lumière qui revient. Je souris alors que je désire crier. Une main forte et bien plus grande que la mienne se pose sur mon bras et recouvre la plaie grande ouverte. Il appuie vigoureusement, me tirant un gémissement de douleur.
- Désolé, me dit-il d'un air bourru.
Ma tête me tourne, les hormones du danger qui me soutenaient me quittent et je me sens partir. Des étincelles apparaissent dans mon champ de vision, un grand froid m'envahit et des frissons se répandent sur ma peau.
- Merde, Dam, on la perd, elle s'est vidée de ses forces.
Il déchire une de ses manches et s'en sert pour me faire un pansement de fortune. Il serre le tissu si fort que je murmure que j'ai mal. Mes yeux papillonnent et se focalisent sur les tatouages tribaux qui recouvrent la peau désormais découverte de son bras. Ma vision se trouble.
- Viens, on s'en va et je m'occuperai d'elle dans la voiture.
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